Journal Orwell dans le domaine public: nouvelle traduction chez Agone (et deux autres chez Gallimard)

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36
18
jan.
2021

Soixante-dix ans après la mort de l'auteur, les textes de George Orwell (Eric Arthur Blair) tombent, ce janvier 2021, dans le domaine public. Paraît une nouvelle traduction aux éditions Agone (déjà parue en 2019 au Québec aux Éditions de la rue Dorion), ainsi qu'une nouvelle à la pléiade chez Gallimard (fait rarissime, seulement deux ans après leur nouvelle traduction de 2018). Quel intérêt de re-traduire Orwell ? Il se trouve, d'abord, que la traduction originale de 1950 est tronquée et comporte des erreurs.

La liberté est la liberté de dire que deux et deux font quatre. Si cela est accordé, tout le reste suit.

On apprend que la traduction que l'on connaît, celle de 1950, celle du livre de poche, est tronquée de 42 phrases et de parties de dialogue. Et qu'elle comporte des erreurs, jamais corrigées au cours des années et des rééditions. Par exemple, il est écrit que le nombre de prolétaires est de 15%, alors qu'il est de 85% dans la version originale. Mieux:

On nous parle de « nazis germains » au lieu de nazis allemands (German Nazis) ; quand Winston offre des fleurs à Julia, c’est un « holocauste à l’amour » alors que l’original ne parle que d’« offering to love » ! L’appendice sur la novlangue énonce des règles contradictoires avec celles qu’on trouve dans le roman (par exemple sur la formation des adjectifs), comme si les deux textes n’avaient pas été édités en cohérence l’un avec l’autre. On pourrait multiplier ces exemples.

En 2018, Gallimard a sorti une nouvelle traduction, mais les choix sont assez étonnants, et dirons-nous, assez Orwelliens, même si, je cite, «sa qualité littéraire n’est pas à remettre en question».

Le récit, au passé, a entièrement été réécrit au présent. La novlangue est devenue le « néoparler », le crime de pensée, le « mentocrime », la police de la pensée, la « mentopolice ». Or ces termes – novlangue, police de la pensée, etc. – sont passés dans le langage courant, ils sont employés quotidiennement par des milliers d’individus pour désigner des réalités sociales orwelliennes dérangeantes qui nous entourent. Plus d’un demi-siècle de commentaires littéraires et politiques se sont appuyés sur la novlangue, qui est devenue un concept à part entière de la pensée politique. Ironiquement, la nouvelle traduction efface le passé, alors même que l’enjeu du roman est de dénoncer une société qui coupe les individus de leur passé pour mieux les asservir.

La nouvelle, donc troisième, traduction de Gallimard continue le processus l'orwellisation: Big Brother est traduit "Grand Frère", "novlangue" devien "néoparle" et apparaît "doublepense" (je n'ai pas compris ce qu'il traduit).

Il nous a donc semblé nécessaire de publier une traduction à la fois plus proche du texte et fidèle à la manière dont des générations de lecteurs et de lectrices se sont emparées du roman pour critiquer le monde dans lequel ils vivent. Dans cet esprit, j’ai retraduit « la » novlangue au féminin (et non « le » novlangue comme chez Amélie Audiberti [la première traductrice]) pour suivre l’usage populaire du mot en français.

Voilà, ce sont surtout ces questions de traduction qui m'ont intéressé, mais la postface d'aujourd'hui et le blog cité abordent d'autres questions, politiques:

  • «[Cette nouvelle traduction] inclut les deux mises au point dictées par Orwell en 1949 quand, à la sortie du roman, en pleine guerre froide, les commentateurs étasuniens ont voulu le réduire à une dénonciation du stalinisme, voire du socialisme en général. Orwell rectifie la faute de manière très claire: […]»
  • ils situent le livre dans le parcours d'Orwell et dans son époque, «entre sa critique cinglante d’un monde mécanisé, dans Le Quai de Wigan, et son engagement dans la guerre d’Espagne, qui lui fait découvrir l’ampleur du « mensonge organisé » dont sont désormais capables les États modernes»,
  • et enfin ils discutent de «la lente mais sûre appropriation des thèses d’Orwell par la droite».

Enfin, Gallimard c'est un peu LVMH, donc bon…


Petit plaisir à la toute, toute dernière page:

Cet ouvrage a été mis en page grâce à des logiciels libres assemblés dans la suite informatique SMAG 0.4.7 sous XeLaTeX.

  • # Pas libre

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5. Dernière modification le 18 janvier 2021 à 08:03.

    De mémoire, si le livre est libre, il l'est en version original. À chaque traduction, on repars à zéro sur la traduction. Il y a donc tout intérêt à attendre un maximum de temps avant de financer une traduction et qu'elle retombe dans le domaine public…

    • [^] # Re: Pas libre

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

      Et tout un intérêt à fournir une traduction libre de meilleure qualité effectuée par des libristes :-)

    • [^] # Re: Pas libre

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à -2.

      Pas libre

      quelqu'un a sous-entendu le contraire?

      De mémoire, si le livre est libre, il l'est en version original. À chaque traduction, on repars à zéro sur la traduction.

      Oui.

      Il y a donc tout intérêt à attendre un maximum de temps avant de financer une traduction et qu'elle retombe dans le domaine public…

      Pas compris ta phrase :
      - si on veut libre, on ne finance que si libre et le plus tôt possible.
      - si on s'en fout, on ne finance le projet proposé et le plus tôt possible.

      Dans quel cas est-il utile d'attendre? Si on souhaite que ça aille le plus tôt possible dans le domaine public quand ce n'est pas libre dès le départ, il faut sélectionner la personne qui va traduire en fonction de son âge surtout.

      • [^] # Re: Pas libre

        Posté par  . Évalué à 5.

        En effet, par rapport à …

        Il y a donc tout intérêt à attendre un maximum de temps avant de financer une traduction et qu'elle retombe dans le domaine public…

        Je pense que l'idée était d'écrire :

        Il y a donc tout intérêt pour l'éditeur à attendre un maximum de temps avant de financer une traduction et qu'elle retombe dans le domaine public…

        Pour le reste, le titre "Pas libre" ressemble plus à une précision qu'à une contradiction.

        • [^] # Re: Pas libre

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

          Tu as tout compris ;-)

          On a la même chose au cinéma et dans la musique avec des versions remastérisées qui permettent principalement de remettre le compteur temps à zéro…

  • # Malheureux !!

    Posté par  . Évalué à 6.

    Le 17ème mot de ton texte va te valoir les foudres de certains…

    • [^] # Re: Malheureux !!

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 7.

      Le 17ème mot de ton texte va te valoir les foudres de certains…

      S'élèvent dans le domaine public ;)

      J'ai plus qu'une balle

      • [^] # Re: Malheureux !!

        Posté par  (Mastodon) . Évalué à 10.

        Et pourquoi d'abord le haut serait meilleur que le bas ? Je te parle d'en bas, j'y suis très bien :)

        En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.

        • [^] # Re: Malheureux !!

          Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10.

          Tout à fait, et un truc qui tombe dans une escarcelle, c'est un évènement très positif. Quand ça tombe en dehors de ladite escarcelle par contre.

          Entrer dans le domaine public est une formule plus précise et adaptée en fait.

          « Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.

    • [^] # Re: Malheureux !!

      Posté par  . Évalué à 5.

      Haha, le con, il m'a fait compter :)

      …il va falloir élever le débat…

      L'acacia acajou de l'académie acoustique est acquitté de ses acrobaties. Tout le reste prend "acc".

  • # Wesh gros frère

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

    C'est logique de traduire Big Brother par Grand Frère, non?

    Le grand frère soviétique est une expression connue à l'époque, qui correspond bien au roman et pas besoin d'avoir fait des études d'anglais littéraire pendant 42 ans pour faire le lien.

    Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

    • [^] # Re: Wesh gros frère

      Posté par  . Évalué à 6.

      Justement Orwell a expressément précisé après la parution de 1984 que sa peinture du totalitarisme ne concernait pas que le modèle stalinien, ou soviétique comme tu préfères le dire. Alors choisir une expression qui semble cibler le stalinisme soviétique de l'époque, c'est renier l'intention de l'auteur.

      • [^] # Re: Wesh gros frère

        Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3.

        Mais Grand Frère est la traduction littérale de Big Borther tout de même et ça reste une bonne traduction.

        « Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.

        • [^] # Re: Wesh gros frère

          Posté par  . Évalué à 10.

          Big Brother est une expression ancrée dans les mémoires, passée dans le langage courant, d'une énorme puissance. Malgré ses défauts plus ou moins évitables, la traduction originelle en Français a laissé une empreinte difficile à effacer, selon mon opinion qu'il n'est pas souhaitable d'effacer. Il en va ainsi d'un certain nombre de choix de la traduction première. J'apprécie que la traduction d'Agone ait opté pour la novlangue au lieu du novlangue de la première traduction car c'est ainsi que c'est passé dans le langage courant. Collectivement, il est bon de savoir de quoi nous parlons.

      • [^] # Re: Wesh gros frère

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 0.

        Je ne connais pas l'intention de l'auteur, mais tout le monde pense à Staline en lisant le roman.

        Un peu comme si aujourd'hui je publiais un roman sur un ex dirigeant d’extrême droite qui prépare un coup d'état via des réseaux asociaux et dont le slogan est Faire l'Amerinde grande encore, mais non promis c'est une œuvre de portée générale et toute ressemblance avec un personnage réel ne serait que vraiment pas de bol et puis les gens mal peignés il y en a plein d'abord.

        Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

        • [^] # Re: Wesh gros frère

          Posté par  . Évalué à 2.

          Merci de tes précisions.

        • [^] # Re: Wesh gros frère

          Posté par  . Évalué à 4.

          Donc pour te traduire :

          Tu ne sais pas de quoi tu parles (« Je ne connais pas l'intention de l'auteur »), mais du haut de ton ignorance affirmée, tu généralises ton cas particulier (« mais tout le monde pense à Staline en lisant le roman ». Non.), tout à fait contradictoire avec ce que les autres t’ont montré comme faux (les intentions de l’auteur qui sont connues).

          Merci pour cette intervention qui permet, d’une part, de déconsidérer tout ce que tu pourrais dire, et d’autre part, de bien comprendre où politiquement tu te situes.

          • [^] # Re: Wesh gros frère

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6. Dernière modification le 19 janvier 2021 à 11:07.

            les intentions de l’auteur qui sont connues

            Source ?

            tu généralises ton cas particulier

            C'est juste un roman publié au début de la guerre froide par un auteur qui a eu des démêlés avec les communistes durant la guerre d'Espagne et qui présentent un univers avec une dictature socialiste dont le leader moustachu fait l'objet d'un culte de la personnalité.

            Pour ne pas légèrement penser à Staline, à part un collégien qui a séché les cours d'Histoire, je ne vois pas :-)

            Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

            • [^] # Re: Wesh gros frère

              Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

              Soit, mais est-ce que ça ne pourrait pas tout aussi bien correspondre à Mao, Pol pot, Pinochet, Franco, Salazar, et tant d'autres passés ou à venir ? Après ne pas l'avoir relu récemment, rend impossible d'affirmer que ça collerai mieux avec l'un ou l'autre.

              « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

          • [^] # Re: Wesh gros frère

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

            Merci pour cette intervention qui permet, d’une part, de déconsidérer tout ce que tu pourrais dire, et d’autre part, de bien comprendre où politiquement tu te situes.

            Je me situe où d'après toi?

            Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

        • [^] # Re: Wesh gros frère

          Posté par  . Évalué à 7.

          Désolé de te détromper. Quand j'ai lu le roman, à l'époque, je n'ai pas vraiment fait le lien avec Staline. Ce n'étais pour moi «qu'une uchronie de plus» dans les oeuvres lues (une excellente, certes).

          Le roman que j'ai lu étais un traduction française, j'avais 16 ans, et, oui, je connaissais l'histoire de la guerre froide.

          Il n'empêche que dans mes souvenirs, l'auteur décrit très clairement 3 blocs, tous les mêmes, et jamais on ne sait dans lequel on se situe d'ailleurs, c'est loin de «la nuit des temps» de Barjavel sur ce point, très, très loin. Devant.

          Bref, que j'aie tort ou raison de ne pas avoir fait le mélange avec Staline, ça n'empêche pas que cette affirmation "tout le monde pense à Staline en lisant le roman." est fausse, moi n'ayant pas eu de telle pensée.

          • [^] # Re: Wesh gros frère

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à -5.

            Tu me rappelles un stagiaire à qui j'avais fait remarqué qu'un collègue est le sosie de Trotsky et qui m'avait répondu c'est qui Trotsky ?

            Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

  • # Le bislama comme inspiration pour la novlangue.

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 9.

    En relisant l'introduction de 1984 il y a quelques mois, je me suis aperçu que le bislama, ou peut-être une de ses langues voisines comme le tok pisin ou le pijin, ce n'est pas si clair dans le texte, était une source d'inspiration reconnue par George Orwell pour la novlangue.

    Locuteur du bislama, je dois avouer que cela m'attriste car c'est bien méconnaitre cette langue, certaines de ses logiques et son histoire. L'observation de George Orwell était que le bislama était une langue dégénérée travestissant les concepts de sa langue "source": l'anglais, et que ce travestissement empêchait d'exprimer des opinions ou des pensées complexes. C'est un point de vue qui est encore courant aujourd'hui, voire même de manière générale à propos des langues dites créoles. Cette opinion, issue de quelqu'un qui ne parlait pas la langue d'ailleurs, ignore ainsi l'histoire de l'émergence du bislama. Le bislama a été développé lors des rencontres liées aux passage des navires de commerce au Vanuatu/Nouvelles Hébrides, dans la région et du blackbirding également. L'utilisation des formes anglaises reflètent un rapport de force inégaux existant entre "les marchants" puis les colons et les groupes locaux, puis colonisés. Ce qui est déstabilisant et souvent source de critiques par les locuteurs anglophones, c'est que si le bislama possèdent de nombreux termes dont les formes proviennent de l'anglais, d'un point de vue sémantique, ces termes peuvent avoir une valeur issue des langues vernaculaires du Vanuatu. C'est cette distance qui crée l'impression de dégénérescence, d'incompréhension des termes anglais pour un anglophone.

    'fin bref, maintenant, je me demande dans quelle mesure ce biais qu'a eu Orwell permettrait de produire des critiques sur le concept de novlangue.

    • [^] # Re: Le bislama comme inspiration pour la novlangue.

      Posté par  . Évalué à 7.

      Dans l'histoire coloniale Française on trouve une langue artificiellement trafiquée par un acteur étatique, qui aurait très bien pu servir d'inspiration au concept de novlangue : le Français «petit nègre».

      J'ignore si c'est une spécificité Française ou si les Anglais l'ont fait aussi, auquel cas ça pourrait expliquer la source d'inspiration d'Orwell (qui connaissait bien le système colonial Britannique pour avoir servi 5 ans dans la police coloniale en Birmanie).

      • [^] # Re: Le bislama comme inspiration pour la novlangue.

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

        Super intéressant, je n'avais jamais entendu parlé de cette politique linguistique coloniale. Je ne crois pas que le bislama et les autres créoles d'Océanie aient subi ce même processus politique, mais je vais en discuter avec des collègues et approfondir la question pour m'en assurer.

        • [^] # Re: Le bislama comme inspiration pour la novlangue.

          Posté par  . Évalué à 2. Dernière modification le 19 janvier 2021 à 06:51.

          Ah mais t'es pas juste locuteur du bislama en fait, t'es aussi linguiste xD.

          Ça m'intéresse d'avoir le retour de tes approfondissements !

      • [^] # Re: Le bislama comme inspiration pour la novlangue.

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 0.

        Après, il ne faut pas nécessairement voir ça comme tout blanc ou tout noir (:-) c'est à dessein que manichéen n'est pas employé ici pour brosser une tableau plus nuancé). Le point de vue de M. Delafosse cité par l'article est intéressant à cet égard :

        « Comment voudrait-on qu’un Noir, dont la langue est d’une simplicité rudimentaire et d’une logique presque toujours absolue, assimile rapidement un idiome aussi raffiné et illogique que le nôtre ? C’est bel et bien le Noir - ou, d’une manière plus générale, le primitif - qui a forgé le petit-nègre, en adaptant le français à son état d’esprit. »

        S'il y a là du préjugé simplificateur à l'égard des « Noirs », il me semble que l'on trouve y aussi, sous-jacent, un constat lucide sur une langue dont les arcanes échappent bien souvent même à ses locuteurs natifs.

        « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

    • [^] # Re: Le bislama comme inspiration pour la novlangue.

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

      Mince, en parcourant les différentes éditions de 1984, françaises ou anglaise, je n'arrive pas à retrouver le passage introductif qui m'avait amené à penser que le bislama avait influencé George Orwell dans son idée de Novlangue. J'espère qu'il ne s'agit pas d'un souvenir confus, voire trompeur, du texte :/

  • # Doublethink

    Posté par  . Évalué à 3.

    apparaît "doublepense" (je n'ai pas compris ce qu'il traduit).

    Doublethink

    • [^] # Re: Doublethink

      Posté par  . Évalué à 2.

      Ça m'a aussi fait un peu tiquer de lire ça dans ce nourjal qui se voulait largement critique vis-à-vis des différentes traductions françaises préalables. Je ne sais pas si "doublepens[é]e" apparait vraiment pour la première fois chez Gallimard dans la traduction 2020 (j'ai la chance de n'avoir lu le livre qu'en version originale), mais j'ai du mal à croire qu'on puisse se faire le critique d'une traduction de cet ouvrage en langue française sans comprendre ce que ce terme peut venir traduire…

      M'enfin, ça ne retire pas grand chose à d'autres remarques sur le fond, ça aurait même l'effet bénéfique de rendre le lecteur dudit journal plus méfiant et critique (les lecteurs déjà suffisamment avertis, tout du moins).

  • # À votre service

    Posté par  . Évalué à 10.

    apparaît "doublepense" (je n'ai pas compris ce qu'il traduit)

    Traduction moderne : "en même temps"

  • # "Nous autres traductions, nous savons maintenant que nous sommes mortelles"

    Posté par  . Évalué à 3. Dernière modification le 18 janvier 2021 à 16:34.

    La retraduction a toute sa place dans le processus éditorial. C'est d'ailleurs la position défendue en 2009 par le traductologue Jean-René Ladmiral, dans un article intitulé "Nous autres traductions, nous savons maintenant que nous sommes mortelles" et publié dans les actes du colloque "Autour de la retraduction".

    ( https://www.academia.edu/2024133/Autour_de_la_retraduction_Perspectives_litt%C3%A9raires_europ%C3%A9ennes )

    Retraduire des oeuvres semble d'ailleurs être une pratique désormais acceptée :

    "Qu'il soit nécessaire de retraduire les grandes oeuvres de fiction tous les vingt ans va désormais de soi : nombre d'éditeurs admettent que l'apparition d'une nouvelle génération de lecteurs l'impose ; la langue du traducteur étant le reflet de son temps, elle évolue ; parfois, il faut rétablir des morceaux du texte original abusivement supprimés ; mais le plus souvent ce sont des questions de droits, parfois insurmontables, qui font obstacle. "

    ( https://www.lhistoire.fr/carte-blanche/plaidoyer-pour-la-retraduction )

    • [^] # Re: "Nous autres traductions, nous savons maintenant que nous sommes mortelles"

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

      Un des arguments me pose question :

      la langue du traducteur étant le reflet de son temps, elle évolue

      Du coup ça vaut pour le texte original et il faudrait réécrire tous les livres régulièrement.

      • [^] # Re: "Nous autres traductions, nous savons maintenant que nous sommes mortelles"

        Posté par  . Évalué à 7. Dernière modification le 18 janvier 2021 à 18:46.

        On réécrit bien les livres en effet, ça n'est pas choquant. J'ai lu Rabelais dans une édition bilingue proposant le français moderne.

        Et il faut aussi bien voir qu'une traduction n'est pas une reproduction. Les italiens ont l'expression traduttore, traditore (traduire, c'est trahir) et Umberto Eco disait que traduire, c'est "dire presque exactement la même chose".

        Le français de telle époque ne peut pas refléter l'anglais, le finnois ou je ne sais quelle autre langue de la même époque.

        Faire une nouvelle traduction d'un livre, c'est tenter à nouveau de "dire presque exactement la même chose" que le texte d'origine. Et quand on traduit, on le fait vers une langue moderne et lisible.

        Pour prendre un exemple, traduire la Divine Comédie en français du XIVème siècle n'aurait strictement aucun sens, et ne nous aiderait en rien à comprendre le contexte de l'oeuvre.

        • [^] # Re: "Nous autres traductions, nous savons maintenant que nous sommes mortelles"

          Posté par  . Évalué à 2.

          On réécrit bien les livres en effet, ça n'est pas choquant. J'ai lu Rabelais dans une édition bilingue proposant le français moderne.

          Et même si ce n’était pas le cas, la plupart des éditions de bouquins anciens sont accompagnées de commentaires.

        • [^] # Re: "Nous autres traductions, nous savons maintenant que nous sommes mortelles"

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

          « traduire la Divine Comédie en français du XIVème n'aurait strictement aucun sens, et ne nous aiderait en rien à comprendre le contexte de l’œuvre. »

          En revanche, en français du XVIème ça passerait quasiment comme une lettre à la poste (celle de l'époque des services publics, bien entendu). Le Français ayant ceci d'exceptionnel qu'il n'a que modérément évolué grâce à Molière, La Fontaine, Racine, Corneille, etc, qui restaient des auteurs accessibles à l'époque ou la garderie nationale s'appelait encore légitimement l'éducation nationale.

          Sinon, le français : « traduire c'est trahir » me semble presque aussi élégant que l'Italien. Non ?

          « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

    • [^] # Re: "Nous autres traductions, nous savons maintenant que nous sommes mortelles"

      Posté par  . Évalué à 5. Dernière modification le 19 janvier 2021 à 01:25.

      Retraduire n'importe quel autre bouquin, peut-être. Mais retraduire celui qui dénonçait la manipulation de la langue… c'est fort de café !

      P.S. : au passage, un article du fondateur d'Agone était paru en papier pour une plus grande audience dans le Diplo, quelques mois après ce post de blog : https://www.monde-diplomatique.fr/2019/07/DISCEPOLO/60049

  • # On n'est jamais mieux servi que par soi-même !

    Posté par  . Évalué à 3. Dernière modification le 18 janvier 2021 à 19:08.

    L'auteur Milan Kundera, insatisfait par le travail de son traducteur français, a réécrit ses ouvres :

    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/12/20/milan-kundera-en-francais-dans-le-texte_6023539_3246.html

    Une thèse a été consacrée à cet aspect de la retraduction :

    https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/21713/Beji_Myriam_2018_these.pdf?sequence=2&isAllowed=y

  • # Orwell partout, Antifa et Technocritique nulle part...

    Posté par  . Évalué à 5.

    Une interview de Célia Izoard pour CQFD :

    http://cqfd-journal.org/1984-doit-rester-un-roman

    Sur l'autoritarisme, le sabotage et la technocritique :

    http://cqfd-journal.org/La-balade-incendiaire-du-Clodo

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Comit%C3%A9_pour_la_liquidation_ou_la_destruction_des_ordinateurs

    https://www.zite.fr/merci-de-changer-de-metier/

    https://www.lemonde.fr/blog/internetactu/2019/06/19/de-la-technocritique-aux-technoluttes/

    Sur Orwell :

    https://www.youtube.com/watch?v=8lHcq-jaMr0 (Arte : 1984 ou meilleur des mondes, Orwell vs Huxley)

    Sur les anar, antifa, trotskystes antistal dans l'Aragon libertaire :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Hommage_%C3%A0_la_Catalogne

    http://sortirducapitalisme.fr/153-80-ans-apres-une-histoire-de-la-revolution-espagnole-1936-1939-avec-les-gimenologues

    https://youtu.be/yxre_Cd5TAI?list=PLSZ3A373TrGM7TA4Szt-oFylvxSxTcudW&t=4152

    Produire un discours critique, déceler la novlangue en 2021, ça serait peut-être de commencer par dénoncer les hommages à Orwell cumulant les contresens. Par exemple ceux provenant :
    - des complotistes antivaccins et autres ordures soraliennes
    - des très droitiers républicains du comité Orwell qui dénoncent la "tyrannie des minorités" et demandent plus de policiers (Winston sera heureux de l'apprendre)

    Orwell partout, Antifa et Technocritique nulle part…

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