L’apport d’id Software aux jeux vidéo libres et sous GNU/Linux

Posté par  (site web personnel) . Édité par Davy Defaud, Nÿco, claudex, Lucas Bonnet et baud123. Modéré par baud123. Licence CC By‑SA.
58
30
nov.
2011
Jeu

Suite à la récente libération du moteur de Doom 3 (id Tech 4) et 6 ans après celle du moteur de Quake III, un retour en arrière n’est pas superflu pour comprendre l’origine de ce don à la communauté du Libre.

Sommaire

Un peu d’histoire

C’était il y a plus de 21 ans : la société Softdisk (créée en 1987 : éditeur de mensuels couplés avec des logiciels sur disquette) avait recruté John Carmack, John Romero, Adrian Carmack (sans lien de parenté avec le premier), ainsi que Tom Hall, qui travaillait à la division Apple II de Softdisk. Voici donc les quatre principaux protagonistes de cette histoire déjà réunis. Les trois premiers avaient pour tâche de concevoir de nouveaux jeux pour le magazine Gamer’s Edge.

Un dénommé Scott Miller fondateur de Apogee Software en 1987 (Duke Nukem, etc.) avait pris pour parti de distribuer ses jeux sur le mode du partagiciel (shareware). En mai 1990, Scott Miller repère Dangerous Dave, un jeu de plate‐forme de John Romero. Ils prennent contact et celui‐ci lui montre une démo du moteur de jeu de son collègue John Carmack. Scott Miller fait alors signer à John Romero, John Carmack, et Tom Hall un contrat pour développer un jeu de plate‐forme du nom de Commander Keen. C’est à cette époque qu’ils conçurent les ancêtres de Doom — Hovertank One et Catacomb 3D —, mais pour le compte de Softdisk. En décembre 1990, le trio apporte son jeu à Scott Miller, qui diffuse la première partie en partagiciel à titre d’appât, le but étant de faire acheter les épisodes suivants. Un mois plus tard, Miller adresse à l’équipe un premier chèque de dix mille dollars. Les trois développeurs ont tout de suite été séduits par ce mode de distribution. id Software est alors fondé en février 1991, grâce aux revenus générés par Commander Keen, et Adrian Carmack rejoint le groupe.

Le premier développement de la société fut Wolfenstein 3D. Ce jeu aussi fut diffusé sous forme de partagiciel par Apogee Software le 5 mai 1992, et plus de 150 000 personnes déboursèrent les 50 dollars nécessaires à l’obtention des épisodes suivants. À la surprise de l’équipe, les fans se sont mis à fournir des extensions au jeu original sans intervention d’id Software : éditeurs de niveaux, sonorisations, didacticiels. C’était donc le début des communautés de développeurs que l’on trouve beaucoup aujourd’hui dans le domaine du logiciel libre. id Software décide alors de diffuser elle‐même ses productions et se lance dans le développement de Doom avec Adrian Carmack. Sorti en 1993, Doom a été téléchargé 15 millions de fois dans sa version partagicielle, et vendu deux millions de fois en version commerciale.

L’apport pour les jeux libres

John Carmack a toujours été reconnaissant envers la communauté des fans de lui avoir permis de faire fortune, d’où son choix de libérer le code source de ses moteurs. Ainsi, celui de Wolfenstein 3D a été libéré dès 1993, celui de Doom (renommé Id Tech 1) en 1997. Suivront les libérations sous licence GPL des moteurs de Quake, Quake II (id Tech 2) et Quake III (id Tech 3) en 2005.

Les jeux sous Linux

id Software a également été une société pionnière sur le marché des jeux sous GNU/Linux : de nombreux titres ont été portés sur cette plate‐forme : Doom, Quake 1,2,3, Ennemy Territory, etc. Les portages ont été réalisés successivement par Dave D. Taylor, David Kirsch et Timothee Besset. Dans le même temps, plusieurs jeux libres ou partiellement libres sont d’emblée compatibles GNU/Linux (mais aussi pour d’autres plates‐formes comme Mac OS).

L’héritage

L’apport d’id Software aux jeux vidéo est considérable. En effet, du fait de la libération des moteurs, de nombreux dérivés sont apparus, ainsi que de nouveaux jeux. On peut citer (excusez du peu ; certains sont libres, au moins partiellement) : Hexen (moteur GLQuake), Soldier of Fortune, Heretic 2 (moteur Quake 2), Halflife et la série des Counter Strike (moteur GoldSrc), Medal of Honor, Call of Duty, Enemy Territory (moteurs issus de Quake III), Urban Terror, Tremulous, World of PadMan, OpenArena, Smokin’ Guns, Turtle Arena (moteur ioquake 3), Alien Arena (moteur issu de Quake II et III), Warsow (moteur Qfusion issu de Quake II), Paintball 2 (moteur BeefQuake), Nexuiz, Xonotic (moteur GLQuake).

Que seraient les jeux de tir subjectifs en 3D (FPS — First Person shooter) libres et sous GNU/Linux sans id Software et John Carmack ?

Sources :

Aller plus loin

  • # Petite typo

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

    Tremulous, et non « Tremoulous ».

    D'ailleurs, je le recommande, il est excellent. Si vous aimez Natural Selection, vous ne serez probablement pas déçu.

    • [^] # Re: Petite typo

      Posté par  . Évalué à 2.

      Très bon jeu, seulement il est dommage que son développement soit presque au point mort depuis plusieurs années.

      • [^] # Re: Petite typo

        Posté par  . Évalué à 3.

        Pas tout à fait au point mort. Il y a un "friendly-fork" du nom de TremZ en préparation.

  • # Pour un peu plus d'histoire...

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 8.

    Pour les personnes intéressées par la genèse d'id Software, Doom, Quake et autre, le livre "Les maîtres du jeu vidéo" retrace tout cela.

    Les maîtres du jeu vidéo - publié par "L'école des loisirs".

    On y trouve à la fois l'histoire de John Carmack, les débats liés à la sortie de Doom, des conflits de personnalités et quelques explications techniques sur la naissance de l'affichage en 3D subjective à l'époque des processeurs Intel 486...

    Pensez à ajouter ce titre sur votre liste au père Noël !

    À noter aussi, avec la libération du code de Doom 3, le projet ioDoom3 est né.

    • [^] # Re: Pour un peu plus d'histoire...

      Posté par  (Mastodon) . Évalué à 3.

      l'affichage en 3D subjective à l'époque des processeurs Intel 486

      j'ai même un pote qui avait un 386 DX40 (sans copro mathematique) et il faisait tourner Doom1&2 dessus. seuls les niveaux un peu chargés en créature ralentissaient la machine.

      En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.

      • [^] # Re: Pour un peu plus d'histoire...

        Posté par  . Évalué à 2.

        C'était un SX alors, si de coprocesseur la machine manquait.
        Ou ma mémoire me trahit ?

        La gent féminine, pas la "gente", pas de "e" ! La gent féminine ! Et ça se prononce comme "gens". Pas "jante".

        • [^] # Re: Pour un peu plus d'histoire...

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 9.

          Ta mémoire te trahit: DX pour les i386 n'avait rien à voir avec le copro'.
          Cela concernait les i486.

          Les i386SX avaient comme particularité un bus de données à 16 bits au lieu de 32 pour le DX (réduction de la RAM addressable à 16 MO).

          • [^] # Re: Pour un peu plus d'histoire...

            Posté par  . Évalué à 2.

            C'est pourtant vrai.

            Comme disait Volfoni : « Ben v'la que j'ai plus ma tête ».

            La gent féminine, pas la "gente", pas de "e" ! La gent féminine ! Et ça se prononce comme "gens". Pas "jante".

          • [^] # Re: Pour un peu plus d'histoire...

            Posté par  . Évalué à 3.

            Je précise SX pour 32 bits en interne et 16 bits en externe

            DX pour 32bits interne/externe ;)

      • [^] # Re: Pour un peu plus d'histoire...

        Posté par  (Mastodon) . Évalué à 4.

        J'y jouais sur un 386 SX25 à 4Mo de RAM !
        On faisait même des réseaux en IPX et coaxial à deux ou trois :)

        Yth.

  • # Un pas en avant, 42 en arrière

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à -10.

    John Carmack, c'est pas celui qui a récemment dit qu'il préférait maintenant créer des moteurs graphiques sous directx plutôt que sur opengl ?

  • # John Carmack au sujet des brevets logiciels

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10. Dernière modification le 30 novembre 2011 à 16:34.

    De même la position (en date du 1er juin 2005) de John Carmack sur les brevets logiciels est à signaler (même si les brevets gênent autant les logiciels libres que ceux non-libres)

    I'm proud that there is "a relative dearth of patent applications for the video game industry, especially considering how technology-dependent the video game industry is, and given its size in terms of annual sales."

    Before issuing a condemnation, I try hard to think about it from their point of view -- the laws of the land set the rules of the game, and lawyers are deeply confused at why some of us aren't using all the tools that the game gives us.

    Patents are usually discussed in the context of someone "stealing" an idea from the long suffering lone inventor that devoted his life to creating this one brilliant idea, blah blah blah.

    But in the majority of cases in software, patents effect independent invention. Get a dozen sharp programmers together, give them all a hard problem to work on, and a bunch of them will come up with solutions that would probably be patentable, and be similar enough that the first programmer to file the patent could sue the others for patent infringement.

    Why should society reward that? What benefit does it bring? It doesn't help bring more, better, or cheaper products to market. Those all come from competition, not arbitrary monopolies. The programmer that filed the patent didn't work any harder because a patent might be available, solving the problem was his job and he had to do it anyway. Getting a patent is uncorrelated to any positive attributes, and just serves to allow either money or wasted effort to be extorted from generally unsuspecting and innocent people or companies.

    Yes, it is a legal tool that may help you against your competitors, but I'll have no part of it. Its basically mugging someone.

    I could waste hours going on about this. I really need to just write a position paper some day that I can cut and paste when this topic comes up.

    John Carmack

    http://slashdot.org/comments.pl?sid=151312&cid=12701745

  • # Jeux proprios, moteur GPL.

    Posté par  . Évalué à 0.

    Suivront les libérations sous licence GPL des moteurs de Quake, Quake II (Id Tech 2) et Quake III (Id Tech 3) en 2005.

    L’apport d’id Software aux jeux vidéo est considérable. En effet, du fait de la libération des moteurs, de nombreux dérivés sont apparus, ainsi que de nouveaux jeux. On peut citer (excusez du peu ; certains sont libres, au moins partiellement) : Hexen (moteur GLQuake), Soldier of Fortune, Heretic 2 (moteur Quake 2), Halflife et la série des Counter Strike (moteur GoldSrc), Medal of Honor, Call of Duty, Enemy Territory (moteurs issus de Quake III), Urban Terror, Tremulous, World of PadMan, OpenArena, Smokin’ Guns, Turtle Arena (moteur ioquake 3), Alien Arena (moteur issu de Quake II et III), Warsow (moteur Qfusion issu de Quake II), Paintball 2 (moteur BeefQuake), Nexuiz, Xonotic (moteur GLQuake).

    Comment autant de jeux proprio peuvent utiliser un moteur de jeu sous GPL ?

    Il y a une lib en lgpl pour linker tout ça ?

    • [^] # Re: Jeux proprios, moteur GPL.

      Posté par  . Évalué à 8.

      Au hasard les jeux en question on été développés avant le changement de licence ?

      • [^] # Re: Jeux proprios, moteur GPL.

        Posté par  . Évalué à 1.

        Au hasard les jeux en question on été développés avant le changement de licence ?

        Ok, donc soit par les mêmes personnes, soit par des personnes qui ont eu une autorisation de la part d'id Software pour le faire.

        Effectivement, ça semble logique pour le coup. Je n'ai pas été très perce, pis casse. Je pense que c'est le passage disant qu'ils sont contents que la distribution large de soft fonctionne bien qui m'a enduit d'erreur.

        En fait la question d'antériorité n'est pas pertinente ici. Seuls comptent les droits délégués par les ayants droit.

        Du coup, il n'est à priori pas possible de faire un jeu proprio à partir du moteur GPL. Ce qui me rassure un peu.

        • [^] # Re: Jeux proprios, moteur GPL.

          Posté par  . Évalué à 10.

          les jeux en question on été développés avant le changement de licence

          Ok, donc soit par les mêmes personnes, soit par des personnes qui ont eu une autorisation de la part d'id Software pour le faire.

          Les jeux sont licenciés.
          Que ce soit avant ou après, ID (zenimax maintenant probablement) est toujours détenteur du copyright et peut le licencier dans les conditions qu'ils veulent y compris sous une licence proprio. Donc ceux qui veulent garder le code qu'ils ont créé à partir d'un moteur d'ID doivent passer à la caisse et licencier le bouzin.

        • [^] # Re: Jeux proprios, moteur GPL.

          Posté par  (Mastodon) . Évalué à 4.

          Une partie des revenus actuels d'ID software consiste à la revente de leurs moteurs.
          Par exemple Doom-3 n'a pas été un succès commercial très impressionnant.
          Mais le moteur derrière mettait une belle claque à tout ce qui existait, et d'autres boîtes ont fait « OK, je te prends ton moteur et je fais un jeu qui marchera mieux commercialement ! ».
          Et ça marche plutôt bien, parce que techniquement, ils sont plutôt bons chez ID Software, donc leurs moteurs ils cartonnent pas mal.

          Yth.

          • [^] # Re: Jeux proprios, moteur GPL.

            Posté par  . Évalué à 1.

            Ça ne sera plus comme ça depuis leur rachat par Zenimax : http://www.tomshardware.com/news/Id-Tech-John-Carmack-Tim-Willits-Doom-4-RAGE,12914.html

          • [^] # Re: Jeux proprios, moteur GPL.

            Posté par  . Évalué à 4.

            Et ça marche plutôt bien, parce que techniquement, ils sont plutôt bons chez ID Software, donc leurs moteurs ils cartonnent pas mal.

            Mais je crois qu'au contraire le moteur de doom3 n'a pas été un succés commercial. C'est le unreal engine qui a tout soufflé. Epic a mis la gomme pour que son moteur soit une vrai plateforme sur laquelle dévelopepr facilement tout type de jeu (intérieur, extérieur) dès le unreal2 et ils ont encore creusé la marge avec le unreal3 et son support de la xbox.
            Pendant ce temps les moteurs d'id sont peut être au top techniquement (et personnellement j'adore les extérieurs des megatexture), mais ils avaient la réputation d'être ardus à modifier (par rapport à l'ue) et id difficile à travailler avec.
            Ils avaient annoncé que le idtech5 serait meilleurs dans ce domaine, notamment qu'il permettrait de travailler facilement sur PC, xbox ET PS3. Le lien ci dessus semble confirmer que c'est rapé et que le problème venait de l'approche trop "technicien génial associal" de carmack.

    • [^] # Re: Jeux proprios, moteur GPL.

      Posté par  . Évalué à -1.

      Je dirais que les jeux sont sortis avant la libération du code, il y a une sorte d'antériorité?
      De plus, qui irait les faire chier pour ça?

    • [^] # Re: Jeux proprios, moteur GPL.

      Posté par  . Évalué à 4.

      dans un jeu vidéo une grosse partie du travail concerne la partie graphique et le scénario du jeu ... ce sont en fait les briques les plus importantes bien plus que le moteur ... pour qu'un jeu fonctionne il faut que le gameplay suive ...

      un jeu avec un bon gameplay et une technique moyenne sera un bon jeu ... le contraire n'est pas vrai ! on a vu de nombreux jeux avec des moteurs supers complexes qui au final ne sont pas du tout intéressants à jouer si ce n'est en multi-joueur ou de toute façon les gamers supprimeront tous les effets graphiques non influants sur le gameplay pour avoir une réactivité maximale ...

  • # Sur GeekDeFrance aussi

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

    J'avais pas vu : GeekDeFrance avait fait un bel article sur le sujet aussi en début d'année.

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