Eliane Domingos : nouvelle présidente de The Document Foundation

34
1
mar.
2024
Bureautique

The Document Foundation, TDF pour les intimes, la fondation qui chapeaute la suite bureautique libre LibreOffice, a élu, le 19 février 2024 son nouveau Conseil d’administration, à sa tête Eliane Domingos de Souza. Elle est élue pour deux ans. C’est aussi une bonne opportunité pour évoquer rapidement le fonctionnement de TDF et le rôle du conseil d’administration (BoD).

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Sommaire

Parcours d’une militante

Eliane Domingos est consultante en cotravail et formatrice en migration vers LibreOffice. Elle est membre de la communauté LibreOffice depuis plus onze ans et a été membre du BoD de TDF de 2014 à 2016.

Après avoir commencé à militer pour une bureautique libre avec OpenOffice.org, elle continue ensuite avec LibreOffice. Elle vit à Rio de Janeiro et fait partie de la communauté brésilienne LibreOffice où elle promeut la suite dans diverses manifestations et sur les réseaux sociaux. Elle fait maintenant partie, depuis quelques années, du comité d’organisation du congrès latino-américain (es) de LibreOffice (LATAM).

Elle a créé et animé le LibreOffice Magazine (en), une publication, en portugais brésilien, de la communauté brésilienne réalisée uniquement avec des logiciels libres : Draw, Inkscape, Gimp et Shutter. Le magazine donnait des nouvelles de la suite, des interviews et des tutoriels. Il a fait l’objet de vingt-sept numéros : d’octobre 2012 à décembre 2017. On peut toujours les télécharger en version PDF et ODG (pt). L’objectif du magazine était de montrer que LibreOffice, c’était plus qu’un tableur et traitement de texte, d’où le choix de Draw. Elle voulait aussi démontrer la puissance de Draw et ce qu’il est possible de faire avec. Comme souvent, le projet s’est arrêté faute de volontaires pour continuer à l’alimenter malgré une forte audience.

Pendant la « campagne électorale » au BoD elle s’était livrée à l’exercice de la vidéo avec de petites vidéos expliquant l’importance de LibreOffice. En fin d’année 2023, elle avait, notamment, réalisé cette sympathique petite vidéo avec un t-shirt « à programme » dont le slogan, en anglais, était : « TDF and community t♡gether for LibreOffice  » (TDF et la communauté ensemble pour LibreOffice).

The Document Foundation 

The Document Foundation (TDF) est une fondation de droit allemand à but non lucratif dont l’objectif est la promotion et le développement de logiciels bureautiques libres accessibles à tous et à toutes gratuitement et basés sur des standards ouverts. Le logiciel, à savoir la suite bureautique libre LibreOffice doit être :

mis à la disposition de tous, y compris des entreprises et des administrations, pour une utilisation libre et ouverte, sans préjudice de la propriété intellectuelle de leurs propres fichiers, afin d’assurer leur pleine participation à une société numérique (préambule des statuts).

Pour ce faire TDF, entre autres actions, pilote le développement de la suite LibreOffice et la diffuse sur son site, permet à tout un chacun d’ajouter extensions et modèles sur le site dédié, encourage la traduction de LibreOffice et a embauché récemment des personnes pour travailler sur l’accessibilité de la suite bureautique.

TDF est pilotée par trois conseils :

  1. le conseil d’administration (le BoD, Board of Directors, en allemand « der Vorstand ») dont Eliane Domingos est l’actuelle présidente,
  2. le conseil des membres (Board of Trustees, en allemand « das Mitglieder-Kuratorium sowie »),
  3. le bureau des membres (Membership Committee, en allemand «  das Mitglieder-Komitee »).

L’activité au sein de ces conseils est bénévole (article 6 des statuts).

Ces instances peuvent s’aider d’autres instances comme le comité de direction technique (ESC, Engineering Steering Committee) composé de personnes physiques dotées de compétences transversales dans :

le développement, le codage, la traduction, l’expérience utilisateur, l’assurance qualité (QA), l’ingénierie de mise en production, la création de paquets, etc. (wiki de LibreOffice)

Ou encore le conseil consultatif (AB, Advisory Board) qui est une instance statutaire et dont la mission est de conseiller le BoD. Il est composé de personnes morales (en) telles que : Collabora (en), la ville de Munich, KDE, GNOME (en) ou la FSFE.

Le BoD (conseil d’administration), rôle et composition

Le conseil d’administration (ou « BoD » pour Board of Directors) est élu avec une représentation proportionnelle des voix individuelles par un scrutin à vote unique transférable en utilisant la méthode Meek. Il est élu par les membres de la communauté pour deux ans. Il comporte sept membres et trois suppléants, dans l’ordre alphabétique de prénoms : Björn Michaelsen, Eike Rathke, Eliane Domingos (présidente), Italo Vignoli, László Németh, Mike Saunders, Osvaldo Gervasi, Paolo Vecchi, Simon Phipps (vice-président) et Sophie Gautier.

Eliane Domingos succède à Thorsten Behrens (en). C’est la première fois dans l’histoire de TDF qu’il y a autant de femmes (deux) au conseil d’administration.

Le BoD « est l’administrateur principal des projets et des équipes de la Fondation. Les membres du Conseil sont des représentants judiciaires et extrajudiciaires de la fondation. » Gouvernance de LibreOffice. Il a aussi pour rôle de prévenir d’éventuels conflits d’intérêt au sein de la fondation. Il a, statutairement, la mission de veiller à ce « qu’un tiers maximum des membres du conseil d’administration, du comité des membres et du conseil consultatif travaillent pour la même entreprise, organisation ou unité ou l’une de ses organisations filiales pendant que les employés travaillent. » (statuts, article 8). Le BoD peut exclure des membres d’un comité ou en ajouter si nécessaire pour éviter ces risques. Il a également pour obligation de publier toutes les informations concernant le fonctionnement de TDF et celui des conseils (article 8.3).

Une promesse pour LibreOffice

La gouvernance de TDF a, ces dernières années, dérivé du modèle original des statuts. Au menu : manque de transparence, conflits d’intérêts, etc. générant des tensions et un climat délétère pouvant amener des bénévoles et des personnes salariées à quitter le projet. À cela s’ajoute un inconfort sur le mode de délivrance de la version « de bureau » de la suite, des voix s’étant élevées pour qu’elle ne soit plus gratuite. Et enfin, un audit mené en 2023 soulignait qu’il était possible que, compte tenu du fonctionnement actuel de la fondation, elle pourrait ne plus être considérée comme une organisation à but non-lucratif.

Face à ce triste constat, un groupe de personnes s’est constitué à la fin de l’année 2023 pour rédiger un manifeste « Une promesse pour LibreOffice » et présenter une liste. Sur les onze personnes de la liste, cinq ont été élues : Eliane Domingos, évidemment, Mike Saunders (Alllemagne), Paolo Vecchi et Osvaldo Gervasi (Italie) ainsi que Sophie Gautier (France)1.

Cette promesse, traduite en huit langues dont le français indique, en creux, les dysfonctionnements de TDF. Les signataires s’engagent à les corriger, notamment en 2 :

  • rétablissant les appels d’offres afin d’offrir « des opportunités pour tous, qu’il s’agisse de développeurs individuels ou de grandes organisations »,
  • agissant avec transparence (exit les réunions privées) avec des réunions moins nombreuses mais plus efficaces et à des horaires variables (mondialisation oblige) et en publiant des rapports publics mensuels traduits dans de nombreuses langues,
  • installant un système de démocratie délégative,
  • veillant à ce que la maîtrise de l’anglais ne soit plus une obligation pour participer,
  • organisant au moins une des deux conférences officielles de LibreOffice en dehors de l’Europe,
  • valorisant tous les contributeurs de la même manière pour que plus personne se sente comme un membre de la communauté de « seconde classe ».

Les signataires de la promesse s’engageant également à ce que TDF soit reconnue dans le monde entier au niveau gouvernemental et à développer l’écosystème.

Des orientations pour son mandat ?

Au cours de la mandature 2014 – 2016, le BoD fonctionnait sur la base de réunions hebdomadaires et les membres du BoD n’avaient pas d’attribution particulière. Pour ce mandat, Eliane Domingos pense que certains des administrateurs et administratrices pourraient se voir confier la surveillance d’un secteur pour une meilleure efficacité.

Ainsi, il pourrait y avoir une personne en charge du marketing, une pour s’occuper des dons, une pour suivre le développement de la suite, etc. Elle espère que cela permettra de rétablir une meilleure ambiance au sein du projet.

Sur l’aspect financier, elle pense qu’il serait peut-être pertinent de diversifier les sources de paiement pour les dons. Elle se base notamment sur son expérience où, au Brésil, nombre de personnes souhaiteraient pouvoir faire des dons sans pour autant donner leur numéro de carte de paiement. Sur cette question, elle estime également qu’il y aurait des efforts de promotion à faire.

Enfin, elle défend également une meilleure diversité au sein de TDF.

Pour compléter ?

Vous trouverez des liens vers les listes de tous les autres membres des différents conseils d’administration de TDF par mandat en passant, par exemple, via la page de l’actuel BoD. TDF étant de droit allemand, les statuts sont en allemand, une traduction en anglais figure toutefois en haut de la page qui leur est consacrée avec toutes les réserves de rigueur sur le fait que seule la version allemande a force juridique.

Si vous voulez suivre le travail du BoD, les minutes des réunions seront publiées sur le Nextcloud de TDF.

Un grand merci à Jean-Baptiste Faure pour sa relecture.


  1. Les candidatures et les élections au BoD ne se font pas sur une base géographique, mais il m’a semblé utile d’indiquer les lieux de résidence. 

  2. Les passages en italiques sont tirés de la « Promesse ». 

Aller plus loin

  • # Devenir membre de TDF

    Posté par  . Évalué à 5 (+3/-0). Dernière modification le 02 mars 2024 à 16:58.

    Merci pour cette dépêche. J'espère qu'en donnant un peu de visibilité à Eliane Domingos elle donnera envie à tous ceux qui contribuent d'une façon ou d'une autre à LibreOffice de devenir membre de TDF afin de faire entre leur voix dans la conduite du projet.
    TDF a besoin de diversité : plus de femmes, plus de personnes non européennes, plus de personnes pour lesquelles l'anglais n'est pas une langue familière.
    Donc si vous apportez une contribution utile au projet, n'hésitez pas, présentez votre candidature à TDF.

  • # Trop tard ?

    Posté par  . Évalué à 1 (+1/-1).

    Loin de vouloir raviver les trolls d'antan mais j'ai l'impression que tout le movement qui existait à l'époque autour d'ODF et LO/OO est mort non ?

    Il y a encore des mouvements significatifs dans l'industrie autour de ces technologies ?

    • [^] # Re: Trop tard ?

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3 (+0/-0).

      Ben non. LibreOffice continue à évoluer, il existe une version en ligne et une pour Android. Et la norme ODF évolue aussi, elle.

      Le mouvement me semble bien vivant.

      « Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.

    • [^] # Re: Trop tard ?

      Posté par  (Mastodon) . Évalué à 4 (+1/-0).

      Libreoffice et sa version en ligne collabora online ont de l'attrait pour des entreprises qui veulent tout avoir on-prem où en dehors d'un nuage géré par une entreprise américaine.

    • [^] # Re: Trop tard ?

      Posté par  . Évalué à 2 (+2/-0). Dernière modification le 26 mars 2024 à 15:12.

      Bonjour,

      Je ne sais pas ce que vous entendez par "mort"… Que l'exposition médiatique soit limitée, certainement, mais le projet reste très actif avec près de 12000 contributions annuelles.

      La communauté francophone participe à des événements ouverts, abordables pour le visiteur, parfois militants, dans la bonne tradition du logiciel libre. Il y a toujours des travaux de normalisation de l'ODF en cours.
      Pour l'aspect business, des marchés publiques support existent, de nombreuses collectivités utilisent sans nécessairement en faire la publicité et une activité formation soutenue existe chez quelques prestataires.

      Les salons français où l'on a parlé de LibreOffice et de sa déclinaison en ligne Collabora en 2023-2024:

      • OpenSource Expérience - Paris
      • Capitole du libre - Toulouse
      • Journée du logiciel libre - Lyon
      • Rencontre amicale francophone du logiciel libre - Montpellier
      • les Numériques en commun
      • Congrès de l'Adullact - Montpellier
      • Alposs - Grenoble
      • RPLL - Lyon

      A l'internationale :

      • Le Fosdem - Bruxelles
      • les Cools days pour Collabora - Cambridge
      • La Libocon, l'évenement développeur et communautaire de The Document Foundation, chaque année en Europe, Asie et Amérique du sud.
      • [^] # Re: Trop tard ?

        Posté par  . Évalué à 1 (+0/-0).

        Je comprends bien que les projets ne sont pas morts, mais il y avait une époque oû l'on parlait d'ODF remplaçant les formats Microsoft, devenant un standard dans les administrations, LO-OO prenant de l'ampleur

        Le soufflé semble être dramatiquement retombé de ce côté là et perso il me semble que cela a commencé à tomber lorsque OO-LO ont eu leur guerre fratricide. Je me disais que cela pourrait même leur donner une impulsion à long terme mais il me semble qu'ils ont en majorité loupé le virage online, du moins niveau adoption.

        • [^] # Re: Trop tard ?

          Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4 (+2/-0).

          Je pense que tu n'es pas bien au fait du quotidien dans de nombreuses administrations et services publics.

          Libreoffice mais aussi thunderbird et roundcube ont remplacé un certain volume de licences Microsoft.

          Ça ne fait pas forcément beaucoup de bruit mais le mouvement est là …

          • [^] # Re: Trop tard ?

            Posté par  (Mastodon) . Évalué à 5 (+3/-0).

            J'ajouterai même qu'au quotidien, on ne passe plus pour un extra-terrestre, ou un rabat-joie quand on dit qu'on utilise LibreOffice, et qu'on n'a pas les outils Microsoft.

            Et qu'on ne se prend plus des regards médusés, incompréhensifs, ou attristés, quand on propose aux gens d'installer LO.

            En fait, l'heure de la polémique est passé, et LO est définitivement entré dans le paysage, comme pour VLC, ou emacs*.

            • Yth.

            *: Humour. Drôle. Haha. Smiley qui se bidonne : :)

        • [^] # Re: Trop tard ?

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2 (+0/-0). Dernière modification le 28 mars 2024 à 19:10.

          cela a commencé à tomber lorsque OO-LO ont eu leur guerre fratricide

          o_O quelle guerre ?

          OOo appartenait à Sun, racheté par Oracle, LibO s'est lancé en 2010 (avec un fork de OOo, la participation d'IBM + OpenSUSE/Novell qui contribuaient déjà à Go-OOo, création de TDF) => tout le monde est passé sur LibreOffice (utilisateurs, contributeurs, développeurs…) avec un développement réellement ouvert, sans regarder en arrière, laissant OOo vivre sa vie (ou son dépérissement selon le point de vue)

          Oracle de son côté a fourgué OOo à la fondation Apache (pour sauver les meubles diront certains), fin de l'histoire.

          Ayant vécu un peu la même chose côté Mageia, tu regardes plutôt de l'avant que de garder des rancœurs contre-productives : la société Mandriva avait même basé une de ses versions de Mandriva server sur Mageia ; Mageia et OpenMandriva — basé sur ROSA/Mandriva — ont collaboré sans animosité — bon, ils ont géré nos amis italiens, côté Mageia nous avons eu le soutien indéfectible de MLO, on avait chacun Mageia / OpenMandriva un stand face à face à Solutions Linux, l'occasion de voir les apports intéressants de chacun :p

          Tout l'intérêt d'une communauté est dans la collaboration pour créer quelque chose d'intéressant, pas récriminer les uns contre les autres… même si certains aiment les drama imaginaires :D Chacun peut bien passer son temps à ce qu'il veut.

          OOo reste vivant avec 3-4 participants réguliers, grand bien leur fasse, ça les regarde…

          C'est bien un affrontement imaginé qui est mort-né (disons, bah dès le départ en fait…).

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