Cartographie et images de rues : Mapillary et OpenStreetCam

Posté par  (site web personnel) . Édité par Davy Defaud, BAud, RyDroid, Xavier Teyssier et claudex. Modéré par Pierre Jarillon. Licence CC By‑SA.
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13
sept.
2017
Technologie

Vous connaissez probablement déjà OpenStreetMap, la base de données cartographique libre. Mais vous connaissez sans doute aussi des concurrents qui proposent en plus des cartes d’autres services, comme les images aériennes, et depuis une dizaine d’années vous avez peut‐être pris l’habitude des images prises directement dans les rues : StreetView chez Google, StreetSide chez Microsoft…

Des alternatives libres se mettent en place, et c’est ce dont nous allons parler : OpenStreetCam, né en 2013, et Mapillary. Les deux initiatives sont ouvertes, tout le monde peut participer facilement via une application pour mobile.

Ces solutions permettent une alternative libre pour les utilisateurs et sont une aide très précieuse pour les contributeurs d’OpenStreetMap.

Sommaire

Réunir une telle collection d’images aurait pu paraître impossible il y a peu, mais l’avènement des smartphones change la donne : cartographier une rue peut être aussi simple que de fixer son téléphone sur son vélo, sa voiture, ou le tenir à la main en marchant. Une application s’occupe de prendre des photos (géolocalisées, bien sûr) périodiquement et de les envoyer vers les serveurs qui s’occupent du reste.

Dur d’atteindre la qualité des images panoramiques à 360° des concurrents, mais, à l’inverse, permettre à tout le monde de contribuer permet aussi de couvrir les zones inaccessibles en voiture.

En cinq ans, Mapillary a collecté 179 millions d’images (après avoir passé les 100 millions il y a moins d’un an), soit plus de trois millions de kilomètres couverts. La couverture OpenStreetCam n’est pas encore aussi bonne, mais c’est quand même plus de 50 millions d’images, et la croissance est très forte de ce côté aussi (multiplication par quatre depuis novembre 2016).

À quoi tout ceci peut‐il servir ?

  • Pour tout le monde : comme la concurrence, à savoir à quoi ressemble un endroit sans y être allé, à planifier un itinéraire… On peut accéder aux images depuis un navigateur via le site des deux projets. Mapillary est intégré à l’application libre Android OsmAnd depuis la version 2.7 de juillet 2017 (disponible sur le dépôt F-Droid sous le nom OsmAnd~). On peut maintenant visualiser les séquences Mapillary directement sur la carte :

Mapillary dans OsmAnd : séquences visibles sur la carte

Ou plus simplement, une section « photos en ligne » est maintenant disponible quand on examine les détails d’un lieu :

Mapillary dans OsmAnd : photos des lieux

  • Pour les contributeurs OpenStreetMap, c’est un outil précieux pour la cartographie de fauteuil, c’est‐à‐dire la possibilité d’éditer la carte OpenStreetMap sans être sur le lieu qu’on édite et éventuellement sans avoir fait de reconnaissance au préalable. L’éditeur ID en ligne sur https://openstreetmap.org permettait déjà d’éditer sur fond d’images aériennes ou de plan de cadastre par exemple. On peut maintenant visualiser les images de Mapillary directement depuis l’éditeur et, mieux encore, voir directement les panneaux de signalisation détectés par Mapillary en analysant les images.

Mapillary

Le principe de Mapillary est de récolter puis d’analyser un maximum d’images. L’analyse d’image permet de repérer les panneaux, feux tricolores, et aussi d’autres éléments comme les voitures, garages à vélo, verdure, poubelles… Ces données sont utilisables librement par OpenStreetMap, et l’entreprise derrière Mapillary monnaye ces données.

Voici par exemple ce que Mapillary détecte place du Trocadéro :
Données détectées place du Trocadéro

Ces données sont utilisables directement depuis les éditeurs OpenStreetMap ID (éditeur par défaut depuis le site Web) et JOSM (client lourd). Lire l’article de blog et les vidéos associées pour les détails. Les éléments de carte peuvent être associés à une image Mapillary via l’étiquette mapillary=….

Mapillary est également intégré dans l’application Android OsmAnd.

OpenStreetCam

OpenStreetCam est mené par Telenav, qui s’appuie sur OpenStreetMap pour les outils de navigation qu’elle commercialise.
OpenStreetCam en ligne

Une originalité d’OpenStreetCam est sa manière d’encourager les contributeurs par un système de points : on gagne des points en contribuant des images, et d’autant plus de points qu’on couvre des zones non couvertes.

OpenStreetCam est intégré dans l’éditeur JOSM, mais pas (encore ?) dans ID ni OsmAnd.

Historiquement, le projet s’est lancé sous le nom OpenStreetView pour reprendre le nom de domaine d’un projet lancé en 2009 qui n’avait pas réussi à devenir populaire. Il a été renommé plus tard en OpenStreetCam pour éviter la confusion possible avec la solution de Google.

Est‐ce vraiment libre ?

On lit çà et là sur le Web des controverses comme quoi l’une des solutions est commerciale et l’autre libre. En réalité, les deux solutions sont supportées par des entités commerciales (Mapillary AB est une entreprise basée en Suède centrée sur le service mapillary.com, et OpenStreetCam est mené par l’entreprise Telenav qui vend des systèmes de navigation pour voiture qui utilisent OpenStreetMap). Et les deux solutions sont « en grande partie libre ».

Les deux services distribuent les images sous licence CC-BY-SA, et dans les deux cas les contributeurs donnent au service une licence qui lui permet d’utiliser les images sans restrictions.

Chez OpenStreetCam, le code du site Web et des applications pour Android et pour iOS sont libres (mais au moins l’application Android a des dépendances non libres qui empêchent, entre autres, son inclusion dans F-Droid). Mapillary fournit plusieurs logiciels libres, par exemple mapillary-js, le code qui permet l’affichage des images sur leur site Web, mais l’application pour Android et iOS n’est pas libre (elle pourrait le devenir prochainement).

Pour Mapillary, il faut distinguer les conditions d’utilisation du service et la licence des images. Les conditions pour le service ne permettent pas l’usage commercial hors contrat avec lui (d’après la partie 1.2 de ses conditions d’utilisations) et limitent par défaut les téléchargements à 50 000. La licence des images est la licence CC-by-SA et il est possible de re‐licencier les travaux dérivés dans le cadre d’OpenStreetMap selon les conditions de la fondation OpenStreetMap. En d’autres termes, il y a des restrictions sur le téléchargement d’images, mais une fois les images téléchargées, elles sont utilisables librement. Les images sont libres, mais le service n’est pas entièrement gratuit (250 €/mois pour le pack « professional », par exemple).

Pour un comparatif des conditions des deux services (écrite par un employé Mapillary), voir par exemple ici.

Et la pérennité ?

L’ouverture est souvent citée comme gage de pérennité. Si l’auteur d’un logiciel libre décide de passer à autre chose, quelqu’un d’autre peut, au moins en théorie, prendre le relai.

Pour OpenStreetCam et Mapillary, la situation est un peu plus compliquée. Le scénario catastrophe où l’un des deux arrête son activité ou se fait racheter par une entreprise qui décide d’arrêter de diffuser les images sous licence libre est tout à fait possible. Pour qu’une autre entité puisse reprendre la suite, il faut que deux conditions soient réunies : que les images soient réutilisables (c’est le cas avec la licence CC-BY-SA), et que quelqu’un ait gardé les images avant qu’elles ne disparaissent. C’est le deuxième point qui est problématique : les bases d’images sont colossales (plus de 500 téraoctets pour Mapillary, un peu moins pour OpenStreetCam, mais fort taux de croissance dans les deux cas) donc maintenir un stockage correctement fiabilisé pour un miroir aurait un coût de l’ordre de la centaine de milliers d’euros par an (en calcul de coin de table…). Ajouté à la limite de téléchargement pour Mapillary, maintenir un miroir n’est clairement pas à la porté du premier venu (même si en comparaison une fondation comme celle de Wikipédia gère un budget autrement plus élevé). Côté OpenStreetCam, certains en ont discuté, mais toujours pas de miroir non plus.

On peut espérer que les deux services ne fermeront pas en même temps, donc une solution pour les contributeurs pour pérenniser leurs images est d’envoyer les images aux deux, mais ce n’est pas faisable directement depuis les applications pour mobile. Certains contributeurs conservent également une copie de leurs images localement, « au cas où ».

Comment contribuer ?

Contribuer est très facile si vous avez un smartphone. Un contributeur peut installer l’application et prendre des images de sa rue à pied et sans matériel supplémentaire en quelques minutes, ou se fixer des objectifs plus ambitieux comme certains contributeurs qui s’imposent de dépasser le million d’images contribuées en un mois. Pour contribuer en voiture ou à vélo, il est recommandé d’avoir un support, Mapillary en envoie gratuitement sur demande aux contributeurs si besoin. Toute la richesse de ces bases d’images vient de la diversité des contributeurs, donc de la diversité des images qu’elles contiennent.

Alors, vous avez commencé ? Qu’attendez‐vous ? ;-)

Aller plus loin

  • # Confidentialité

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

    En testant Mapillary, je suis tombé sur un endroit où l'on voit le visage d'un humain. L'homme ainsi pris en photo est parfaitement visible et reconnaissable (par les personnes le connaissant, bien évidement).

    Quelle est la politique relative à la reconnaissance des gens, plaque d'immatriculation, etc. ?

    Ces deux entités peuvent-elles subir des risques de plaintes, comme l'a éprouvé Google, me semble-t-il, il y a quelques années ?

  • # Utilité pour les contributeurs

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

    Ce genre de service est en effet très précieux pour les contributrices et contributeurs.
    Cela offre bien sûr une source de contribution pour un contributeur au chaud chez lui. Mais cela permet surtout de mettre en commun les prises de vue qui permettent de mieux apprécier des lieux compliqués, compléter des photos mal cadrées ou pas assez nettes.
    En contribution classique, on prend ses photos, on cartographie ce qu'on voit et on jette/archive. Le problème, c'est qu'on voit ce qu'on veut bien voir. Deux contributeurs ne verront pas forcément les mêmes éléments à cartographier, et donc un deuxième contributeurs pourra profiter de la photo déjà utilisée pour cartographier d'autres éléments ou précisions.
    Et puis bien sûr, cela permet parfois de contribuer sans avoir de photo sous la main, parce qu'on est passé sans pouvoir prendre de photo ou parce qu'on n'y est pas allé mais qu'on nous en a parlé ou bien on semble discerner quelquechose sur l'imagerie aérienne.
    Bref, c'est très utile :-)

  • # .

    Posté par  . Évalué à 2.

    Si Openstreetcam peut récupérer librement les images de mapillary, autant contribuer directement à ce dernier, où ai je raté quelque chose ?

    • [^] # Re: .

      Posté par  . Évalué à 5.

      Ta remarque marche dans les deux sens.

      « Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche

      • [^] # Re: .

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

        En fait, c'est plus compliqué que ça, et la réponse rapide est : non, ça ne marche pas.

        Dans le sens Mapillary -> OSC, il y a la limite en nombre de téléchargements qui empêche de faire un miroir sans passer par une version payante du service.

        Et dans les deux sens, les images distribuées sont sous licence creative-common, mais les services exigent une licence plus permissive sur les images en entrée (en gros, on leur donne tous les droits sur l'image), qui leur permet d'avoir la main sur la propriété intellectuelle de toutes leurs données.

        Voir par exemple ici pour plus d'explications : https://github.com/openstreetcam/openstreetview.org/issues/60#issuecomment-260201961

        • [^] # Re: .

          Posté par  . Évalué à 3.

          Dans le sens Mapillary -> OSC, il y a la limite en nombre de téléchargements qui empêche de faire un miroir sans passer par une version payante du service.

          C'est l'obstacle principal. Après, il faudrait voir ce que ça donne avec les limite (même de la version payante). Sinon, dans l'autre sens, il y a pas de service payant mais je doute que tu puisse pomper toutes les données sans qu'ils te limite.

          Et dans les deux sens, les images distribuées sont sous licence creative-common, mais les services exigent une licence plus permissive sur les images en entrée (en gros, on leur donne tous les droits sur l'image), qui leur permet d'avoir la main sur la propriété intellectuelle de toutes leurs données.

          Mais ils pourraient très bien faire une exception pour importer en masse les images d'un autre service.

          « Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche

          • [^] # Re: .

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

            Mais ils pourraient très bien faire une exception pour importer en masse les images d'un autre service.

            En théorie oui, mais pour Mapillary par exemple : que dire de la propriété intellectuelle des données extraites par analyse d'image ? Que pourraient-ils faire de la position d'un objet calculée par triangulation de plusieurs images de licences différentes ?

            Faire ce genre de choses les entraîneraient dans un casse-tête juridique (savoir ce qu'ils ont le droit de faire) et technique (tracer la propriété intellectuelle des données extraites) dans lequel ils n'ont pas envie d'aller.

            • [^] # Re: .

              Posté par  . Évalué à 3.

              Faire ce genre de choses les entraîneraient dans un casse-tête juridique (savoir ce qu'ils ont le droit de faire) et technique (tracer la propriété intellectuelle des données extraites) dans lequel ils n'ont pas envie d'aller.

              IANAL mais je ne pense pas que calculer la localisation d'un point à partir est considéré comme un travail dérivé de l'image et que du coup, il doit suivre la même licence avec du By-SA. C'est juste qu'ils ne pourraient le revendre sous une autre licence comme ils le font avec les images directement transférées sur leur service. Alors, je ne pense pas que c'est intéressant pour eux à court terme mais si un service l'emporte de manière importante sur l'autre (ou pour certaines zones géographiques comme un pays ou un continent), ça vaudra peut-être la peine.

              « Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche

  • # Test rapide de OpenStreetCam

    Posté par  . Évalué à 5.

    J'avais déjà entendu parler des deux projets, mais je ne m'y étais jamais intéressé de près jusque là.
    Aujourd'hui, j'ai téléchargé l'application android OpenStreetCam pour tester.
    Je précise que j'ai testé en marchant.

    L'application est très simple, avec la carte en plein écran et un bouton pour commencer à prendre des photos.
    Une fois l'enregistrement démarré, les photos se prennent automatiquement, et il n'y a rien à faire, si ce n'est orienter la caméra vers devant soi. Un autre appui sur le bouton pour couper l'enregistrement, et l'appli nous indique le nombre de photo prise, l'espace de stockage occupé, et le nombre de "points" gagnés.

    Les photos sont regroupées sont forme de tracks. On peut voir celles qui sont déjà présentes sur la carte, et celles que l'on viens de créer, sous forme de diaporama. On peut passer d'une photo à l'autre, on tout faire défiler. Cela dit, l'interface a des comportement très bizarres, et je ne sais toujours pas si c'est dû à une mauvaise ergonomie, des bugs, ou des problèmes de chargement des photos.
    Les photos ne sont pas uploadées directement (il me semble que c'est configurable). On retrouve la liste des tracks dans "menu" -> "Téléverser", avec un bouton pour tout envoyer d'un coup. L'opération se fait en arrière-plan sans problème, et on peut voir les photos s'ajouter au fur et à mesure depuis leur site web.

    Pour environ 30 minutes de marche, j'ai un total de 372 photos. Les photos sont plutôt bien espacées, pas de gros trou ni de photos trop rapprochées. Il m'est arrivé d'attendre sur des passages piétons sans que cela génère plus de photo du même endroit, donc je suppose que l'application utilise principalement la vitesse et le GPS pour déterminer quand prendre la photo suivante.

    Le gros point noir, c'est le floutage qui ne marche pas. La grosse majorité des personnes n'ont pas été floutées, même en étant au premier plan. Ça semble être plus efficace sur les plaques d'immatriculations, mais c'est très loin d'être parfait. Et au contraire on retrouve des faux-positifs comme des morceaux de grillage floutés sans raison.
    Il n'existe actuellement aucun moyen pour modifier cela soi-même. Il y a un bouton d'ajustement du flou à partir du site internet, mais celui-ci nous affiche un panneau "fonctionnalité en cours de développement".

    Après, je suppose que les enregistrements piétons sont l'exception par rapport aux enregistrements depuis une voiture ou un vélo, et que les algorithmes sont plus fiable dans ces cas-là.

  • # Un chieur de service est de passage

    Posté par  . Évalué à -2.

    planifier un itinéraire, …

    Virgule et espace en trop

    accéder aux images depuis un navigateur via

    Autant préciser "navigateur web"

    f-droid

    F-Droid

    Pour les contributeurs OpenStreetMap

    et contributrices
    http://www.madmoizelle.com/guide-langage-non-sexiste-109220

    poubelle, … Ce données

    • Virgule et espace en trop
    • "Ces données" et pas "Ce données"

    le tag mapillary=….

    4 points au lieu de 3

    l'application android

    Android

    encourager les contributeurs par

    et contributrices

    la licence CC-by-SA

    CC-BY-SA

    fondation Openstreetmap.

    OpenStreetMap (les majuscules)

    Certains contributeurs conservent

    et contributrices

    Un contributeur peut

    ou une…

    comme certains contributeurs qui s'imposent

    et certaines…

    la diversité des contributeurs,

  • # Alternative non libre

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

    vous avez peut-être pris l'habitude des images prises directement dans les rues : StreetView chez Google, StreetSide chez Microsoft, …

    À noter que Mappy (Urban Dive) le fait aussi (ex) mais il y a beaucoup moins de couverture, et je crois que c'est limité à la France.

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