Sortie du Top 500 de juin 2012

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juin
2012
Technologie

Le trente‐neuvième Top 500 des super‐calculateurs mondiaux est sorti aujourd’hui à l’occasion de l’« International Supercomputing Conference » qui a lieu à Hambourg en Allemagne.

Rappelons que le Top 500 se base sur une soumission volontaire (de nombreuses machines puissantes mais classifiées ne participent pas à la course) et sur un comparateur de performances spécifique extrêmement parallélisable (le code Linpack qui concerne la résolution de systèmes d’équations linéaires).

L’analyse dans la suite de la dépêche.

Après avoir régné pendant deux éditions du Top 500, le calculateur japonais Fujitsu K est finalement détrôné de sa première place au profit du superordinateur américain Sequoia du Lawrence Livermore National Laboratory.
Il s'agit d'une machine de type BlueGene/Q d'IBM et son score est de 16.32 pétaFLOPS avec un nombre total de coeurs de calcul de plus d'un million et demi (1 572 864 exactement).
On peut remarquer que la médaille de bronze de ce classement revient aussi à un BlueGene/Q, le calculateur Mira de l'Argonne National Laboratory, avec un score de 8,15 pétaFLOPS.

Ces machines BlueGene/Q sont assez atypiques par rapport au tout venant du Top 500 puisqu'elles s'appuient sur des processeurs spécialisés. D'habitude les supercalculateurs assemblent des processeurs Intel ou AMD classiques au sein de clusters et relient le tout avec des interconnexions rapides (Infiniband ou autres).
Les BlueGene/Q disposent au contraire de processeurs PowerPC A2 très spéciaux et optimisés pour les applications de calcul à haute performance. Il s'agit d'une puce 18 coeurs à 1,6 GHz, dotée de 32 Mo de cache L2 et gravée en 45 nm. Seize coeurs sont utilisés pour les calculs, un est dédié spécialement pour faire tourner le système d'exploitation et le dernier n'est là que pour améliorer la redondance et prendre la place d'un autre en cas de dysfonctionnement. Les performances atteignent 205 GigaFLOPS pour une consommation d'à peine 55 Watts (128 GigaFLOPS pour 58 Watts dans les cas des processeurs SPARC64 VIII fx de la machine Fujitsu K).
Il "suffit" ensuite d'assembler 98 304 de ces processeurs, soit 96 racks, au sein d'une même machine et d'ajouter 1,6 Po de RAM pour obtenir le Sequoia.
La consommation totale indiquée sur la page du site Top 500 est de 7,89 MW ce qui indique une efficacité énergétique tout à fait remarquable (2 068 mégaFLOPS/watt).
Comme les machines françaises de type Tera, le supercalculateur Sequoia sera principalement utilisé pour faire tourner des codes de simulation d'armes nucléaire afin d'assurer la fiabilité des armes sans recourir aux essais réels. Il sera également disponible pour certaines applications civiles (recherches sur le génome ou simulations climatiques).

En seconde position du classement on retrouve le Fujitsu K qui reste sur son total antérieur de 10,5 PétaFLOPS. Le quatrième système est européen puisqu'il s'agit de la machine SuperMUC du centre de recherche Leibniz Rechenzentrum en Allemagne. Il s'agit d'un assemblage de puces Intel E5-2680 pour un total de 147 456 coeurs de calcul et un score Linpack de 2,89 PétaFLOPS.
Le premier calculateur français, la machine Curie, se trouve en neuvième position avec un score de 1,36 PétaFLOPS.

Pour les amateurs de CPU futuristes, on peut noter la machine Discovery en position 150 (avec un score de 118,6 téraFLOPS). Il s'agit d'un supercalculateur Intel qui utilise pour la toute première fois des co-processeurs MIC (Many Integrated Core). Cette architecture (ancien nom Larrabee) est la réponse d'Intel aux cartes NVidia et AMD qui grignotent le marché du calcul haute performance. Il s'agit d'un processeur formé d'un assemblage de nombreux coeurs simples (type Pentium) et dotés chacun d'une unité vectorielle 512 bits. La version actuelle se nomme Knights Corner et elle est gravée en 22 nm pour un total de plus de 50 coeurs.
Le supercalculateur Discovery atteint une efficacité énergétique de 1 176 mégaFLOPS/watt. C'est moins bien que le PowerPC A2 des BlueGene/Q mais l'association Xeon/MIC est bien plus polyvalente que la puce hyperspécialisée d'IBM.
Ces co-processeurs MIC ne sont pas encore officiellement en vente ce qui fait que le calculateur Discovery est un précurseur qui anticipe sur les futurs classements du Top 500.

En termes de puissance agrégée, le total des 500 machines se monte maintenant à 123.4 pétaFLOPS. Il s'agit d'une progression importante puisque le total n'était que de 74,2 pétaFLOPS il y a six mois. La consommation moyenne n'augmente pas dans les mêmes proportion puisqu'elle passe de 634 kW il y a six mois, à 671.3 kW dans cette liste de juin 2012.
D'ailleurs on peut noter que la consommation moyenne du top 10 de la liste est de seulement 4,09 MW alors qu'elle était de 4,56 MW il y a six mois. Cette baisse inattendue est le résultat de l'arrivée en force des machines BlueGene/Q dans ce top 10 (40 % des machines).
Le ticket d'entrée dans la liste Top 500 se situe maintenant à 60,8 téraFLOPS et la dernière machine de la liste était en position 330 en novembre dernier.

Si on regarde la position par pays on constate le grand retour des USA en tête de liste puisque la dernière fois datait de novembre 2009 (calculateur Jaguar). Un effort budgétaire a sans doute été consenti après l'annonce des premières positions chinoises puis japonaises de ces dernières années.
Les USA rassemblent 252 machines (-11) et l'Europe 106 (+3). L'Asie garde sa deuxième position avec 121 calculateurs (+3). L'Italie entre pour la première fois dans le top 10 avec le supercalculateur BlueGene/Q Fermi (1,72 pétaFLOPS) et double son total de machines dans la liste avec 8. La France reste en cinquième position du classement par pays (22 machines).

Enfin, comme il est de tradition, penchons‐nous maintenant sur la répartition par système d’exploitation. Cette nouvelle liste de juin 2012 nous indique que les machines fonctionnant sous Linux sont maintenant au nombre de 462 (92,4 %) alors qu'elles étaient 457 (91,4 %) il y a six mois. C'est un accroissement peu significatif statistiquement mais il est intéressant de remarquer que l'ultra-domination de Linux se maintient au fil des ans.
Windows est toujours quasi-invisible dans ce classement des machines les plus puissantes du monde (0,4 %) et les miettes qui restent après le passage de Linux se répartissent entre les Unix classiques ou les machines mixtes.

Aller plus loin

  • # Mémoire transactionnelle

    Posté par  . Évalué à 10.

    À noter que le BlueGene/Q intègre la mémoire transactionnelle dans le matériel. Je ne sais pas si des tests l'utilisant ont déjà eu lieu mais les résultats seraient intéressant.

    « Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche

  • # Coquilles

    Posté par  . Évalué à 3.

    Un grand merci pour cet article!

    Juste 2 petites fautes relevées durant ma lecture:

    Si on regarde la position par pays on constante constate le grand retour des USA en tête de liste puisque la dernière fois datait de novembre 2009 (calculateur Jaguar). Un effort budgétaire à a sans doute été consenti après l'annonce des premières positions chinoises puis japonaises de ces dernières années.

  • # Linux

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

    Je note en outre que le 25 premières machines sont toutes sous Linux. C'est intéressant de se dire que Linux reste le premier choix pour les nouveaux projets les plus puissants.

    • [^] # Re: Linux

      Posté par  . Évalué à 10.

      Halte à la vente forcée de Linux sur les supercalculateurs ! À quand un procès contre Carrouf, FNAC et consorts !!!

      Hein ? Quoi ? Bon d'accord… ====>[]

  • # Le sens du progrès

    Posté par  . Évalué à 1.

    Merci pour cet article.

    Ces performances sont enthousiasmantes. Alors, à quoi tout cela peut-il bien servir ?

    Comme les machines françaises de type Tera, le supercalculateur Sequoia sera principalement utilisé pour faire tourner des codes de simulation d'armes nucléaire

    Pfff… C'est quand même terrible.

    sans recourir aux essais réels.

    Ah. Oui. Effectivement, j'avais pas vu le verre à moitié plein.

    Il sera également disponible pour certaines applications civiles (recherches sur le génome ou simulations climatiques).

    Bon, c'est déjà ça de pris. (Les recherches sur le Génome, c'est pas Monsanto, quand même ?)

    • [^] # Re: Le sens du progrès

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

      Bon, c'est déjà ça de pris. (Les recherches sur le Génome, c'est pas Monsanto, quand même ?)

      C'est un génome de bonne famille?

      Prochainement, je vous proposerai peut-être un commentaire constructif.

    • [^] # Re: Le sens du progrès

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

      Il sera également disponible pour certaines applications civiles (recherches sur le génome ou simulations climatiques).

      Bon, c'est déjà ça de pris. (Les recherches sur le Génome, c'est pas Monsanto, quand même ?)

      Non, la recherche sur le génome, c'est pour faire des comparaisons à grande échelle pour déterminer la cause des maladies, croiser les informations sur les gènes et tout ce qui est autour pour comprendre l'apparition des cancers, vérifier les susceptibilités à certaines affections, etc.

      Il y a maintenant sur le marché des appareils capables de "décoder" un génome humain en une journée, cela fait 2*3 milliards de bases à analyser, annoter, dédupliquer, etc.
      Plus de génomes -> plus de matière à analyser (et à croiser).. Plus de puissance de calcul -> plus de compréhension !

      On essaie de faire pour le bien public, reste à la société à être vigilante à ce que des personnes ou sociétés "malintentionées" n'en fasse mauvais usage (mais bon, comme la société le fait déjà pour le racisme, le sexime, les inégalités sociales, économiques, culturelles, etc).

    • [^] # Re: Le sens du progrès

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

      Il faut un super calculateur pour faire tourner Gnome 3 ?

      • [^] # Re: Le sens du progrès

        Posté par  . Évalué à 6.

        Avec ou sans les effets spéciaux visuels?

        Ah pardon, c'était pas une vraie question??

  • # CEA/Bull

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 0.

    A noter que le supercalculateur du CEA (Bullx B510, Xeon E5-2680 8C 2.700GHz, Infiniband QDR) réussit à se maintenir dans les 10 premiers (9e place).

    • [^] # Re: CEA/Bull

      Posté par  . Évalué à 5.

      Il ne se maintient pas, il vient juste d'apparaître. L'ancienne machine dans le TOP10 était la machine militaire tera100. La machine actuellement dans le TOP10 est curie (pour la recherche publique). Ce n'est pas la même configuration.

      • [^] # Re: CEA/Bull

        Posté par  . Évalué à 5.

        C'est d'ailleurs ce qui est écrit dans la dépêche :

        Le premier calculateur française, la machine Curie, se trouve en neuvième position avec un score de 1,36 PétaFLOPS.

        « Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche

  • # MIC et Knights Ferry/Corner

    Posté par  . Évalué à 3.

    La version actuelle se nomme Knights Corner est elle est gravée
    en 22 nm pour un total de plus de 50 coeurs.

    Il n'y a pas vraiment de version actuelle vu que le produit n'est pas encore commercialisé. La plupart des gens qui utilisent MIC depuis quelques temps (sous NDA) ont plutot accès à Knights Ferry (32 coeurs, pas très puissant…).

    Knights Corner, c'est la première version qui sera commercialisée (22nm, plus de 50 coeurs, AVX2, …), vers la fin d'année normalement. On ne sait pas clairement si Discovery utilise l'un ou l'autre… probablement des preversion de KC vu les perfs potables.

  • # Faute

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 0.

    La version actuelle se nomme Knights Corner est elle est gravée en 22 nm pour un total de plus de 50 coeurs.

    Il y a un "est" en trop. Et je rajouterai une virgule.

    Sinon tes nouvelles sont toujours un régal. Merci!

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