Leguar a écrit 4 commentaires

  • [^] # Re: Stiglitz (2)

    Posté par  . En réponse à la dépêche The Economist : « L'économie du partage ». Évalué à 2.

    Cette baisse est concommittante d'un phénomène tout aussi important: la montée en puissance des actifs immatériels aux dépens des actifs physiques dans la valeur des entreprises (suivant les sources, les AI représentent entre 40% et 75% de cette valeur). Dans les deux cas, on assiste au même phénomène: la rémunération de l'individu et celle de l'entreprise ne sont plus déterminées par leur productivité physique (que l'on considère comme impossible à calculer dans un système d'interdépendance) mais sont perçues comme des manifestations de valeur globale (cf. la virgule de Nike) qui sont déterminées dans le cadre de ce que les théoriciens de la "tournament theory" décrivent comme un tournoi, au sens féodal (ou reality show) du terme dans lequel "le gagnant prend tout" (http://ingrimayne.saintjoe.edu/econ/resouceProblems/Tournament.html(...)).

    Par exemple, General Electric licencie systématiquement 10% de ses salariés non pas en fonction de la mesure de leur productivité marginale technique (et donc de leur exploitation), mais pour imposer une logique de tournoi entre individualités globales au sein de ceux qui restent (http://www.ge.com/annual00/index2.html(...)). De même, on ne rénumére pas les PDG étatsuniens 200-400 fois plus que leurs salariés en fonction de leur productivité, mais pour que ceux qui sont derrière soient motivés pour être calife à la place du calife.

    Dans un système d'exploitation des facteurs de production, l'accroissement récent des inégalités de revenu aurait été impensable, d'une part parce que le mode de calcul de la productivité marginale individuelle ne l'aurait pas légitimé, d'autre part parce que le système d'exploitation était indissociable de l'élargissement de la clientèle potentielle (Taylor/Ford).

    (à propos: le "libéralisme" de l'UE est plus motivé par l'obsession de la fluidité des réseaux que par celle de la concurrence pure et parfaite qui, de toutes façons, n'avait de sens que dans le cadre de l'Etat-Nation).
  • [^] # Stiglitz (2)

    Posté par  . En réponse à la dépêche The Economist : « L'économie du partage ». Évalué à 2.

    Je suis convaincu que la gauche restera impuissante tant qu'elle ne comprendra pas que nous ne sommes plus dans un système capitaliste d'exploitation des forces de production et d'accumulation du capital, mais dans un système focalisé sur l'expression, et sa maîtrise, des talents, valeurs et attributs des professionnels qui savent-se-vendre. C'est pourquoi, je regrette, en particulier, que Stiglitz ne fonde pas sa critique sociale sur la théorie de l'altération des signaux (ex: un diplôme n'a pas de valeur comme preuve d'un savoir-faire mais comme signalement de sa capacité à s'investir) de son co-lauréat A. Michael Spence, qu'il a pourtant merveilleusement développé dans ses travaux théoriques. De même, l'anticapitalisme altermondialiste ne permet pas de comprendre la différence entre le modèle économique étatsunien, généré, pour l'essentiel, par la problématique de la maîtrise/dénégation de la relation des individus à leurs environnements (allant du tout PI à la dénégation du droit à la protection de la vie privée), et le modèle de l'UE, qui active la mise en scène d'une "société civile" humanitaire, .... ... dont le logiciel libre est une des rares réussites à ce jour .... et dont la taxe Tobin serait le stade suprême (à propos Stiglitz a fait une belle critique technique du système maatschrichtien dans l'article dont j'ai déjà donné les références).
  • [^] # Stiglitz

    Posté par  . En réponse à la dépêche The Economist : « L'économie du partage ». Évalué à 1.

    1) Je sais que le mystère de l'exorégulation du marché par la "main invisible" a beaucoup de succès, notamment dans les opinions publiques des pays où la religion a regagné le droit à l'expression dans le champ des débats publics. J'ai écrit dans ce forum qu'elle est beaucoup moins prise au sérieux dans la pensée économique contemporaine, ce qui n'est pas la même chose! De même, le fait que 70% des états-uniens considérent que l'histoire de la vie biologique est mieux décrite dans la Bible que par Darwin et ses successeurs, n'est pas contradictoire avec le fait que la quasi-totalité des chercheurs en biologie de ce pays continuent à travailler dans le cadre du paradigme évolutionniste.
    2) Je n'ai pas lu "La grande désillusion". En règle générale, je suis frappé par l'écart entre l'extrême finesse du Stiglitz théoricien (la lecture de son discours de réception du Nobel est un vrai bonheur intellectuel) et la (relative) médiocrité du Stiglitz militant (dont je partage les idéaux sociaux). Il n'y a d'ailleurs pratiquement aucune trace des travaux du premier dans les publications du second (si ce n'est l'adorable aphorisme sur la main invisible parce qu'elle n'existe pas que j'ai cité). Je pense qu'une des raisons de cet écart est son désir de rapprochement politique avec l'altermondialisme dont les thèses ne valent pas, selon moi, beaucoup mieux que celles du créationnisme états-unien (à suivre)
  • [^] # Re: Navrant

    Posté par  . En réponse à la dépêche The Economist : « L'économie du partage ». Évalué à 4.

    "Les modèles économiques actuels font le postulat que chaque individu agit pour accroître une fonction d'utilité personnelle." ===> c'est vrai dans les écoles de commerce de chefs-lieux de canton de la France d'en-bas, mais cela n'est en aucun cas représentatif de la pensée économique contemporaine.
    Le jury du prix Nobel a justifié l'attribution de son prix en 2002 à Daniel Kahneman et Vernon L. Smith par le fait que c’est « l’idée même de l’homo ½conomicus traditionnel motivé par l’intérêt personnel et capable de toujours prendre des décisions rationnelles » que leurs travaux avaient délégitimée (http://www.nobel.se/economics/laureates/2002/ecoadv02.pdf(...)). Certains de leurs disciples en économie dite "expérimentale" ont par exemple montré statistiquement que l'être humain ne peut pas toujours savoir ce qu'il désire, car « nos cerveaux n’essaient pas d’être heureux (...), ils essaient de nous réguler » (Jon Gertner “The Futile Pursuit of Happiness” The New York Times September 7, 2003 - http://www.scn.ucla.edu/pdf/PECULIAR%20LONGEVITY.pdf(...) - http://cep.lse.ac.uk/events/lectures/layard/RL030303.pdf(...)).
    Quant à l'idée d'un marché exorégulé par une main visible, un des trois prix Nobel 2001, Joseph E. Stiglitz a écrit à ce propos qu'on ne pouvait pas la voir soit parce qu'elle n'avait jamais existé, soit parce qu'elle était paralysée (http://www-1.gsb.columbia.edu/faculty/jstiglitz/download/Developmen(...)). Il n'y a donc que les philosophes néo-cons et Raffarin pour croire à de telles apparitions mystérieuses, incompatibles avec l'assymétrie de l'information, l'interrelation des marchés et l'interdépendance des agents économiques.
    Cela ne veut pas pour autant dire que la réflexion économique contemporaine légitime l'anthropologie humanitaire et professionnaliste qui règne dans le logiciel libre .... mais c'est un autre sujet.