Journal Licences GNU : le paradigme de la tour de Babel

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sept.
2004
Cela fait déjà quelques années que je m'intéresse au logiciel libre, et quelques mois que j'utilise GNU/Linux. Aussi ai-je eu le temps de me documenter, en lisant quelques célèbres articles, guides et foires aux questions sur la philosophie de ce modèle de développement.

Ce qui m'a le plus surpris, c'est que les licences GNU, qu'elles soient GPL, LGPL, FDL, etc. n'aient aucune valeur dans leurs versions traduites. Ex-windozien moyen, j'avais l'habitude de lire le fameux Contrat de Licence d'Utilisateur Final (CLUF) de Microsoft, afin de m'informer des droits théoriques et formels sur les logiciels. Aujourd'hui, lorsque j'installe un logiciel libre sous licence GNU et que je veux comprendre quelles sont les conditions de son utilisation, je ne peux me référer qu'à la licence anglophone !

Bien que je sois bilingue, cette situation me dérange a plus d'un titre : en premier lieu, les logiciels libres sous licence GNU ne sont pas employés que dans les pays anglo-saxons, et tous les utilisateurs potentiels peuvent ne pas maîtriser la langue anglaise.

En second lieu, comment puis-je me fier à un texte rédigé dans une langue qui n'est pas officielle dans mon pays ? Il est possible de s'informer en lisant la traduction francophone, mais celle-ci n'ayant aucune valeur, je ne serais pas plus avancé.

Le troisième point, celui qui me dérange le plus, est que rien ne garantit que les licences GNU soient en conformité avec la législation de mon pays, et dont prouve leur validité. Il faudrait, dans l'état actuel des choses, qu'un juge la définisse comme valable au regard de la loi. Or comment peut-il juger la validité de ces licences si la seul référence qui fait foi n'est pas dans la langue officielle de sa juridiction ?

Je pense que le principe des logiciels et de la documentation libre repose sur la confiance, et que cette confiance est essentielle : lorsqu'un développeur ajoute du code à une application sous licence GNU, d'autres développeurs vont devoir vérifier ce code et l'éprouver. C'est ainsi au regard d'un nombre substantiel voire majoritaire de jugements positif que l'ajout gagne en légitimité.

Autant je me réjouis que la FSF France va prochainement publier une traduction officielle de la licence GNU GPL (http://fsffrance.org/gpl/gpl.fr.html(...) ), autant je déplore qu'il aura fallu autant de temps pour qu'une telle idée aboutisse voire se concrétise.

En attendant, j'utilise des logiciels sous licence sans que rien ne puisse me prouver que j'ai compris les droits qui étaient les miens. Je contribue à Wikipédia en ayant l'idée d'avoir compris la licence GNU FDL, mais jamais en connaissance de cause.

Aussi je m'interroge sur les griefs qui ont pu justifier l'absence d'une traduction officielle malgré les nombreux projets en ce sens : est-ce un manque de confiance des instances de la FSF ? A l'heure où GNU/Linux, quelque part le symbole du logiciel libre, semble séduire un public de plus en plus large, je pense et j'espère de tout coeur que ces défauts seront rapidement corrigés, et que la couverture juridique de tels logiciels puisse s'étoffer.
  • # Difficulté

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 7.

    Aussi je m'interroge sur les griefs qui ont pu justifier l'absence d'une traduction officielle malgré les nombreux projets en ce sens
    Il est très difficile de traduire tout texte juridique dans une autre langue en s'assurant qu'aucun mot ne pert une partie de son sens ou n'en ajoute, ce qui changerait la signification. Calà necessite que plusieurs personnes s'en occupent/vérifient le résultat et pendant longtemps.
    Le même problème m'est arrivé pour mon contrat de travail quand j'étais aux Pays Bas, Il était en Hollandais, langue dont je ne connais pas un mot et j'ai eu une traduction en anglais fournie avec, mais qui indiquait qu'en cas de différence d'interprétation c'était la version en Hollandais qui était celle de référence.
    • [^] # Re: Difficulté

      Posté par  . Évalué à 1.

      Il est très difficile de traduire tout texte juridique dans une autre langue en s'assurant qu'aucun mot ne pert une partie de son sens ou n'en ajoute, ce qui changerait la signification. Calà necessite que plusieurs personnes s'en occupent/vérifient le résultat et pendant longtemps.


      Je comprends tout à fait que la traduction est une opération sensible, et que le résultat est sujet à caution : toutefois, les licences GNU ne datent pas d'hier, tout comme les projets de traduction. Je regrette simplement qu'il ait fallu attendre aussi longtemps pour recevoir le sésame de Richard Stallman.
    • [^] # Re: Difficulté

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 6.

      note d'un chieur : la langue parlée au Pays-Bas est le néérlandais.

      Je dis juste ça car je m'apperçoit que la majorité des Français font la faute.

      Mes livres CC By-SA : https://ploum.net/livres.html

  • # faux espoir

    Posté par  . Évalué à 3.

    Autant je me réjouis que la FSF France va prochainement publier une traduction officielle de la licence GNU GPL (http://fsffrance.org/gpl/gpl.fr.html(...(...)) )

    Ha ha. Heu, regarde la date de mise à jour de la page (tout en bas).
  • # Sur la validité de la GPL

    Posté par  . Évalué à 4.

    Aussi je m'interroge sur les griefs qui ont pu justifier l'absence d'une traduction officielle malgré les nombreux projets en ce sens : est-ce un manque de confiance des instances de la FSF ?

    À mon humble avis, il s'agit surtout d'un problème technique : comment s'assurer qu'un traduction de la GPL (par exemple) soit compatible avec la licence originelle ? Étant données les différences entre le copyright américain, sur lequel est basé la GPL, et les différents droits d'auteurs ayant cours de par le monde (par exemple, en France), cela ne me paraît pas simple.

    Pour ce qui est de sa validité au regard du droit français, Mélanie Clément-Fontaine, a en a fait une étude. Tu peux lire son rapport de DEA à cette adresse:
    http://crao.net/gpl/gpl.html(...)
    Si tu n'est pas plus que moi versé dans le domaine du droit, tu peux lire cette interview de l'auteure :
    http://crao.net/gpl/interview.html(...)
    Où elle dit notamment:
    Non seulement les logiciels sont protégés par cette licence mais en plus cette protection semble tout à fait satisfaisante quant au but à atteindre c'est-à-dire permettre au plus grand nombre l'accès du logiciel sans que personne ne puisse se l'approprier (mis à part le titulaire des droits) et faire échec à cette liberté.

    Il avait d'ailleurs été question de cette thèse sur LinuxFR.

    Une autre remarque prise dans des commentaires du site: si jamais la GPL est déclarée invalide en droit, c'est le droit d'auteur qui s'appliquera. Comme celui-ci est beaucoup plus restrictif, il n'y a pas de raison que qui que ce soit ne mette en doute sa validité. CQFD.
  • # Attention au vocabulaire !!

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 7.

    On ne /traduit/ pas une licence si on veut qu'elle ait une valeur juridique.
    On la *transpose* dans le droit qu'on vise.

    Ce n'est pas la première fois que je vois cette erreur, et elle m'énerve.

    Une traduction permet de comprendre le texte, mais ne rends pas son
    contenu valable selon la Loi du pays visé par la traduction (je sens que
    je suis pas clair).

    La GPL a *déjà* été traduite, et trop de gens ont pris ça pour une
    transposition, ce qui a amené le chantier actuel de la FSF-France. Ainsi
    que la quasi-disparition du Grand Ternet des deux traductions françaises
    de la GPL.

    Or comment peut-il juger la validité de ces licences si la seule référence qui fait foi n'est pas dans la langue officielle de sa juridiction ?

    Parce que, dans bien des cas, le droit français autorise d'autres langues ET
    d'autres juridictions dans les affaires concernant les professionnels (et
    *uniquement* les professionnels).

    Un avocat/juriste pourra surement fournir les liens nécessaires à la
    compréhension active de tout le bouzin.

    Proverbe Alien : Sauvez la terre ? Mangez des humains !

    • [^] # Re: Attention au vocabulaire !!

      Posté par  . Évalué à 1.

      [troll incontrôlable]

      Alors la solution est-elle dans la CeCILL ? N'a-t-elle pas été conçue comme une transposition de la GPL en droit français ?

      [/troll incontrôlable]
      • [^] # Re: Attention au vocabulaire !!

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

        Alors la solution est-elle dans la CeCILL ?
        Cette licence est une tentative pas trop mal réussie d'adaptation. Elle
        comporte quelques erreurs, qui auraient, amhaàmqj'a, pu être évité
        en dialoguant avec l'antenne française de la FSF.
        Ce n'est qu'une question de temps et de dialogue, la volonté de transformer
        la licence CeCILL en GPL-fr est assez forte, pour qu'elles soient corrigées.
        Attendons les versions 1.1 et 1.2 pour juger.

        N'a-t-elle pas été conçue comme une transposition de la GPL en droit français ?

        À l'origine, si. Mais y'a eu quelques loupés qui seront sans doute assez
        rapidement corrigé. Ne croyez pas que nous (public de trollfr) soyons
        les seuls à trouver des défauts au diff CeCILL - GPL.

        Proverbe Alien : Sauvez la terre ? Mangez des humains !

    • [^] # Re: Attention au vocabulaire !!

      Posté par  . Évalué à 1.

      Il est à noter que contrairement à l'abus de langage fréquent, la GPL et ses consoeurs ne sont pas des contrats en tant que tels, mais des « modèles de contrat ».

      Ce que propose la GPL est un modèle dont la FSF connait (ou espère) la validité dans un système juridique précis afin d'obtenir un résultat que le contrat scellera entre les contractants.

      À charge des contractants de vérifier que le modèle de contrat qu'ils choissent est en conformité avec les loi de leur pays. (la langue dans laquelle est rédigé le contrat n'a a priori pas d'importance, néanmoins pour qu'un contrat soit valide il faut qu'il soit le résultat de la volonté des parties. En clair, il est nul si on comprend pas ce qu'on signe)

      Il est donc plutôt positif que les modèles se multiplient afin de répondre aux exigeances des contractants et de leur système juridique respectif.

      Cela dit la nécessaire collaboration entre les équipes de développeurs force à choisir une licence « universelle ». Dans ce cadre la transposition de la GPL est une excellente chose.

      En outre, la publicité autours du concept de copyleft n'est pas servie par la multiplication des licences, mais les réactions autoritaires entendues ici et là sont, me semble-t-il, encore pires.

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