Article sur les brevets dans le Guardian

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14
mar.
2002
Justice
Le Guardian (journal Anglo Saxon) a publié un article sur les brevets de toutes sortes et en particulier sur la Suisse et les pays bas, pays qui n'appliquent pas les brevets et qui pourtant ne sont pas en faillite. Plusieurs exemples d'entreprises ayant fait fortune sans tout breveter (Lindt, Nestlé...) viennent étoffer l'article.
Extrait (traduit) "cet article, bien que ne présentant pas l'abandon des brevets comme une condition essentielle au dévellopement, semble indiquer que, dans les bonnes circonstances, cela peut être un outil efficace. Cet outil a été refusé aux nations pauvres, en partie à cause d'un lobbying intense mené par les sociétés qui les utilisent".
Intéréssant également (et AMHA inquiétant), l'opinion que s'en font les utilisateurs de /. , à lire à la suite de la news.

Aller plus loin

  • # Excellent

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

    Cette article est franchement intéressant
    Le premier paragraphe est révélateur :
    "The most surprising aspect of the steel war launched by the United States last week is that anyone is surprised. For all the talk of increasing freedom, the only certain and consistent trend in global trade rules over the past 10 years has been the drift towards protectionism."

    Par extension, on peut dire que les brevets logiciels entrainent le protectionnisme (alors qu'un brevet standard favorise l'innovation en entrainant un monopole provisoire)

    Il me semble que de plus en plus d'américains s'élèvent contre le brevet (ou est-ce nous qui sommes plus réceptifs ? :p), je n'ai pas l'impression que l'UE en tienne compte (normal, ils sont pas sensé suivre les USA)
    • [^] # Re: Excellent

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

      Il me semble que de plus en plus d'américains s'élèvent contre le brevet
      Je reste quand même assez dubitatif quand je vois les réactions soulevées par cet article sur /., comme je l'ai dit dans la news.
      En gros, il ne s'imaginent pas que renoncer aux brevets logiciels soit possible, pour eux, c'est quelque chose de tout à fait normal, ce serait l'inverse qui ne l'est pas. Pour certains, c'est le fait que la Suisse et les pays bas soient de petits pays (ils n'ont pas dit pauvre mais on due le penser trés fort) qui fait que cela marche.
      Cet article est pourtant un bon exemple de société ayant réussi sans tout breveter, c'est encourageant AMHA.
  • # Un autre exemple

    Posté par  . Évalué à 10.

    Il n'y a pas qu'en Suisse et aux Pays bas que l'on peut faire fortune sans brevets. Coca-Cola, par exemple, a bâti son empire grâce à une formule non-brevetée. Celà leur permet d'ailleurs de continuer à faire fortune alors que si elle avait été brevetée, elle serait tombée dans le domaine public depuis longtemps.
    • [^] # Re: Un autre exemple

      Posté par  . Évalué à 6.

      bof avec le pognon qu'ils onts ils auraient pu faire comme mickey qui repousse la chutte de blanche neige dans le domaine publique...

      --
      pourquoi mickey mouse?
      parceque mario bros...
    • [^] # Re: Un autre exemple

      Posté par  . Évalué à 5.

      Mais la recette du Coca-Cola n'est connue que de la compagnie du même nom. Faut-il en déduire que si on veut protéger ses inventions, il faut les garder secrêtes ?
      • [^] # Re: Un autre exemple

        Posté par  . Évalué à 4.

        Exactement : Michelin fait comme ça, il ne dépose pas de brevets sur ses pneus.

        Un pneu, c'est une carcasse métalique avec de multiples couches de gommes aux propriétés différentes.
        Une fois passé au four, impossible de savoir quelles étaient ces couches.

        De cette façon ils peuvent maintenir leur avance technologique. Si ils déposaient un brevet, la composition des pneus serait publiée ; un concurrent qui l'imiterait pourait le faire en toute impunité car, une fois passé au four, on ne pourrait pas prouver qu'il y a eu copie de procédé.

        (je ne parle pas du motif des gravures qui lui est déposé).
      • [^] # Re: Un autre exemple

        Posté par  . Évalué à 4.

        Faut-il en déduire que si on veut protéger ses inventions, il faut les garder secrêtes ?

        Probablement, mais ce n'est pas possible dans tous les domaines, dans la mécanique, par exemple, il suffit d'acheter le produit et de le démonter pour savoir comment il marche, le secret ne reste que dans les matériaux utillisés.

        Par contre, l'autre question est: Faut-il protéger ses inventions ? Pour gagner des sous probablement, pour faire progresser la science et la technologie, probablement pas.
  • # Traduction [LONG]

    Posté par  . Évalué à 10.

    Pour ceux que ça intéresse, j'avais fait une traduction de l'article

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    L'absurdité des brevets

    Companies now demanding intellectual property rights were built up without them

    Les compagnies qui demandent aujourd'hui une réglementation sur la propriété intellectuelle ont été construite sans elle

    George Monbiot
    Mardi 12 Mars 2002
    The Guardian

    L'aspect le plus surprenant de la guerre de l'acier lancée par les Etats-Unis la semaine dernière est que tout le monde est surpris. Alors que l'on parle d'une liberté de plus en plus accrue, la seule tendance certaine et continue dans les règles du commerce mondial ces 10 dernières années a été la dérive vers plus de protectionnisme.

    Les pays développés ont promis de manière répétée d'eliminer progressivement les subventions agricoles et de faire disparaître les droits de douane sur les textiles importés des pays en voie de développement, mais ces promesses n'ont pas été tenues. Au lieu de celà, ils ont verrouillé les accès en accordant à leurs entreprises de nouvelles lois de défense de la "propriété intellectuelle".

    Aux négociations commerciales de novembre dernier [à Doha], les pays pauvres ont en apparence gagnés du terrain. Ils ont été autorisés à continuer à importer des copies peu coûteuses de médicaments brevetés afin de lutter contre des épidémies. Mais, quoique peu de gens l'ait remarqué, il y avait un piège. Alors que l'on pourra continuer à acheter ces médicaments, en 2005, les pays les produisant n'auront plus droit de les vendre, le résultat étant que les règles défendant la santé publique ne vaudront même pas le papier sur lequel elles sont écrites. A une réunion la semaine dernière, l'Union Européenne semblait prête à un compromis sur le sujet, mais pas les Etats-Unis

    Les nouvelles règles du commerce mondial ont aussi permis aux grandes compagnies de breveter des variétés de plantes et, par ricochet, les gènes de plantes, d'animaux et d'êtres humains. Ceci a de graves implications, tant pour la sécurité alimentaire que pour l'accès aux soins. Mais les entreprises expliquent que ce nouveau protecionnisme est essentiel pour stimuler à la fois l'innovation et l'investissement. Cet argument peut être critiqué de nombreuses façons, mais j'ai peut être mis la main sur une méthode nouvelle et fascinante. Elle est contenue dans l'histoire des compagnies qui insistent désormais sur l'idée que les droits de propriété intellectuelle sont des pré-requis du développement.

    Dans "Industrialisation without National Patents", publié en 1971, l'historien de l'économie Eric Schiff raconte l'histoire de l'émergence de quelques unes des plus grosses entreprises européennes. Elles sont nées en Suisse et aux Pays-Bas durant la période (1850-1907 pour la Suisse; 1869-1912 aux Pays-Bas) ou aucun de ces deux pauys ne reconnaissaient les brevets. Certaines semblent devoir leur existence uniquement à cause de cette absence

    Aux Pays-Bas, les anciennes lois sur les brevets étaient confuses et mal écrites. Le gouvernement décida qu'elles étaient irrécupérables et les a simplement abrogées. En Suisse, le pays s'était développé sans elles, et avait décidé de continuer de cette façon. Contrairement à toutes les prédictions actuelles sur l'impact de telles abrogations, il semble que celles-ci aient contribué à une croissance économique et une innovation soutenues.

    La Suisse était un pays pauvre avec peu de ressources naturelles, dont l'économie était largement basée sur l'agriculture. Mais en 1859, une petite entreprise basée à Bâle "emprunta" le procédé de teinture à l'aniline qui avait été développée et breveté en Grande-Bretagne deux ans auparavant. La compagnie, qui devait par la suite s'appeler Ciba, devint rapidement une grande entreprise industrielle, dépassant rapidement ses concurrents britanniques.

    En 1995, Ciba a fusionné avec une autre firme suisse, Sandoz, afin de former le conglomérat Novartis. Novartis a été l'une des compagnies qui a mené avec succès des opérations de lobbying permettant à des firmes de breveter des gènes. Elle faisait aussi partie des entreprises qui ont combattu pendant trois ans le projet du gouvernement sud-africain d'acheter des copies peu coûteuses de ses médicaments brevetés afin de traiter des patients atteints du SIDA. Aujourd'hui, ayant fusionné avec Zeneca pour constituer une compagnie encore plus grosse, Syngenta, elle étend ses droits de propriétés encore plus avant pour développer des graines stériles [afin d'obliger le paysan a racheter des semences tous les ans].

    Mais la croissance économique de la Suisse pendant cette période n'a pas reposé uniquement sur le vol des processus brevetés d'autres nations. L'innovation industrielle a été florissante, spécialement dans l'agro-alimentaire. Aucun pays, note Schif, n'a été la source "d'autant d'inventions de base dans ce secteur que l'a été la Suisse dans sa période sans brevets". En 1875, par exemple, Daniel Peter a inventé le chocolat au lait. En 1879, Rudolf Lindt a inventé le chocolat fondant. En 1886, Julius Maggi a inventé la soupe déshydratée. Quelques années plus tard, il mit au point le bouillon-cube. Tous ces hommes ont constitué des firmes qui portent toujours leur nom aujourd'hui. Mais la plus grosse entreprise d'agro-alimentaire à émerger durant cette période fut créée en 1865, avec la création par Henri Nestlé de céréales pour enfants.

    En 1998, la Chambre de Commerce Internationale effectua des actions de lobbying envers l'OMC en faveur de droit pour les entreprises sur des plantes, des animaux et des gènes. Elle expliqua que "la protection de la propriété intellectuelle" est "essentielle pour la croissance économique". Son président de l'époque était Helmut Maucher, qui était aussi le PDG de Nestlé, la compagnie qui se développa et conquis le monde sans aucune protection de sa propriété intellectuelle.

    Aux Pays-Bas aussi, l'absence de brevets semble avoir peu freiné la croissance de l'industrie. Au début des années 1870, la firme Jurgens et Van den Bergh, ont copié une recette française brevetée et commencé à fabriquer un nouveau produit appelé margarine. Ils en devinrent bientôt les plus grands fabricants européens. Jurgens and Van den Berg ont plus tard fusionné avec une compagnie britannique pour former le conglomérat Unilever. Comme Novartis et Nestlé, Unilever est un des membres les plus influents d'Europabio, le lobby faisant la promotion de lois sur les brevets de plus en plus strictes en faveur des grandes compagnies.

    Dans les années 1890, Gerard Philips, non entravé par des lois sur la propriété intellectuelle, commença à fabriquer des lampes à incandescence inventées par Thomas Edison aux Etats-Unis. L'absence de protection par les brevets ne l'a pas empêché de survivre à la compétition européenne ou de développer plusieurs nouveaux concepts importants. Mais, dans sa récente contribution à la consultation de la Commission Européenne sur la réglementation sur les brevets, Philips insite sur le fait que la propriété intellectuelle "est un de ses outils principaux dans la conduite de ses affaires".

    La Suisse et les Pays-Bas finirent par adopter des lois sur les brevets en réponse aux pressions des autres nations industrialisées. Ainsi, pour Schiif, ce fut une décision politique, et non économique. Il est, selon lui, "difficile de ne pas avoir l'impression" que l'absence de lois sur les brevets a "accéléré, et non freiner le développement". Les deux pays ont compté pour leur croissance, non sur des droits exclusifs, mais sur de hauts niveaux de qualification et de compétences techniques.

    Ces exemples n'indiquent pas nécessairement que l'abandon de la protection par les brevets est un prérequis essentiel au développement. Mais ils indiquent que cet abandon peut, dans certaines circonstances, être un outil efficace. Cet outil a été dénié aux nations les plus pauvres, en partie à cause d'un lobbying énergique par les mêmes compagnies qui en avait profité auparavant.

    Ce qui ont critiqué les inégalités du commerce mondial ont pointé le fait que certaines des nations les plus riches ont à une époque utilisé les tarifs douaniers de façon dévastatrice pour construire leurs économies. Mais l'histoire de la protection par les brevets suggère que ce n'est pas l'unique moyen par lequel les pays développés ont relevé le pont-levis après être entrés dans le chateau. Quand les pays riches veulent imposer le libre(échange, ils le font. Quand ils veulent imposer des mesures protectionnistes, ils argumentent que c'est le seul chemin vers le développement. Mais malheur au pays pauvre qui veut appliquer les leçons du passé.

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