Journal Flou juridique de la rétro-ingénierie

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23
25
août
2011

Dans le cadre d'un projet de refonte d'une appli client/serveur dont ma boite est cliente (auprès d'un éditeur propriétaire), j'ai été amené à analyser pour ensuite recoder le protocole de communication entre les 2 applications.

Retour sur le projet :

L'objectif est de développer une application maison en reprenant le champ d'action de l'ancienne (achetée il y a 8 ans à un éditeur) et en y ajoutant toutes les fonctionnalités dont nous avons besoin. La grosse contrainte du projet est que la migration doit se faire au fur et à mesure des fonctionnalités développées sur tout ou une partie des pc clients et serveurs.

Autrement-dit l'ancienne application et la nouvelle devront cohabiter (nouveau client <=> ancien serveur, ancien client <=> nouveau serveur). Le seul moyen d'y parvenir est donc d'utiliser le même protocole de communication, celui de l'ancienne application. Après quelques jours d'analyse du protocole, preuve est faîte de la faisabilité de l'opération.

Aujourd'hui la nouvelle appli a pris le relais et fonctionne très bien... Tellement bien que si initialement c'était pour nos propres besoins, nous envisageons maintenant de la proposer à certains clients.

Nous nous retrouvons aujourd'hui dans le même cas que le projet samba à l'époque : toute l'application a été recodée from scratch, seul le protocole de communication a été conservé pour des raisons d'interopérabilité.

Les questions que nous nous posons :

  • A-t-on le droit de proposer notre logiciel basé sur le protocole de communication d'un autre logiciel ?
  • Quels sont les risques si aucun contact n'est pris avec l'éditeur ? Sachant pertinemment qu'en position de concurrent, dans notre droit ou pas l'éditeur va sûrement essayer de nous couper l'herbe sous le pied...

Si vous avez un avis sur la question ou déjà eu une expérience similaire, faîtes part de vos retours.

  • # ...

    Posté par  . Évalué à 10.

    Le meilleur conseil c'est que tu contacte un juriste bien au fait de ces problèmes.

    Il n'y a pas de réponse magique, et de plus suivant qui est l'editeur il faut s'attendre a être attaqué. D'ou l'importance d'avoir un juriste pour etre sur que tout est clean.

  • # Exception de décompilation

    Posté par  . Évalué à 10.

    IANAL, mais après la lecture de l'article L122-6-1 du code de la Propriété imaginaire intellectuelle, je dirais que oui :

    IV. La reproduction du code du logiciel ou la traduction de la forme de ce code n'est pas soumise à l'autorisation de l'auteur lorsque la reproduction ou la traduction au sens du 1° ou du 2° de l'article L. 122-6 est indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité d'un logiciel créé de façon indépendante avec d'autres logiciels, sous réserve que soient réunies les conditions suivantes :

    1° Ces actes sont accomplis par la personne ayant le droit d'utiliser un exemplaire du logiciel ou pour son compte par une personne habilitée à cette fin ;

    2° Les informations nécessaires à l'interopérabilité n'ont pas déjà été rendues facilement et rapidement accessibles aux personnes mentionnées au 1° ci-dessus ;
    ```

    • [^] # Re: Exception de décompilation

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

      C'est vrai uniquement si tu as demandé les spec de communication du logiciel et que l'autre société a dit non. Dans ce cas, cette loi s'applique.

      "La première sécurité est la liberté"

      • [^] # Re: Exception de décompilation

        Posté par  . Évalué à 10.

        Dans ce cas, si ce n'est pas déjà fait, c'est le moment de demander.

        Si l'éditeur accepte, il suffira de dire que c'est fait avec ses specs.

        Si l'éditeur refuse, retour à la case départ, le boulot de reverse engineering est du coup validé (à postériori, mais bon…).

    • [^] # Re: Exception de décompilation

      Posté par  . Évalué à 3.

      un peu plus bas dans le L.122-6 :

      Les informations ainsi obtenues ne peuvent être :

      1° Ni utilisées à des fins autres que la réalisation de l'interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;

      2° Ni communiquées à des tiers sauf si cela est nécessaire à l'interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;

      3° Ni utilisées pour la mise au point, la production ou la commercialisation d'un logiciel dont l'expression est substantiellement similaire ou pour tout autre acte portant atteinte au droit d'auteur.

      Si je résume, l'utilisation de notre appli en interne est autorisée, mais son déploiement dans une autre société qui ne serait pas cliente de l'éditeur d'origine est interdite ?

      Pour moi il s'agit du même problème que celui des formats de fichiers : un éditeur sort un logiciel de bureautique avec son propre son format propriétaire (.doc). Après étude du format, un concurrent (OpenOffice) sort un logiciel qui permet de faire la même chose sur ce .doc. Qui est dans son droit ?

      • [^] # Re: Exception de décompilation

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

        Je pense que le 3° parle de décompilation. Tu n'as le droit de vendre un logiciel fait à partir de bout de code décompiler/recompiler, ce qui viole le droit d'auteur classique.

        "La première sécurité est la liberté"

        • [^] # Re: Exception de décompilation

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

          Pour en remettre une couche, concernant de la pure interopérabilité, il n'y aura pas trop de problème. Normalement, il faudrait que la personne qui fait du reverse engenering est fait une doc et une autre personne code à partir de cette doc pour éviter tout plagiat et violation du droit d'auteur.
          Aujourd'hui, pour se protéger les auteurs de logiciels posent des brevets, beaucoup plus chiant à contourner, même si ils sont triviaux.

          "La première sécurité est la liberté"

  • # Probablement légal, mais ça va pas leur plaire

    Posté par  . Évalué à 10.

    En France, le droit à la rétro-ingénierie informatique est garanti par l'article L122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, dans le cadre des besoins d'interopérabilité uniquement. Toute clause contraire dans un CLUF est sans effet.

    Vous vous êtes contentés d'analyser le protocole, alors que vous auriez même eu le droit de décompiler de programme? A mon avis vous avez le droit de le faire.

    C'est sûr que ça ne va pas forcément enchanter l'éditeur du logiciel. Il peut s'amuser à changer le protocole dans les version suivantes par exemple. Il peut aussi tenter de faire pression sur ses clients pour les décourager d'utiliser votre logiciel.

    Quant à vous attaquer directement sur le plan juridique, c'est toujours possible, mais il aura sans doute plus de chance de choisir de le faire pour contrefaçon si votre logiciel copie de façon trop ouverte le design du leur.

    Demander conseil à un avocat spécialisé en propriété intellectuelle est probablement indispensable.

  • # et si...

    Posté par  . Évalué à 5.

    et si en plus, vous implémentez un autre protocole qui ne fonctionnera que nouveau client <=> nouveau serveur qui peut s'activer une fois la migration effecteur côté client et serveur?

    • [^] # Re: et si...

      Posté par  . Évalué à 2.

      cela pourrait être envisageable mais plusieurs appli tierces (que je ne maîtrise pas) se connectent justement au serveur : il faudrait donc gérer un nouveau protocole et toujours l'ancien...

      • [^] # Re: et si...

        Posté par  . Évalué à 1.

        Et donc avoir un module supportant l'ancien protocole non distribuable et une application toute neuve avec un protocole tout neuf dont vous pouvez faire ce que vous voulez …

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