Harcèlement_moral_au_travail a écrit 1 commentaire

  • # Sur le harcèlement moral…

    Posté par  . En réponse au journal Comment j’ai été réduit en esclavage, comment vous m’avez aidé, et les leçons que j’en ai tirées. Évalué à 10.

    Bonjour,

    Je me suis inscrit car j’aimerai faire un petit point sur le harcèlement moral. J’espère que ça pourra t’aider ou ceux qui liraient. J’ignore à quand remonte ta malheureuse expérience, mais manifestement elle n’est pas du tout guérie.

    C’est mal rédigé, j’en suis désolé, mais j’y ai déjà passé beaucoup trop de temps. En espérant que cela vous soit tout de même utile.

    Comme j’en ai subi pas mal, et parce que je me suis documenté dessus j’aimerai faire quelques remarques. Ça me semble important étant donné les conneries que j’ai pu lire en parcourant les commentaires.

    1. Déjà, le plus important, en l’état de ton témoignage il n’y a absolument aucune raison de remettre en doute ta parole.

    2. Linuxfr n’est pas le meilleur endroit pour en parler, loin de là (et de manière générale le milieu informatique n’est pas très sain… et le milieu politique est ce qui se fait de pire! j’y reviendrai!)

    3. Tu avais à priori les moyens matériels de t’en sortir (tu étais payé quand même ?). On est dans une pure situation d’emprise mentale. Note bien que loin de moi l’idée de minimiser les problèmes que posent le manque de domiciliation. Ça complique absolument tout et surtout, la moindre démarche administrative devient énergivore, pénible, et consommatrice de temps. C’est bien ce que cherchait à faire ton manipulateur, pour faciliter son emprise, d’autant que d’après ton témoignage, il s’arrangeait pour bien occuper ton emploi du temps…

    4. Sache aussi que les manipulateurs ne ciblent pas les gens "faibles", mais bien souvent le contraire. Il ne faut surtout pas culpabiliser : ni d’en avoir été victime, ni de ne pas avoir su s’en tirer, ni de ne pas avoir su s’en rendre compte suffisamment tôt. Par contre, il faut aussi l’accepter. Et par accepter, c’est plus que d’en faire le témoignage. C’est accepter d’être victime. Accepter que ça peut arrive à tout le monde. Accepter que ça existe. Accepter de retourner vers l’autre, et de prendre le risque de… (c’est-à-dire ne pas fuire toute relation similaire, etc.). Accepter de ne pas être écouté, et de ne pas être cru aussi (ça ne change PAS la réalité de ce que tu as vécu).

    5. Pour illustrer le point précédent : les gens "normaux" peuvent mettre des décennies, voir ne jamais se rendre compte qu’ils sont en situation d’emprise, voir (encore pire) trouver la situation normale, car ils n’ont jamais connu de relation saine ni connu une situation d’autonomie (ouai… il y a des gens qui aiment bien qu’on dirige leur vie). Typiquement dans ce que j’ai connu, ceux qui "supportaient" n’avaient aucune espèce de personnalité, étaient incapables du moindre jugement autonome, aucun caractère.
      D’où parfois la difficulté d’avoir des témoignages si l’affaire passe en justice. Vient dépression et suicide pour ceux qui subissent sans identifier le problème.

    6. On ne sort jamais indemne, et les situations de harcèlement se répètent :

      • pour des raisons indépendantes de nous, par exemple en ce qui me concerne, je suis très solitaire (probablement autiste), ce que recherchent les manipulateurs : moins de capacité à chercher de l’aide, or l’avis extérieur, de confiance, est fondamental pour prendre conscience de la situation d’emprise. Là où ça se corse, c’est qu’une situation de harcèlement moral peut avoir pour origine un proche (parent, ami, conjoint) qui lui-même à des tendances manipulatrices (pas forcément malveillante par ailleurs). (là le psy peut être d’un grand secours).
      • Le harcèlement moral est un traumatisme, ce traumatisme provoque des réactions ou des comportements sociaux inadaptés qui renforcent le harcèlement et induit un risque de se retrouver dans une situation similaire. De là viennent des situations de harcèlement à répétition.
    7. Non, les manipulateurs ne sont ni intelligents, ni "forts". C’est leur objectif de faire croire le contraire. En réalité ce sont des gens immatures avec des réactions puériles (ça boude, ça fait de la flatterie à deux balles, etc.), très mécaniques dans leurs réactions. Au mieux ils sont très calculateurs, ce qui les fait passé pour intelligents. Une fois admis l’emprise mentale (le plus dur), il faut mettre au point une stratégie pour s’en sortir (ie. retrouver son indépendance matérielle et se barrer), ne pas hésiter à mentir et à tromper (dans la limite légale évidemment). C’est assez déconcertant de constater à quel point des manipulateurs peuvent être très naïfs, surtout quand on leur laisse croire qu’ils ont réussi leur coup ! On y laisse souvent des plumes (psychologiques bien sûr, mais aussi matérielles, économiques, etc.) mais on sauve l’essentiel.

      • Sur la contre-manipulation, il faut absolument que je raconte mon expérience personnelle, car elle montre très bien comment obtenir quelque chose d’un manipulateur, fondamentalement contraire à ses intérêt.
      • Il s’agissait d’une prestation chez un client en province, très loin de Paris où j’habitais alors, car je souhaitais en partir. Une fois arrivé là-bas, bim, je tombe sur un client connard. En fait, (trop) cool les deux premiers mois, puis il commence à me faire des trucs chelous, j’essaie à plusieurs reprises d’obtenir un clarification en lui laissant le bénéfice du doute, avec à chaque fois des représailles en mode passif-aggressif. Au final, je réalise que c’est un psychopathe, un vrai, comme dans les films¹. Viré de la mission sans même avoir la possibilité de retourner à mon bureau (heureusement que j’avais récupéré mes affaires personnelles). Problème : retourner à Paris (le client est quasi le seul dans la région, d’où son comportement…), et un employeur qui commence à me la faire à l’envers lui-aussi avec le même comportement toxique (mais lui n’en avait pas conscience contrairement au client qui y prenait du plaisir). Je finis par faire semblant de céder complètement, de ne plus parler du client, de dire oui à tout, sans pour autant rien faire qui me soit préjudiciable. Le but ? obtenir qu’il me paie mon déménagement retour (tout frais payé, par un déménageur pro, il a bien raqué, alors que mon aller j’avais fait ça perso au tiers du prix — de mémoire). Légalement il y est tenu, mais l’argument l’aurait braqué (une “obligation”, rappellée par son employé qui plus est, est une frustration insupportable pour ces gens). Alors je l’ai joué passif-aggressif moi aussi. Il a bien essayé de me faire payer en mode "je te rembourserai", j’ai menti, mais sans le contredire, en mode “si je pouvais… mais pas de chance, je n’ais pas les moyens — limite avec des trémolos dans la voix”, etc. Sans jamais le contredire ! Au final, toute est passé comme une lettre à la poste. Le “truc” avec lui ? ne jamais s’opposer, mais inventer une raison, toujours bidon (du pur passif-aggressif pour le coup…). L’important était de lui faire croire qu’il avait la dominance sur moi, mais que malgré ma volonté à suivre sa demande j’en était empêché par un élément extérieur (assez peu crédible au demeurant). Il était tellement accaparé par son jeu de pouvoir (auquel je ne participai plus) qu’il en oubliait tout jugement objectif. Une fois mes dispositions prises et matériellement totalement indépendant, j’envoie ma démission en mode «il reste 3 mois, tu me parles pas, je te parles pas » ; il l’a pas vu venir celle-là ! (j’exigeai de l’écrit pour toute communication car il me mentait constamment, de plus, avec une autre boite de presta en intermédiaire, il pouvait même pas se pointer chez le client). Il m’a fait quelques difficultés pour les papiers de départ, mais les employeurs s’amusent rarement à trop déconner avec ça au demeurant (là pour le coup il faut être ferme, la justice sera très stricte là-dessus, car ça donnerait un pouvoir disproportionné à un employeur — et peu s’amusent à jouer avec ça). Ça a été très dur (nouvelle mission sur Paris, alors que j’étais encore en province, appris le samedi pour le lundi). Un mois dans une résidence étudiante (payé par l’employeur aussi) + trouver un logement sur Paris + préparer le déménagement (dont beaucoup de routes) + mission en mode pompier sur un projet réglementaire qui partait en couille. Très fatiguant, très dur. Niveau financier, j’ai perdu +10k en dommages directs (3 mois pour me reposer un peu et retrouver un taf') + impact carrière, mais la priorité dans ces cas est la santé mentale, mais aussi physique, car les nerfs sont mis à rude épreuves, la fatigue s’installe… (j’ai tout de même failli avoir un accident de voiture).
    8. Sûrement le plus important : en politique, c’est blindé de manipulateurs &co. À fuir absolument. Et encore pire avec le milieu anti-vax / anti-pass qui est un cloaque particulièrement malsain (la plupart ont une “carrière” qui a commencé bien avant le covid, pas mal d’histoire autour de l’IHU de Raoult aussi). De ce point de vue, ton journal est un exemple presque parfait d’un trauma lié à harcèlement moral, mal guéri, qui te conduit direct à une autre situation d’emprise.

    9. Le plus important pour toi, si tu as réussi à me lire jusqu’ici. Vraiment essaie de faire le bilan de ton expérience, essaie d’être très factuel, pas d’exagération, pas de politique. Juste pour toi, seulement pour toi. Donc sans chercher à convaincre personne. Essaie au maximum d’objectiver ton expérience. Ça fait du bien, d’écrire par exemple. L’exercice ne sera intéressant que si c’est encore suffisamment frais.

      • Il faut faire, littéralement, son deuil, d’une situation d’emprise. C’est vraiment le même mécanisme, mêmes étapes.
    10. Ensuite, il y a un travail à faire sur soi. C’est vraiment important de comprendre les mécanismes qui ont conduit à la situation d’emprise et de se corriger. Mais pour que ce soit fait proprement, il faut pouvoir le faire sans culpabiliser, sans se remettre la faute dessus. Or un des mécanismes d’emprise consiste justement à faire culpabiliser la victime (basiquement, un manipulateur est incapable de se remettre en question, donc il va toujours remettre la faute sur l’autre). D’où l’importance d’en être sorti et d’avoir pleinement rempli le point 9.

    Si tu n’as pas de problème financier, prend un psy. Un vrai, pas un psychanalyste. Ok, je suis pas le mieux placer pour donner ce conseil… Mais ça devrait pouvoir t’aider à faire le point. Là aussi on peut tomber sur un peu de tout ; ne pas hésiter à demander de l’aide extérieure. C’est vraiment très important de soigner les trauma sinon on se les trimballe toute sa vie. On peutdoit faire un travail sur soi pour ne plus retomber dans une relation malsaine (ou du moins les détecter relativement rapidement et apprendre quelques techniques de défense — qui ne servent pas que dans les relations toxiques par ailleurs, comme savoir poser des limites, savoir se défendre correctement, etc.).

    ¹ Pour dire à quel point c’était sérieux, ~2 ans après mon histoire, il y aura un suicide dans la même entreprise, appris par voie de presse, je n’ai malheureusement pas assez de détails pour savoir si c’est dans la même équipe que ça s’est passé, mais la victime était aussi un presta parisien et envoyé en province, il a tenu 6 mois.