Cher journal,
Au détour d'un roman de Fred Vargas, je suis tombé sur cette citation:
Robespierre, dans son discours du 31 Mars 1794, met en garde ceux qui redoutent les fameuses « lois terribles », dont il défend la sagesse :
“Je dis que quiconque tremble en ce moment est coupable, car jamais l’innocence ne redoute la surveillance publique“.
J'ai été frappé par la proximité de pensée, à travers les siècles, avec ceux qui nous serinent que, si vous n'avez rien à cacher alors vous n'avez rien à craindre de la loi sur le renseignement, Loi actuellement en navette entre l'Assemblée Nationale et le Sénat.
La terreur est aussi un mode de gouvernement et les terroristes étaient, il y a peine plus de deux siècles les agents de cette politique. Deux siècles ce n'est rien dans l'histoire des idées.
Voilà, cher journal, ma pensée triste du jour.
# Je ne sais pas si il craignait les lois terribles ou pas.
Posté par Kaane . Évalué à 10.
Mais il a été décapité quand même.
[^] # Re: Je ne sais pas si il craignait les lois terribles ou pas.
Posté par Philip Marlowe . Évalué à 4.
Comme quoi, parfois, le mal engendre le remède.
[^] # Re: Je ne sais pas si il craignait les lois terribles ou pas.
Posté par Nitchevo (site web personnel) . Évalué à 7.
Les parallèles historiques sont un exercice délicat, les citations sont naturellement tronquées, je ne voulais pas faire le procès de Robespierre et d'ailleurs à ce titre je rajoute deux citations qui nuancent l'idée que l'on se fait généralement du personnage:
Il n'empêche que la proximité de pensée que j'ai relevé dans mon journal est, à mon sens, l'indice fort de la dangerosité de la loi sur le renseignement.
[^] # Re: Je ne sais pas si il craignait les lois terribles ou pas.
Posté par Philip Marlowe . Évalué à 3.
Je vais faire le tatillon. Pourquoi utiliser un terme ayant surgi à l'origine dans le vocabulaire de la fine fleur de l'intelligentsia française, les journalistes sportifs, dangerosité, au lieu du terme original, plus court et plus énergique, de danger ?
[^] # Re: Je ne sais pas si il craignait les lois terribles ou pas.
Posté par Nitchevo (site web personnel) . Évalué à 10.
Dangerosité est un terme à forte connotation juridique que l'on trouve dans des textes du XIX ème siècle, avant qu'il ne vienne polluer le langage châtié des journalistes sportifs.
Danger et dangerosité ne sont pas synonymes, mais j'aurais pu utiliser nocivité. Bon je l'avoue je suis juriste et ce vocabulaire, digne d'un journaliste sportif je le concède m'est assez naturel.
[^] # Re: Je ne sais pas si il craignait les lois terribles ou pas.
Posté par Kaane . Évalué à 9.
Blague à part, pas complètement. Il faut bien faire la différence entre une procédure "terrible" lors du jugement qui était ce que prônait Robespierre, et une surveillance généralisée en dehors de toute procédure ou cadre juridique.
Bien qu'il y ait fondamentalement une similitude, dans le sens ou la loi peut facilement être abusée et être utilisée comme arme - le contexte et le fonctionnement sont très différents.
Les opposants aux lois terribles de Robespierre pouvaient légitimement craindre les "coups montés" et donc un régime d’exécutions sommaires (et historiquement on ne peut pas dire que leurs inquiétudes étaient dénuées de tout fondement).
En ce qui concerne les lois sur le renseignement, elles donnent un outil de pression fort de la part des collecteurs de renseignements sur le citoyen lambda. Cet outil pouvant assez facilement être utilisé de façon anti-démocratique.
Il est très facile de faire peut à une personne quand on connait l'adresse de l'école de ses enfants. Il est très simple de harceler ou de faire harceler une personne si son numéro de téléphone ou son mail sont publics. Il est très simple de faire éclater un groupe d'importance quand on connait le vécu de chacun de ses membres, et donc les choses que chaque membre aime ou déteste etc.
C'est pourquoi les libertés individuelles ne sont pas un jouet, mais le garant principal de la démocratie. La vie privée permet la pensée critique libre - qui a son tour permet la démocratie.
[^] # Re: Je ne sais pas si il craignait les lois terribles ou pas.
Posté par Nitchevo (site web personnel) . Évalué à 6.
Comparaison n'est pas raison, je te le concède sans difficulté.
Mais il est curieux de voir les mêmes arguments développés dans des contextes différents mais avec, en outre, le même objectif de favoriser des textes liberticides au nom de l'intérêt général.
Le deuxième point que je voulais souligner c'est l'évolution du concept de terrorisme depuis une politique autoritaire et sanguinaire au main d'un État jusqu'à une arme insurrectionnelle. Les situations ne sont donc pas comparables sauf que dans les deux cas le même raisonnement ressurgit alors que dans le premier Robespierre justifie la terreur et que dans le second le gouvernement prétend combattre le terrorisme.
# Ou pas
Posté par hsyl20 (site web personnel) . Évalué à 10.
Sauf que c'est l'inverse quand on lit le discours complet. Ceux qui doivent trembler ce sont les membres de la Convention qui redouteraient la surveillance des citoyens.
Extrait (http://munseys.com/diskeight/maxf.htm) :
[^] # Re: Ou pas
Posté par François (site web personnel) . Évalué à 6.
Ouais, encore une phrase sortie de son contexte et une transposition du sens des mots. D'autant qu'il parle de surveillance publique et non d'une surveillance du pouvoir.
[^] # Re: Ou pas
Posté par Nitchevo (site web personnel) . Évalué à 5.
Merci pour la citation complète, que je ne connaissais pas, comme je l'indiquais dans mon journal je n'avais qu'une citation extraite d'un roman de Fred Vargas, au demeurant excellent : Temps Glaciaires.
Mais je ne vois pas vraiment le contresens, car si ce n'est pas le peuple qui est menacé mais l'Assemblée, l'idée est toujours la même celle de la crainte de la transparence totale qui serait aveu de culpabilité.
Or c'est justement cette transparence contre laquelle nous sommes nombreux à nous élever au nom du respect à la vie privée.
[^] # Re: Ou pas
Posté par Antoine . Évalué à 7.
La « surveillance publique » ne veut pas forcément dire fouiller dans la vie privée des gens. Dans le cas des parlementaires, cela peut vouloir dire que les citoyens veillent à leurs actes et à leurs discours en politique, mais aussi leurs éventuels conflits d'intérêt, etc.
[^] # Re: Ou pas
Posté par Nitchevo (site web personnel) . Évalué à 2.
Là je pense que tu transposes des valeurs contemporaines, à l'époque lorsque les parlementaires tremblaient ils risquaient leurs têtes.
[^] # Re: Ou pas
Posté par Antoine . Évalué à 5.
Je ne vois pas le rapport. Tu parles de "transparence totale", je réponds que le terme "surveillance publique" n'implique pas cela.
Qu'ils risquassent leurs têtes importe peu ici : la question est ce qui leur faisait risquer leurs têtes.
[^] # Re: Ou pas
Posté par Zylabon . Évalué à 6.
+1
Ça me saoule ce Robespierre-bashing…
Please do not feed the trolls
[^] # Re: Ou pas
Posté par Nitchevo (site web personnel) . Évalué à 1.
Puisque nous sommes vendredi, quelqu'un est-il partant pour un troll pour ou contre Robespierre?
[^] # Re: Ou pas
Posté par zurvan . Évalué à 0.
Pas trop d'accord : le principe sous-jacent derrière est similaire, pire, c'est vraiment une justification du totalitarisme, de l'autoritarisme justifié par l'idée de république omniprésente, omnisciente :
=> la dictature et les abus de la part du pouvoir sont justifiés, car ce n'est pas une oligarchie qui l'exerce, mais le "peuple" (c'est à dire ses représentants, c'est à dire… un groupe restreint d'individus, mis en place avec sans doute autant de démocratie que dans l'ancienne URSS)
encore une fois, surveillance laissée aux "représentants du peuple", bref, de la police politique. Ce discours, de mars 1794, s'est tenu pendant la Terreur, époque d'arbitraire, d'exécutions sommaires (pour "sauvegarder la république"), voir que l'on peut relativiser cela ça fait froid dans le dos….
La révolution française, un régime dictatorial et policier comme un autre…
« Le pouvoir des Tripodes dépendait de la résignation des hommes à l'esclavage. » -- John Christopher
# Pourquoi parler de siècles
Posté par Ms-Mac . Évalué à 10.
Quand je vois ce qu'edgar hoover a pu faire il y a quelques années, avec de simples fiches de papier.
Je n'ose même pas penser à nos chers fonctionnaires de la future stasi-francaise.
Et nos crétins de politiques qui se croient en sécurité derrière leurs pauvre statut d’élus carriériste. Même chose pour nos présentateurs de journaux télévisé vendeur de fromages et vacances.
Tout le monde a un cerveau. Mais peu de gens le savent.
[^] # Re: Pourquoi parler de siècles
Posté par freem . Évalué à 2.
Mon souhait le plus intense ces derniers temps, est que ce soient ces saletés de parasites qui se mangent le bâton les premiers. Malheureusement, je n'ai pas vraiment d'espoir de ce côté: ce sont eux qui manient le bâton, pas nous.
# Il en a de la chance Ro
Posté par devnewton 🍺 (site web personnel) . Évalué à 7.
Un petit livre intéressant sur le sujet: Robespierre, la probité révoltante, Cécile Obligi.
Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.
[^] # Re: Il en a de la chance Ro
Posté par Anonyme . Évalué à 4.
Mes derniers bouquins sur la Révolution et Robespierre :
[^] # Re: Il en a de la chance Ro
Posté par j_m . Évalué à 1.
Et une conférence de Henri Guillemin : Robespierre et la révolution Française
Il insiste notamment beaucoup sur les bourgeois qui pensent à défendre leurs intérêts contre les nobles, mais aussi contre le reste du peuple travailleur.
C'était aussi le thème de prédilection de Robespierre. Il considérait que les premières étapes de la révolution n'ont fait que transférer le pouvoir des nobles vers les bourgeois et lui il voulait que le pouvoir revienne à toute la population. Et il était prêt à rentrer en conflit avec les autres groupes révolutionnaires dans ce but.
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