Journal Messieurs les crétins,

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mai
2003
Non non ne tournez pas la tête à la lecture de cette accroche, c'est peut-être à vous que je m'adresse, quoi que, sur ce site je n'espère pas finalement.
Messieurs les crétins, donc, vous, dont la seule occupation diurne ou nocturne, ou parfois les deux, consiste à glâner de ci de là n'importe quoi qui puisse être payant, que ce soit des logiciels, de la musique, ou des films, sans réelle finalité autre que la seule possession.
Je suis las d'entendre vos rires gras accompagnant l'annonce de la nouvelle prouesse du jour concernant l'installation d'un logiciel piraté. Las de subir vos éternelles complaintes sur le dysfonctionnement du dit logiciel, maudissant l'odieux "hacker" qui a osé mettre à portée de souris un crack qui ne fonctionne pas.
Heureusement que vos compétences informatiques quasi surnaturelles - ce n'est pas pour rien que vous avez réussi, seul, à installer votre imprimante usb - vous permettent de compenser l'incompétence de ce maudit "hacker" pour trouver LE crack qui va vous procurer l'incomparable jouissance de faire fonctionner ce tout nouveau logiciel-professionnel-super-cher-mais-qui-vous-sert-à-rien.

Mais parce qu'il se trouve que le hasard fait souvent mal les choses, vous avez certainement dans vos connaissances un utilisateur/développeur/adorateur/intégriste de Linux et des logiciels libres. Un de ceux qui essayent de vous faire comprendre qu'il existe une autre voie, faite de liberté et de partage, où il n'est pas nécessaire de pirater pour satisfaire tous ses besoins informatiques. Mais ce petit (rarement) crétin barbu (parfois) qui ne fait pas un étalage vomitif de son égo ne connait donc certainement rien en informatique, imaginez, il sait même pas se servir de windows ! Alors pourquoi l'écouter quand il parle d'équivalents libres et gratuits à tous ces produits hors de prix ? Et puis comment une suite bureautique gratuite peut-elle être aussi efficace qu'une autre à plusieurs milliers de francs pour, une fois par an, tapoter une lettre à sa maman avec l'aide plus qu'indispensable d'un correcteur orthographique (y'a que deux "m" à maman !) ? C'est vrai que l'orthographe défaillante, mélangée aux insipides cliparts et aux polices dont le rendu sur papier ferait mourir de rire un moine copiste médiéval, alcoolique et à-demi aveugle, est inégalable par n'importe quel logiciel libre.

Vous préférez au contraire vous complaire dans un dénigrement fallacieux et non argumenté pour dissimuler votre incompétence que vous craignez de voir révélée en vous heurtant à un système que vous ne comprenez pas et qui risque de ne pas vous pardonner la moindre erreur. Vous préférez continuer de parader devant vos congénères sur la facilité avec laquelle vos doigts experts ont prestement tapoté sur les touches du clavier pour trouver sur le premier moteur de recherche venu le crack du dernier logiciel à la mode; peu importe que celui-ci vous soit utile ou que vous sachiez même vous en servir, l'important étant l'exploit de pouvoir l'utiliser dans la plus grande illégalité. Et puis, finalement, quel sens aurait votre vie sans avoir à rechercher comment faire fonctionner un logiciel que vous n'avez pas le droit d'utiliser ? Que seriez-vous sans ce sentiment incomparable d'être au-dessus de la loi, d'être un vrai rebelle après avoir passé toute une journée à vous aplatir devant vos supérieurs, à leur cirer les pompes avec votre rutilante cravate Pierre Cardin, symbole de votre réussite et de votre intégration dans notre belle société ?

Au même titre que votre cd-thèque ou votre dvd-thèque, votre logithèque s'agrandit de jour en jour, fabuleux tableau de chasse à exposer aux congénères de passage qui auraient eu le courage de s'aventurer dans votre antre. Tel un chasseur qui exposerait les cadavres putréfiés du gibier abattu, sans avoir un seul instant penser que la seule noblesse qu'il puisse y avoir à abattre des animaux serait d'avoir au moins la décence de les boulotter; tel le chasseur qui supporterait chaque jour l'abominable odeur des cadavres en décomposition, vous posez des yeux admiratifs de vous-mêmes sur les piles grandissantes de galettes passées directement de l'état virginal à celui de bibelot sur l'étagère sans même passer par la case lecteur.

Vous me faites finalement penser aux nains dépeints par Terry Pratchett, obsédés par la possession de l'or, ne sachant chanter d'autres chansons que celles contenant ce mot au moins 30 fois par couplet. La différence toutefois avec les nains du disque-monde réside dans le fait qu'ils sont dans l'ensemble sympathiques, débonnaires et plutôt rigolos. Et surtout imaginaires....
D'autres auraient pu vous rapprocher d'avantage de Gollum. L'argument est de taille, et maintenant que ce personnage a été médiatisé comme il se doit et que l'on ne crache plus au visage de ceux qui lisent le Seigneur des Anneaux, peut-être est-ce une référence plus à votre portée. Et vu comme ça, Gollum aussi apparaît comme plutôt sympathique, débonnaire et rigolo...

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