Journal [Hadopi] Une analyse pertinente de l'association des salles de cinéma indépendantes

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18
29
avr.
2009
Oui je sais...Encore un journal sur Hadopi... (même moi je commence à en avoir marre)
Mais celui-ci ce n'ai pas pour pour cracher sur Albanel où critiquer la loi d'un point de vue technique.
C'est l'associassions des salles de cinémas indépendantes qui publie une analyse sur le cinéma et la culture numérique et je l'ai trouvé particulièrement intéressante. Je me permet donc de vous la faire partager.


Hadopi, la stratégie de la rupture entre les créateurs et leur public.

Nous, salles de cinéma, sommes opposées à la loi Hadopi car elle est liberticide, réactionnaire et inefficace. Nous sommes opposés à cette loi car elle ne résoudra en rien les difficultés du secteur de la création, elle tend à opposer les créateurs et leur public et semble totalement ignorante des implications des mutations technologiques actuelles sur nos pratiques culturelles. Si les salles de cinéma ont encore un avenir, c'est pour être un lieu d'échange et de partage, et non un lieu où on surveille les spectateurs avec des jumelles infra-rouge, et ou devant chaque film ont diffuse un texte demandant à chacun de dénoncer son voisin (il est vrai que nous vivons des temps troublés où l'on en revient à interd ire les réunions sous couvert de protéger le citoyen...). La salle de cinéma a une raison d'être, c'est d'être le lieu de l'expérience collective, et de s'inscrire pleinement dans la vie de la cité.

Comment avons-nous pu perdre le sens de ce que nous faisons au point de restreindre les libertés individuelles et la diffusion des oeuvres au nom de la préservation de la création ? En opposant les artistes à leur public, la loi Hadopi vide de son sens l'objet de toute création : être vue, écoutée et partagée. De quelle culture s'agit-il en fait ? Assurément pas celle des Lumières, mais plus probablement celle de l'argent. L'industrialisation de la diffusion des oeuvres fut un moyen efficace dans les siècles précédents, depuis l'invention de l'imprimerie, de diffuser la culture au plus grand nombre. Aujourd'hui, la dématérialisation des oeuvres remet en cause ce mode de diffusion et offre aux créateurs des possibilités de diffusion et d'émancipation sans précédent. Encore faut-il ne pas louper le coche...

Le numérique pourrait être pour nous une opportunité extraordinaire de jouer ce rôle de lieu d'échanges et d'émulation artistique, si l'on avait la possibilité de diffuser à la fois des créations locales à petit budget, et à la fois des productions plus ambitieuses. Or les matériels que l'on nous propose aujourd'hui sont trop chers et ne permettent pas de diffuser tout ce que le numérique peut offrir. Nous sommes pour l'heure cantonnés dans une norme de fichiers difficiles à mettre en oeuvre. Une plus grande souplesse nous permettrait de diffuser plus aisément des créations locales, sans coûts supplémentaires, et de favoriser ainsi l'émergence de nouveaux talents. C'est avant tout ce qui nous intéresse, nous exploitants citoyens, dans le passage à la projection numérique. Un matériel plus adapté aux petites salles permettrait de surcroit un renouveau des salles de quartier et d'ainsi revitaliser le tissu social. Internet et le numérique ont libéré partout dans le monde des énergies créatrices extraordinaires. Il est essentiel de ne pas brider ces énergies comme le propose cette loi qui ne favorisera en rien la diversité culturelle et n'anticipe en rien les mutations de la société, et l'évolution des pratiques. L'objet de cette loi est de préserver les structures pyramidales issues de l'ancien monde, de maintenir sous perfusion des modèles sans avenir.

Non contente d'être inefficace, la loi Hadopi aura pour conséquence directe de rémunérer non pas les artistes, mais les différentes sociétés offrant des services payants permettant de télécharger anonymement (les fournisseurs d'accès aux newsgroups, les hébergeurs de fichiers volumineux, les serveurs de proxys ou autres tunnels cryptés et sécurisés). Il est temps de mettre en place cette contribution créative que nous appelons de nos voeux. Car si elle n'est pas mise en place, la prochaine étape sera la fin de la neutralité d'Internet. Et c'est là que la diversité culturelle est en réel danger.

Les fournisseurs d'accès ne doivent pas devenir des fournisseurs de contenus. Internet, c'est la décentralisation et la possibilité donnée à tout un chacun de produire et diffuser du contenu. Or c'est ce qui se profile actuellement, et pas seulement pour Internet mais aussi pour le passage au numérique des salles de cinéma.
Dans un futur proche, les films sont amenés à être acheminés dans nos salles par le biais des fournisseurs d'accès. Or si ceux-ci deviennent fournisseurs de contenus, quelle liberté de programmation aura-t-on ? Si les fournisseurs d'accès deviennent fournisseurs de contenus, le filtrage des réseaux sera la prochaine étape, et ce sera la mort de la diversité culturelle. On veut nous transformer en télévision câblée, au même titre qu'on veut transformer Internet en un média comme un autre, c'est-à-dire contrôlable. Ne nous y trompons pas, la loi Hadopi n'est là que pour maintenir les pouvoirs en place et favoriser une concentration des médias encore plus grande.

À l'ère numérique, la notion d'intermédiaire technique est essentielle. Comment expliquer la montée fulgurante de l'iTune Store d'Apple ? Cela a-t-il favorisé une meilleure rémunération des artistes ? Certainement pas. Il est temps que les créateurs prennent la mesure des possibilités d'émancipation que leur offre le réseau, qu'ils n'échangent pas une servitude pour une autre. La contribution créative semble être un bon moyen pour y parvenir. Mais il est également temps que les millions de gus dans leurs garages, ceux qui innovent chaque jour sur le réseau, prennent conscience qu'ils doivent travailler avec les artistes pour inventer des nouveaux modèles pour rémunérer la création. La diversité culturelle, nos libertés et la bonne santé de nos démocraties sont en jeu. Sommes-nous encore des êtres humains, ou sommes-nous devenus des fourmis pour vouloir, quelles que soient les circonstances, sans aucune réflexion et à n'importe-quel prix, préserver la structure immuable de la fourmilière ? La révolution de l'âge numérique aura-t-elle lieu ?

Indépendants, Solidaires et Fédérés (ISF)
Association de salles de cinéma indépendantes

Source: http://www.numerama.com/magazine/12769-Les-salles-de-cinema-(...)
  • # Waouh!

    Posté par  . Évalué à 10.

    Et ben ça fait chaud au cœur de voir que des gens qui devraient pourtant crier que "leur baisse de fréquentation est due au piratage de films sur internet!" puissent être aussi ouverts d'esprit.

    Si seulement ils pouvaient être entendus en haut lieu...
    • [^] # Waouh pareille !

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

      J'ai beaucoup de mal à y croire. Il y aurait en France des gens qui font commerce de culture et qui malgré tout sont restés capables d'une analyse aussi pertinente sur la culture, l'industrie du divertissement et les nouvelles technologies ? Je croyais que notre bien aimé président avait éradiqué cette engeance. Un discours cohérent et sensible de la part de professionnels, je vais avoir du mal à m'en remettre...

      Trêve d'outrance : évidemment chacun ici sait que de très nombreux professionnels de la culture partagent des positions sensiblement similaires à celle exprimée ci-dessus. Ce qui est dérangeant c'est que malgré cela, il soit possible pour certains de faire passer ce point de vue pour ultra minoritaire, voire inexistant ; et que dans la presse s'affichent chaque jour les tribunes de politiciens ou de capitaines d'industrie — j'aime bien ce nom qui fleure bon la flibuste — à la vue si courte qu'on s'étonne qu'ils ne soient pas plutôt manœuvre chez continental (et encore), mais à la voie si forte qu'ils obombrent Stentor lui-même. Ainsi par le truchement des média « l'opinion publique » — cette chimère de communication, d'effet de masse et de perception déformée des positions d'autrui — semble globalement neutre vis-à-vis de l'une des pire loi de la cinquième république française. Alors-même que ceux qui la portent, dans les faits dénaturent, falsifient et maltraitent ce dont elle est prétendument l'égide : le droit d'auteur. Ma candeur est atterrée de ces événements et de quelques autres péripéties politiques française ; mais ce qui reste, bien vacillant, de ma conscience politique ne peut qu'applaudir cette lettre ouverte. En un mot : « waouh ».

      « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

      • [^] # Re: Waouh pareille !

        Posté par  . Évalué à 6.

        Hors sujet : je trouve très agréable de lire un commentaire aussi bien exprimé - dans la forme. C'est une lecture qui procure un petit plaisir simple, gratuit d'autant plus appréciable que la plupart des forums nous obligent à comprendre un français castré ou déformé, ou le patois anglo-saxon très répandu sur le net. Sympa et merci.
  • # Argh...

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

    s/ce n'ai pas pour cracher/ce n'est pas pour cracher/
    s/où/ou/
    s/C'est l'associassions/C'est l'association/

    Mais comment j'ai pu laisser autant de fautes en si peu de lignes ?
    Pourtant je m'étais relu; mais pas suffisamment à priori... Faut que j'arrête de publier les soirs...

    Le prochain journal, promis il y aura moins de fautes !
    • [^] # Re: Argh...

      Posté par  . Évalué à 3.

      D'ailleurs, je m'étais ou je me suis ? ;P
    • [^] # Re: Argh...

      Posté par  . Évalué à 1.

      D'ailleurs, a priori, et non pas à priori (l'italique est optionnel, mais il parait que ça se fait de l'employer pour des expressions latines) :P
    • [^] # Re: Argh...

      Posté par  . Évalué à 2.

      Une autre : et ou devant chaque film ont diffuse
      Pour le ou/où, tu l'as déjà fait remarquer, mais il reste toujours le ont/on !

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