La distribution GNU/Linux Trisquel 10.0 « Nabia » est là !

21
26
mar.
2022
Distribution

Ce mardi 1er février 2022 est sorti une nouvelle version de la distribution GNU/Linux-libre Trisquel : la 10.0, nommée « Nabia ». Il s'est donc écoulé un an et demi depuis la précédente version majeure (dite « Etiona »). Mais qu’est-ce que cette énième distribution ? Et qu’apporte cette nouvelle version ?

Sommaire

Qu’est-ce qui différencie Trisquel des autres systèmes d’exploitation ?

Trisquel est une distribution GNU/Linux entièrement libre. En effet, la majorité des distributions GNU/Linux distribuent le noyau Linux officiel, qui contient tristement des BLOB privateurs (mais ça reste libristiquement hautement moins pire que Microsoft Windows et Apple macOS) en privilégiant donc la compatibilité matérielle et ce qui va avec à la liberté, contrairement à Linux-libre (qu’utilise entre autres Trisquel). Plus généralement, Trisquel respecte les GNU FSDG (les recommandations pour les distributions systèmes libres du projet GNU) et est donc recommandé par le projet GNU (contrairement à Ubuntu et même Debian). Certains y verront un purisme extrême, tandis que d’autres y verront un besoin ordinatique impérieux à généraliser, avec au milieu des gens avec un avis plus mitigé.

Trisquel est basé sur Ubuntu et plus précisément sur ses versions gérées à long-terme (dites LTS, Long-Term Support).

Comme Ubuntu, Trisquel cible le grand public (contrairement par exemple à Debian et Fedora), d’où la base avec gestion à long-terme, mais sans compromission vis-à-vis du librisme.

Des éditions pré‑faites pour différents environnements graphiques

De la même manière que pour Ubuntu, il y a Ubuntu tout court (GNOME), Lubuntu (LXQt/LXDE), Xubuntu (Xfce), Kubuntu (KDE), etc., Trisquel a plusieurs éditions. Il a aussi plusieurs types d’image d’installation.

  • Trisquel : utilise MATE (dérivé de l'illustre GNOME 2 ; en version 1.24) comme environnement de bureau par défaut, qui ne nécessite pas d’accélération 3D mais reste relativement lourd.
  • Triskel : utilise KDE (en version 5.68) comme environnement de bureau par défaut et est donc plutôt lourd.
  • Trisquel Mini : utilise LXDE (en version 0.99.2), qui est bien léger, et en conséquence adapté aux machines faiblardes du point de vue de la norme actuelle et aux décroissant·e·s.
  • Trisquel Sugar or Trisquel On A Sugar Toast (TOAST) : utilise Sugar (développée pour le projet One Laptop per Child), donc orienté pour les enfants et dans une perspective d’éducation.
  • Une image d’installation par le réseau : minimaliste par la taille, mais nécessite une connexion à Internet et de savoir se servir de la ligne de commande, ciblant donc l’installation pour les serveurs et les utilisateurs et utilisatrices avancés.

Versions des logiciels

Trisquel GNU/Linux-libre 9 « Etiona » est basé sur Ubuntu 18.04 LTS. Logiquement, Trisquel GNU/Linux-libre 10 « Nabia » est lui basé sur Ubuntu 20.04 LTS. Les logiciels fournis par la distribution ne sont donc pas dans des versions récentes, mais ce n’est pas un problème, puisque le public cible est le grand public et non les fans de la dernière nouveauté (qui devraient plutôt aller voir du côté de par exemple Parabola ou Guix System).

Versions de logiciels communs

  • Noyau de système d’exploitation : GNU Linux-libre, version 5.4 par défaut (mais 5.8 et 5.13 disponibles)
  • Navigateur web : Abrowser (version modifiée de Mozilla Firefox, pour enlever la marque et les restrictions qui vont avec, avec des modifications pour la vie privée et ne proposer que des greffons libres, d’une manière analogue à GNU IceCat), version 96.0
  • Client email : Icedove (version modifiée de Mozilla Thunderbird, pour enlever la marque et les restrictions qui vont avec, avec des modifications pour la vie privée et ne proposer que des greffons libres), version 91.5.0
  • Suite bureautique : LibreOffice (successeur d'OpenOffice), version 7.1.7
  • Lecteur multimédia : VLC, version 3.0.9.2
  • Serveur d’affichage : Xorg (qui finira par se faire supplanter par Wayland et Weston), version 7.7
  • Bibliothèque C standard : GNU libc6, version 2.31

Changements vis-à-vis des architectures matérielles

À partir de sa version 10 « Nabia », Trisquel ne fournit plus d’images pour le x86 32bits. Il suit Ubuntu : en effet, depuis la version 19.10, il n’y a plus d’images pour cette architecture matérielle. Il reste la version 9 « Etiona » de Trisquel, mais sa date de fin de vie est avril 2023. D’un point de vue décroissant, on peut trouver cela fort regrettable, une image d’installation pour la version mini et une autre par le réseau auraient pu être maintenues, car certes c’est du logiciel libre, donc on peut recompiler soi-même mais ce n’est pas à la portée de tout le monde (en plus d’être très gourmand en énergie) et donc cela revient à contribuer à rendre obsolète par la voie logicielle du matériel tout à fait fonctionnel (malgré le coût écologique non-négligeable pour produire un ordinateur, mais aussi le coût humain).

L’architecture armhf est maintenant géré. Les changements réalisés durant le processus rendront plus faciles la gestion d’autres architectures. Il y a d’ailleurs pour intention de gérer l’ARM 64bits et le PowerPC.

Changements à venir

  • Le site web de la distribution devrait bientôt être remis à neuf.
  • Pour rapporter les bogues, ça devrait à l’avenir se passer sur GitLab.
  • Le travail sur Trisquel 11 (la prochaine version), qui va à priori se baser sur Ubuntu 22.04 (qui devrait sortir le mois prochain), commence sans attendre. La communauté est bien sûr incitée à contribuer. Au-delà du code (il va par exemple falloir choisir le nom), il y a le web forum et la liste email.

Le mot de la fin

Trisquel est un projet sans but lucratif. N’hésitez pas à y contribuer. Une manière feignante mais utile est la thune : en devenant membre, en donnant directement de l’argent et/ou en achetant sur le magasin. Et ça va bien au-delà de ce projet spécifique (dans le monde du logiciel libre, mais aussi ailleurs : syndicats, partis, associations).

  • # Icedove

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

    Client email : Icedove (version modifiée de Mozilla Thunderbird, pour enlever la marque et les restrictions qui vont avec[…]

    Ça fait quelques années qu'il n'y a plus les restrictions sur l'utilisation de la marque, et c'est pour ça qu'on a à nouveau Firefox et Thunderbird chez Debian.

    Pourquoi bloquer la publicité et les traqueurs : https://greboca.com/Pourquoi-bloquer-la-publicite-et-les-traqueurs.html

  • # Firmwares privateurs

    Posté par  . Évalué à 2.

    Merci pour la dépêche.

    Je lis :

    Trisquel est une distribution GNU/Linux entièrement libre. En effet, la majorité des distributions GNU/Linux distribuent le noyau Linux officiel, qui contient tristement des BLOB privateurs (mais ça reste libristiquement hautement moins pire que Microsoft Windows et Apple macOS) en privilégiant donc la compatibilité matérielle et ce qui va avec à la liberté, contrairement à Linux-libre (qu’utilise entre autres Trisquel). Plus généralement, Trisquel respecte les GNU FSDG (les recommandations pour les distributions systèmes libres du projet GNU) et est donc recommandé par le projet GNU (contrairement à Ubuntu et même Debian). Certains y verront un purisme extrême, tandis que d’autres y verront un besoin ordinatique impérieux à généraliser, avec au milieu des gens avec un avis plus mitigé.

    De nos jours, énormément de matos dépend d'un firmware privateur chargé par l'OS. C'est le cas de certaines cartes réseau (Ethernet, pas que le wifi), mais aussi des GPU (AMD nous file le code du pilote, mais pas celui du firmware). Comment ça se passe pour un utilisateur de Trisquel ? Y a pas de réseau, et un affichage dégradé ? Ou est-ce qu'on a encore beaucoup de cartes réseau et d'IGP Intel qui ne demandent que des firmwares privateurs non chargés par l'OS ?

    • [^] # Re: Firmwares privateurs

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.

      C'est l'occasion de boycotté du matériel non ouvert…

      “It is seldom that liberty of any kind is lost all at once.” ― David Hume

      • [^] # Re: Firmwares privateurs

        Posté par  . Évalué à 2.

        Justement, le problème c'est que c'est à peu près tout le matériel.

        • [^] # Re: Firmwares privateurs

          Posté par  . Évalué à 2.

          Il y a un niveau ou placer le curseur, car avant même ce qui peut être chargé par l'OS il y a ce qui démarre bien avant qu'il ait la main sous forme de processeurs de service et/ou de sécurité. Sachant que tous fournissent des services à l'OS ensuite. Un mal qui s'est bien généralisé depuis Intel et son ME. Arm devient d'une certaine manière presque pire niveau étages de la fusée au démarrage!

          C'est un problème non seulement pour le SW, mais aussi le HW: Intel est ainsi en position d'imposer sa façon de faire en refusant la mise à disposition des firmwares non signés par exemple, ce qui interdit de fait de faire son propre boot loader si on ne veut pas passer par un éditeur de BIOS (qui lui y aura accès grace à une relation "privilégiée", ainsi qu'aux reference code/RC, dont celui très complexe d'init du controleur DDR/MRC, alors que coreboot ne se voit proposer à reculons que des blobs binaire, version compilée des RC/MRC).

          Les derniers processeurs modernes sur lesquels j'ai bossé ou l'on pouvait tout faire sans que le fondeur n'interfère trop (voir pas du tout si pas de besoin des accélérateurs réseau) étaient des PowerPC Freescale dédiés à l'embarqué (utilisés surtout en infra Télécom jusqu'à la 4G/LTE, puis une fois bien débogués par cet usage, en avionique).

          Mais le PowerPC, lâché par les télécoms, ne vit plus guère que chez IBM côté serveurs. Et il y a probablement subi les mêmes dérives depuis le schisme d'avec Motorola semiconducteurs (devenu Freescale puis NXP).

    • [^] # Re: Firmwares privateurs

      Posté par  . Évalué à 3.

      • Le mieux est d'utiliser du matériel géré par du logiciel libre sur un système libre (rien n'empêche en théorie qu'il y a un pilote libre pour Windows et pas pour GNU/Linux). Parmi les bons amis pour ça, il y a notamment :
      • Trisquel ne propose pas du logiciel privateur et n'incite pas à en utiliser. Toutefois, c'est une distribution GNU/Linux standard (basée sur Ubuntu, lui-même basé sur Debian), donc (si on le souhaite) il n'est pas trop compliqué de trouver le logiciel privateur pour X et l'installer, mais il ne faut pas compter sur la distribution pour y aider (qui ne met pas pour autant des bâtons dans les roues, juste elle n'y aide pas).
      • [^] # Re: Firmwares privateurs

        Posté par  . Évalué à 1.

        Sur h-node, je vois notamment une entrée concernant la GTX 1650. Mais Nvidia ne nous donne pas les firmwares, et même avec nouveau, on en a besoin.

        Sur le deuxième lien, on trouve comme exemple de matos 100% libre ce Thinkpad. Sans parler du fait que c'est hors de prix pour un Core 2 Duo avec maximum 8GB de RAM, j'ai du mal à croire que la carte réseau fonctionne sans firmware privateur, bien qu'il soit sans doute embarqué :/

        • [^] # Re: Firmwares privateurs

          Posté par  . Évalué à 4.

          Je ne connais pas la Nvidia GeForce GTX 1650. Peut-être que l'entrée est malheureusement fausse. Peut-être aussi que c'est juste couvert par l'exception que tolère la Free Software Foundation (dans le cadre de son programme Respects Your Freedom) :

          All the product software must be free software. The product software includes all software that the seller includes in the product, provides with the product, recommends for use in conjunction with the product, and steers users towards installation in the product.

          However, there is one exception for secondary embedded processors. The exception applies to software delivered inside auxiliary and low-level processors and FPGAs, within which software installation is not intended after the user obtains the product. This can include, for instance, microcode inside a processor, firmware built into an I/O device, or the gate pattern of an FPGA. The software in such secondary processors does not count as product software.

          We want users to be able to upgrade and control the software at as many levels as possible. If and when free software becomes available for use on a certain secondary processor, we will expect certified products to adopt it within a reasonable period of time. This can be done in the next model of the product, if there is a new model within a reasonable period of time. If this is not done, we will eventually withdraw the certification.

          Cela a d'ailleurs fait récemment régir récemment. En effet, pour obtenir la dite certification, Purism a utilisé un processeur secondaire a été utilisé pour charger du code non-libre.

          Notons aussi l'avis de Richard Stallman en personne :

          Entre matériel et logiciel, il existe une zone grise occupée par les micrologiciels [firmware] qui peuvent être mis à jour ou remplacés, mais ne sont pas conçus pour être mis à jour ou remplacés une fois le produit vendu ; ou bien le remplacement est possible mais exceptionnel, ou encore le fabricant peut publier une mise à jour mais pas vous. En termes conceptuels la zone grise est plutôt mince. En pratique elle est importante, car de nombreux produits sont concernés. En effet, les claviers modernes, les caméras, les disques durs et les clés USB contiennent généralement un programme non libre qui pourrait être remplacé par le fabricant.

          On peut presque considérer ces micrologiciels comme du matériel, mais il ne faut pas essayer d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Si l'on traite un micrologiciel comme impossible à modifier, car en pratique il est impossible de s'en passer, on doit aussi le traiter comme impossible à modifier quand on souhaiterait qu'il le soit. Cela implique de refuser toutes les mises à niveau ou correctifs qui le concernent. C'est ce que je fais et c'est la raison pour laquelle je le fais. Tant que nous ne pourrons pas nous procurer d'ordinateurs avec des micrologiciels entièrement libres, il n'y a pas moyen de faire mieux.


          Pour ce qui est du Thinkpad X200, j'en ai moi-même acheté un il y a des années à Ministry of Freedom (ex-Minifree). Il a été certifié RYF par la FSF, fonctionne avec Trisquel et Libreboot, donc, que la carte réseau fonctionne avec du micro-logiciel privateur ou pas, c'est une des meilleurs options pour avoir du matériel qui reste tout à fait convenable.

          Certes, le prix n'est généralement pas au rendez-vous. Mais il faut bien payer l'installation logicielle qui est faite (d'un OS libre et d'un bootloader libre), ainsi que le financement de ces logiciels ou plutôt distributions dont le trait spécifique n'intéresse pas les firmes capitalistes ni même les États (qui y auraient pourtant bien plus intérêts).

    • [^] # Re: Firmwares privateurs

      Posté par  . Évalué à 3.

      Si tu ne mets pas les dépôts non-free sur debian, tu as aussi un système 100% libre, non ?

      • [^] # Re: Firmwares privateurs

        Posté par  . Évalué à 1.

        Alors, pas tout à fait. Il reste toujours ton BIOS qui est généralement privateur, et certains firmwares embarqués. J'ai une vieille machine sur laquelle j'ai une carte réseau Ethernet et un GPU intégré qui ont des firmwares privateurs embarqués, mais il me semble bien que de nos jours, c'est de plus en plus chargé par l'OS. Un GPU AMD moderne ne sert pas à grand chose si tu n'installes pas firmware-amd-graphics/unstable, par exemple. Si t'as une carte réseau qui demande un firmware privateur (comme pas mal de Realtek qu'on trouve sur les cartes mères AMD), tu perds sans doute une partie des fonctionnalités (ou toutes).

      • [^] # Debian contrib et librisme

        Posté par  . Évalué à 3.

        Il faut aussi exclure contrib (bref ne garder que main).

        Examples of packages which would be included in contrib are:

        • free packages which require contrib, non-free packages or packages which are not in our archive at all for compilation or execution, and
        • wrapper packages or other sorts of free accessories for non-free programs.

        C'est d'ailleurs l'un des reproches du projet GNU de la Free Software Foundation :

        Il y a aussi un dépôt contrib ; ses paquets sont libres, mais quelques-uns sont destinés à charger des programmes privateurs1 distribués séparément. Lui non plus n'est pas complètement séparé de la distribution principale Debian (main).

        • [^] # Re: Debian contrib et librisme

          Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2. Dernière modification le 02 avril 2022 à 06:27.

          Mouais, c'est libre et ouvert… Un peu comme Libre Office qui peut ouvrir des formats propriofermés oups

          “It is seldom that liberty of any kind is lost all at once.” ― David Hume

          • [^] # Re: Format non-libre et implémentation libre

            Posté par  . Évalué à 3.

            Pouvoir ouvrir des formats dont les spécifications n'ont pas été publiées, ne sont pas respectées ou volontairement trop compliquées (coucou M$ OOXML), ne me semble pas problématique en tant que tel. Le temps alloué nécessaire à ça et qui aurait pu être utilisé pour autre chose me semble en revanche lui être critiquable. On peut aussi (et là je dirais même qu'on doit) critiquer l'implémentation libre pour un format non-libre et l'usage d'un privilège pour en faire usage sans crainte, laissant de fait le reste du monde dans une mauvaise situation et légitimant-renforçant le format non-libre, comme c'est le cas de Mozilla avec H264.

      • [^] # Re: Firmwares privateurs

        Posté par  . Évalué à 1.

        A 100% non, car comme dit par ailleurs tu auras toujours des FW non libres qui seront présents dans un matériel ou nécessaires au démarrage du processeur.

        Tu peux toujours les considérer comme liés au matériel et laisser la version résidente qu'ils embarquent en majorité en refusant d'installer un paquet firmware-XXX non libre.

        Mais c'est s'exposer à des problèmes, car ces firmwares peuvent avoir des bugs!

        Exemple perso: Il y a quelques mois, un problème de raspbian bloquait le chargement du firmware bluetooth des raspberry PI 3.

        Pas de bol, je l'utilise pour ma domotique afin de savoir qui est à la maison (via les smartphones) et adapter sa gestion (+activation/désactivation alarme).

        Je me suis rendu compte du souci car au bout de qq heures, le bluetooth du PI plantait totalement… et arrivait même parfois à planter le bluetooth du smartphone Android en face!

        Le firmware résident avait visiblement un bon gros bug corrigé par la version chargée au démarrage.

Suivre le flux des commentaires

Note : les commentaires appartiennent à celles et ceux qui les ont postés. Nous n’en sommes pas responsables.