Journal Lucius Shepard

10
23
mai
2013

Sommaire

Introduction

Comme mon précédent journal sur Alastair Reynolds avait suscité de l'intérêt je reviens donc pour présenter cette fois-ci Lucius Shepard.
Comme il est en France pour le festival des Imaginales et qu'il passera à Paris à la librairie Charybde, en même temps qu'Alastair Reynolds le 28 Mai, je pense qu'il est pertinent d'en parler maintenant.

C'est en effet un auteur plutôt atypique, mais qui gagne à être plus largement connu, tant sa qualité d'écriture est grande.

Lucius Shepard, sa vie, son oeuvre

Lucius Shepard a plutôt eu une vie agité, et le moins qu'on puisse dire, c'est que cela a profondément structuré son écriture!

Pensez donc! Parti des États-Unis et de sa famille à 15 ans pour l'Irlande en cargo, il bourlingue dans le monde entier, passant de l'Europe à L'Asie du Sud Est et vivote avec milles et uns métiers, tous aussi précaires qu'extravagants. Il finit par revenir aux Etats-Unis, puis devient journaliste indépendant et se retrouve à couvrir le conflit du Salvador durant les années 80, durant la période brûlante des interventions clandestines du gouvernement Reagan. Cette région de l'amérique centrale, il l'a quadrillera en long et en large, dans les pires endroit, où se melent guerres secrètes américaines, paramilitaires d'extrêmes droites, narcos, guérillas d'extrême gauche, et massacre de paysans…

Autant dire que Lucius Shepard a vu des choses et des gens à des sigmas de la normalité!

Et pourtant, au côté de ce metier de journaliste, Lucius Shepard trouve le temps d'écrire des romans de science fiction, mais aussi de fantastique et de fantasy.

Une oeuvre à la croisée de bien des genres

Quand on regarde rapidement l'oeuvre de Lucius Shepard, on est frappé par sa diversité et la multitude des thématiques abordées ainsi que des genres.

Ainsi son premier roman, Les Yeux électriques datant de 1984 est une histoire de zombies certes, mais dans un cadre résolument SF, puisqu'il s'agit de zombies revenant d'entre les morts grâce aux travaux de scientifiques de Louisiane. Et ceci s'avère bien différents des zombies cinématographiques, puisque les morts ainsi réssucités se mettent à vivre une nouvelle vie de plus en plus brûlante…
Ce roman nous narre la renaissance d'un jeune paumé des bayoux, devenu un poete sensible et dévoré par son art et la course contre la mort…
C'est un roman subtil, à la structure sophistiquée, alternant une prose réaliste et une écriture hallucinée qui vient allégrement faire sauter les limites tranchées du fantastique et de la science-fiction

Son deuxième roman, La vie en temps de guerre, datant de 1987 nous transporte cette fois ci en Amérique Centrale, dans une guerre, véritable Vietnam du Futur, où l'Amérique est enlisée et n'en finit pas d'affronter des guerrilleros loqueteux.
Lucius Shepard vient pervertir ce cadre, pouvant laisser craindre un roman Tiers Mondiste manichéen, en mettant en scene une vraie guerre parapsychologique: en effet, c'est littéralement une vendetta entre familles de sorciers à laquelle sans vraiment le savoir les États-Unis sont mélés!

C'est un roman foisonnant, rappellant le meilleurs du journalisme de guerre, décrivant l'horreur banale de la vie de soldat lorsque la guerre dérape, s'éternise, et finit par perdre tout sens, mais subtilement distordu par ce jeu avec des thématiques issues du folklore sud-américain.

Lucius Shepard reviendra plus tard sur cette thématique Sud-Américaine, au travers un étonnant ensemble de nouvelles, aux lisières de la Fantasy et du Fantastique, publié aux éditions du Bélial sous le titre Le Dragon Griaule
Il s'agit là de récits se déroulant dans un pays imaginaire du Sud, séparé de notre univers par une frontière infinitésimale, et vivant dans l'influence ténébreuse d'un immense dragon assoupi, dont les rêves déforment l'histoire.
La métaphore des rapports entre les États-unis et les petits pays d'Amérique Centrale est filée subtilement au travers les différentes nouvelles de ce recueil à la superbe écriture.

Une oeuvre d'une immense qualité littéraire

Disons le tout de suite, Lucius Shepard n'est pas un écrivain de Hard Science. Et disons le aussi tout de suite, ce n'est pas pour cela qu'il faut le lire, car c'est plus que tout un véritable écrivain, dont le style peut être tout à la fois lyrique, réaliste et hallucinée.
Lucius Shepard a un talent prodigieux pour camper des personnages blessés par la vie, dépassées par l'existence ou encore simplement courageux face à l'adversité.

Mais aussi, Shepard a un sens peu commun du bizarre, de l'idée et de la situation tordues, génératrices d'images inattendues. Et rien que pour cela, cela vaut le coup de faire une balade avec ce grand écrivain tout court, trop méconnu.

Conclusion

Lucius Shepard est un auteur à découvrir, d'autant plus qu'il a essentiellement fait des textes courts: nouvelles, novellas et courts romans. Mais son oeuvre est extraordinairement variée et balaye une étonnante diversité de paysages géographiques et humains.
Si ce côté voyageur pourrait le rapprocher du britannique Ian McDonald, sa singularité vient de la densité humaine qu'il parvient à insuffler à ses personnages, et surtout à la qualité de sa langue!

Liens et informations diverses

Site de Lucius Shepard
Ouvrages et Nouvelles disponibles en Français

Lucius Shepard sera en signature le Mardi 28 Mai à la librairie Charybde à partir de 19h
Librairie Charybde
Adresse:
129 rue de Charenton
75012 Paris
09.54.33.05.71

PS Lucius Shepard a eu des gros problèmes de santé ces dernieres années, donc si vous connaissez déjà son oeuvre et que vous l'appréciez, c'est peut être l'une des rares occasions de venir lui dire…

  • # Wikipedia

    Posté par  . Évalué à 10.

    Ton journal est plus complet que Wikipedia. Ne serait-il pas intéressant que tu fasses un gros copier/coller (peut-être pas de tout) vers la page française?

  • # défendre les opprimés

    Posté par  . Évalué à -9.

    Donc c'est une personne qui aime défendre les opprimés…

    J'aimerais bien savoir qu'est-ce qu'il pense du mouvement du libre…
    Je suis convaincu que ce qu'il en pense, en bien ou en mal, sera intéressant à connaître…

    • [^] # Re: défendre les opprimés

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

      Je ne sais pas si c'est un mec vraiment calé en informatique… En tout, cas il me semble avoir lu qu'il n'était pas calé en sciences.
      Je trouve son écriture plus dans l'émotion que dans la description. Même quand il se tente au space-op, il fait d'une manière assez peu conventionnel en axant le tout tout sur un personnage un peu lunaire.

      La réalité, c'est ce qui continue d'exister quand on cesse d'y croire - Philip K. Dick

  • # À propos de Reynolds.

    Posté par  . Évalué à 1.

    Suite à ton précédent journal sur Reynolds, j'ai lu L'espace de la révélation (premier tome des inhibiteurs), et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'effectivement, il ne se préoccupe pas trop de littérature. C'est poussif, bordélique, mal construit etc. Ce livre a été écrit avec une pioche.
    Tu le soulignais, donc je n'ai pas été surprise. Tu soulignais également sa capacité à concevoir des grands machins spatiaux ; là aussi, pas de surprises : ). Je vais sans doute lire la suite, parce que quelqu'un lui aura peut-être acheté un clavier correct ou un stylo pour remplacer sa pioche, on ne sait jamais.

    Bref, tes journaux sont intéressants, et je vais acheter un Shepard : ) Keep up the good work !

    Pour un sextumvirat ! Zenitram, Tanguy Ortolo, Maclag, xaccrocheur, arnaudus et alenvers présidents !

  • # Un sur deux

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

    Pour ma part, j'ai lu Louisiana Breakdown et Sous des cieux étrangers.

    Autant, j'ai vraiment aimé le premier (petit) roman (tiens, je n'en ai pas encore fait la chronique) qui présente un personnage paumé dans un coin assez mystique, le bayou. On frôle toujours le mystérieux avec le fantastique.
    Autant, j'ai été un peu déçu par le recueil Texte du lien. Les deux premières nouvelles sont bien (surtout celle du poker) autant ensuite j'ai trouvé que ça se dégradait un max…

    Mais bon, j'ai quand même envie de continuer envie de découvrir cet auteur. en particulier La vie en temps de guerre et Le Dragon Griaule.

    La réalité, c'est ce qui continue d'exister quand on cesse d'y croire - Philip K. Dick

    • [^] # Re: Un sur deux

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

      Pour ma part, j'ai lu uniquement des nouvelles :

      • Bernacle Bill, le spatial dans un vieux recueil de nouvelles que j'avais trouvé bien sympa,
      • L'homme qui peignit le dragon Griaule en version numérique qui m'a donné envie du recueil, que je n'ai pas encore lu.
      • Radieuse Étoile Verte quand le bélial a proposé la nouvelle gratuitement et franchement, j'ai détesté. Sur le début, ça m'a fait penser à Fredric Brown1 faisant du cyberpunk, sauf que le cyberpunk ne me fait pas trop triper et qu'ici, c'est totalement inutile et sauf que chez Fredric Brown les personnages sont attachants, il se passe des choses et il y a ces pointes d'absurde qui font des choses magnifiques.
      • La fille du chasseur d'écailles que le bélial propose actuellement gratuitement. Mais je ne l'ai pas encore lu, il était déjà sur ma pile de livres à lire dans le recueil Le Dragon Griaule et Radieuse blabla m'a coupé l'envie.

      1 : oui, les cirques me font penser à Fredric Brown depuis que j'ai dévoré les livres que j'ai trouvés de la série des Ed & Am Hunter.

      • [^] # Re: Un sur deux

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

        Radieuse étoile verte m'a également achevé sur le recueil.
        slce

        La réalité, c'est ce qui continue d'exister quand on cesse d'y croire - Philip K. Dick

      • [^] # Re: Un sur deux

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

        Bernacle Bill, le spatial dans un vieux recueil de nouvelles que j'avais trouvé bien sympa

        Je ne suis pas un fan de Shepard mais je confirme que Bernacle Bill est une bonne nouvelle.

    • [^] # Re: Un sur deux

      Posté par  . Évalué à 1.

      J'ai lu Aztechs, dont j'avais à peu près tout oublié avant de lire l'article consacré sur noosfere.

      En fait, je crois que ça dépend beaucoup d'où on en est avec la SF. En ce qui me concerne, je pense être arrivé à un point de plus ou moins saturation*, ce qui fait que ça m'a laissé sur ma faim (d'autant que je m'y étais aventuré parce que j'avais lu que c'était de la SF différente; «adulte», disait la critique). Peut-être des gens plus/encore «frais» en goûteraient mieux la saveur?

      * à part Dick, pour lequel on semble partager le même appétit, mais bon: est-ce encore vraiment de la SF?

  • # Lucius Shepard c'est bon, mangez-en !

    Posté par  . Évalué à 1.

    Au rayon des nouvelles on peut ajouter le recueil Aztechs, je l'ai lu il y a un moment et je n'ai plus toutes les nouvelles en tête, mais c'est à lire au moins pour Le rocher au crocodile.

    Dans un autre style son roman L’aube écarlate est à découvrir pour son ambiance. C'est une histoire de vampire, mais à la façon Shepard…
    (Au passage, en recherchant des liens, je viens de voir que ce roman avait obtenu le Prix Locus du meilleur roman d'horreur.)

  • # Une petite réponse à plusieurs commentaires

    Posté par  . Évalué à 1.

    D'abord, il faut lire Shepard pour ce qu'il est: c'est pour moi un auteur nettement plus à l'aise dans le fantastique, et peut être même une forme personnelle de réalisme magique à l'américaine qu'un auteur de science fiction.
    Je suis en effet assez d'accord avec plusieurs remarques faites ici: ses nouvelles typiquement SF semblent plus se dérouler dans une quincaillerie SF que dans un cadre cohérent.

    Je pense d'ailleurs qu'il est plus à l'aise dans la nouvelle que dans le roman.

    Par ailleurs, je recommande vivement la lecture des recueils de nouvelles parues chez Présence du Futur: on les trouve encore facilement sur les sites de ventes d'occasion.

    Ensuite, je crois que plus qu'un autre auteur, il faut s'attacher à sa langue, et donc sans doute ne pas hésiter à aller faire un détours dans le texte en VO: je crains que les traductions souvent ne soit pas tout à fait à la hauteur. Par contre celles de Brèque sont très bien.

Suivre le flux des commentaires

Note : les commentaires appartiennent à celles et ceux qui les ont postés. Nous n’en sommes pas responsables.