gcall a écrit 1 commentaire

  • [^] # Re: Dogville

    Posté par  . En réponse à la dépêche Dogville. Évalué à 1.

    ce film est un film nazi.

    tout le film est construit comme une démonstration pour arriver à la conclusion suivante : les déshérités sont des ordures qu'il faut éliminer. je suis arrivé à cette conclusion sur le film juste une seconde avant le générique, et les images montrées me sont apparues exactement telles qu'elles étaient employées par les nazis pour justifier leur actes : regardez ces pouilleux qui ne méritent pas de vivre !

    il y a plusieurs ressorts de la démonstration :

    1) ce qui se passe dans la tête de la pauvre petite, qui nous amène à comprendre de l'intérieur pourquoi les minables méritent d'être exterminés : tu viens gentiement leur apporter la fragile beauté, gratuitement, et ils te mettent en esclavage avant de te vendre. bien sûr, c'est pas vraiment leur fautes, les pauvres, si ils n'ont pas ce sens inné du beau que seuls les maîtres du monde ont à leur disposition. mais on ne peut pas tout excuser, décision terrible de justice, souffrance de l'âme, quand on sait par ailleurs à quel point tous les philosophes ont d'arguments pour justifier les exactions des pauvres. mais il faut savoir être juste. à moins que la miséricorde soit à envisager ? quand on est soit même si bon et généreux, la miséricorde la plus extraordinaire doit être possible ! mais, pas de chance, un rayon de lumière un peu trop cru et patatrac tu vois un poux dans une chevelure, une teigne ou un oeil chassieux, et la triste réalité se dévoile : ces gens sont trop laids pour mériter de vivre !

    2) la question des salopes de mères qui cassent les joujoux des enfants, alors c'est normal qu'on leur tue leurs enfants devant leurs yeux : si la salope de vera est inhumaine au point de faire pleurer la petite grâce en lui cassant ses statuettes, elle mérite bien d'avoir ses enfants tués devant ses yeux. à noter qu'entre les femmes qu'on imagine pouvoir baiser et celles auxquelles on doit seulement la vie, le calcul de qui mérite de vivre est vite fait. et, tu te rends compte, les beaux joujoux qu'elles tient entre ses mains, la bandante grâce, et que l'autre salope bousille, c'est un peu toi et moi !

    3) mais attention, si tu fais joujou avec les pouilleux, si tu vois sous la jupe d'helenne des trésors qui méritent une offrande, mon petit, tu risques gros : ne donnes rien pour rien : ne t'envoie pas trop en l'air gratuitement dans le septième ciel de la générosité, parce que cette salope de classe ouvrière, cette bande de buveuses de dons gratuits risquent de te ratiboiser la générosité : il ne restera de toi qu'un pauvre chien pouilleux, aimable encore parce que encore capable de se faire prendre ailleurs, d'aller se faire voir chez des bonnes pattes prêtes à le nourrir. démonstration à multiples détentes sur l'impossibilité de la gratuité, sur le danger qu'il y a à donner, à faire grâce, sur qui mérite la grâce : par exemple les chiens et pas les hommes. démonstration à connotation érotique sur le rapport entre le bon engagement de celle qui vient du principe paternel, mais malheureusement impossible parce que le corps social, le corps non phantasmé, pour de bon fait de chair avec ses défauts, ses odeurs, ses succions, est l'objet à éliminer, mais tout n'est pas perdu, celle qui venait du mitrailleur revient au mitrailleur, et un corps est épargné dans le grand autre : un chien qui rappelle la masculinité qui s'en sort. coup suivant de retournement supérieurement jouïssif : ce corps masculin préservé à l'étranger peut être acquis par l'acte de le nommer du nom qui fait référence au corps détesté sous la forme du chef des pouilleux. le réalisateur en maître : des belles filles, des mitraillettes, de Moïse lui-même, seule menace à la hauteur d'un maître du monde qui va là où sa confiance le mène.

    une outrance à signaler aussi : la chose qu'il faut faire de soi-même : une balle dans la nuque du philosophe. au cas où on n'aurait pas complètement compris que la défense de la stylistique nazie est aussi un but.

    bien sûr qu'ils ne sont pas drôles, les gens de cette ville. bien sûr que chacun est bas à sa façon. bien sûr que le penseur organisateur se comporte très mal. mais se rend on compte à quel point les dés sont trucqués depuis le départ et pendant tout le film ? quelle est la nécessité qui pousse les gens à la bassesse ? celle que le réalisateur, voix-off divinisante et divinatrice a décidé depuis le départ : je vous montre comment des rats de laboratoires ne savent pas sortir d'un laboratoire. je place des personnages dans une situation impossible pour prouver qu'ils ne s'en sortent pas. bravo la rigueur du raisonnement. un peu le contraire de la tragédie grecque : au lieu de présenter une fatalité vécue par des gens pourtant admirables avec la distance d'une scène pour aimer l'humanité dans ses tragiques épreuves, fabriquer un imbroglio complètement abruti pour prouver qu'il n'y a qu'à cracher sur les miséreux qui n'y peuvent rien. est-ce qu'on imagine sérieusement une fille à papa amenant les subtiles intuitions du bebop à des ouvriers de chez moulinex, mais à condition qu'ils acceptent de la cacher d'une bande mafieux ? prenons que ce soient des idéalistes et qu'ils l'hébergent pour se donner à eux-mêmes des leçons de morale, par mesure de pénitence de peur qu'on leur coupe les crédits, est-ce que la présence de la parfumée ne risquerait pas de se terminer en drame ? mais non, ce n'est pas parce que la situation est complètemment dejantée que les malheurs arrivent, c'est parce que c'est des abrutis. la voix off est là depuis le début pour nous le dire : ce sont des cons. pas le réalisateur, qui reste off. un peu comme un dictateur qui fait un tour de piste avant de lancer les bombes, qui a besoin de bonnes raisons pour exterminer tout le monde.

    c'est l'un des thèmes du film : l'esthétique. les pauvres sont moches. ils ne sont pas sensibles à la beauté, à la grâce. à la vraie grâce, celle que je filme, que je suis seul à posséder, que je ne dois prêter à personne, au nom de laquelle tout doit être décidé. mais, c'est là que le bas blesse, ce film est sans grâce, sa mise en scène n'est pas dépouillée, elle est brutalement nue, d'une nudité qui est une offense aux corps filmés, la voix off est casse-pied, l'intrigue déficiante t'amène à la conclusion dès les trois premières minutes, tu attend avec angoisse comment le verdict ignoble va t'être asséné, comment l'humiliation te sera infligée, humiliation du coeur, du corps, profond ennui du film didactique pour une cause à gerber. et même cette attente n'est pas déçue : tu n'imaginais qu'on puisse t'infliger l'assassinat des enfants devant les yeux des mères, les coups de pistolets dans la nuque comme une tâche à faire soi-même, et, si ! tu y as droit, mais, supplément gratuit, c'est pour une cause juste.

    alors, c'est sûr, il y a un répit : ces faces ruinées de pauvres, crasseux, vulgaires, louches, que l'on pressant puantes, menaçantes, prêtes aux avanies, oui, ces faces ont quelquechose d'humain, et on se prend à espérer vivre dans les taudis les plus reculés du monde pour échapper à la saloperie, oui, ces faces, elles sont belles.