Journal Déclaration de dépendance du cyberspace

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8
18
juin
2013

Coucou joujou,

Après le troll réussi sur l'auto-hébergement, initialement publié sur mon blog, puis largement commenté ici (centralisation oblige), voilà une autre traduction sur la dépendance du cyberespace au monde physique, moins polémique je l'espère. J'ai copié le texte ci-dessous pour ne pas faire seulement bookmark, mais n'hésitez pas à parcourir les autres contenus du blog et à commenter/participer.


Il y a quelques années, en 1996 (les vieux du village s'en souviendrons peut-être), John Perry Barlow a écrit la Déclaration d'indépendance du cyberespace. Ce document a été largement regardé par l'élite numérique comme la pierre angulaire de tout ce qui touche Internet.

Ce document proclamait l'indépendance du monde physique de ce tout nouveau cyberespace. Les gouvernements, leurs restrictions, règles et régulations n'y auraient pas leur place. Une telle pensée traverse toujours beaucoup d'articles et d'essais sur la nature d'Internet et son but.

Lorsque nous arrivons sur une page web à accès géographiquement restreint nous ressentons l'influence des lois du monde physique dans lequel nous vivons alors que dans le monde numérique les 0 et 1 semblent circuler librement. Il nous semble alors que ces lois sont caduques et que le cyberespace ne devrait pas être ainsi cassé, dénaturé. Ce qui est intéressant c'est que cette impression est erronée.

L'indépendance du cyberespace a été acclamée avec enthousiasme pour deux raisons simples :

  • Les lois que nous trouvions stupides dans le monde physique nous semblaient ici aussi stupides. (Je rappelle aux plus vieux d'entre nous que les disques japonais avaient rarement le même contenu au Japon et aux États-Unis.)
  • Les gens qui pensaient comme nous étaient en ligne et les autres n'y étaient pas.

Le cyberespace était plein de gens doués, créatifs. Des artistes, des scientifiques, des hackers. Basiquement l'antithèse des foules consuméristes qui débarquèrent après et que l'on avait appris à mépriser. Avec ceux qui étaient en ligne, tout semblait possible. Les utopies semblaient à portée de main. L'ère des super-héros allait arriver. La singularité était une affaire de semaines.

Bien sûr, cela ne s'est pas passé comme ça.

À un moment, Internet devint grand public. Comme l'écriture ou le jazz. Lorsque nous recevions tous les jours un nouveau pack de disques AOL dans notre boîte aux lettres nous aurions dû nous en rendre compte.

Il y a quelques années un procureur a demandé au porte-parole de The Pirate Bay Peter Sunde s'il avait déjà rencontré ses collègues «dans la vraie vie», Peter répondit :

Nous n'aimons pas l'expression « Dans la vraie vie ». Nous disons « Loin du clavier ». Nous pensons qu'Internet est réel.

Peter ne pouvait voir plus juste. Internet est réel. Le monde physique est réel aussi. Prétendre qu'il y a là deux facettes indépendantes de la réalité même si nous circulons sans cesse de l'une à l'autre en ne faisant rien de plus que vivre est au mieux étrange et au pire schizophrénique.

Quand dans Internet il n'y avait que des groupes de discussions, des canaux IRC et des sites webs avec des gifs animés qui disaient « Envoyez moi un mail », les deux mondes semblaient distincts et indépendants. Mais à présent, regardez autour de vous.

La moitié des appareils de la pièce où je suis sont connectés à Internet d'une manière ou l'autre. Bientôt vos plantes auront des comptes Twitter qui vous diront quand les arroser. Nous empilons les couches de données sur le monde physique. Ces données nous connectent et nous repèrent sur cette boule de poussière qui roule dans l'espace. Votre téléphone ne se contente pas de vous dire comment se déroule les manifestations en Turquie et au Brésil mais sait aussi parfaitement où vous êtes et vous permet d'éviter de manger dans ce joli petit resto pour préserver votre estomac.

Internet n'est pas fait d'idées ou d'éther. Il est fait de câbles de métal et de fibres de verre ou plastique. De même que nous sommes coincés dans nos corps de chair, Internet est essentiellement coincé dans des datacenters, des usines à données. C'est une perspective différente sur la réalité, qui ouvre d'autres manières de communiquer. Certaines sont formidables et d'autres sont horribles (les forums je pense à vous). Elle augmente exponentiellement nos capacités humaines en nous permettant de voir un nombre quasi infini de vidéos de chatons.

Le cyberespace dépend du monde physique de même que le monde physique, nos infrastructures et industries, ont désormais besoin d'Internet pour fonctionner. Le cyberespace et le monde physique sont entretissés et il est temps d'arrêter de les regarder comme des ennemis.

Certes, Internet nous a montré que beaucoup de lois sont stupides. Mais elles ne sont pas stupides que sur Internet. Elles sont stupides en général. Ce n'est pas à cause d'Internet qu'elles ont besoin d'être changées mais pour des raisons plus générales.

À présent la singularité semble être retournée dans les limbes de l'avenir. C'est bien. Nous avons perdu l'entre-soi de nos petits cercles d'amis qui connaissaient nos protocoles tout personnels. En échange nous avons gagné le potentiel d'embarquer toute l'humanité dans l'aventure, en leur montrant les possibilités infinies que nous avons explorées avant eux.

Je n'ai jamais pensé qu'Internet était le salut d'une petite élite. Je crois qu'en faisant sienne la connexion profonde et indépassable entre le monde des données numériques et le monde physique, nous pouvons construire un monde meilleur pour tous. C'est tout ce qui compte, n'est-ce pas ?

  • # Internet est réel

    Posté par  . Évalué à 9. Dernière modification le 18 juin 2013 à 15:13.

    Moi, ce qui me fait le plus halluciner, c'est la difference qui existe entre "les gens" (le peuple) et "les internautes". Comme si ces 2 groupes etaient completement differents, séparés et exclusifs. Qu'on pouvait taper sur l'un tout en épargnant l'autre.
    Et le pire, c'est quand un politique fait cette distinction. Ca montre a quel point, les mecs sont a l'ouest sur le monde dans lequel ils vivent.

    A une epoque, "les internautes" etait synonyme des "jeunes". Meme si beaucoup de politique n'en etaient pas conscients, ca revenait a taper sur les jeunes. Et d'un point de vue d'un politique moyen francais, rien de bien grave ni meme de tres nouveau (les "jeunes" ont toujours ete une categorie de citoyens a part quelque soit l'epoque).

    Mais aujourd'hui, "les internautes" = tout le monde. Et pourtant, cette distinction existe toujours meme si on la voit moins.

  • # Bof

    Posté par  . Évalué à 3.

    Ce n'est pas parce que quelqu'un se pignole en se gargarisant de grand mots qu'il faut faire la même chose, même pour démonter ses arguments foireux.

  • # Digital Dualism

    Posté par  . Évalué à 3.

    Une partie des propos de ton texte rejoint le discours des gens qui combattent ce qu'ils appellent le "Digital Dualism", qui est, dans mes mots, l'idée que le net n'est PAS la réalité.

    Je crois (mais je ne l'ai pas inventé :) qu'effectivement, il y a bien une différence entre le monde digital et le monde physique, entre le monde "online" et le monde "offline", mais les uns ne sont pas plus réels que les autres, et ils sont tous inter-enchevêtrés pour former la réalité que l'on connait :)

    Une grosse source de discussion sur le sujet ce trouve sur ce blog pour les gens intéressés : http://thesocietypages.org/cyborgology/

  • # 8th wonderland

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

    ce film expose un peu ce que la bonne et gentille pensée peut provoquer si on oublie les bases de la société au profit d une raison superieure.

    8th wonderland

    ceux qui ne connaissent pas je vous conseil de le trouver sur votre site de VOD préféré.

  • # les forums…

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

    C'est une perspective différente sur la réalité, qui ouvre d'autres manières de communiquer. Certaines sont formidables et d'autres sont horribles (les forums je pense à vous).

    En quoi sont-ils si horribles? Je n'ai pas d'avis particulier sur le problème, mais bon, des fois ça m'arrive par exemple de regarder le forum de gentoo (en plus de celui de linuxfr bien sûr), et ça marche assez bien : souvent les problèmes des gens sont résolus, et puis ça a l'avantage qu'en général sur les moteurs de recherche c'est mieux indexé qu'une liste de diffusion je trouve (juste une impression peut-être). Après, si c'est pour bavarder c'est peut-être pas l'idéal non, et si c'est pour communiquer quelque chose rapidement non plus.

    Je pense qu'il faut les voir dans l'idée où on poste quelque chose, puis on revient voir plus tard, à un autre moment. C'est pas si différent de ce qu'on fait ici avec les journaux, juste sans distinction entre journal et commentaires, et au lieu d'avoir des tags il y a des catégories, mais au final on s'y retrouve quand même.

    Mais peut-être que tu pensais à certains forums en particulier, et pas au concept?

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