Journal Rappel : Si vous essayez de modéliser l'épidémie de Covid-19 et que votre modèle est dérivable …

Posté par  . Licence CC By‑SA.
22
20
mar.
2020

… et à fortiori si sa dérivée admet un axe de symétrie, vous vous y prenez mal (au moins depuis mardi).

En ce moment, essayer de modéliser l'épidémie est un jeu assez à la mode sur LinuxFr et ailleurs, et il y a un truc qui revient systématiquement : à la fin on aboutit pour le nombre total de cas à une jolie courbe en forme de S, avec pour sa dérivée (le nombre de nouveaux cas par jour) : au choix une gaussienne ou une courbe logistique. Bref, des fonctions qui sont dérivables partout et dont la dérivée a un axe de symétrie, qui représenterait le «point d'inflexion» de l'épidémie. Cette dérivée nous est même parfois présentée comme plus ou moins haute ou plus ou moins large en fonction des mesures prises.

The economist, impact of social distancing mesures

Sauf qu'en fait, c'est complètement pété.

Avant qu'on prenne les mesures, l'épidémie progresse de manière exponentielle: on parle d'un doublement tous les ~3 jours dans divers pays Européens. Et si on ne fait rien, alors on va vraisemblablement se diriger vers un scénario comme présenté plus haut, l'épidémie ne ralentissant que par la difficulté croissante à trouver de nouvelles victimes.

Mais dès lors qu'on prend des mesures spécifiques (et personne n'aura manqué de remarquer que c'est le cas) pour peu qu'elles soient efficaces même partiellement, il va y avoir une rupture brutale de pente: la maladie va se propager à un rythme complètement différent de ce qui se passait avant le confinement. Si les mesures sont très efficaces, le nombre de nouveaux cas se met à diminuer exponentiellement. Et si les mesures ne sont que modérément efficaces, on va avoir un ralentissement de la progression (et probablement une nouvelle série de mesures pour tenter de stopper le truc pour de bon).

Bref, si vous voulez vous amuser à modéliser le truc pour la France et pour l'Italie, il va vous falloir deux fonctions: une pour avant le confinement et une pour après, et le problème c'est qu'on n'a pas vraiment d'idée de la forme de la deuxième tant que les mesures n'ont pas encore fait leurs preuves. On devrait la voir pointer le bout de son nez en Italie dans la semaine qui vient, à cause du temps entre la contamination et le décès (qui est le seul indicateur fiable en France comme en Italie vu qu'on ne diagnostique pas du tout tous les cas).

  • # Graphe avec curseur

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10. Dernière modification le 20 mars 2020 à 15:55.

    • [^] # Re: Graphe avec curseur

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

      Impressionnant ce truc.
      Bon après, lorsque j'essaye de mapper cela avec ce diagramme https://lafibre.info/images/bistro/202003_coronavirus_courbe_morts_par_pays.png
      pour l'Italie et la France (qui suit la même pente avec le même type de mesure), c'est dur de savoir si on arrive à 10000 ou 100.000 morts.

      Dans tous les cas, on va payer très cher notre retard à l'allumage, le manque de masques et de tests.

      • [^] # Re: Graphe avec curseur

        Posté par  . Évalué à 1.

        Par contre quel serait le pourcentage à appliquer pour au curseur "to decrease transmission by" pour simuler la politique de confinement ?

    • [^] # Re: Graphe avec curseur

      Posté par  . Évalué à 3.

      Cet outil est incroyable.

      Je vous invite à jouer avec le curseur Number of initial infections et observer les conséquences sur la dynamique de propagation, c'est vraiment ce qui est le plus effrayant.

      • [^] # Re: Graphe avec curseur

        Posté par  . Évalué à 2.

        J'abonde, cet outil est genial.

        Le curseur est également très intéressant. Si on rentre les paramètres d'une population comme la France (65 millions de pekins) et qu'on cale l'intervention day autour de 100 morts en cumulé (je suis vers le 92eme dans mon cas), on obtient au final ~10 000 morts. Ce qui est ce qu'on devrait obtenir selon cet outil.. et ce qui est beaucoup et pas tant que ça a la fois.

        Par contre, si on tarde a prendre la décision et qu'on décale d'environ 2 semaines l'intervention day, a cette date le nombre de morts cumulé n'est pas si catastrophique (~6000 morts en tout, c'est moins que la grippe chaque année finalement), par contre a la fin, c'est juste une boucherie de 400 000 morts.

        Sur cette maladie, il y a une grande latence entre le moment où les gens sont infectés, malades, hospitalisés et éventuellement morts. Cette grande latence est clairement un problème.

        Du coup, si tu te mets dans la tête d'un chef d'Etat en face de cet outil, la conclusion c'est qu'il faut décider d'intervenir très rapidement dans l'épidémie sinon tu cours a la catastrophe.

        • [^] # Re: Graphe avec curseur

          Posté par  . Évalué à 2.

          Cela dit, augmente le nombre de cas initiaux et tu verras que les chiffres explosent malgré les mesures alors que la variation est très faible au début. Et c'est probablement ce qui s'est passé en France, il n'y a sans doute pas eu un patient 0 mais une multitude de cas ayant été importé depuis la Chine et l'Italie.

  • # Plateau

    Posté par  . Évalué à 10.

    Moi je préfère le moment où la dérivée atteint un plateau.
    Suivant à qui tu demandes, la conclusion est:
    -on a enfin réussi à contrôler la propagation, ça ne devrait plus tarder à descendre
    -on a saturé la capacité à tester, c'est la perte de contrôle totale alors qu'on ne sait plus combien on a de cas

    Et je note au passage que je connais un cas d'infection covid-19 sûr à 90% d'après le médecin qui ne prend plus la peine de faire faire les tests. Et j'habite à l'autre bout de l'océan. J'imagine que ce n'est pas un cas isolé.
    Du coup je regarde ces chiffres officiels avec circonspection.

    • [^] # Re: Plateau

      Posté par  . Évalué à 4.

      -on a saturé la capacité à tester, c'est la perte de contrôle totale alors qu'on ne sait plus combien on a de cas

      C'est déjà le cas depuis quelques temps en Europe il me semble. En Belgique, c'est sûr, on ne teste que les cas graves et le personnel médical malade. Pour l'instant, il me semble que le seul le nombre d'hospitalisation veut dire quelque chose (tant que les hôpitaux ne sont pas saturés).

      « Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche

    • [^] # Re: Plateau

      Posté par  . Évalué à 2.

      C'est pour ça que je parle du décès comme seul indicateur fiable, parce que ça pour le coup s'ils ont réussi à tenir le compte pendant la peste noire1 on devrait réussir à y arriver aussi.

      • [^] # Re: Plateau

        Posté par  . Évalué à 2.

        C'est pour ça que je parle du décès comme seul indicateur fiable

        Et encore, même ça ça se discute : si une personne est renvoyée chez elle non testée avec du paracétamol, et décède quelques jours après (comme ça s'est vu même si je n'arrive plus à retrouver le lien de la news), est-ce que ce sera systématiquement compté dans les stats ? (pour ça il faudrait faire un test post-mortem, et rien ne dit que ce sera fait s'il y a toujours pénurie de tests…)

    • [^] # Re: Plateau

      Posté par  (Mastodon) . Évalué à 1.

      Effectivement, il y a des morts dues au covid-19 qui ne sont pas comptabilisées comme telles. Ici par exemple, on a un foyer de contamination mais personne n'est testé, et donc personne n'est compté. C'est aussi une manière de minimiser la catastrophe.

  • # Pire des cas

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

    c'est presque facile de simuler le cas où il n'y a pas de mesures. Au moins, ça donne une indication du pire des cas. Ce qui est déjà pas mal.

    Si on fini avec moins de 10 000 cas en Italie, alors que la propagation du virus double tous les 3 jours, ça permet d'ajuster la létalité du virus par rapport à ce qui nous est communiqué.

  • # Triplette

    Posté par  . Évalué à 0.

    Salut,

    Disclaimer: N'étant ni médecin ni statisticien, ce commentaire est à prendre avec toutes les mesures de sécurité.

    Moi je pense qu'on va avoir droit à une triplète. Et que c'est pas la fin de l'auberge.

    Une double gaussienne, déjà :
    Phase 1 : (en cours) arrivée du bouzin
    Phase 2 : On crois l'avoir éliminé donc on se recontamine pour les survivants

    Et une petite (plus grosse) troisième :
    Phase 3 : il revient en ayant muté, mode plus méchant

    Bref, le confinement, c'est chiant.

    Matricule 23415

  • # ou pas

    Posté par  . Évalué à 4.

    il va vous falloir deux fonctions: une pour avant le confinement et une pour après

    Pas vraiment. Comme pour tout problème dynamique, on a probablement

    X_(k+1) = f(X_k, u_k, perturbation_k);
    y(k) = g(X_k, u_k, bruit_k);
    f et g peuvent rester identique, par contre c'est u_k qui va changer de forme entre avant et après le confinement.

    Tous les nombres premiers sont impairs, sauf un. Tous les nombres premiers sont impairs, sauf deux.

  • # Conférence sur la modélisation d'épidémies

    Posté par  . Évalué à 1.

    Pour info, une (vidéo-)conférence, en anglais, à propos de la pandémie en cours et de sa modélisation, par un chercheur sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=MZ957qhzcjI

    Je ne me risquerai pas à résumer cette conférence ; je risquerai de sur-interpréter et de dénaturer les propos de l'orateur, et je n'ai pas envie de dire de trucs faux. Je vous laisse donc regarder.

  • # Pas convaincu du tout

    Posté par  . Évalué à 2.

    Tout le monde n'a pas le même temps d'incubation ni le même temps pour développer des symptômes sérieux.

    • [^] # Re: Pas convaincu du tout

      Posté par  . Évalué à 2.

      Par contre approximer par une gaussienne c'est effectivement pas très précis, mais ça devrait permettre d'obtenir un ordre de grandeur. Mais je suis pas sûr que ça soit suffisamment précis pour prédire par exemple la journée du nombre de mort max.

Suivre le flux des commentaires

Note : les commentaires appartiennent à celles et ceux qui les ont postés. Nous n’en sommes pas responsables.