Mode et couture libre

Posté par  (site web personnel) . Édité par Nÿco, Benoît Sibaud et palm123. Modéré par ZeroHeure. Licence CC By‑SA.
38
23
jan.
2014
Do It Yourself

/* LinuxFr.org propose à ses lecteurs une section « cuisine », pourquoi pas aussi une rubrique « couture » ? */

Le Framablog a présenté le 7 janvier 2014 le logiciel libre Valentina, un logiciel libre de patronage, c’est à dire un logiciel pour dessiner des patrons de couture !

C’est l’occasion de faire un point sur les initiatives libres dans le domaine de la mode, découvrir une offre logicielle encore naissante, et réfléchir sur le concept même de mode libre.

Sommaire

Le logiciel Valentina

L’article du Framablog est principalement une traduction de celui d’Alexandre Prokoudine sur le site Libre Graphics World (en anglais).

Valentina est un projet jeune qui a été motivé par un double constat : les logiciels de stylisme ne sont pas libres, et sont surtout très chers ! Alexandre Prokoudine donne l’exemple d’un logiciel à 16 000 $ la licence. Si le coût du traceur est incompressible, le coût d’une licence logicielle peut vite sembler exorbitant. Alexandre explique donc que les stylistes en début de carrière sont contraints d’utiliser des applications simplistes ou des logiciels de CAO génériques et peu adaptés au métier.

Fort de ce constat, l’objectif du projet Valentina est donc de faire à la fois un logiciel libre, mais aussi gratuit. Ces deux réalités sont importantes pour le projet, la gratuité n’est pas ici qu’une conséquence de la liberté.

Pour les intéressés, Roman Telezhinsky et Christine Neupert ont écrit un tutoriel de création de motif (en anglais), et Roman Telezhinsky a publié (en russe, mais avec plein d’images) un article nous montrant étape par étape la confection d’un vêtement assisté de Valentina.

Valentina
Valentina en action

Pour ceux qui souhaiteraient contribuer, Valentina est un logiciel développé en C++ avec Qt5.

NDA : Mercy à Tanouky pour son journal sur Valentina : Valentina - Outil libre de création de vêtements.

Inkscape, Blender, MakeClothes…

Si ce domaine est peu développé, ce n’est pas la première fois que le logiciel libre s’intéresse au vêtement.

Déjà, bien avant l’équipe de Valentina, Suzan Spencer avait défriché beaucoup de choses en travaillant sur le logiciel de dessin vectoriel Inkscape, on retrouve sur le site Tau Meta Tau physica des tutoriaux pour réaliser des motifs de coutures.

Avec Inskcape, Le Framablog fait référence à un autre outil, MakeClothes pour Blender.

MakeClothes n’est pas un logiciel de stylisme, c’est un outil pour simuler des vêtements dans des scènes et animations 3D, tout comme MakeHuman est un outil pour modéliser des personnages humains.

Si ce n’est pas un logiciel de stylisme, l’idée de modéliser des vêtements sur un mannequin réalisé avec MakeHuman est très séduisante car cela permettrait de tester une idée non seulement sur un mannequin, mais un mannequin mobile aux libertés multiples, et de bénéficier du moteur physique de Blender !

Malheureusement, il est probable que ce type de solution ne soit pas optimal, et que l’on rencontre les mêmes difficultés que rencontrent ceux qui utilisent Blender pour de l’impression 3D : Blender n’est pas un logiciel de CAO et il a pour vocation de réaliser des images qui ressemblent à la réalité, pas des patrons applicables dans la réalité !

Cependant, il est probable que beaucoup de choses dans le travail de Suzan Spencer pourront servir au projet Valentina, et que les capacités de simulation offerts par des logiciels libres comme Blender ouvriront des portes très intéressantes. L’avenir est donc encourageant.

Mode, droit d’auteur, domaine public et culture libre

Framasoft avait également traduit une conférence TED très intéressante de Johanna Blakley sur la mode et le droit d’auteur : Lessons from fashion’s free culture.

La conférence date de 2010, déjà ! On y apprenait qu’aux États-Unis le droit d’auteur a très peu de prise sur la mode. En effet, le vêtement est considéré comme trop utilitaire pour pouvoir être protégé.

Johanna Bakley va jusqu’à déclarer :

La seule chose qui ne puisse pas être copiée, c’est l’étiquette de la marque commerciale attachée au vêtement.

Malheureusement, ce ne serait pas tout à fait vrai en France, où il n’y a pas de distinction entre les œuvres utilitaires et les œuvres artistiques.

Johanna Blakley montre comment cette absence de limite ne forme aucun frein au développement de l’industrie de la mode ! Le droit d’auteur est souvent invoqué sous prétexte de protéger l’industrie et la créativité, la mode montre que l’on peut s’en passer et que ça marche très bien sans !

Le fin gastronome pourra faire le parallèle avec la cuisine dont ne peut pas protéger les recettes. Avec une cuisine soumise au droit d’auteur, la France n’aurait pas eu la même réputation.

Mais peut-on généraliser le constat de la réussite de la mode et de la cuisine en l’absence de contrainte légale basé sur le principe de droit d’auteur ?

Le blog « Romaine Lubrique » montre qu’à l’inverse, dans un secteur très marqué par le droit d’auteur, celui de l’édition, on trouvait plus de livre de 1880 en vente sur Amazon que de livres de 1980 et qu’ainsi se dessine la « culture perdue de la génération copyright ». On ne sait pas encore si le domaine public est un bon allié commercial, mais culturellement, son absence est un désastre.

Des patrons sous licence Creative Commons ?

Alors, existe-t’il des patrons libres, en France ?

Une jeune entreprise française, 1083 borne in France vend des jeans avec patron-pour-le-faire-soi-même sous licence CC BY-NC. Le nombre 1083 correspond à la distance la plus longue que l’on peut parcourir en France métropolitaine : 1083 km entre Menton et Porspoder. En publiant son patron, l’entreprise a en tête l’idée d’un kit 0 Km, le jean à faire chez soi !

Patron 1083
Aperçu d'un patron 1083

Ce n’est pas tout à fait libre mais on s’en approche…
…on s’en éloigne diront les déçus. NdM: Thomas Huriez 1083 a répondu et indique que la prochaine publication de patrons sera l'occasion de mettre tout cela au clair et de modifier la licence.

En effet, lors de la levée de fond, l’entreprise avait beaucoup communiqué sur le caractère « open-source » (selon leur termes) de leur projet. Ils avaient notamment promis de publier les patrons en « open-source » si 1083 précommandes étaient faites. Le site affiche 2746 précommandes, et le premier patron publié est en Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 3.0 (CC by-nc) qui n’est pas une licence dite « open source ».

Peut-être n’est-ce là qu’une mésentente ? En attendant une clarification de la part de 1083, vous pouvez déjà sortir votre machine à coudre et réaliser votre propre jean !

Aller plus loin

  • # Ajout d'une section

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

    /* LinuxFr.org propose à ses lecteurs une section « cuisine », pourquoi pas aussi une rubrique « couture » ? */

    Il suffirait d'une entrée dans le suivi et d'une icône proposée, évoquant la couture.

  • # broderie

    Posté par  . Évalué à 6.

    Dans la même veine, il y a également tout ce qui est broderie. Il est possible de trouver beaucoup de patrons de broderies, pour des machines grands public (rechercher les mots embroidery patterns design). On en trouve souvent des gratuits. Ces patrons pourraient tout à fait être soumis à des licences libres. Le problème suivant sera la facilité à intégrer ces patrons sur les cartes mémoires des machines grand public (qui coûtent relativement cher).

    Si vous avez des informations sur les possibilités de "hacker" ces machines, pour leur faire faire plein ou plus de choses, je suis preneur.

    • [^] # Re: broderie

      Posté par  . Évalué à 2.

      Faudrait commencer par avoir des logiciels libre de création/génération/visualisation de motifs de broderie.

    • [^] # Re: broderie

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

      Ah oui ça aussi ce serait passionnant ! On peut étendre la réflexion aux métiers à tisser ou à tricoter, quand il s'agit de réaliser des motifs !

      Et pour en rajouter au débat sur le droit d'auteur, je viens de découvrir une information très intéressante dans la page Wikipédia de la Machine à tricoter :

      1561 : le révérend anglais William Lee met au point un métier à tricoter les bas. La reine Élisabeth 1re d'Angleterre lui refuse le brevet, craignant les effet sur l'industrie du tricot.

      Ouf ! On est sauvé !

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  • # Romainelubrique

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

    Même seul l'article de romainelubrique cité au milieu de cette dépêche me semblerait mériter une entrée.
    Je crains que quelques lecteurs trop empressés ou pas assez intéressé aux frivolités de la mode ne manque un tel bijou. Dommage qu'aucun ministre de la culture ne s'intéresse à un tel sujet.

    « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

  • # logiciel de tricotage?

    Posté par  . Évalué à 2.

    Est ce que quelqu'un connait un logiciel de tricotage?
    Ma femme fait beaucoup de tricot et achete regulierement des recettes. Les difference entre les model semble surtout etre le dessin. Vu de loin ca a l'aire possible de faire un logiciel qui permet de generer automatiquement le nombre de mailles a partir d un model standard et d'un dessin….

    • [^] # Re: logiciel de tricotage?

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6. Dernière modification le 24 janvier 2014 à 15:41.

      Hum, je ne connais pas bien le tricotage ni l'anglais dans ce domaine, mais j'ai trouvé :

      • le logiciel KPG, qui revendique convertir des images en modèle de tricot (mais je ne saurais vérifier), un logiciel sous GPL v2 (mais qui n'a pas été modifié en 6 ans, mais peut-être n'a-t-il plus à évoluer ?).
      • le format KnitML, une « norme internationale pour l'expression de modèle de tricot » avec des spécifications et des outils sous licence Apache 2, et un KnitML Editor sous Eclipse Public License 1. Le développement semble assez lent mais actif.
      • un « KnitWiki » avec des tutoriaux (par exemple une veste de bébé), mais c'est du CC By-NC-SA.

      La page de KPG référence crossstitch en indiquant que KPG s'inspire du travaille de crossstitch, et le logiciel KxStitch cité par nozof plus haut dans la discussion sur la broderie. Le tricotage et la broderie seraient-ils assez proche pour pouvoir spécialiser un même outil à ces deux tâches ?

      Certains s'attaquent aux machines à tricoter, voir aussi la présentation Development of Personal Manufacturing. Open Kitting Machine.

      Bref, y a pas l'air d'avoir des masses de choses, mais sur les quelques milliards de personnes sur cette planète, on en trouve quand même quelques unes pour s'être penché sur le sujet qui n'est donc pas inexistant. ;)

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  • # Bonne nouvelle !

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2. Dernière modification le 29 janvier 2014 à 23:00.

    Bonne nouvelle, Thomas Huriez de 1083 m’a répondu !

    Il précise dans son mail qu’un autre lui avait déjà fait remarquer que « la clause commerciale n'embête que les gens honnêtes. Les malhonnêtes s'en moquent, ce n'est pas une licence qui les empêchera de les copier ».

    Thomas remercie donc pour les remarques qui leur permettent d'améliorer leur initiative ! Il écrit donc que travaillant actuellement sur les patrons des modèles femmes, leur publication sera l'occasion de mettre tout cela au clair et de modifier la licence !

    Si un modérateur passant par là pouvait ajouter une note à ce sujet dans la dépêche expliquant que la situation sera clarifiée, ce serait une bonne idée (et au passage corriger un contre-sens déjà dénoncé dans un autre commentaire). Merci !

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    • [^] # Re: Bonne nouvelle !

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

      Mention ajoutée, merci.

      ce commentaire est sous licence cc by 3

      Au passage, depuis le 1 janvier, les contenus sont sous licence CC By Sa 4 sur le site.

      • [^] # Re: Bonne nouvelle !

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

        Mention ajoutée, merci.

        Super, par contre, ne serait-ce pas plus pertinent après mon « à suivre » ? dans l’état mon « à suivre » n'a pas de suite, la suite précède, c'est compliqué. ^

        Mais déjà merci, c'est super.

        Au passage, depuis le 1 janvier, les contenus sont sous licence CC By Sa 4 sur le site.

        Ah oui, je n'avais pas vu ! Bon ben je vais pouvoir relicencier tous mes commentaires. ;)

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        • [^] # Re: Bonne nouvelle !

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

          La suite ayant une suite, j'ai supprimé la première, la seconde n'en étant donc plus une aussi non plus.

        • [^] # Re: Bonne nouvelle !

          Posté par  . Évalué à 3.

          je vais pouvoir relicencier tous mes commentaires.

          Licencier ça ne veut pas dire ça… On peut dire «changer la licence».

          Écrit en Bépo selon l’orthographe de 1990

          • [^] # Re: Bonne nouvelle !

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

            Oui, je me suis dit que ce serait amusant de voir si quelqu’un allait mordre à l'hameçon, j'ai pensé à l’écrire en italique mais j'aurais été grillé trop vite. :p

            Ça va ça dégaine pas trop mal. :)

            (Cela dit, je découvre à l’instant que ce sens inapproprié est entré dans le wiktionnaire : https://fr.wiktionary.org/wiki/relicencier )

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            • [^] # Re: Bonne nouvelle !

              Posté par  . Évalué à 2.

              Ah c’est complètement bizarre que relicencier n’ai pas le sens de «licencier à nouveau»… Pour ne pas dire totalement incohérent.

              Écrit en Bépo selon l’orthographe de 1990

              • [^] # Re: Bonne nouvelle !

                Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

                Sisi, ça a bien le sens de « licencier à nouveau », mais c'est que le terme « licencier » se voit attribué un nouveau sens, probablement en tant que faux-amis du mot anglais License : “The verb license or grant license means to give permission. The noun license or licence refers to that permission as well as to the document recording that permission”.

                Le souci, c'est que par exemple en entreprise, une fois que tu as été licencié une fois, normalement elle ne peut plus te licencier à nouveau parce que c’est déjà fait. Donc cet emploi (hihi) est probablement moins courant. Se faire licencier deux fois par la même entité doit être assez rare, alors que changer les termes d’une licence ça arrive tout le temps, et surtout dans notre dos. ;)

                Le problème c’est peut-être à la base d’utiliser trop souvent le nom « licence » en français au lieu de « contrat ».

                Il y a aussi un emploi très minoritaire, c'est quand un étudiant en licence obtient son diplôme, on entend parfois le verbe licencier dans ce cas là, « licenciée » comme « diplômée ».

                ce commentaire est sous licence cc by 4 et précédentes

                • [^] # Re: Bonne nouvelle !

                  Posté par  . Évalué à 2.

                  Je parlais du sens «changer la licence», et «licencier» ne signifie pas «choisir sa licence/publier sous telle licence». Ou alors c’est un emploi rare.

                  Écrit en Bépo selon l’orthographe de 1990

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