Union Européenne. La présidence roumaine a constaté l'absence d'accord des états concernant l'article 11 et l'article 13 de la directive droit d'auteur et a donc annulé les réunions dites de trilogue (méthode qui associe le Conseil des ministres, le Parlement et la Commission afin d'aboutir à des compromis sur les futures directives), et ainsi remis sine die l'adoption de la directive.
Les activités de lobbying auprès des élus européens sont très intenses tant de la part des principaux industriels du numériques que celle des industriels de l'audiovisuel et de la culture.
En plus, une guerre d'influence fait rage entre les GAFAs et les principaux médias d'information qui défendent les intérêts des titulaires d'exploitation des droits d'auteurs.
Tenter de faire entendre une voix autre que celles des principaux représentants d'intérêts est quasiment impossible en France où le concept même de contradiction d'intérêts est absent du débat et de la culture sociale et politique.
La notion d'intérêt général, donc de bien commun et, paradoxalement dans une société déclarée individualiste, celui des individus a totalement disparu des discours.
En ce qui concerne le droit d'auteur en France, il est tout simplement impensable d'admettre qu'on puisse défendre le bien commun et les droits des utilisateurs.
Récemment, France Inter a consacré l'émission Instant M à dénoncer la campagne d'influence de Google auprès des utilisateurs de Youtube, façon fact checking et défendre le bien fondé de l'article 13.
Je vous laisse juge de la qualité de l'information, il vaut mieux écouter le propos :
https://www.franceinter.fr/emissions/l-instant-m/l-instant-m-21-janvier-2019
J'ai envoyé un message critique à France Inter dont voici le texte :
« J'ai écouté avec intérêt votre émission à propos des actions d'influence de Google pour mobiliser l'opinion contre l'adoption de l'article 13 de la directive droit d'auteur instituant principalement :
L'obligation pour les plateformes d'hébergement du filtrage automatique des contenus avant leur mise en ligne afin de vérifier qu'ils ne violent aucun droit d'auteur. Ce filtrage est prévu pour les œuvres dont les ayants-droit n'ont pas passé d'accord de licence avec les plateformes.
Instauration d'un régime de responsabilité directe, pleine et illimitée des plateformes d'hébergement pour tout contenu téléversé par les utilisateurs et qui violerait le droit d'auteur.
L'article 13 vise explicitement les plateformes des acteurs dominants d'Internet, et en particulier les GAFA dont Google en particulier. L'objectif est de forcer ces plateformes à verser beaucoup plus d'argent aux titulaires de droits ou à leur représentants.
C'est, je crois que vous serez d'accord, ce qu'on peut dire aujourd'hui de certain à propos de l'article 13. Pour le moment, on n'en connaît pas précisément les modalités d'application.
En particulier, on ne sait pas quelles plateformes sont concernées par ces obligations, seulement les plateformes à but lucratif, seulement celles qui réalisent un chiffres d'affaire très important ?
À ce propos, la position française réaffirmée par Franck Riester, ministre de la Culture, devant le Sénat il y a quelques jours, exige que toutes les plateformes commerciales sans exception appliquent ces règles.
Par contre, L'Allemagne représentée par la ministre de la Justice Katarina Barley veut que les PME et les PMI ne soient pas concernées par l'article 13.
Le trilogue a été annulé faute d'accord, il n'y a pas de nouvelle date de négociation prévue. L'adoption de la directive droit d'auteur est remise sine die.
Votre émission est très partiale et partielle, parfois inexacte. Vous avez le droit de présenter une opinion et de privilégier un certain point de vue. On ne vous reprochera pas d'être partisan. Après tout, l'ensemble des médias sont très hostiles aux géants d'Internet qui ont capté à leur profit une part très importante de la valeur qu'on peut tirer des contenus numériques.
En focalisant uniquement sur les actions de Google visant à éviter l'adoption d'une directive qui, d'évidence va à l'encontre de ses intérêts, vous présentez l'opposition à l'article 13 de manière non seulement caricaturale mais fallacieuse. En vous écoutant, Google a non seulement instrumentalisé les utilisateurs d'Internet mais a créé de toute pièce la contestation.
De plus, vous ne différenciez pas clairement les opérations de lobbying qui consistent à influencer directement les élus, des campagnes d'influence auprès des utilisateurs d'Internet afin de mobiliser l'opinion des citoyens en sa faveur.
Mon principal reproche porte sur le fait que vous masquez, sans doute volontairement car à vous entendre ils n'existent pas, les autres acteurs de l'opposition à l'article 13, qui n'ont rien à voir avec les GAFA et sont souvent des militants acharnés contre leur domination, ce qui vous évite d'aborder les vrais problèmes que posent l'application de l'article 13.
Ainsi, rien sur le risque d'élimination de l'activité d'hébergeur en Europe qui deviendra très risquée juridiquement.
Incertitude sur l'avenir des plateformes non commerciales, coopératives.
Rien sur l'absence phénoménale de considération des intérêts des utilisateurs.
Rien sur le risque de censure préalable de contenus.
Rien sur les restrictions à la liberté d'expression.
Rien sur la limitation drastique de la circulation des informations.
À moins de faire identifier unitairement les œuvres en fournissant une copie de référence du contenu qui est stockée dans une base de données de fichiers afin d'identifier par comparaison des fichiers qui contiendraient tout ou partie du contenu signalé, il est impossible, que ce soit manuellement ou automatiquement, de détecter si un fichier enfreint des droits d'auteur.
L'obligation de filtrage associée à la responsabilisation des hébergeurs conduiront à bloquer préalablement tous les contenus incertains.
Pour les contenus signalés par les ayants droit, il sera nécessaire d'utiliser un service d'identification payant fourni d'ailleurs principalement par … Google (Content id), Facebook (Audible Magic) et quelques entreprises tierces spécialisées dans la gestion de l'identification des œuvres.
En l'état actuel de la qualité de fonctionnement de ces outils pourtant pas très nouveaux, le pourcentage de faux positifs est très élevés et dans ce cas, il y a très peu de possibilité de recours pour faire cesser le blocage.
Mon dernier point concerne l'obligation pour les plateformes de passer des accords de licence avec tous les ayants-droit sans exception, qu'ils soient des individus, des personnes morales (éditeurs, producteurs, etc..), des sociétés d'auteurs, afin de pouvoir diffuser leurs œuvres. C'est absolument irréalisable.
Dans les années 30, les directions des radios avaient refusé d'entrer en contact individuellement avec chaque détenteur de droit et cela avait conduit à la création de sociétés d'auteur qui existent encore aujourd'hui, pour négocier, collecter et reverser les rémunérations aux titulaires des droits.
En France, la loi de 1957 fixe l'organisation économique centrée sur le problème de la propriété et de sa gestion, et ignore totalement les droits du public.
Remplacé en 1992 par le Code de la propriété intellectuelle qui consacre la définition strictement patrimoniale du droit d'auteur centrée sur l'aspect marchand, limite strictement le domaine public et en restreint l'étendue, pérennise le refus d'accorder le moindre droit au public jusqu'à restreindre l'accès à l'information sur les œuvres.
L'article 13 de la directive droit d'auteur pour ce que l'on en sait, s'il est appliqué dans sa version la plus prohibitive risque de limiter, voir d'empêcher la création artistique et conduira à privatiser l'information sur les œuvres.
C'est ce qui motive de nombreux opposants à l'article 13 qui conduira à la constitution de monopoles pour les titulaires d'exploitation des droits d'auteur.
Votre émission a évité d'exposer clairement les enjeux de l'article 13, contribué à discréditer les opposants en les présentant tous comme des gogos irresponsables manipulés par Google, dissimulé votre parti-pris.
En somme, vous vous êtes comporté comme Google en vous livrant à une opération d'influence de l'opinion.
Le format très court de votre émission ne favorise pas le traitement d'un problème aussi complexe que les conséquences de la directive droit d'auteur aura sur Internet et la création, qui mérite en fait plusieurs émissions.
J'attendais de la radio d'un service public, un peu plus de distance à défaut d'objectivité, au moins de la sincérité et de la transparence lorsque vous prenez fait et cause pour l'une des parties lors d'un débat législatif aussi important et qui aura un impact très important sur nos activités et nos pratiques sur Internet.
Il est très probable que vous ne ferez aucune suite à mon message ni même me répondrez. Sachez néanmoins que je me tiens à votre disposition pour toute précision ou éclaircissement que vous pourriez me demander.
»
# Merci
Posté par Alex G. . Évalué à 6.
Yep moi aussi j'ai envoyé un commentaire bien plus lapidaire en disant que la journaliste forçait le trait et était très partiale.
Merci pour cette longue analyse intéressante.
[^] # Re: Merci
Posté par liberforce (site web personnel) . Évalué à 3.
J'avais déjà envoyé un message lors de la précédente émission sur le sujet, où les questions étaient posées pour la forme, la journaliste ponctuant les réponses lapidaires sur la forme et non le fond par un "voilà", qui montrait qu'on était entre gens qui pensent pareil. J'ai aussi envoyé un message suite à cette émission là. La ligne éditoriale n'a pas changé, à ce que je vois.
# Très intéressant !
Posté par Yves (site web personnel) . Évalué à 3.
Y a-t-il eu une réponse ?
[^] # Re: Très intéressant !
Posté par Egidius . Évalué à 1.
J'ai envoyé ce message avant hier. C'est encore trop tôt pour recevoir une réponse.
Il est fort probable que je n'en recevrai jamais aucune.
Si jamais, j'en reçois une, je la publierai immédiatement dans son intégralité.
[^] # Re: Très intéressant !
Posté par lolop (site web personnel) . Évalué à 5.
Le médiateur de radio-france fait une intervention régulière de réponse aux courriers reçus (le samedi ou le dimanche, je ne sais plus), la réponse sera peut-être là.
Votez les 30 juin et 7 juillet, en connaissance de cause. http://www.pointal.net/VotesDeputesRN
# Pas totalement tort non plus
Posté par Renault (site web personnel) . Évalué à 8.
Je suis assez d'accord sur ce propos, mais il y a un point qui me semble faux.
C'est quand même assez vrai. Google a vraiment mis un point d'honneur à contacter les vidéastes populaires pour qu'ils mobilisent leur auditoire contre ce texte.
Et souvent avec des arguments assez bidons du genre que la présence dans le champs d'une canette de Coca-Cola conduirait à la censure directe de la vidéo à cause du texte. Alors que non, le droit des marques et le droit d'auteur ne sont pas vraiment similaires, et seul ce dernier est concerné par le texte européen.
Google a usé de sa position pour influer des personnes clés dans le développement de leur plateforme. En profitant du fait que ces vidéastes et leur auditoire ne sont globalement pas compétents juridiquement pour remettre en question l'argumentaire de Google.
Donc oui, il me semble légitime que les médias pointent cette stratégie de la part de Google. Même si effectivement il y a possiblement (suivant le texte de référence) de vrais arguments également contre ce texte qui viennent de Google ou d'autres.
[^] # Re: Pas totalement tort non plus
Posté par Nodeus . Évalué à 4.
Je suis d'accord sur tout ces points avec toi Renault mais je dirai que le sujet annoncé n'était pas celui traité lors de l'émission.
En fait on parle de la machine à lobbying que sont google et youtube, alors que le titre est la bataille de l’article 13.
L'article 13 est un prétexte.
[^] # Re: Pas totalement tort non plus
Posté par Egidius . Évalué à 7.
Je ne conteste absolument pas les efforts de Google qui a organisé une campagne pour influencer les utilisateurs de Youtube.
Je ne critique pas du tout le fait que des médias informent sur les pratiques d'influence de Google et critiquent, avec raison, les argument avancés par Google pour justifier son opposition à l'article 13.
Mais je réprouve fermement l'affirmation, sans fondement, qu'il n'y a pas d'autre opposition à l'article 13 que celle stimulée par Google.
Je fais parti des opposants à l'article 13, je milite contre la domination des GAFAs.
De nombreuses associations en Europe, plusieurs dizaines, qui ne sont pas inféodées à Google ou autres GAFA sont mobilisées depuis longtemps contre l'article 13.
En France, par exemple, la Quadrature du Net et l'April en font partie.
La Quadrature du Net est à l'origine d'une plainte en nom collectif conte Google, avec une autre association None of Your Business qui a abouti à ce que la CNIL impose une amende de 50 millions € à Google.
Je trouve regrettable et même dommageable d'ignorer cette contestation, voire de nier qu'elle existe réellement. D'un point de vue d'éthique journalistique, cela pose vraiment un problème.
# GAFA
Posté par Jiel (site web personnel) . Évalué à 3.
Je suis assez déçu de voir mentionner GAFA et non GAFAM. Bien que le terme soit incorrect, puisque le problème ne concerne pas que 4 ou 5 entreprises (il y a aussi les géants chinois et de toutes façons on ne va pas faire de liste exhaustive), Microsoft reste quand même largement majoritaire dans l'informatique personnelle et possède Hotmail, Nokia, Skype et LinkedIn. Microsoft est sans doute au moins aussi dangereux pour la vie privée et la position dominante que certains des quatre autres.
Enfin, on n'écrit pas pas «GAFAs». Les sigles ne prennent pas de marque du pluriel en français.
[^] # Re: GAFA
Posté par Egidius . Évalué à 4.
Pardon pour le s !
Effectivement les acronymes ne se mettent pas au pluriel.
L'acronyme GAFA, ou GAFAM n'est utilisé qu'en France.
C'est une manière, pour moi, de désigner d'une manière générique les multinationales américaines du numérique qui dominent largement le secteur économique dans lequel elles exercent leurs activités.
L'acronyme ne se réfère qu'à certaines d'entre elles, pas toutes. En particulier, Netflix ne figure pas dans l'acronyme. Et pourtant, sa domination dans l'audiovisuel est évidente.
Aussi, j'ai pris l'habitude d'utiliser GAFA. Ça n'exclut pas Microsoft, ça ne fait pas mention d'Oracle non plus.
Alors GAFA ou GAFAM, quelle importance ?
[^] # Re: GAFA
Posté par Egidius . Évalué à 2.
Je ne plus corriger mon texte.
Donc les s vont rester. La prochaine
fois, je serai attentif à ne pas commettre
cette faute de grammaire. Encore une fois
toutes mes excuses.
[^] # Re: GAFA
Posté par Tonton Th (Mastodon) . Évalué à 3.
et Github.
[^] # Re: GAFA
Posté par Egidius . Évalué à 1.
Même si on utilise, comme moi, une distribution Gnu Linux avec une palanquée de logiciels libres, c'est très difficile d'éviter Microsoft si on va sur Internet.
En effet sur le web, Microsoft c'est 21.573.632 adresses IP (fin 2018), quasi impossible de ne pas tomber sur un site relié directement à l'une de ces IP.
C'est aussi 15000 paquets de données par semaine envoyés de nos ordinateurs (ou autres tablettes, smartphones) vers un de ces serveurs estampillés à la firme de Redmond.
C'est à cause de Microsoft Azure,la plateforme de cloud computing qui héberge des centaines de milliers d'entreprises et d'organisations.
Si le cœur vous en dit, utilisez un proxy et blacklistez toutes les adresses IP Microsoft, on doit pouvoir trouver la liste sur Internet sans trop de difficulté.
Ça empêchera l'accès à pas mal de de sites, mais ça ne devrait pas être insurmontable.
Microsoft est un peu tombé dans l'ombre par rapport aux autres géants américains du numérique comme Google ou Amazon. N'empêche.
Toujours bien présent.
En fait GAFA ou GAFAM, je n'aime pas ces acronymes. Je préfère l'expression américaine « Big five » ça évite de les nommer, même en initiale.
Jusqu'où faut-il aller pour éviter complètement les cinq géants ?
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