Capocchio a écrit 5 commentaires

  • [^] # Re: Si vous comptez vous rendre en Belgique...

    Posté par  . En réponse au journal Si vous comptez vous rendre en Belgique.... Évalué à 1.

    Addendum :

    Le petit alinéa sur la période espagnole visait à contester l'idée même d'une influence récente de la langue de Cervantès sur le français du Nord.

    Mais, quant au fond, le verbe espagnol «callarse», signifie «se taire» et non «s'asseoir».

    D'où tenez-vous que «caïelle» (ou «cahielle» ou «cahière») viendrait de l'espagnol ? L'origine la plus vraisemblable n'est-elle pas celle du latin «cathedra», qui a donné «chaière» (XIème), puis «chaire» et «chaise» ?

    Je suis impatient de lire vos explications.

    Bien à vous,
    Capocchio
  • [^] # Re: Si vous comptez vous rendre en Belgique...

    Posté par  . En réponse au journal Si vous comptez vous rendre en Belgique.... Évalué à 1.

    Monsieur Fouyaya,


    En Flandre française, la principale influence dialectale non francophone n’est certainement pas l’anglais mais, comme il se doit, le flamand. «Wassingue» (pour ne prendre ici que l’une des trois graphies de ce mot) ne vient donc pas de l’anglais «to wash» mais bien du flamand «wassen».

    C’est d’ailleurs par l’intermédiaire du parler de la Flandre française que certains mots flamands sont passés dans le français général, tels que «bélandre», «beaupré», ou «cabillaud».

    Quant au mot «caielle», il n'a pas été apporté entre le XVIIème et le XXème siècle par les immigrés espagnols venus travailler dans les mines de charbon. La Flandre a été une possession espagnole de 1516 à 1713.

    Puisque le sujet vous intéresse, voici quelques mots dialectaux du nord de la France provenant du flamand. Affaler : descendre (afvallen), alouan : mouffle de matelot (half-want), alle : anguille salée (aal), ardant : tadorne (ardeend), bading : corde qui relie les flottes au câble bordant les filets (binden : attacher), bauke : poutre (balk), bauwe : solive d'un flanc à l'autre du bateau (bouw : charpente), bélande ou bélandre : chaland (belanden : aborder), binder : attacher (binden), blaquer : fumer la pipe (blaken : brûler), bopraye : beaupré, mât du foc (boegspriet), bourcet : grande voile (boegzeil), bracque : écueil (braak), buquer : frapper (buken), buise : tuyau de cheminée (buis), captennes : filets déchirés (kappen : couper), dog : dock (dok), draige : filet de pêche (dregge), drife : dérive (drijven), dringuer : heurter (dringen), dunne : dune (duin), dwèle : serpillière (dweil), dwéler : laver avec une serpillière (dweilen), ébe : marée descendante (eb), écope (schop : pelle), écraper : gratter (schrappen), écore : comptage du poisson (scoren), écorage, écorer (scoren), écoreur (scorer), élinguer : jeter (slingeren), énar : corde (snaar), énette : cane (eend), éplinguer : éclabousser (springen), escope : sorte de pelle servant à ramasser le hareng (schop : pelle), étombir : engourdir (stompen), étoquer : s'étrangler (stokken), flaquer : couper et mettre à plat une morue (vlakken : aplatir), flauwe : faible (flauwe), flobard ou flobart (vlotbaar : «flottable», petit bateau), flot : marée montante (vloed), foc : voile d’avant (fok), foyus : fête de départ à la course (foyehuys), fraice : frais (fris), frégard : terrain public près du port (vrijgaert), garnade : crevette (garnaet), gatte : passe (gat), gringue : grimace (grijns), habe : port (have), huaise : corde de manne (wisse), incaquer : ranger des poissons dans une caisse (kaken), cabillaud : morue (kabeljauw), kake : tonneau de hareng (kaak), kakestête : mâchoire de morue (kakestik), karer : éviscérer (kaken), kakeur : homme qui éviscère, aiglefin (schelvis), kaye : quai (kaai), kinntous : coqueluche (kinkhoest), kile : quille de bateau (kiel), mande : panier (mand), mauwe : gabarit (mal), minder : baisser le filet (minderen), minke : halle de la criée (minke), moke : tasse à boire (mok : aiguière), nauwe : mauvais (nauw : offensant), oman : maman (orna : grand-maman), pèke : saumure (pekel), pèksale : pêche au maquereau avec salaison à bord (peleken : saler), pinte : mesure de capacité de moules (pint), pluquer : chipoter (pulkeren), pote : grand panier à poisson (bote), povère : pauvre (pover), ra : endroit où dorment les matelots (ra vergue), rabin : noeud qui ferme le cul du chalut (raband), ralingue : cordage (raleng), reupe : rot (rup), rime : gelée blanche (rijm), faire sin rinkinkin : se rebiffer (rinkinken : faire du bruit), rôle : liste des noms d'un équipage (rol : registre), rouf : abri sous le pont d'un bateau (roef), sore : roux, jaunâtre (soor : jaune brun), soret : hareng fumé (zoor : desséché), tercq : goudron (teer), trale : chalut (treil : cordages), traler : chaluter (treilen : virer), waze : vase de mer (wase), wassingue : serpillière (wassen : laver), zèpe : savon mou, savon noir (zeep :savon).


    Bien à vous,
    Capocchio.
  • [^] # Re: Si vous comptez vous rendre en Belgique...

    Posté par  . En réponse au journal Si vous comptez vous rendre en Belgique.... Évalué à 1.

    Errata et corrigenda :

    Au cinquième alinéa en commençant par la fin, c'est par erreur que 1269 a été écrit. Corrigez par : 1279 («mil cc sissante dis et nuef»).

    Et, dans l'ensemble du message, il fallait écrire «vicésimale» (comme à l'alinéa 10), et non «vicémale» (comme aux al. 12 et 15) ni «vicimale» (al. 16).

    Ce sont sans doute là des illustrations, bien involontaires, des méfaits de cette numération. En 1945, le Ministère de l'Éducation nationale avait d'ailleurs recommandé à tous les instituteurs de France d'abandonner les derniers vestiges du système vicésimal. Sans succès.
  • [^] # Re: Si vous comptez vous rendre en Belgique...

    Posté par  . En réponse au journal Si vous comptez vous rendre en Belgique.... Évalué à 1.

    Monsieur Tramo,

    Je crains que vous ne commettiez trois erreurs en un seul mouvement : considérer comme seul français l’usage que vous connaissez, le considérer comme seul élégant, et l’attribuer au monde entier. Pour le dire gentiment, vous vous montrez le digne héritier de La Bruyère, qui affirme dans la préface de ses «Caractères » que l’observation de la cour de France vaut pour le genre humain tout entier, et qu’il n’est donc pas nécessaire de quitter Versailles pour avoir sur toute chose une opinon avertie.

    À vous lire, on pourrait croire en effet que l’usage en France a toujours été ce qu’il est devenu depuis deux siècles seulement. De plus, vous affirmez que soixante-dix, quatre-vingt et quatre-vingt-dix sont beaucoup plus élégants que septante, huitante et nonante, et qu’au demeurant c’est ainsi que l’on s’exprime en espagnol et dans les autres langues latines (si par la périphrase «le français se rapproche plus des langues latines» vous avez bien voulu dire «le français de France se rapproche plus des langues latines»).

    Voilà qui réclame quelques corrections.

    Commençons par les choses simples : la façon dont on compte dans les autres langues latines. Par souci de brièveté, on limitera le rappel au latin, à l’italien, à l’espagnol et au portugais.
    En latin on dira sexaginta (60), septuaginta (70), octoginta (80), nonaginta (90). Notons que le latin est moins simple qu’il n’y paraît puisque certains nombres se disent de deux façons. Par exemple 99 se dit nonaginta novem ou undecentum (qu’on pourrait traduire par «cent moins un»).
    En italien nous disons sessanta (60), settanta (70), ottanta (80), novanta (90). En espagnol, sesenta (60), setenta (70), ochenta (80), noventa (90). En portugais, sessenta (60), setenta (70), oitenta (80), noventa (90).
    Pour la petite histoire, à Malmedy (en Belgique), on peut entendre: soixante, septante, ottante, nonante.
    De ce rapide tour d’horizon, nous pouvons déjà conclure que l’actuel usage hexagonal est isolé au sein des principales langues latines. S’il est élégant (comme vous le croyez, Monsieur Tramo), il doit s’agir d’une élégance rare, qui a dû échapper au reste du monde latin.

    Cet isolement est-il général, ou rencontre-t-on dans d’autres langues la curieuse numération vicésimale (c’est-à-dire en base 20) ? Elle est d’un emploi général en basque ; on la rencontre aussi en breton, en danois et dans les langues caucasiennes.
    Une mienne amie, compatriote de Paul Auster, se moquait récemment devant moi du ridicule «quatre-vingts» usité en France, en Belgique, et dans les anciennes colonies de ces deux pays. Pour me faire l’avocat du diable, je l’ai mise au défi de me réciter le début de la Gettysburg Address, ce discours prononcé en 1863 par Lincoln sur le champ de bataille de Gettysburg, discours fondateur, dit-on, de la nation américaine, et que tous les petits écoliers américains doivent apprendre par cœur. Elle s’exécuta et s’interrompit bien vite : «Four score and seven years ago ...» («Il y a quatre vingt et sept ans d’ici, ...»).
    Le mot «score» («vingt» en vieil anglais) est ici employé pour compter selon la numération vicémale, qui, en anglais comme en français, provient du celte (comme le rappelle pertinemment Gyhelle, avec une légère approximation).

    Selon cette numération (comme le dit Wismerhill, qui ne recule pas devant l’anglicisme «consistant»), 30 se dit vingt-dix ; 40, deux-vingts ; 50, deux-vingt-dix ; 60, trois-vingts ; 70, trois-vingt-dix ; 80, quatre-vingts ; 90, quatre-vingt-dix ; 100, cinq-vingts ; 120, six-vingts ; ... 300, quinze-vingts.
    À propos de Wismerhill, il faut corriger l’un de ses arguments. Il part en effet de l’idée que l’emploi des chiffres arabes commande nécesssairement la numération décimale. Pourtant, on peut parfaitement employer les chiffres arabes dans d’autres bases : nos ordinateurs comptent en base 2 et en chiffres arabes. Et, depuis Babylone, il y a 60 secondes dans une minute et 60 minutes dans une heure : cela n’empêche pas nos horloges d’afficher des chiffres arabes ou romains. Ce que veut sans doute dire Wismerhill,c’est qu’au-delà de la base 10, les chiffres arabes doivent être complétés d’autres signes, qui viennent séparer le rang des unités, celui des bases, des carrés, celui des cubes, etc. Par exemple, pour donner l’heure en base soixante (comme c’est l’usage), on peut commodément employer le deux-points pour séparer les secondes, minutes, et les heures (13:31:45). La même remarque vaut pour les chiffres romains : au Moyen-Âge en France, pour écrire 138, on écrivait VI.XX.XVIII (ou VI XX XVIII) et on prononçait six-vingt-dix-huit.

    Notons l’incohérence de «soixante-dix», qui mélange la numération décimale («soixante» et non «trois-vingts») et la numérotation vicémale («60-dix» et non «septante»). Cette confusion est ancienne : on la rencontre déjà dans les archives administratives de la ville de Reims en 1269 («mil cc sissante dis et nuef»). Elle a traversé les siècles et elle a désormais établi son empire sur la population de l’Hexagone.

    La numération vicimale, d’origine celte, et la décimale, d’origine latine, ont coexisté en français jusqu’en 1820 environ. En témoignent le nom de l’hospice que Saint-Louis avait fait construire en 1254 à Paris pour qu’y soient soignés 300 soldats revenus de Croisade en y ayant perdu la vue : le fameux Hôpital des Quinze-Vingts.

    On trouve «vingt-dix-neuf ans» (39) dans les registres de l’état civil de Saint-Jean de Beugné en 1813, «trois-vingt-dix» (70) dans des registres paroissiaux du Mus, en 1692, «quatre-vingt» (80) chez Pascal, «quatre-vingt-dix» (90) chez Voltaire; «six-vingt» (120) chez Racine, Fénelon et La Bruyère, «XII vins» (240) et «XIIII XX »(280) chez Joinville (XIIème siècle) ; «treize vingt et douze» (272) chez Le Roux de Lincy (XIIème siècle).

    On trouve «septante» chez Molière (Le Bourgeois gentilhomme, III, 4) et chez Bossuet ; «huitante» chez Castil-Blaze (première moitié du XIXème) et dans des lettres royales du XIVème siècle ; «nonante» chez Voltaire (qui, comme on l’a dit ci-dessus, employait aussi «quatre-vingt-dix»).

    Tout cela relativise beaucoup vos protestations de bon goût et d’élégance, Monsieur Tramo.


    Bien à vous,
    Capocchio.
  • [^] # Re: Si vous comptez vous rendre en Belgique...

    Posté par  . En réponse au journal Si vous comptez vous rendre en Belgique.... Évalué à 1.

    Monsieur Manchot,


    Vous vous étonnez que «Bruxelles» se prononce «Brussel» et non «Bruksel». Me permettez-vous de vous demander combien font 30 et 30 ? «Soissante» ou «soiksante» ?

    En vérité, vous négligez que le français, contrairement à l’italien, donne aux lettres des prononciations très variables. Ne prenons que l’exemple que vous avez choisi pour cible : la lettre X.

    1.- Elle se prononce KS dans les mots suivants : axe, taxe, Ixelles, xylophone, xénophobie, Xertigny, Xaintois, Aix, extraordinaire.

    2.- Elle se pronce SS dans les mots suivants : soixante, Bruxelles, Auxerre, Xaintrailles, Xerxès (2ème x), Auxois, Auxonne.

    3.- Elle se prononce GZ dans les mots suivants : exercice, examen, exécrable, xanthie, Xerxès (1er x), exutoire, exécrer les exécutions.

    4.- Elle se prononce K dans le mot suivant : xérès (selon l’Académie).

    5.- Elle se prononce Z dans les mots suivants : deuxième, dixième, sixième.

    6.- Elle ne se prononce pas dans les mots suivants : deux, aulx, eaux.


    Bien à vous,
    Capocchio.