L'ADULLACT prend position sur les brevets logiciels en Europe

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juin
2005
Technologie
À quinze jour à peine du vote décisif du Parlement Européen sur la "directive C2I" (introduction des brevets logiciels en droit européen), l'ADULLACT (Association des Utilisateurs de Logiciels Libres dans les Administrations et les Collectivités Territoriales) vient de rendre publique une lettre à ses adhérents dans laquelle elle exprime ses plus vives inquiétudes pour l'avenir de de l'administration électronique en Europe dans le contexte présenté par la position commune de la Commission Européenne et du Conseil.

On peut en effet légitimement se demander s'il est simplement raisonnable du point de vue de l'intérêt public d'encourager la création de services en ligne à destination des citoyens au vu des incertitudes juridiques qu'introduirait l'adoption du texte actuellement soumis au vote du Parlement en seconde et dernière lecture avant adoption définitive par l'Union Européenne, puisque cela reviendrait à exposer le principe même de communication de documents publics à des revendications pécuniaires devenant légitimes de la part d'acteurs internationaux du secteur concurrentiel. Cette dernière affirmation mérite certainement quelques explications.

L'administration électronique se donne un double objectif :

- Le premier est d'offrir de meilleurs services aux citoyens par l'ouverture de "guichets électroniques" 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 par l'intermédiaire de sites Web employant des méthodes sophistiquées d'authentification, de chiffrement et de publication, ainsi que des interfaces réputées sûres pour la saisie de données personnelles par l'intéressé.

- Le second est de promouvoir l'émergence d'une industrie locale du logiciel et des services encore embryonnaire à même de réaliser, maintenir et faire évoluer les logiciels, infrastructures et sites finement adaptés aux exigences locales, finesse d'adaptation de laquelle découle la qualité du service rendu.

Ces deux enjeux sont, à l'évidence, tout à fait cruciaux pour les collectivités territoriales dont la raison même d'être est la proximité avec leurs usagers et électeurs.

Pour autant, en contradiction avec le droit européen (et français) existant, l'Office Européen des Brevets a déjà accordé entre 30.000 et 50.000 brevets sur certaines méthodes de publication de documents, certaines méthodes de traitement de données (dites "méthodes métier"), ainsi que divers procédés d'authentification ou de sécurisation des télécommunications ou de données personnelles.

De ce fait, toute mise en oeuvre de nouveaux services électroniques à destination du citoyen ne devrait, à l'avenir, s'envisager qu'à l'issue d'une étude préalable en propriété intellectuelle à l'échelle européenne (pour vérifier que le projet qu'on souhaite mettre en oeuvre ne contredit pas telle ou telle technique brevetée existante), et ce, pour chaque projet distinct, sous peine d'exposer les commanditaires à des revendications financières de la part des détenteurs de brevets.

Par ailleurs, les entreprises locales de développement ou façonnage de logiciel devront également, pour toute adaptation ou mise en oeuvre d'un logiciel existant, s'intéresser aux éventuels brevets existants (ou souscrire des assurances spécialisées). Enfin, les entreprises de services informatiques, qui recourent souvent aux logiciels libres pour bâtir les infrastructures qu'utiliseront leurs commanditaires, devront également s'assurer de ne pas mettre leurs clients à la merci de revendications d'acteurs du secteur concurrentiel.

L'absence à ce jour de consensus net au niveau de l'Union Européenne sur la portée exacte à donner à la directive C2I créé donc des incertitudes juridiques nouvelles sur l'avenir de l'industrie informatique en Europe, et tout particulièrement dans le secteur des petites et moyennes entreprises émergentes, ainsi que des doutes sur la viabilité de toute stratégie d'administration électronique. Le succès qu'a connu en son temps le Minitel aurait-il été si grand s'il avait été à l'époque possible de porter plainte auprès des tribunaux contre un offreur de services au motif que la mise en oeuvre de tel service innovant contrevenait à des brevets sur des principes portant parfois sur la simple mise à disposition ou communication de données ?

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