Critique de Underground (Assange, Dreyfus)

Posté par  (site web personnel) . Édité par Benoît Sibaud, Nÿco, Xavier Teyssier et rootix. Modéré par rootix. Licence CC By‑SA.
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24
16
avr.
2013
Culture

J'étais au lycée quand les premiers graveurs CD sont apparus. Ils ont rapidement remplacés les cartes Magic, puis, m'ont permis de découvrir un autre pan de la culture informatique : « Il me restait un peu de place, alors je t'ai mis quelques e-zines. »

Ces magazines : Noway, Noroute, Cryptel, NPC, Cybz, deathly by étaient des magazines de hacking, édités par les acteurs eux-même, et une véritable plongée dans la culture underground. À côté des articles techniques, il y avait également des critiques de livres, des coups de gueules, ou même des articles sur le groupe et ses activités. Aujourd'hui, on pourrait y trouver tout une ethnologie sur cette époque et le monde de l'informatique de la fin des années 90.

C'est avec ces souvenirs que j'ai découvert Underground, de Julian Assange et Suelette Dreyfus.

NdM : merci à chimrod pour son journal. La seconde partie de la dépêche détaille le livre.

Ce livre, paru en 1997, retrace l'histoire des hackers australiens de la fin des années 80. Il s'agit d'une enquête au cours de laquelle les deux auteurs sont allés rechercher les acteurs de l'époque, pour qu'ils racontent ce qu'ils ont vécu, leur monde, et leur histoire. N'espérez pas y trouver les techniques de l'époque, tout cela est gommé pour laisser place au contexte, à l'histoire qui s'est jouée à cette époque.

C'est l'histoire d'un apple ][ qui reste allumé 24h/24h dans une chambre pour servir de BBS, l'histoire d'un hacker qui tombe sur des documents militaires et craint pour sa vie au point de partir vivre dans la clandestinité pendant plus d'un an, l'histoire de jeunes qui après avoir discuté ensemble pendant des nuits se rencontrent pour la première fois sur les banc d'un tribunal.

C'est aussi l'histoire d'une jeunesse, qui s'ennuie, marginalisée, ou qui cherche ses repères; il ne s'agit pas d'une apologie : le livre insiste bien sur les profils des pirates, la plupart en échec scolaire, dans des familles en train de s'éclater, d'autres à la limite de la maladie mentale, tous sont en dehors du système, des normes. C'est aussi ce qui fait leur force : il est difficile de voir le hacking comme un monde d'innocence, mais c'est pourtant ce qu'il fût, à l'origine, lorsqu'il s'agissait d'adolescents se donnant des défis et recherchant juste la fierté d'avoir pu entrer dans un espace interdit…

C'est en cela que le livre n'a pas vieilli : le livre ne présente pas les techniques utilisées, il peut être lu par quiconque ne s'y connaissant pas en informatique. Tout au plus, il nous fait rire aujourd'hui quand on lit comment, après avoir récupéré le programme tant désiré, les jeunes pirates partent à la recherche d'une machine avec au moins 10 Mo de stockage pour pouvoir le dézipper… Même s'il n'existe plus de BBS, si HTTP a détrôné internet, ce combat d'une jeunesse qui se sent en décalage est intemporel.

Si les auteurs n'avaient pas autant insisté sur l'enquête, ce livre pourrait passer pour un roman tant il parait extraordinaire ! Les auteurs d'ailleurs : que vient faire Assange dedans ? J'ai découvert que ce livre raconte aussi son histoire : sous le nom de Mendax, on le retrouve en train de faire de l'ingénierie sociale ou attendre son procès. Trente ans après, ce livre permet de faire le lien entre cette jeunesse éprise de liberté et encore innocente, et ce qu'est devenu internet aujourd'hui : l'innocence à disparue, la liberté est encore rêvée, le combat persiste.

Le livre est sorti en 2011 en français aux Éditions des Équateurs, ou est disponible en ligne dans sa version originale (ISBN-13 978-0857862594) ou en français (ISBN-13 978-2849901793).

Aller plus loin

  • # Souvenirs, souvenirs...

    Posté par  . Évalué à 5.

    C'est grace à ces magazines que j'ai découvert Linux. En cherchant des roms de jeux super-nes (vilain pirate!) au collège, j'étais tombé sur Noway par hasard. C'était passionnant, écrit par des mecs un peu rebelles et proche de mon age. Ils tentaient des trucs, essayaient de comprendre comment ça marche, de voir l'envers du décor, ou même racontaient carrément leur vie, leurs idées, leurs états d'âme. J'avais l'impression de faire partie d'une sous-culture et de vivre une aventure par procuration.

    Forcément, je ne comprenais pas tout mais ça m'a donné envie d'aller plus loin, d'essayer le truc appelé Unix, de faire mes premiers bouts de codes, d'appeler des numéros verts, … hmm je m'égare :-)

    Merci chimrod pour m'avoir rappeler ses souvenirs!

    • [^] # Re: Souvenirs, souvenirs...

      Posté par  . Évalué à 1.

      En lisant ton commentaire, j'avais l'impression que c'est moi qui l'avais écrit… j'aurais pu dire à peu près la même chose. à part que ça datait un peu quand je les ai lus.
      c'est bizarre d'ailleurs qu'il n'y ait pas plus de commentaires à cette dépêche.

      • [^] # Re: Souvenirs, souvenirs...

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

        D'un côté je peux comprendre, visiblement tout le monde trouve ça intéressant, ce qui explique la note du journal et de la dépêche, d'un autre côté, à part enchérir sur ce côté nostalgique (que tout le monde ici n'a pas forcément connu), je pense que ça doit être difficile de réagir.

        Le livre m'a fait aussi ressortir tous ces souvenirs, et je me suis rendu compte qu'à côté de cette scène francophone (n'oublions pas les québécois), il y a eu une scène internationale, toute aussi active. C'était sûrement plus difficile à l'époque d'échanger, internet n'étais pas aussi développé (et pour cause !), et la jeunesse des acteurs fait qu'ils ont surtout échangé dans leur langue maternelle ce qui a créé des communautés locales.

        Ce que je trouve étrange, c'est qu'il n'y ait pas eu plus d'analyse de cette scène. Pour avoir mis un pied dans la socio (courant post-moderne toussa), je pense qu'il y aurait matière à analyser dans ces histoires.

      • [^] # Re: Souvenirs, souvenirs...

        Posté par  . Évalué à 1. Dernière modification le 19 avril 2013 à 14:17.

        c'est bizarre d'ailleurs qu'il n'y ait pas plus de commentaires à cette dépêche.

        Nous sommes peut-être devenus trop "vieux" ou trop "rangés" :-) Le monde a changé: Facebook a remplacé l'IRC. Android et les iChoses remplacent GNU/Linux (Oups le troll m'a échappé). L'informatique est devenue un banal outil. Nous sommes des dinosaures. Enjoy :-)

    • [^] # Re: Souvenirs, souvenirs...

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

      Haha ! Pareil ! C'est grâce à eux que j'ai découvert mon éditeur de texte favori, vi :)
      Aaah, Nicolas le jardinier, les hacks des composteurs SNCF, le blind spoofing TCP… Ce que j'ai pu passer de nuits à lire ces écrits subversifs !

  • # voir aussi

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

    http://en.wikipedia.org/wiki/Hackers:_Heroes_of_the_Computer_Revolution

    pertinent adj. Approprié : qui se rapporte exactement à ce dont il est question.

  • # Copyright Does Not Exist

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

    Un autre livre dans le même domaine, empaqueté sur debian :
    http://packages.debian.org/cfi-en

    Je ne trouve plus la traduction anglaise, précédemment disponible sur http://svenskefaen.no/cdne/

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