yoplait a écrit 424 commentaires

  • [^] # Re: Dune le livre

    Posté par  . En réponse au journal Nostalgie avec Dune. Évalué à 2.

    Mais je ne suis pas sûr que la cause en soit le droit d'auteur. Ça pourrait être une autre loi de propriété intellectuelle...

    Non, tout ça vient des droits patrimoniaux qui donnent à l'ayant-droit le monopole de la reproduction et de la représentation. Que ce soit commercial ou pas, cf J.K. Rowling qui attaque en justice des adolescents pour avoir passé leur été à traduire de l'anglais son dernier bouquin.

    Rappel : le droit d'auteur est divisé entre les droits moraux, inaliénables et concernant l'auteur, et les droits patrimoniaux, cessibles à l'envi et concernant l'ayant-droit.

    Mais je trouve que les juristes devraient s'organiser un peu plus sur Internet, pour se faciliter le travail de recherche dans la jurisprudence et du même coup permettre aux néophytes de s'éclairer.

    Mais peut-être que ça les rendrait un peu moins indispensables...
  • [^] # Re: Dune le livre

    Posté par  . En réponse au journal Nostalgie avec Dune. Évalué à 2.

    Les adaptations sont illégales. Il n'y a que les parodies qui sont autorisées, le reste est considéré comme du plagiat. Enfin y a sûrement des nuances, j'aimerais bien avoir accès à la jurisprudence en la matière, si quelqu'un a un lien...

    En tout cas, essaie de faire un nouvel épisode de Tintin et de le vendre, tu vas voir si la fondation Moulinsart ne trouve pas ça illégal... Dans le cas de l'univers Dune, même en faisant une suite dans une époque ultérieure, je pense que niveau légalité, un personnage ou un univers c'est la même chose. Il doit y avoir une notion de profondeur - éminemment subjective donc - qui permet de dire si un personnage figuratif est considéré comme copiable ou si une boîte-aux-lettres extrêmement détaillée et originale est considérée comme la propriété de son auteur.

    Sinon, je conseille effectivement à tout le monde de télécharger illégalement le jeu Dune, il n'a vraiment pas pris une ride et c'est un vrai bijou.
  • [^] # Re: Dune le livre

    Posté par  . En réponse au journal Nostalgie avec Dune. Évalué à 5.

    Tu cherches à dupliquer ici le fil sur le droit d'auteur ?
    Je vais t'aider un peu ;)

    DLFPiens : La propriété intellectuelle est un droit naturel, prépolitique, qu'il convient à toute société civilisée de reconnaître.
    Foutaises !

    DLFPiens : Ne pas respecter la loi est immoral.
    yoplait : oué oué, le droit englobe tous les aspects de notre vie publique et privée, tout le monde l'enfreint, parfois à dessein, souvent sans le savoir. Je suis démocrate mais je prône une certaine liberté de conscience et de fait vis-à-vis du droit, c'est la moindre des choses pour vivre une vie de liberté et d'insouciance relative. Savez-vous qu'en Belgique une femme mariée enfreint la loi si elle ne signe pas de son nom de jeune fille ? Elle est heureusement protégée car cela relève de ce qu'on appelle la coutume.

    Faisons de l'infraction à la propriété intellectuelle, absurde du plus profond de son essence, un droit de coutume !


    PS : c'est effectivement de la provocation, mais je pense tout ce que je dis, vous pouvez donc moinsser de toute votre bonne conscience.
  • [^] # Re: Quelques semaines plus en France, seulement?

    Posté par  . En réponse au journal Des enfants en prison ?. Évalué à 4.

    Ce genre d'histoire ne date pas de Sarkozy

    Sûrement pas, mais Sarkozy représente quand même, à travers sa campagne présidentielle puis ses actions présidentielles, une politique anti-cosmopolite confortant les xénophobes et les nationalistes dans leurs idéologies.

    Ils sont quand même coupable d'être entré et de vivre illégalement en France (n'en déplaise, c'est un acte interdit, c'est factuel

    Et alors ? Tu ne t'adresses pas à des juristes positivistes mais à des citoyens (d'ailleurs même derrière un juriste comme Éolas se cache un citoyen, voir ses billets). La critique de la loi et une certaine prise de distance avec l'idéologie juridique en vigueur est l'essence même de nos démocraties.
  • # Sympa

    Posté par  . En réponse au journal L'impossible mission Olivennes. Évalué à 4.

    Ça fait plaisir de voir un article critique dans (sur le site d') un grand quotidien. De même, je ne connaissais pas Winny et jusqu'à maintenant je ne savais pas qu'un réseau d'échange protégeant l'identité avait fait ses preuves à grande échelle !

    Une simple remarque sur la conclusion de l'article : « Comme Google, YouTube ou Facebook, ils font le constat que la gratuité est une exigence première des internautes. Et que seule la publicité est susceptible d'assurer leur rentabilité, qu'on s'en indigne ou qu'on s'y résigne. »

    Ces sites ont effectivement montré que la publicité en ligne est une bonne source de revenus, mais je ne suis pas d'accord quand il prétend que seule cette ressource peut assurer la rémunération des fournisseurs de contenus. Il n'y a qu'à voir l'exemple de Youtube : les contenus provenant d'émissions de télévisions, diffusés gratuitement, ont déjà été rentabilisés. De même, malgré le piratage, je suis persuadé que les industries culturelles restent rentables via les ventes de cd, de dvd, de tickets de concert et de cinéma. Il faut envisager les possibilités alternatives de rémunération comme la publicité, une forme de licence globale ou le paiement volontaire comme des sources additionnelles de revenus. Bref, la libre diffusion numérique est une chance pour les auteurs et artistes et la vie intellectuelle et culturelle en général.
  • [^] # Re: Olivennes

    Posté par  . En réponse au journal Conférence: L'auteur du rapport sur la lutte contre le piratage sur internet à Science Po. Évalué à 4.

    Je parle de violation de la GPL. Tu me parle de logiciel libre ?

    En fait il mettait de côté les aspects légaux pour mieux observer les aspects politiques. L'utilisation de la GPL, dans la vision de Stallman, n'est qu'un outil pour achever une vision politique dont l'idéal est un monde où il n'existe plus de logiciels propriétaires et où toute information numérique (culturelle ou de connaissance) est librement diffusable.

    mais je prône un système où les artistes seront justement rémunérés, et ce n'est ni le p2p, ni la licence globale qui réaliseront ceci (pas plus que les majors j'en conviens).

    Il n'a jamais été prouvé que la propriété intellectuelle est la réponse à plus de justice dans la rémunération des auteurs / artistes. Quand on écrit un bouquin ou qu'on se lance dans un disque, cela ressemble plus à une grosse loterie dont peu sortent gagnants.

    Et de manière plus générale (il n'y a pas que les auteurs), ce n'est pas restreindre les libertés d'échange culturel des gens qui va apporter plus de justice dans ce monde. Je suis d'accord que la licence globale n'est pas la réponse à tout, mais c'est un premier pas dans l'élaboration d'un système de rétribution basé sur la liberté et l'ouverture : une fois le dogme de la propriété intellectuelle brisé, les législateurs et les économistes pourront faire preuve d'imagination pour trouver d'autres systèmes. Il y a du potentiel, voir le rapport Rocard.
  • [^] # Re: Olivennes m'a ouvert les yeux

    Posté par  . En réponse au journal Conférence: L'auteur du rapport sur la lutte contre le piratage sur internet à Science Po. Évalué à 7.

    Sa formulation est un peu grandiloquente, mais il n'a pas tort, dans le sens où ce qu'ils cherchent, c'est le contrôle des moyens de diffusion _et_ de lecture des biens culturels (voir la chaîne matérielle fermée et chiffrée de la HD). Partant, cela donne un pouvoir inégalé sur le processus de création culturelle car il y a un rapport direct entre la demande de biens culturels de la part de la population et ce qui est largement diffusé en son sein.

    Les technologies numériques sont un vecteur de création culturelle se suffisant presque à eux mêmes. On voit des artistes émerger tout seul sans l'aide de la machine médiatique des majors, via le bouche-à-oreille d'Internet (entre autres, les téléchargements). Dès lors, ils perdent le contrôle sur ces artistes issus de ce vecteur de création alternatif. D'où les multiples tentatives de la part des industriels de la culture de contrôler au maximum ces nouvelles technologies. C'est leur seul salut face à la menace d'un phénomène qui s'est répété au cours de l'histoire : les ruptures technologiques qui rendent caduque un pan entier de l'industrie.
  • [^] # Re: Olivennes

    Posté par  . En réponse au journal Conférence: L'auteur du rapport sur la lutte contre le piratage sur internet à Science Po. Évalué à 4.

    Mais je ne vois pas en quoi ca te donne le droit de violer la licence d'utilisation ?

    Personnellement je ne considère pas que la libre diffusion des biens culturels est un droit légal mais un droit légitime, dans le sens où ce qui est légal est ce qui a été légiféré, et ce qui est légitime est ce qui devrait être légiféré.

    Après, cela soulève la question de la désobéissance civile. Est-ce que c'est un principe en soi acceptable, ou faut-il en tout temps tout lieu se conformer à l'idéologie juridique en vigueur, pour peu que celle-ci soit issue d'un processus démocratique ? Dans ce cas, à partir de quand juge-t-on que la légitimité démocratique est suffisante [1]. Ou alors considère-t-on que la désobéissance civile est acceptable à partir du moment où la loi va bien au-delà de ce que l'on considère, individuellement, comme moral ou juste (c'est ce que je pense) ? Ou seulement lorsque la survie est en jeu [2] ?

    Je trouve qu'il est dangereux de dire que le droit est la réponse à tout et que la démocratie légitime tout. La démocratie est le moins pire des systèmes, ce n'est pas pour rien qu'on répète cette citation sans cesse.

    [1] exemple : le système politique français est très déficitaire démocratiquement, de mon opinion.
    [2] exemple : en France, lorsque les futurs entrepreneurs en bâtiment suivent leur formation pour démarrer leur entreprise, le formateur leur donne des conseils pour le travail au noir car il est notoire que celui-ci est indispensable à la survie économique dans ce secteur.
  • [^] # Re: Olivennes

    Posté par  . En réponse au journal Conférence: L'auteur du rapport sur la lutte contre le piratage sur internet à Science Po. Évalué à 2.

    Je l'avais dis aux modos quand il avait dit cette bourde monumentale , mais bon visiblement ca les gênes pas que denis olivennes raconte n'importe quoi

    Bah, c'est juste que le sophisme à la mode, pour justifier ses arguments, est de dire qu'« on ne voit ça nulle part ailleurs », qu'« on est le seul pays du monde qui ...», etc. Ces phrases sont systématiquement fausses, ça n'empêche pas que plus en plus de monde les utilise.
  • [^] # Re: Olivennes

    Posté par  . En réponse au journal Conférence: L'auteur du rapport sur la lutte contre le piratage sur internet à Science Po. Évalué à 6.

    Dans un cas il y a des enjeux commerciaux, dans l'autre non. Il y a sûrement beaucoup de freeware qui embarquent du code GPL sans que ça ne fasse grand bruit.

    Ce qui est gênant, c'est quand les autres se font de la tune à partir de ton travail. Même moi qui suis contre la propriété intellectuelle, je suis pour des droits d'auteur (éventuellement limités dans le temps, mais au maximum limité à la mort de l'auteur et non pas 70 ans après celle-ci comme aujourd'hui) qui s'occupent de ce problème.

    Sinon en général ceux qui ont un discours très ferme envers les violations (et non pas vol comme tu dis) de GPL sont également contre le piratage. Le problème dans ta question c'est que tu prêtes à deux discours la même provenance. Faut pas mettre tout le monde dans le même panier sous prétexte qu'ils fréquentent le même site.
  • [^] # Re: Mieux que l'esperanto : Ido !

    Posté par  . En réponse au journal L'espéranto et les décideurs. Évalué à 1.

    La seule diatrique casse pied c'est la demi lune sur le u (ŭ)

    Sur ce point la future nouvelle disposition dvorak-fr (dite bépo) prévoit un accès pas trop difficile à cette touche. Après tout quand on s'intéresse à une langue alternative, pourquoi ne pas s'intéresser à un clavier alternatif :o). Voir http://www.clavier-dvorak.org/wiki/Accueil

    La disposition est encore sujette à modification, donc les intéressés feraient mieux d'attendre la version finale avant d'entamer la douloureuse transition.
  • [^] # Re: same ĉi tie

    Posté par  . En réponse au journal L'espéranto et les décideurs. Évalué à 1.

    En effet, l'argument de l'ordre des mots d'une phrase aurait aussi bien pu s'appliquer pour les compléments au datif ou à d'autres cas, ce qui permettrait de conserver la structure des phrases traduites depuis le latin, par exemple.

    C'est vrai. Je préfère d'ailleurs le principe des déclinaisons plutôt que celui des prépositions. Mais cela rendrait la langue trop compliquée.

    Et puis, pourquoi une désinence finale plutôt qu'une préposition ?

    J'avoue que je n'y avais jamais pensé. Mais ici au contraire, utiliser systématiquement des prépositions pour l'accusatif rendrait la langue trop lourde je pense. Tu as vu juste, cette histoire de déclinaison est un compromis.

    Est-ce que réserver un traitement particulier à l'accusatif ne fait pas un peu tâche dans le systématisme de l'espéranto ?

    Oui, si l'on considère que le principe primordial de l'espéranto est le systématisme. Mais si c'est un principe important, il n'est pas pour autant primordial. D'ailleurs la terminaison -n concerne aussi les lieux où l'on se rend. Dans sa défense de l'accusatif, Piron considère que ce serait plutôt l'« analyse immédiatement perceptible » qui serait le moteur de l'espéranto. Voir http://claudepiron.free.fr/articlesenfrancais/structures.htm(...) L'emploi de -n enlève beaucoup d'ambiguités.

    Un autre bon argument contre la manière de traiter l'accusatif en ido, c'est qu'elle privilégie l'ordre SVO, du moins elle le considère comme la normale. Je trouve que l'ouverture de l'espéranto à ce niveau là est plus respectueuse des autres cultures linguistique.

    Ouhla, il ne faut pas nourrir le troll espéranto/ido !

    Oui, je crois que je vais m'arrêter ici :o).
  • [^] # Re: Une autre vision de l'esperanto : l'Ido.

    Posté par  . En réponse au journal L'espéranto et les décideurs. Évalué à 1.

    Par exemple il n'y aura pas de cheval, jument, poulain et pouliche (principe utilisé en esperanto)


    gnu ? En espéranto on dérive comme suit : ĉevalo, ĉevalino, ĉevalido, ĉevalidino, virĉevalo, ĉevalaro (cheval, jument, poulain, pouliche, étalon, troupeau de chevaux).

    De toutes manières, après avoir lu l'article de Piron sur l'évolution naturelle de l'espéranto depuis sa création, je pense qu'il vaut mieux faire confiance aux choix de radicaux découlant de la pratique de la langue. Voir http://claudepiron.free.fr/articlesenanglais/evolution.htm (article seulement disponible en anglais). Au passage, cet article est un élément de réponse à ceux qui pensent que l'espéranto est artificiel :o).

    Pour le problème des genres, j'avoue que c'est un peu dérangeant mais pas tant que ça finalement. On peut pour l'instant utiliser le préfixe ge- pour signifier qu'on parle des deux sexes, et peut-être que dans le futur on emploiera systématiquement le préfixe vir- ou le suffixe -iĉ pour le masculin, ce qui rendrait les radicaux neutres (du moins, ceux qui ne le sont pas déjà).
  • # Espéranto et LL

    Posté par  . En réponse au journal L'espéranto et les décideurs. Évalué à 1.

    Je suis toujours étonné de voir que chez les libristes francophones, beaucoup ont appris ou du moins tenté d'apprendre l'espéranto. Quelqu'un sait si l'intérêt est similaire dans les autres communautés linguistiques ? Auquel cas, il ne suffirait que de peu de choses, finalement, pour lancer un bilinguisme anglais / espéranto dans le monde du libre.

    Dans les pays asiatiques (dans lesquels les gens ont plus facile à apprendre l'espéranto que l'anglais), l'idée devrait faire beaucoup d'enthousiastes.
  • [^] # Re: same ĉi tie

    Posté par  . En réponse au journal L'espéranto et les décideurs. Évalué à 1.

    Parce qu'on ne cherche pas seulement à faciliter l'apprentissage, mais aussi la compréhension. Déterminer l'accusatif dans une phrase permet d'enlever beaucoup d'ambiguités qu'on peut retrouver dans les autres langues. En plus, cela permet de mettre le sujet le verbe et l'objet dans n'importe quel sens (même si dans la pratique SVO est le plus souvent utilisé). Ça a son importance dans la mesure où chacun peut utiliser l'ordre correspondant à sa culture linguistique. Mais surtout, les traductions depuis d'autres langues peuvent conserver l'exacte place des mots de l'original, alors que traduire vers l'anglais ou le français oblige de réécrire les phrases. Au final, en plus de bénéficier d'une correspondance très forte entre le mot original et le mot traduit (grâce au principe de l'agglutinance qui permet de construire le signifié au sein d'un seul mot), on garde la « musique » de l'écriture de l'auteur. C'est pour ces raisons qu'on conseille de lire les ouvrages anciens qui sont en grand décalage culturel (livres religieux, textes antiques, etc) en espéranto.

    Vouloir supprimer l'accusatif est une erreur. D'autant plus que même si nous francophones et anglophones aurions un apprentissage encore plus facile, ce n'est pas le cas pour beaucoup d'autres cultures qui déclinent l'accusatif. Vue la vocation internationale de la langue, qui va-t-on privilégier ? Non, la bonne attitude est de se concentrer sur les avantages effectifs de l'accusatif une fois la langue assimilée.
  • [^] # Re: Il y'a beaucoup de conneries dans ce texte mais ...

    Posté par  . En réponse au journal Certains pensent ainsi... Jean-Louis Murat et internet. Évalué à 4.

    Lorsqu'on a créé ce genre de titre, ce n'était pas à cause du lobbying intensif d'une quelconque industrie

    Bien sûr que si, cf la querelle des théâtres, la pétition présentée à l'assemblée française par une trentaine d'auteurs dramatiques, la SACD créee à l'époque par Beaumarchais et qui existe d'ailleurs encore aujourd'hui, ...

    La propriété intellectuelle est un compromis conscient et clairement pas naturel

    Tu as tout a fait raison, c'était un compromis qui ne relevait pas du droit naturel. Mais comme tout compromis, il était adapté à son époque, et était voué à évoluer avec le temps. Que s'est-il passé ? Ce compromis donnait un tel pouvoir aux ayants-droit, était une telle source de légitimité pour leur revendication à être propriétaire des oeuvres sur un plan naturel, que les lobbys ont régulièrement tenté ou réussi à mettre de côté toute réorganisation de ce compromis qui jouait en leur défaveur. Je pense à des exemples connus comme la lutte des bibliothèques et médiathèques, ou celle des constructeurs de matériel électronique japonnais en ce qui concerne la légitimité de la copie privée. Mais j'ai une pensée particulière pour la tentative de réforme d'un ministre français de la culture -- Jean Zay -- au milieu des années '30 : celui-ci luttait de toutes ses forces contre l'emploi du terme « propriété », et a essayé de mettre en ½uvre un profond remaniement des droits d'auteurs, qui les aurait axés non plus sur la propriété mais sur le travail. Il s'agissait par là non pas de piller les auteurs, comme les partisans de la PI en tant que droit naturel pourraient argumenter, mais de revaloriser leur statut social et leurs conditions de rémunérations face aux maisons d'éditions. Évidemment, celles-ci ont fait retarder le projet, qui a été ensuite complètement sabordé par le gouverment Vichy, tandis que Zay fut victime d'une exécution anti-sémite.

    Donc non seulement les lobbies industriels ont eu un rôle dans l'élaboration des droits d'auteurs comme je l'ai précisé plus haut, mais ils en ont eu aussi dans toutes les tentatives de remise en question du compromis.


    En réaction, il faut absolument rééquilibrer la propriété intellectuelle en réduisant la durée de ces droits et/ou en limitant leur champ d'application à des réalisations concrètes ou à des domaines très spécifiques. Mais il n'y pas lieu de les supprimer.

    Il faut rééquilibrer (et pas qu'un peu) les droits d'auteur. Mais il faut absolument supprimer le concept de propriété intellectuelle qui m'apparaît non seulement illégitime, mais qui sert de justification pour empêcher toute remise en cause du compromis. Je vais à nouveau me laisser tenter par une citation que je fais souvent mais qui résume bien pourquoi je pense que la propriété intellectuelle est illégitime. Elle provient du rapport de la première des deux lois fondatrices du droit d'auteur : « c'est une propriété d'un genre tout différent des autres propriétés. Lorsqu'un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s'en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s'en pénètre et qui en fait sa propriété. » En d'autres termes, on est propriétaire de son ½uvre tant qu'on ne la publie pas. Une fois publiée, l'½uvre est lachée dans la nature et le nombre de nouveaux propriétaires se propage de manière exponentielle.


    Au lieu qu'une forme d'autorité suprême sortie d'on ne sait où ne lâche de l'argent à n'importe quel artiste au prétexte qu'il a fait quelque chose

    Je suis d'accord avec toi, un financement exclusivement contrôlé par l'État est, pour moi, aussi effrayant qu'un financement exclusivement privé. C'est pourquoi une piste intéressante serait un système mixte, qui serait peut-être à même d'établir une balance, un équilibre entre les deux systèmes de rémunération.


    on laisse à une certaine liberté à chaque intervenant de négocier le prix de son travail et surtout d'en contrôler dans une large mesure l'exploitation. Ca évite contrairement à la tradition anglo-saxone d'aliéner l'auteur et son oeuvre.

    Hum. Dans la tradition anglo-saxone, l'auteur a une latitude aussi large que dans nos contrées (à ceci près que l'attribution de copyright, à l'inverse de celle de droits d'auteur, n'est pas automatique). La grosse différence, c'est l'absence de droits moraux mis à part celui de paternité -- le seul légitime sur un plan naturel, de mon avis --, ce qui permet aux ayant-droit de modifier l'½uvre comme bon leur semble et de mettre sur le marché une vision hybride de celle-ci, très orientée sur le commercial. Je suis d'accord que c'est un problème. D'un autre côté, il me semble que retirer au public le droit de faire des ½uvres dérivées et de les publier est un contre-sens artistique et une atteinte aux libertés individuelles. Car, si on peut parfois critiquer l'utilité des communautés de fans d'Harry Potter, de Starwars et d'autres univers qui ont un caractère fascinant pour leur public, on ne peut nier la qualité artistique de leur travail, au sens fondamental du terme (en laissant donc de côté tout jugement de valeur). Surtout, ils vivent une telle appropriation de l'½uvre et de son univers, que je trouve presqu'obscène de revendiquer la propriété (dans son sens le plus brutal) de l'univers dont est imprégné le public. Quand je vois J.K. Rowling attaquer en justice un jeune pour avoir fait une traduction de son bouquin ça me fait bondir, d'autant plus qu'elle doit son succès en grande partie au bouche-à-oreille initial, et donc à sa communauté de fans.

    Le juste milieu serait donc de subordonner à la volonté des auteurs (non pas des ayant-droit) les travaux dérivés destinés à être commercialisés, mais en contre-partie d'autoriser le public à publier des ½uvres dérivées de façon bénévole.

    Cette mesure permettrait de voir fleurir des initiatives de meilleure qualité que se qui se fait pour le moment puisque la clandestinité est de mise. Mais le potentiel est réel, il suffit de voir les communautés de remontage de films qui sont investies par les étudiants en cinématographie par exemple.


    autant que je ne connais aucune alternative réelle et que Creative Commons et GPL se basent sur cet outil

    Ce n'est que le détournement d'un outil pour appliquer une vision politique. Du moins en ce qui concerne Stallman et sa GPL (je ne connais pas bien les velléités politiques de Lessig).

    [1] et je ne parle pas ici des artistes et auteurs, puisqu'ils cèdent généralement la propriété à leurs producteurs
  • [^] # Re: Prix acceptable?

    Posté par  . En réponse au journal Microsoft décide de plier aux injonctions de l'UE. Évalué à 7.

    Ça c'est un grand enjeu d'aujourd'hui : faire comprendre aux gens et aux politiciens que dans le domaine de la connaissance, et particulièrement dans le domaine de l'informatique, le communautaire est un facteur de « production » efficace et souhaitable, et qui n'est pas forcément en opposition avec les entreprises privées.

    Partant de là, respecter - à défaut de favoriser - le communautaire, c'est entre autres [1] garder le coût de contribution le plus bas possible.


    [1] mais aussi : pas de brevets logiciels (merci au parlement européen), obliger les constructeurs de matériel à fournir les spécifications, obliger les développeurs de logiciels à dévoiler les protocoles nécessaires à l'interopérabilité, comme c'est le cas ici pour MS, etc...
  • [^] # Re: OpenOffice.org Writer

    Posté par  . En réponse au journal OpenOffice 3.0 : Ce sera sans moi !. Évalué à 2.

    À ce propos, j'ai découvert ceci il y a quelques jours lorsque j'ai commencé un nouveau document Latex : http://live.gnome.org/Gedit/LaTeXPlugin

    Un greffon pour gedit qui simplifie un peu la vie, à défaut d'avoir un éditeur dédié comme Kyle.
  • # Gzi

    Posté par  . En réponse au journal L'immoralité de la propriété intellectuelle.. Évalué à 4.

    Comme d'habitude, j'arrive quand la bataille est finie (ou presque), et je ne serai pas beaucoup lu, mais je vais quand même prendre le temps de faire ce commentaire.

    Je précise que je n'ai pas entièrement lu la discussion, et que je n'ai pas lu non plus le papier de Mathieu Stumpf.

    Commentaire de Nicolas Schoonbroodt :
    Appelons ce droit le "droit 1" : Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.
    Celui-ci le "droit 2" : Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.
    Et celui-ci le "droit 3" : Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies.

    Le 1 permet selon toi de dire que la propriété intellectuelle est immorale, et qu'il faut supprimer le droit d'auteur au nom de la liberté d'expression. Oui, mais voila, tu ne peux pas faire valoir ce droit 1 s'il s'exerce contrairement aux buts et [...] (droit 3). Or, les droits de l'homme me semble être un des principes des Nations-Unies. Et dans ces droits, il y a le droit 2 qui permet de proteger les droits moraux et matériels sur un production. Donc le droit 1 ne peut pas être appliqué dans ce cas. CQFD.

    D'emblée, il faut préciser que la « protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur. » ne signifie pas « propriété intellectuelle », ni « restriction de diffusion ». Il veut juste dire qu'un auteur ou producteur intellectuel, en échange de sa contribution à notre patrimoine intellectuel, doit se voir garantir des intérêts moraux et matériels par l'État.

    Les intérêts moraux en question restent à définir, mais typiquement on peut citer le droit moral de paternité dont le bienfondé est universellement reconnu et ne fait l'objet d'aucune polémique. Les intérêts matériels sont simplement la mise en place de moyens permettant à l'auteur de bénéficier d'un niveau de vie correct, ou de pouvoir défendre devant la justice les droits qui lui ont été reconnus même s'il manque de moyens financiers.

    Un communiqué de presse [1] d'un comité mandaté par les nations unies confirme même : « le Comité rappelle qu'il ne faut pas confondre les droits de propriété intellectuelle et le droit reconnu au paragraphe 1 c) de l'article 15 ».

    Je dois donc m'inscrire en faux face à toutes les déclarations comme celle de PasBillPasGates : « Elle ne te donne pas le droit de l'exprimer en copiant la forme utilisee par d'autres. ». À moins d'une usurpation de l'identité de l'auteur, la déclaration ne s'occupe pas des copies, des téléchargements, des scans, des enregistrements, des prêts de support, des interprétations, des projections publiques.

    De toute manière, je ne trouve pas très judicieux l'emploi de ce genre de déclaration comme base théorique. À mes yeux, elle n'a d'universelle que le nom. Il suffit de voir l'article proclamant le droit à l'exercice privé de la propriété. Bien que je ne suis pas collectiviste (je crois notamment à l'utilité de la propriété foncière privée, comme facteur d'émancipation et d'épanouissement), il faut, par exemple, respecter la légitimité des sociétés (principalement primitives il est vrai) moins individualistes à organiser la propriété selon un mode public. Tout cela pour dire que les droits reconnus dans ce genre de charte peuvent être sujets à débat, pour peu que l'on puisse s'abstraire de notre vision occidentale traditionnelle. Je pense notamment à l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'UE qui stipule que la « propriété intellectuelle » est protégée.


    J'en viens maintenant au problème de la limitation de l'expression. Je ne m'occupe pas ici du projet de Mathieu S. ni du problème des nombres et de l'information. Mais le fait est que je suis d'accord avec son assertion centrale : la limitation de la liberté d'expression par la propriété intellectuelle est problématique. Je vais peut-être devoir me faire long dans ma (je l'espère) démonstration.

    Il faut bien percevoir le rôle social qu'occupent les ½uvres intellectuelles. Elles constituent le socle, le support de notre culture. Par culture j'entends les valeurs communes, les références structurant nos opinions sur tous les problèmes sociaux (ex. : nos opinions sur la structure familliale influencées par les innombrables ½uvres qui font allusion aux notions de mariage, de couple, de famille, de sexualité, etc), mais aussi certains mécanismes de pensée comme l'humeur et la façon d'envisager les problèmes de la vie (c'est pour cela que des styles de musique se développent de manière significative dans les groupes sociaux frappés d'un grand malaise : gospel plein d'espoirs chez les noirs américains ; musique punk aux sons saturés et à la mélodie tantôt guillerette, tantôt agressive accompagnant les revendications d'une certaine classe sociale ; …).

    Dans tous ces exemples, on note la notion de pensée partagée, mais aussi de communication. Les deux notions sont très importantes. La première montre que les ½uvres jouent le rôle essentiel de nous lier intellectuellement ; qu'elles sont plus des liens que des biens intellectuels. La deuxième notion couvre le fait qu'une ½uvre artistique est, avant tout, un moyen de communication pour l'auteur (non, ce n'est pas avant tout un moyen pour lui de se faire du beurre, du moins ça ne devrait pas l'être). Cette communication concerne évidemment des notions et des idées mais aussi des sentiments comme dans le cas de la musique.

    Et c'est ici que l'on touche au problème de la limitation de l'expression. Lorsqu'une ½uvre est de bonne qualité artistique (c-à-d qu'elle remplit son rôle communicateur d'une façon percutante, touchante, émouvante), elle nous transcende. L'auteur de qualité a le pouvoir de nous rendre esclave, pour un moment, des sentiments et/ou des idées qu'il avait en tête en concevant son ½uvre. C'est en ces moments là que s'opère en nous une certaine transcendance culturelle. On s'imprègne de ce qu'a communiqué l'auteur et, enfin, on se l'approprie (pour peu que l'on ait le droit de posséder notre esprit). Notre nature profondément sociale nous pousse alors à partager ce qui nous a ému/interloqué/enseigné, de la même manière que l'ambition d'un auteur est à la base de partager. Qui n'a jamais fait écouter à quelqu'un un morceau de musique ou fait regarder un film à sa famille ? Qui n'a jamais prêté un livre ?

    Cependant, ce que l'on veut communiquer, ce n'est pas seulement les idées/sentiments, ce sont aussi ces moments de transcendance qui caractérisent l'½uvre. C'est pour cela que nous empêcher de communiquer la forme d'une ½uvre est une limitation de notre liberté d'expression, même si l'on peut bien sûr communiquer le fond.


    Cela dit, je suis d'accord que cela ne justifie pas l'illégitimité de la propriété intellectuelle. Si, effectivement, il existe des droits naturels au-dessus de tous les autres et que la propriété intellectuelle fait partie de ces droits, la limitation de notre liberté d'expression est une bonne chose. Mais c'est un autre débat. Je voudrais juste dire à zerbro qu'il confond deux principes bien différents : la propriété et la paternité. La reconnaissance du droit de paternité ne passe pas forcément par la propriété (et vice/versa d'ailleurs, puisqu'une propriété se cède, par définition). De la même façon, l'octroi d'un confort matériel aux auteurs ne passe pas forcément par la propriété intellectuelle (et d'ailleurs, ce confort matériel n'est même pas garanti par la PI puisque certains auteurs et artistes peuvent avoir du mal à vendre malgré leur qualité). On peut imaginer une multitudes de mécanismes de rétribution à un auteur. On peut aussi empêcher de vendre le travail d'un autre pour une certaine durée, tout cela sans propriété intellectuelle.

    La question est donc de définir les origines de la PI sur base théorique et non par les aspects concrets qu'elle offre aux auteurs. Car à ce moment là, on se tourne vers une vision utilitariste des droits d'auteur, ce qui implique de réfléchir à leur utilité pour la société tout entière et donc aussi pour le public.



    [1] http://www.unhchr.ch/huricane/huricane.nsf/view01/D02
    BC8F18F2BFEBFC12570C1003AEDE5?opendocument
  • [^] # Re: vouloir dissoudre l'insoluble

    Posté par  . En réponse au journal L'immoralité de la propriété intellectuelle.. Évalué à 2.

    C'est pour cette raison que l'on peut être contre la propriété intellectuelle mais également contre l'anarchisme. En gros, concevoir le domaine public comme l'état par défaut d'une ½uvre publiée, mais concéder des droits (d'auteur et de public) qui rendent la société meilleure.

    Cette vision utilitariste de droits protégeant une ½uvre peut aller dans les deux sens : celui des auteurs/producteurs (typiquement l'instauration de certaines taxes) ; mais aussi celui du public/consommateur. Pour répondre à ton commentaire, je trouverais légitime l'obligation de distribuer le code source lorsque l'on vend un logiciel par exemple. Cela peut prêter à sourire à première vue, mais je pense qu'il s'agit d'un respect élémentaire : le producteur devrait être obligé de nous communiquer ce qu'il compte faire tourner sur nos machines de la même manière qu'un fabriquant de percolateur doit observer certaines obligations lorsqu'il vend ses produits. Il doit se plier aux normes de sécurité, doit publier un manuel dans toutes les langues employées par les consommateurs cibles, etc.

    En fait, même dans un système légal entièrement construit sur la PI (on y est pas encore, mais brr, c'est vers ce à quoi on tend pour l'instant), l'obligation de redistribution des sources d'un logiciel et de publication des spécifications d'un matériel devraient faire partie des respects élémentaires qu'un producteur doit à son consommateur, par force de loi.
  • [^] # Re: Le piratage, c'est mal !

    Posté par  . En réponse au journal Notre bien aimé président veut protéger la culture. Évalué à 2.

    est une pratique inadmissible.

    Ou alors une pratique naturelle.


    que l'on vole le fruit de votre travail

    Pour appuyer ce que disait Yth : juridiquement parlant, le vol n'est défini que pour les biens mobiliers et immobiliers. Dans le concept du vol, l'idée de « matériel » est incluse.


    Il ne faut pas s'attaquer aux objectifs (la protection d'oeuvres culturelles)

    Et pourquoi pas ? Quid de ceux qui ne veulent organiser la société avec des dogmes, de ceux qui ne veulent pas s'enfermer dans des axiomes ? (je parle ici de la propriété intellectuelle)


    C'est vrai que ce n'est pas un sujet de premier plan et qu'il y a d'autres priorités.

    Au contraire, au-delà de ce qui remplit nos besoins primaires, la politique culturelle est certainement celle qui touche le plus à ce qui fait le bonheur de vivre.

    « Et les artistes, ils n'ont pas droit au bonheur de vivre ? » me répond-on en c½ur. Si, bien sûr, mais il faut arrêter de croire qu'en dehors de la propriété intellectuelle, point de salut pour les artistes. En témoigne la taxe sur le matériel de stockage. Il y a plein d'autres idées pour le financement de la culture, et il y a par ailleurs certainement moyen de mieux répartir la richesse. En tout cas ça me tue de voir ce que gagnent des imbéciles comme Johnny Hallyday pendant que d'autres galèrent. Voilà le vrai problème, et Sarko n'a dans l'idée que de favoriser la rente sur les morceaux ultra-diffusés.
  • [^] # Re: Je l'avais dit!

    Posté par  . En réponse au journal EU: Les brevets coutent plus qu'ils ne rapportent. Évalué à 2.

    On comprend que tu ne sais pas de quoi tu parles. Interdire à un artiste (cinéaste, musicien...) d'avoir le droit de choisir ce qu'il veut faire de SON oeuvre fait partie des libertés fondamentales.

    Tu as l'air fort sûr de toi. Tu vas donc peut-être être la première personne à me donner une explication cohérente sur la raison pour laquelle les gens comme toi considèrent la propriété intellectuelle comme un droit naturel (et donc, pas un droit social, sujet aux évolutions et remises en cause afin de coller à la moralité effective de la population).

    Parce que les conceptions lockienne et autres ne m'ont jamais prouvé qu'une chose : la paternité. Je peux lire n'importe quel théoriste ayant défendu la PI, je n'y vois jamais que des raisonnements axiomatiques donnant lieu à une conclusion dogmatique.

    Moi je crois aussi au droit naturel. Mais j'en ai une lecture très différente de l'acception générale de celui-ci. Le droit naturel, àmha, indique qu'une ½uvre intellectuelle est possédée par quiconque en a pris connaissance, s'en est imprégné. Je terminerai par une citation du rapporteur de la toute première loi sur la propriété littéraire en France :

    c'est une propriété d'un genre tout différent des autres propriétés. Lorsqu'un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s'en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s'en pénètre et qui en fait sa propriété.

    Bref, une ½uvre n'est une propriété exclusive qu'à partir du moment où celle-ci n'a pas été divulguée. Une fois publiée, elle devient une copropriété dont le nombre de propriétaires ne cesse de croître à mesure de sa propagation. Et c'est d'ailleurs pourquoi le droit moral de divulgation, en vigueur dans nos législatures, est on ne peut plus légitime et colle de près, àmha, au droit naturel.


    S'il n'y avait pas de droit d'auteur. Il n'y aurait pas de logiciels libres

    Si, il y aurait des logiciels libres, mais pas de logiciels communautaires. Je pense que Stallman a introduit une confusion en regroupant sous un même terme deux concepts différents : l'aliénation des droits patrimoniaux, libérant de fait l'½uvre des contraintes de la PI [1], et l'obligation de redistribution des sources faisant de l'½uvre un logiciel communautaire, avec tous les avantages que cela comporte : ne plus être subordonné à l'auteur pour les évolutions ou l'audit du code, etc.

    Sans propriété intellectuelle, seule une charte communautaire non contraignante pourrait servir de support aux logiciels copyleftés tels que nous les connaissons. Seulement, rien n'empêche d'envisager des droits d'auteur faisant quelques petites entorses au droit naturel. En effet, je ne crois pas que celui-ci se suffise à lui même. Ne pas encadrer juridiquement les citoyens, ne pas donner de limites contraignantes empêchant dans une certaine mesure d'empiéter sur la liberté des autres, c'est effectivement l'anarchisme.

    C'est pourquoi je suis favorable, même dans le contexte d'une PI abolie, à l'élaboration de certains droits d'auteurs : des droits empêchant de faire profit du travail des autres pour une certaine période permettant à l'auteur d'établir son affaire et d'en retirer des profits par exemple. Et surtout : l'obligation de redistribution des sources (que ce soit le code d'un logiciel ou les rushes d'un film). Car, à l'instar des législations nationales et européennes obligeant un constructeur à fournir un manuel et une garantie à son produit, il s'agit, àmha d'un respect élémentaire vis-à-vis du client.

    Je sais que mon point de vue peut paraître dangereux aux yeux des libéraux. Ceux-ci se méfient de l'Etat, et sont attirés par l'idéal d'un monde auto-régulé. Seulement, je pense que cet idéal est complètement utopique et ne peut mener qu'à la constitution de puissants et de faibles, annulant précisément l'objectif initial du libéralisme (qui était d'instaurer la propriété afin de libérer les roturiers du joug des nobles). Je vais ici encore terminer par une citation :

    La liberté opprime, la loi libère

    Et peut-être rajouter que c'est cela, la démocratie : le moins mauvais des systèmes qui demande une vigilance de tous les instants vis-à-vis de l'Etat.


    [1] Oui je sais, l'auteur conserve ses droits, mais pas pour la version de l'½uvre libérée. Il ne peut pas revenir en arrière sur les droits qu'il a aliénés (certains comme toi préféreront sûrement dire "donnés" ;)), il peut seulement repropriétariser une nouvelle version. La version copyleftée est bel et bien lâchée dans la nature.
  • [^] # Re: Je l'avais dit!

    Posté par  . En réponse au journal EU: Les brevets coutent plus qu'ils ne rapportent. Évalué à 1.

    Pour moi une oeuvre, c'est comme un enfant. Et si tu la publies, tu en fait un adulte. Dès lors, il n'y a que le lien de paternité qui te relis à elle.

    C'est de toi ? Vraiment joli.
  • [^] # Re: hors débat

    Posté par  . En réponse au journal Le TGV est et pourquoi la musique sous droit d'auteur de base c'est le mal(tm). Évalué à 6.

    Faute de temps, je n'ai lu le journal qu'en diagonale, et encore pas en entier ; mais j'ai assez lu pour comprendre que ça avait avoir avec la problématique de la propriété intellectuelle (celle qui dit qu'un auteur^Wayant-droit a le monopole de copie et de représentation d'une oeuvre, sauf exceptions grâcieuses).

    Alors moi aussi y a un truc que je pige pas, vraiment pas du tout. Comment est-ce qu'un bonhomme comme toi, qui est investi dans le logiciel libre, qui est vidéaste amateur, qui s'intéresse à la politique sur certains sujets comme le montre ton article sur les DRM qui va plus loin que le simple aspect technique, ...

    Comment est-ce qu'avec ce profil, tu arrives à t'en « [foutre] un peu à vrai dire » ? La propriété intellectuelle est le dogme le plus immobilisant, et certains comme moi diront le plus injuste qui soit. Partant, il faut absolument faire bouger les lignes, en discuter, se poser des questions et en provoquer chez les autres, bref, combattre le dogme. Il me semble en plus t'avoir vu réagir dans les journaux de patrick_g sur la religion en te moquant des croyants. Est-ce que tu ne serais pas aussi un peu croyant ? ;)

    Bref, si même les gens comme toi s'en foutent de cette question, on est mal barré, àmha.
  • [^] # Re: Libre n'est pas gratuit

    Posté par  . En réponse à la dépêche Modèles économiques liés aux logiciels libres. Évalué à 10.

    Il ne s'agit pas de s'opposer à la propriété qui est une chose naturelle : l'oiseau défend son nid et le chien défend son os ! Mais d'éviter les dérives qui conduisent au féodalisme et aux iniquités.

    L'appropriation est un sentiment naturel, c'est vrai. Mais en tant que tel, il n'est ni bien, ni mal. La convoitise est également un sentiment naturel qui se retrouve chez les animaux.

    La vraie question est : est-ce que la propriété l'est, naturelle ? C'est une question complexe qu'il ne s'agit pas de balayer d'un revers de tournure de phrase. Le dogme ambiant du libéralisme fait qu'on ne se pose plus de question à ce sujet.

    Le problème est que la question fait peur. Remettez en cause la propriété en tant que droit naturel, et tout interlocuteur se voit déjà se faire aggresser par des théories collectivistes. C'est faux. On peut très bien décider que la propriété est une chose nécessaire à établir, même si elle n'est pas naturelle. La différence est que l'on n'est plus borné par le dogme libéral, et l'on peut donner des limites à la propriété si c'est pour le bien de la société. Dans le cadre axiomatique du libéralisme, on ne peut rien faire, car c'est le déroulement de la nature. Peu importe que des hommes amassent du capital à en devenir plus riche qu'un pays, ou que des promoteurs immobiliers laissent des immeubles à l'abandon plutôt que d'en faire du logement afin de garder les prix hauts.

    Bref, briser les axiomes de la propriété, faire du libéralisme un moyen et non plus une fin, c'est le plus grand enjeu du XXIe siècle, àmha.