Journal L'art est il compatible avec les licences libres ?

Posté par  .
Étiquettes : aucune
0
6
nov.
2005
Depuis quelques années, les licences libres se multiplient (elle permettent qu'un objet soit libre de diffusion, d'utilisation voir de modification). Et certaines sont spécialement écrites pour les objets de natures artistiques (films, peinture, photo ainsi que tout ce qui peut être numérisé). Pourtant, ces licences sont limité dans leurs utilisations aux créations amateurs, voir "d'entrée de gamme". Pour une raison simple, 90% du travail de l'appréciation artistique réside dans la conception du spectateur.

Et dans ce travail, une grosse partie (de plus influente sur les autres) est basé sur l'acquisition de l'oeuvre. Elle peut être multiple par l'achat, par la visite (musée, cinéma), par un travail personnel qui amène a l'oeuvre. Dans les exemples pris, la plupart sont sanctionnés par une contribution financière, qui n'est pas forcement que pour l'artiste.

En effet, cette somme mise dans l'acquisition peut être conçue comme un garde fou du spectateur - il lui évite la boulimie artistique, la désensibilisation à la création - ainsi qu'une protection de l'oeuvre elle même - qui en plus d'être assuré d'un avenir financier, n'est plus complètement absorbé par le spectateur dans une forme de prostitution (qui lui substitue le statut de création originale au sens large pour l'imagerie populaire).

Dans les autres cas, où la forme lucrative est minime (comme pour les musées) le travail se fait dans l'initiative d'aller voir, la volonté psychologique de découvrir etc.. tout sauf ce qui pourrait s'imposer.

La licence libre détruit toute la phase "acquisition" du processus d'appréciation de la création. Elle rend rapide, massive et insensé (dans l'optique où il n'y pas un réel sens à sa diffusion - non pas que sa diffusion est une aberration) la mise à disposition du regard, souvent noyé dans dans un grand nombres objets artistiques qui ont opté pour la même licence.

Aussi, pour finir, la licence libre permet une forme de masse-art, des créations qui ne s'épanouisse pas dans la longévité, qui ont un interet, un message, une sensibilité artistique limité à une forme d' "instantané social", c'est le syndrome des images drôle diffusées en masse sur internet. Les licences libres ne permettent pas, à mon sens, de protéger et rendre accessible une oeuvre d'art, parce que cet effacement de la partie acquisition détruit le fait même de son unicité originale, et inhibe le processus de conception dans une forme de curiosité éphémère.
  • # acquisition

    Posté par  . Évalué à 4.

    La licence libre détruit toute la phase "acquisition"

    Ce n'est pas la phase d'"aquisition" qui crée le lien entre l'oeuvre, l'artiste et son public mais l'échange.

    la boulimie artistique...

    ...est à mon sens une vertue, l'abstinence artisitique n'est pas plus valorisante pour l'art que l'abstinence sexuelle pour l'amour.
  • # bopf

    Posté par  . Évalué à 2.

    l'interet du libre etant la modification et la libre redistribution (l'utilisation d'une oeuvre etant plus que limite, son etude etant necessairement garantie), faudra qu'on m'explique l'interet de la chose.

    On associe souvent le libre a l'echange de connaissance, l'art etant plutot un echange d'emotion, je ne vois pas trop l'interet de la chose pour un artiste.
    • [^] # Re: bopf

      Posté par  . Évalué à 2.

      Citons quelques exemples :
      - tu es en conflit avec ta maison d'édition donc tant que tu n'as pas gagné ton procès (par exemple), tu ne peux pas continuer ta série BD (puisque les droits sont en partie détenus par la maison d'édition, c'est un cas assez récurrent)

      - tu voudrais réutiliser des visuel d'un autre artistes (design de perso, d'archi des chose comme ça), c'est une pratique extremment courante, tout les artistes s'inspirent de ce que font les autres artistes, c'est un échange permanent. Mais c'est illégal, tout le monde le fait, mais c'est illégal. Et les artistes se contentent de ce statut quo (quitte à faire / subir un procès un jour ou l'autre).

      En fait l'erreur que tu fais est que tu compare ton statut d'informaticien (on d'amateur d'informatique au moins) à ton statut "d'utilisateur" de l'art.
      Il faut comparer en tant qu'informaticien (je suis super content de pouvoir étudier/modifier un soft) et d'artiste (je suis super content de pouvoir étudier[1]/modifier[2] une oeuvre). Quant à la libre redistribution, c'est un problème tellement ancien pour l'art qu'il a été mis en place un palliatif au problème de pas mal de temps qui est le droit (et non pas l'exception) à la copie privée

      Et à propos de l'échange de connaissance/d'émotions, je veux bien admettre que firefox n'est pas un grand pourvoyeur d'émotions mais il est indubitable qu'une oeuvre d'art est _toujours_ un grand pourvoyeur de connaissances (ne serais-ce que par ce qu'elle nous apprend sur l'époque ou elle a été produite)

      [1]mais si, il existe maintenant beaucoup d'oeuvre entièrement numériques et dont l'étude du fichier source (xcf/psd) peut-être particulièrement instructif
      [2]modifier ou plus généralement, reprendre des partie/des idées/inspirations pour sa propre création
      • [^] # Re: bopf

        Posté par  . Évalué à 1.

        - tu es en conflit avec ta maison d'édition donc tant que tu n'as pas gagné ton procès (par exemple), tu ne peux pas continuer ta série BD (puisque les droits sont en partie détenus par la maison d'édition, c'est un cas assez récurrent)
        hehe, parce que tu crois qu'une maison d'edition qui a ce genre de pratique va te laisser publier sous licence libre?

        bon, sinon, effectivement, tu presentes la chose sous un angle que je n'avais pas apprehende...

        Apres, la question est plutot de tracer une frontiere entre inspiration et pompage pur et simple?

        bon, j'suis toujours pas convaincu, mais deja un peu plus que ya 5 minutes..
        • [^] # Re: bopf

          Posté par  . Évalué à 2.

          La frontière en question est vraiment floue. Il y a de temps à autre des procès entre des photographes et des dessinateurs qui se sont partis de la photo pour en faire une illus.

          Il y a l'énorme phénomène des fanarts, aucun artiste graphique ne prétendra que ses créations n'ont pas subit d'influence extrément majeure de la part d'un "ainé" et ils t'avoueront tous qu'ils ont _recopié_ à un moment ou un autre ledit artiste (même si après bien sur on s'en détache).
          J'ai en mémoire une case d'Hugo Pratt qui est quasi l'exact réplique d'une case de Milton Caniff, Pratt étant un grand connaisseur de Caniff, il ne peut l'avoir fait que parfaitement consciement (on peut appeler ça hommage, il n'empêche qu'il y a copie consciente)

          Bref, si on voulait faire une analogie avec le LL, c'est comme si je suis en train de penser à un logiciel que je voudrait faire, qu'en regardant les autres logiciels, je me dit que tiens ce truc dans ce logiciel est vachement bien et tel autre bidule un autre logiciel chose est super aussi et que je récupère les bouts de code, je les assemble, les modifie à ma sauce, rajoute mon code et mes idée à moi pour sortir mon logiciel.

          Pour le moment, ça marche relativement pas mal parce que les artistes accepte un certain niveau d'inspiration /repompage de leur oeuvre (surtout que si la copie reste au niveau du pompage simple, c'est moins bien que l'original) mais, il n'empêche que d'un point de vu strict de droit d'auteur, c'est illégal. l'art libre peut apporter des réponses et ouvrir des perspectives non exploitées aujourd'hui mais il pose d'autres problématiques (dont les artistes, soyons clair, se contrefichent)
          • [^] # Re: bopf

            Posté par  . Évalué à 1.

            tu parle de quoi exactement quand tu dis que les artistes s'en contrefichent ?

            Perso, je suis aux beaux-arts et les artistes, je sait pas ce que c'est un artiste. Je me demande comment tu peut faire une généralitée pour des gens qui sont si différents les un des autres.

            les pratiques et les idéologies qui recouvre le therme "art" sont si vastes qu'en soit, il n'as pas ennormément de sens.
  • # Vision parcellaire

    Posté par  . Évalué à 7.

    La vision de l'art telle que tu la présente me semble extrement réduite par rapport au modèle économique de l'art (puisque là est bien le sujet et le problème posé par l'art libre)

    Il faut d'abord bien voir qu'il existe de multiple forme d'art qui mettent en oeuvre de mécanismes bien différents :
    - Les arts graphiques : Ici le modèle économique prédominant est celui de l'édition et de ce que j'appellerais la galerie d'art. Je ne parlerais pas ici de la galerie d'art qui est vraiment quelque chose d'anecdotique économiquement parlant. Le problème de l'édition (que ce soit pour de l'illustration, du magazine, de la bande dessinée) est que la rémunération est basée sur une chose et une seule : les droits d'auteurs. La somme versée à l'artiste lors de la "vente" de l'illustration n'est qu'une "avance" sur droit d'auteur. Il parait très difficile ici de proposer à un éditeur de publier une oeuvre pour laquelle n'importe quelle autre maison d'édition concurrente pourra la publier (surtout qu'elle le fera que si "ça marche" sans prendre les risque inhérent à l'édition)
    - La musique : Ici, on retrouve le même phénomène que pour l'édition au niveau des maison de disque . cependant il existe un autre modèle économique qui est celui des concert (enfin tout ce qu'on assimiler à une représentation publique) où ici, ce n'est plus le droit de reproduction qui est rémunérateur mais le droit de représentation (ce qui pourrait être comparable aux galeries d'arts d'ailleurs), modèle soutenu par le (très mal en point) statut d'intermittent.
    - Le cinéma : Là, je très peu au courant mais il me semble que le système repose sur les droits de reproduction (copies) et de représentation (en salles)

    Ceci est aussi une situation française (voir européenne). Il peut y avoir d'autres conception de la production artistique. Je pense notamment au concept designers de jeux vidéos. On se rapproche ici d'un concept quasiment plus proche du salarié d'entreprise classique à savoir que tu es payé de manière salariale (il est possible que j'extrapole ici, je ne sais pas comment ils sont payés) pour une "production" dont le copyright appartient à l'employeur. C'est une démarche très anglo-saxonne qui a ses qualité et ses défaut et qui serait décriée très fort par nombre d'artistes camembert par rapport à leur "indépendance artistique" mais qui peut être intéressante à creuser (dans le sens qu'on se retrouve ici exactement dans les même problèmatiques que les éditeurs de logiciels libres commerciaux)

    Et je tiens à dire que je n'ai ici qu'effleuré certain aspect de la problématique.

    Ah oui, je tiens à dire aussi qu'à mon sens un modèle économique d'art libre est peut-être plus facile à trouve qu'un modèle économique de logiciel libre. La seule chose qui fait qu'il est aujourd'hui bien moins développé que le LL, c'est qu'il est possible aujourd'hui de gagner sa vie en informatique pour moins de 50 heures de travail hebdomadaire et d'avoir ensuite de coder en libre pendant son temps de loisir et que ce n'est pas le cas pour l'immense majorité des "artiste" (je met des guillemets parce que encore une fois je ne vois ce qui différencie ledit artiste des autre professions intellectuels et que ce distinguo m'agace)
  • # Mouf.

    Posté par  . Évalué à 3.

    cette somme mise dans l'acquisition peut être conçue comme un garde fou du spectateur - il lui évite la boulimie artistique, la désensibilisation à la création - ainsi qu'une protection de l'oeuvre elle même
    Ce n'est pas à l'artiste ni au producteur de se soucier de la "saturation du marché" (sauf s'il veut faire de l'argent), ni de l'état mental de la personne qui va éventuellement savourer son oeuvre (boulimique, ascétique, en état de surcharge intellectuelle) ;en outre, je ne vois pas bien en quoi l'oeuvre a besoin d'être protégée, en matière de diffusion : la diffuser davantage ne nuit pas à l'oeuvre elle-même, mais éventuellement à la perception de celle-ci, et par voie de conséquence, à la renommée ou aux revenus de l'auteur.

    La licence libre détruit toute la phase "acquisition" du processus d'appréciation de la création.
    Une telle licence ne détruit rien. On peut s'affranchir de cette phase d'"acquisition", en utilisant n'importe quel logiciel p2p (que ce soit légal ou pas n'est pas la question). Il est par ailleurs curieux de considérer qu'une telle acquisition passe nécessairement par un transit monétaire. L'acquisition peut également passer par un travail personnel (savoir/apprendre à jouer un morceau de musique, par exemple).

    Elle rend rapide, massive et insensé la mise à disposition du regard, souvent noyé dans dans un grand nombres objets artistiques qui ont opté pour la même licence.
    Et alors ? On s'en fout. Ce n'est pas la licence qui fait l'oeuvre. La licence n'est d'aucune importance, par rapport à la qualité de l'oeuvre.

    La première question que je me pose devant une oeuvre d'art, c'est celle de mon appréciation toute personnelle (y a pas de critères). Puis éventuellement de savoir pourquoi, comment, qui, quoi, quand. Et enfin, éventuellement, de savoir ce que je peux faire avec (juste la regarder, toucher, écouter ou aussi la modifier, etc.) ; et dans cette dernière interrogation, le problème se pose essentiellement plus au niveau de ma capacité personnelle qu'au niveau de ma capacité légale/contractuelle.

    Les licences libres ne permettent pas, à mon sens, de protéger et rendre accessible une oeuvre d'art, parce que cet effacement de la partie acquisition détruit le fait même de son unicité originale, et inhibe le processus de conception dans une forme de curiosité éphémère.
    Coup dans l'eau. De telles licences n'empêchent rien. Elles révèlent, a contrario, le sens profond du terme "originalité" : non pas quelque chose qui est nouveau, mais quelque chose qui a une origine particulière, qui prend place dans un contexte précis.

    Pour illustration : certains spectacles de rue, gratuits, par essence libres, mais fruits d'un travail, d'une énergie, d'une inventivité fous valent infiniment davantage qu'un film de 2h40 en salle de cinéma. Quelle différence ? Le second bénéficie d'une campagne marketing monstre et de grands dollars.

    Les licences libres ne sont, à la limite, que des révélateurs de pratiques communes qui ne se revendiquaient pas comme étant estimables. Elles permettent de remettre les ego à leurs places respectives.

Suivre le flux des commentaires

Note : les commentaires appartiennent à celles et ceux qui les ont postés. Nous n’en sommes pas responsables.