Journal La Parabole Des Langages

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sept.
2004
La parabole des langages, Shelley Powers

Le texte n'est pas de moi, mais il m'a fait tellement rigoler que j'en ai fait une traduction rapide. Bonne lecture :)

Le texte d’origine [en] : http://weblog.burningbird.net/archives/2002/10/08/the-parable-of-th(...)

Si les langages de programmation pouvaient parler, pas seulement avaler les octets et enchaîner les bits, ils diraient certainement des choses sages et profondes. Après tout, les premiers programmeurs étaient des philosophes, et les langages de programmation des outils de philosophes…

Dans le Pré des Rumeurs, aux heures troubles du crépuscule, quand on n’entend que le bruissement des oiseaux et le léger vrombissement des moucherons, les langages de programmation se rencontraient. Et parlaient.

La conversation commençait comme elle a toujours commencé, sur des sujets profonds et sérieux, sur le coeur existentiel qui fonde tous les langages.

Est-ce que j’existe ou non ? Dans cette boucle infinie de vie, quel est le but ? Où dois-je aller, et qu’y faire une fois que j’y suis ? Qu’arrive-t-il après la fin ?

(Ce n’est pas simple d’être un langage de programmation, condamné à se contempler soi-même, jour après jour…)

Cependant, au bout d’un moment, les langages se détendaient. Le Pré aux Rumeurs possédait ce je-ne-sais-quoi qui pénètre les coeurs et les âmes, qui assouplit leurs tâches et ouvrent leurs paramètres. Le Pré aux Rumeurs était magique, pas de doute.

Mais ce jour-là, le groupe était singulièrement silencieux, parce qu’un de leurs membres, PHP, n’avait pas l’air dans son assiette.

Qu’est-ce ne va pas, PHP ? demandèrent les autres langages. Enfin, tous les langages sauf le C, parce que C ne disait jamais rien d’autre que “Dégage !". C était un langage rude et difficile à vivre, mais respecté à cause de sa grande force de travail.

Et PHP répondit :

Jour et nuit je travaille. Les seuls moments où l’on me remarque, c’est quand je m’arrête, et alors on me maudit, on me frappe, l’on dit que je suis inutile et on me jette. Mais quand ça va bien, personne n’a jamais un mot gentil pour moi.

Personne ne remarque ma facilité, mon élégance, ma simplicité. On ne se souvient que de mes échecs.

Et après cette lugubre constatation, PHP sombra dans un silence contemplatif et une tristesse lourde.

Tu crois que ça va mal, dit C++. Essaie de te mettre à ma place.

Sans moi, des industries entières sombreraient, les banques fermeraient, les bateaux couleraient et les trains dérailleraient. Virtuellement, je commande le monde entier.

Et pourtant, les seules fois où l’on fait attention à moi, c’est quand on trouve une fuite de mémoire ou qu’une exception est levée, et alors on me maudit, on m’insulte et je suis débuggué brutalement, sans aucun égard pour ma sensibilité.

Tous les langages hochèrent la tête, parce qu’ils connaissaient la sensibilité du C++. De fait, Perl fut si ému par l’éloquence de C++ qu’il se sentit contraint de parler, alors qu’en général il s’asseyait tranquillement dans un coin, consommant avidement les expressions.

PHP, C++, je sympathise avec vous. Ma condition n’est guère meilleure que la votre.

J’associe les expressions aux expressions, puis je recommence, encore et encore, d’abord cryptiquement, puis objectivement, mais toujours j’associe tout avec tout. Et association après association, ma perfection est prise comme un dû, et pourtant j’aimerais bien voir les autres associer avec autant d’élégance.

Regardez, on ne peut citer “expressions rationnelles” sans que mon nom n’apparaisse sous peu.

Mais suis-je remercié pour cela ? Non.

Et vas-y du Larry Wall par ci, du Larry Wall par là, c’est lui la star. Mais toujours on fait appel à l’interpréteur Perl quand le boulot doit être fait.

Comme Perl finissait, Python et Ruby se regardèrent en roulant des yeux. Avec toutes ces histoires d’association, Perl aurait au moins pu faire des rimes !

Fortran tapota l’épaule de Perl de sa main flétrie.

Calme-toi, Perl, calme-toi.

Souvenez-vous qu’au moins on vous fait encore une place dans ce monde. Regardez-moi, je ne suis plus qu’un souvenir, un fantôme de mon ancienne force.

Il n’y eut jamais un problème scientifique que je ne puisse résoudre. Je fus le maître de mon domaine, le roi des processeurs.

Mais maintenant, mes jours de gloire sont révolus, et je suis condamné à vivre mes derniers jours comme du code hérité.

Comme le râle de Fortran touchait à sa fin, Cobol acquiesça avec emphase, mais il ne pouvait pas parler, à cause du tube à oxygène. (Les autres langages en étaient secrètement soulagés, COBOL radotait un peu trop souvent sur le bon vieux temps).

C’est alors que la marée des plaintes monta, et le bruit des voix s’accrut sans cesse, au point que les écureuils sortirent de leurs trous et que les oiseaux les dévisagèrent depuis le bord de leur nid. Le calme vallon n’était plus calme du tout.

Et moi alors, s’exclama Pascal ! Je ne suis plus utilisé qu’en cours ! A quoi sert un langage d’apprentissage ?

Et moi alors, dit SNOBOL. Personne n’a même jamais entendu parler de moi !

Et moi alors, dit C#. Je ressemble à Prince !

Dégagez, dit le C.

Lisp aurait parlé, mais il avait aperçu un reflet de lui-même dans la mare et y était tombé en essayant de se rencontrer soi-même. Et Java était trop occupé à ramasser des ordures dans la Crique des Rumeurs.

La vague de bruit s’enfla sans cesse, et le babillage se propagea à travers le Pré, quand tout à coup une voix rugit depuis les arbres.

Assez !

J’en ai assez de vos querelles, je suis fatigué de vos plaintes. Je suis saoulé de vos gémissements, de votre égocentrisme pleurnichard !

Je croyais qu’il s’agissait d’une fête. Si j’avais que ça ne serait qu’une querelle de ménagères, je n’aurais pas fait le déplacement.

Les langages s’arrêtent de parler. Qui était-ce donc ? Ils se comptèrent et se trièrent par ordre alphabétique (C++ dut placer Basic, qui n’avait jamais appris l’alphabet), ils se recomptèrent et parvinrent tous à la même conclusion. Tous les langages étaient présents.

L’énigme restait entière, quand soudain les buissons s’écartèrent et XML surgit dans la lumière.

XML ! s’exclama C++. Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu n’es même pas un langage de programmation.

Dis-le aux personnes qui m’utilisent, dit XML.

On croit que je suis le sauveur, la solution ultime, le point final. On m’écrit des odes, on recouvre mon chemin de fleurs, on sacrifie des vierges sur mon autel.

Les programmeurs prononcent mon nom avec respect. Les entreprises insistes pour m’utiliser dans leurs projets, bien qu’elles ne sachent pas exactement pourquoi faire.

Et chaque fois qu’apparaît un problème, quelqu’un dit “On pourrait faire du XML", et un miracle se produit. Mon nom est devenu un talisman contre le mal.

Et pourtant, je ne suis toujours qu’une simple balise aux origines humbles. C’est un poids, d’être XML.

XML soupira, et tous les langages, ému par son désespoir, se regroupèrent autour de lui…

…Puis se jetèrent sur ce petit XML, le jetèrent dans la poussière, le piétinèrent sans relâche. Oui, il l’écrasèrent dans la poussière. Basic frappa XML, C++ le bourra de coups, et Java nettoya et piétina et nettoya et piétina. COBOL voulut donner un coup de pied dans la tête de XML, mais tomba sur sa canne. Même LISP s’extirpa de la mare et jeta ses mains de détraqué autour de la gorge de XML, mais ne réussit qu’à s’étrangler lui-même.

Chaque langage marmonnait en rouant XML de coups, et dans leurs yeux se lisait une jubilation extrème.

Je dois parser du XML, hein ? Je dois posséder une API XML hein ? Travailler avec XML-RPC, RSS, et RDF ??

Tiens, parse donc ça dans ta face, sale petite balise de merde.

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