jefsey a écrit 1 commentaire

  • # Un brevet de fait de M$/IBM/Apple/Cisco sur les langues et les locales ?

    Posté par  . En réponse à la dépêche Richard Stallman sur le rejet des brevets logiciels en Europe. Évalué à 5.

    L'affaire des brevets est importante. Comme l'est le procès de M$ à Bruxelles.

    Mais elle ne devrait pas cacher la tentative discrète de prise de contrôle du marché mondial des outils linguistiques et de l'alignement universel des fichiers locales (donc de la mainmise sur la culture et sur les OS) par une alliance utilisant sa prise de contrôle du consortium Unicode ( http://unicode.org(...) ). Il s'agit très simplement de confirmer leur contrôle sur le registre IANA qui le documente (pour HTML, XML, CLDR dit le Charter IETF qu'ils ont rédigé) et d'en aménager le format à leur avantage . Rien de bien passionnant. Et pourtant, la propagation de la compatibilité technique fera que de proche en proche ces étiquettes ("langtags") qualifieront les pages web, les pages de presse écrite dont elles rendent compte via des lecteurs numériques ou qu'elles préparent via composeuses, traitement de texte, etc.

    En soi, l'étiquetage informatique des langues, cultures, de l'expression individuelle, etc. un travail gigantesque et passionnant, la clé du développement humain/humain de l'internet. D'autant plus que la compatibilité généralisée de l'étiquetage des outils linguistiques va pouvoir commencer au fichier locale des ordinateurs et des composants du réseau. Ceci va permettre une interintelligbilité linguistique de bout en bout, capable de supporter une vernacularisation interculturelle du réseau (je peux supporter sur le réseau la façon de parler de mon quartier, de mon entreprise, de mon métier, et aider les autres à accéder à ses richesses par des outils d'aide intégrés [IETF WG-OPES]). Tout en restant totalement homogène avec le réseau global et protégé des contrôles, interférence, etc. L'émergence d'un "net_locale" pour supporter cela en addition. A priori tout cela est génial et porteur d'un travail passionnant sur le brainware (noogitiel) : l'utiliser ensemble ! Le challenge sociologique et technique du siècle.

    L'ennui est que l'étiquette pro(im)posée n'est constituée que de trois éléments principaux : la langue (code ISO 639), l'écriture (code ISO 15924) et le pays (code ISO 3166). La référence de la page du catalogue FNAC. Rien pour indiquer l'éditeur, le dictionnaire, le style, la date, l'utilisateur. Tous les français locaux, spécialisés, techniques, artistiques, etc. de France sont "fr-latn-fr". L'expérience de Javascript ou de Java a montré comment se fait la microsoftisation d'un standard, par accaparement progressif de son nom dans l'esprit des utilisateurs. Adieu l'Académie, le jargon du Libre, le français administratif, le français technique, Molière, Brel ou le Rap : le Word French pour tous. Si cela ne suffit pas : pas de problème, un ajout (breveté ?) à Word, ou l'anglais universel (au Pentagone cette stratégie culturelle a un nom : "shapping the world" - "shopping the world" à Redmond).

    Le projet CLDR (IBM au départ) est que tous les OS bénéficient du même "locale" produit par Unicode qui réunit principalement... M$, IBM, Apple, Cisco. Sous peu un fichier et des applis brevetées M$ nécessaires pour faire tourner Linux ? Brillant !

    Dans cette affaire nous souffrons de ce que le Libre américain ne se sente pas concerné : dans le monde entier chacun associe sa culture, sa pensée, sa liberté, sa vie personnelle à sa langue. Ceci n'est pas aussi vrai pour les anglo-saxons en raison du caractère international et commun de l'anglais. Par exemple l'Américain moyen identifie sa culture infiniment plus à son drapeau national qu'à sa langue américaine. Et le contrôle économique et anti-terrorisme par le nivelage linguistique ne lui déplaît pas.

    L'offensive est croisée à l'ISO, IETF, W3C et sans doute d'autres espaces de normalisation. Elle est déployée par une équipe très réduite, soutenue par une vingtaine de faire-valoirs, prêts à tous les passe-droits. Le sujet n'étant pas médiatique et peu connu, cela suffit.

    Peu à peu un dispositif puissant et exaltant se forme autour d'une avancée technique Linux, réseau et Libre possible exceptionnelle. Cet effort a conduit à un projet de déclaration d'égalité linguistique des chances (quelque soit sa langue chacun a droit à innover et utiliser comme s'il parlait anglais). Il devrait se concrétiser dans les semaines qui viennent par la formalisation d'une MLTF (MultiLingualism TF), la documentation des Centres de Référence Communs (la distribution granulaire d'un IANA étendu - sous Linux IPv6 en démo), l'intégration de la norme ISO 639-6 en préparation (20.000 langues répertoriées et documentée par une équipe franco-galloise), le soutien du MINC (Multilingual Internet Names and Cultures), un intérêt acquis et positif du SMSI (trois Membres du WGIG sont impliqués, l'association française Eurolinc (Louis Pouzin [le papa français du Net et de bien d'autre choses]) fait un travail remarquable). Mais il y a besoin d'aide technique pour transformer tout cela en "running code" Linux/IPv6, en serveur d'évaluation et de démo, en distro capable de gérer les "coreboxes" du MultiLingual Internet avant qu'il ne soit le M$ Internet.

    A quoi nous sert d'avoir gagné du temps sur les brevets, si nous devons, pour continuer à nous battre, utiliser des outils d'écriture réclamant des royalties à nos adversaires ? Si le Libre - pour rester libre - ne peut plus qu'être en ASCII anglais ...

    Bien sur, tout cela ne se fera pas en un jour. Mais il est des petits grains de sable …