Journal Projets et licences

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nov.
2004
J'écris ce journal pour vous faire part d'un sentiment. J'ai vu (d'assez loin) plusieurs fois le cas suivant:

- Une personne développe un logiciel;
- Elle choisit (plus ou moins clairement) une licence "libre";
- Quand le projet commence à grandir, l'auteur commence à se poser des questions sur le choix de sa licence, et tente de restreindre certaines libertés.

J'avais déjà constaté cela en parcourant quelques forums, mais là je suis tombé sur un cas concret: le projet Itseasy[1].

Que ce soit dit, le but de ce journal n'est absolument pas de nuire d'une quelconque manière que ce soit à ce projet, mais plutot de poser une question générale:
Pourquoi un auteur en viendrait-il à vouloir changer de licence (plus ou moins libre vers non libre) ?

Je prends ce projet comme exemple car j'ai discuté de licences avec l'auteur et... je suis un peu déçu.

Pour résumé, Itseasy est un CMS sans base de données. Suite à la lecture d'un article sur Framasoft[2], j'ai décidé de l'utiliser pour monter un petit site web rapidement et proprement.

J'ai rapidement été séduit par la simplicité / efficacité / esprit général plutot sympa du projet.
L'auteur avait choisi une licence[3] mais ne semblait pas comprendre les implications de ce choix.
Une petite discussion a suivi et nous avons débatu de la licence[4]. L'auteur et les principaux contributeurs s'orientent maintenant vers un "logiciel" gratuit mais non libre (on ne pourrait pas diffuser de sources modifiées par ex).

Le choix d'une licence appartient à l'auteur, j'en conviens.

Je me pose donc une question:

- Pourquoi les licences "libres" (je le mets entre guillements car il avait choisi la CC by-nc-sa[5], donc non libre mais permettant quand meme pas mal de choses) font-elles peur à un développeur qui monte un "petit" projet ?

-- Ego / Fierté ?
-- Idée que si le projet commence à marcher, il y a potentiellement de l'argent à gagner et une licence libre rendrait cela impossible / difficile ?
-- ?

De plus, quel serait l'intéret d'un projet comme celui là à ne pas choisir une licence libre ?
J'ai le sentiment qu'il aurait pourtant tout à y gagner mais ce sentiment n'est pas partagé par l'auteur.

- Voyez-vous des avantages à ne pas utiliser une licence libre dans ce genre de "petits" projets ? (oui sur un site comme linuxfr je me doute des réponses).

(Encore une fois, mon but n'est *pas* que tout le monde se rue sur son forum pour lui vanter les mérites d'une licence libre)

--
[1]http://www.en1heure.com/itseasy/(...)
[2]http://www.framasoft.net/article2975.html(...)
[3]http://forum.en1heure.com/ftopic324.html(...)
[4]http://forum.en1heure.com/ftopic432.html(...)
[5]http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/(...)
  • # Complément

    Posté par  . Évalué à 1.

    Oups, j'ai oublié d'ajouter une question.

    L'auteur du logiciel semble avoir peur d'un fork qui attirerait plus de monde (contributeurs / utilisateurs) que son projet.
    J'avais remarqué que l'on rencontrait souvent cet argument, alors je me pose (oui, encore) une autre question:

    A part les célèbres xmule / aMule, et Sodipodi / Inkskape, y a t il d'autres exemples de fork qui décollent plus que l'original, ou meme qui le "tue" carrément ?
    Si c'est le cas, je serais très intéressé de comprendre pourquoi / comment.
    • [^] # Re: Complément

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

      Oui, Xemacs/emacs.

      La version actuelle de gcc est issue d'un fork du gcc de la FSF, fork qui se nommait egcs. Dans ce cas, egcs a carrement remplace gcc, parce qu'il marchait beaucoup mieux. Cela dit, gcc n'est pas mort, les developpeurs se sont apercus de leur erreur et ont rejoint la nouvelle branche (au bout de deux ans si je me souviens bien).

      Pour XEmacs, je ne suis pas un expert mais des gens informes m'ont dit que XEmacs etait beaucoup mieux que emacs. Ca n'empeche pas emacs de continuer sa belle vie.

      Les forks sont lies soient a des problemes de personnes, soit a des visions differentes sur ce que doit etre le futur du logiciel (et en general un peu des deux). Les forks reussis sont tres tres rares. Le developpeur initial d'un projet a su amener le projet jusqu'a sa version actuelle garde beaucoup de pouvoir implicite et de respect de la part des autres developpeurs. Beaucoup de fork finissent dans l'oubli parce que le forkeur avait surtout une grande gueule et n'a pas reussi a amener l'ecosysteme minimal pour faire vivre un logiciel.

      Inkscape est un fork qui reussit bien.

      A mon avis, il ne faut pas avoir peur d'un fork parce que il a tres peu de chance de marcher. C'etait la peur no 1 de trolltech avant de mettre Qt en GPL et ils sont maintenant persuades que personne ne pourra developper Qt mieux qu'eux.
      • [^] # Re: Complément

        Posté par  . Évalué à 3.

        on peut aussi citer OpenBSD comme fork réussi, même si là c'est à l'échelle d'une "distribution". pour une question d'ego, au passage :)

        AtheOS a enfanté Syllabe (pas vraiment un fork si on considère que le développeur d'origine a perdu tout intéret pour son projet et l'a explicitement abandonné).

        et comme dit au dessus, Inkscape est un *très* bon exemple de fork réussi et où le projet d'origine survit aussi.
        • [^] # Re: Complément

          Posté par  . Évalué à 1.

          Je m'aventure peut-être un peu, mais Mandrake n'est pas issue de Red-hat ?
          On appelle ça un fork, ou juste 'une ditribution basée sur ...' ?
          Je trouve qu'elle a bien réussie... mais de là à tuer Red-hat, je pense que c'est ni le but, ni très possible.
          • [^] # Re: Complément

            Posté par  . Évalué à 1.

            n'oublions pas le fameux fork X/X.org qui nous a tiens en haleine depuis qq mois deja :D
            Dans ce cas, c'est un probleme de bonhommes qui ne s'entendent pas/plus (si j'ai bien compris) et la reussite du fork sera (est) surtout lie a la licence du projet original qui ne plait plus aux distributions...
            Longue vie a x.org !

            Pour ma part, je pense qu'un fork n'est pas un probleme en soit tant qu'il n'y a pas tout a coup de revirement technique ou moral injustifie et/ou injustifiable
            Il est evident que si il y a des mecontents des choix faits, le risque de fork augmente... c'est pour cela que le consensus est important sans toutefois tomber dans l'immobilisme et/ou le consensu...el ... sinon il y a risque de fork :D
            Bref, je pense que ca permet au projet d'avoir un certain dynamisme sans precipation bete ou diversification "mortelle". AMHA, ce risque est une bonne chose et un bon moteur pour le projet.
  • # La peur du libre

    Posté par  . Évalué à 2.

    Vos réponses concernant les "forks réussis" sont très intéressantes.

    J'aimerais que vous m'apportiez des éléments sur le point suivant:

    * Pourquoi les licences libres font-elles peur à certains développeurs ?

    D'après mes constats, les développeurs sous Windows se posent rarement la question de la licence, et encore moins de choisir une licence libre (oui, je généralise). Le plus souvent ils considèrent que fournir un programme gratuitement est déjà énorme. Ils sont pour une grande part imperméables aux idées du libre, et cela fait autant de projets 'perdus' pour la 'communauté' (portage sous linux impossible par exemple).

    Connaissez-vous un document orienté "mentalité développeurs Windows" détaillant les avantages pour le développeur de choisir une licence libre plutot que propriétaire ?
    Un document montrant avec diplomatie / psychologie que les problèmes d'ego nuisent aux projets, et peuvent meme les faire mourrir (voir le site xmule.org) ?
    Ce serait intéressant d'avoir un argumentaire simple orienté vers ce public.

    A propos d'Itseasy, l'auteur semble finalement s'orienter vers la GPL. Je ne sais pas ce qui l'a fait changer d'avis, mais j'aime à penser que c'est suite à notre discussion (au moins en partie) :)
  • # Re: Projets et licences

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

    > - Pourquoi les licences "libres" […] font-elles peur à un développeur qui monte un "petit" projet ?

    Plusieurs raisons :

    – Le développeur estime qu'il a trimé dur pour faire son soft, il ne veut donc pas que d'autres le revendent et se fassent du pognon avec (complètement à côté de la plaque AMHA. Pour qu'un logiciel me fasse débourser de l'argent, il a intérêt à m'être indispensable. C'est très très rare)
    – Le développeur pense que son code est 'achement bien, et ne veut voir personne lui piquer ses idées géniales
    – Le développeur pense que son code est une daube infâme et ne veut pas laisser les gens regarder cette horreur et se moquer de lui, surtout s'il entend travailler dans le développement (le dev du jeu Lemmings Ball Z ne voulait pas montrer son code au départ pour ce genre de raisons, SJMRB)
    – Le développeur pense avoir de très bonnes idées pour le développement futur du produit, et veut garder la haute main dessus (syndrôme de Bernstein)
    – Le développeur veut jouer un tour pendable quelconque (passage en shareware, ajout de pubs dans le soft) difficilement possible avec un logiciel à sources ouvertes
    – Le développeur a une autre raison pour ne pas vouloir qu'on touche à son bébé (exemple : c'est un jeu vidéo et il pense que la sécurité par l'obscurité va éloigner les tricheurs)
    – Le développeur a entendu des histoires horribles sur l'Open Source (les logiciels libres pillés par des margoulins, ça existe : Miranda, CDex, XviD, j'en passe et des meilleures)

    Il se peut aussi que le dev se dise que l'OSS ne va rien lui apporter si ce n'est du boulot (il faut nettoyer les sources, rajouter les entêtes GPL/BSD, faire quelques docs, et si le projet est assez confidentiel/écrit dans un langage méconnu/difficilement compréhensible, les contributeurs ne vont peut-être pas se bousculer au portillon). Quoi qu'il en soit, la plupart de ces raisons sont franchement douteuses. La question que ces auteurs devraient se poser est : est-ce que j'ai une réelle chance de pouvoir vendre ce truc ? Si la réponse est (ou devient après essai) non, l'OSS s'impose de lui-même : autant que le code profite au plus grand nombre, et l'auteur lui-même ne peut qu'y gagner. Mais bon, parfois c'est plus de l'émotionnel que du rationnel. C'est pourquoi personnellement je n'essaie jamais de discuter le choix d'une licence avec un auteur : c'est son choix, et je reviendrai voir s'il le change un jour. D'ici-là, ce ne sont pas les logiciels OSS qui manquent (petit euphémisme) !

    Envoyé depuis mon PDP 11/70

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