Journal [digression] L'Enfer de la flibuste - le récit inédit d'un pirate français

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oct.
2016

Salut 'nal,
Me permets-tu cette légère digression ? Ici on parle souvent de pirates informatiques, mais connaît-on bien les pirates tout court ? Frantz Olivier, des éditions Anacharsis de Toulouse, s'est dit que non, qu'on leur prêtait trop souvent des rôles ou des idées qui nous plaisent de leur voir, trop affreux ou trop libertaires, et qu'il était difficile de se faire une vraie idée étant donné le peu de témoignages directs qu'ils ont laissés. Or, il a cherché et trouvé dans les archives de la Bibliothèque Nationale de France, un manuscrit resté inédit depuis plus de 150 ans qui raconte, de la plume du quartier maître, les aventures pendant 8 ans, commencées à l'été 1686, d'une équipée de plus de quatre-vingts flibustiers sur les côtes de la Mer du Sud tenues par les espagnols, entre le Mexique, le Chili et des îles perdues.

Et le récit est passionnant et le travail éditorial et de recherche, que l'on devine colossal, mets en contexte tout cela et permet de lever le voile, jusqu'à un certain point, sur l'identité et les intentions de notre flibustier (ce qui ne manque pas de rebondissements). On retrouve bien le folklore que l'on s'imagine: navigation, abordages, avaries, maladies, séjours dans des îles, rencontres avec les indiens, messages laissés dans des carapaces de tortues, guerres entre capitaines, enlèvements, pillages, tractations avec la cour du royaume de France, etc. Mais la vie a l'air sacrément dure. Ils sont constamment à la recherche d'eau, de bois et de nourriture. Ils peuvent passer quatre mois au sol à saler de la viande de bœufs. Un enlèvement, avec demande de rançon, sordide et violent, peut durer jusqu'à six mois.

Le récit de notre flibustier, souvent peu loquace ou taisant le moins reluisant, est recoupé et confirmé par des lettres échangées à terre du côté espagnol, lorsque nos pirates mettaient la côte en état d'alerte maximal, voire par les prisonnier-es relâché-es. Notamment, le récit détaillé de cette demande de rançon de six mois occupe une bonne part du livre.
L'intro et la conclusion nous mettent tout bien en contexte avec la géopolitique de l'époque; la dernière partie se penche sur le retour des pirates, qui veulent rentrer, ce que certains entreprirent une fois rentrés en France, sans oublier un rappel de quelque raisons de se faire flibustier (par exemple, l'esclavage blanc des colonies).

Le tout, de par les tournures de vieux français, est assez drôle et délectable à lire (et reste facile).

Bon vent !

En hommage à la figure mythique d’Anacharsis, barbare éclairé frotté de philosophie et mis à mort par les siens parce qu’il était soupçonné de vouloir pervertir leurs mœurs ; en hommage à tous ceux qui, au fil des siècles, voulant changer d’œil pour observer leurs prochains, l’adoptèrent pour pseudonyme, les Editions Anacharsis se sont donné pour vocation de publier des ouvrages qui rendent compte des rencontres entre cultures.

Il peut s’agir de textes écrits au fil du temps – parfois injustement confinés dans des rôles de « documents » – de récits de voyages, authentiques ou étranges, de témoignages, mais aussi d’essais dont le dénominateur commun est de mettre le lecteur en présence d’un questionnement sur l’altérité.

Se réclamant volontiers de la notion d’exotisme, nos publications invitent à la découverte d’un extérieur aussi bien situé dans le temps que dans l’espace, tout en laissant sa place au plaisir pur de la lecture.

  • # Merci du partage.

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

    À tous les buveurs de tafia et à tous ceux qui choisissent de rester debout.

    En effet, ça donne envie de jeter les deux yeux dessus. J'aime bien ces ambiances. Dans un style plus romancé mais avec toujours sur le thème de la piraterie, j'ai adoré Le Déchronologue de Stéphane Beauverger

    Mort de moi, ces drôles prenaient l’ivrognerie bien au sérieux!

    La réalité, c'est ce qui continue d'exister quand on cesse d'y croire - Philip K. Dick

    • [^] # Re: Merci du partage.

      Posté par  . Évalué à 1. Dernière modification le 05 octobre 2016 à 14:43.

      Cool, merci pour l'idée je vais tenter cette lecture :) (avec le risque de la trouver trop irréelle, maintenant)

  • # Autre témoignage

    Posté par  . Évalué à 8.

    Paru à peu près à la même époque, il y a l'Histoire d'avanturiers qui se sont signalez dans les Indes de Alexandre-Olivier Exquemelin. De mémoire, le texte a été publié en français modernisé chez J'Ai Lu sous le titre Histoire des Frères de la Côte.

    Le texte est passionnant, on y apprend comment boucaner de la viande, à quel dédommagement on a droit en cas de membre tranché lors d'un abordage, comment s'amuser avec des prisonniers inutiles ainsi que l'existence de fruits étranges comme la banane (une sorte de figue allongée).

    • [^] # Re: Autre témoignage

      Posté par  . Évalué à 6.

      Pour ceux qui ont les yeux qui piquent, les photes d'orthographe du titre sont authentiques et ne sont pas le fait de l'auteur du commentaire précédent.

      • [^] # Re: Autre témoignage

        Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 6.

        Enfin surtout ce ne sont pas des fautes d'orthographe mais du vieux français. Un peu comme "La vie et les avantures surprenantes de Robinson Crusoe."

        Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]

        • [^] # Commentaire supprimé

          Posté par  . Évalué à 2.

          Ce commentaire a été supprimé par l’équipe de modération.

          • [^] # Re: Autre témoignage

            Posté par  . Évalué à 8.

            le "signalez" je ne pense pas.

            non ? Sans desconnez ?

            C'est vrai que l'ancien françois a une grammaire assez variable, mais il y a quand même une certaine structure. Le "qui se sont signalez" (à la place du "qui se sont signalé-e-s" que l'on trouverait en français postmoderne), ne me semble pas si étonnant si on se réfère à cela :

            https://fr.wikisource.org/wiki/Grammaire_%C3%A9l%C3%A9mentaire_de_l%E2%80%99ancien_fran%C3%A7ais/Chapitre_4

            Participe passé

            Chantet, chantede (< cantatum, cantatam).

            Le participe est en -iet, -iede quand l’infinitif est en -ier. En picard -iée du féminin se réduit à -ie : despoillie, travaillie, vengie.

            https://fr.wikisource.org/wiki/Grammaire_%C3%A9l%C3%A9mentaire_de_l%E2%80%99ancien_fran%C3%A7ais/Chapitre_3

            T se combinait avec s pour donner z : portus > porz. N + s donne nz : annus > anz ; l + s donne lz : gentilis > gentilz, filius > filz.

            donc signalet => signalets => signalez

            (mais je me trompe peut-être, je ne suis pas expert en ancien français)

            À noter qu'il y a d'autres trucs amusants, par exemple au cas sujet (c.à.d. lorsque le nom n'est pas un cod), on écrit "li chevals" pour le cheval, et "li cheval" pour les chevaux. (Lorsque c'est au cas régime, en complément, c'est l'inverse)

            « Le pouvoir des Tripodes dépendait de la résignation des hommes à l'esclavage. » -- John Christopher

    • [^] # Re: Autre témoignage

      Posté par  . Évalué à 3.

      Oui !!! Ce texte est abondamment cité dans la dernière partie de l'ouvrage et permet d'en savoir plus sur nos flibustiers ! Exquemelin a fait partie d'une expédition royale qui a été montée après que certain(s), de retour en France, tentaient de s'asseoir une position et de repartir, cette fois dans les rangs royaux, en faisant valoir la richesse en informations de ce manuscrit. Exquemelin a très certainement discuté avec au moins deux de nos flibustiers, ce qui nous permet d'éclaircir des zones d'ombres et de recouper certaines choses.

    • [^] # Re: Autre témoignage

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 9.

      En tant qu'ancien navigant au long cours, je confirme la véracité du récit d'Exquemelin et le recommande à toute personne intéressée par le droit maritime et le statut des marins professionnels. Le monde de la flibuste était haut en couleur et délicieusement pittoresque. Cependant le monde maritime d'aujourd'hui est largement aussi violent que jadis ! Bien des marins sont égorgés nuitamment, rançonnés ou retenus prisonnier des années… dans l'indifférence générale. Voir la carte de l'IMB Piracy Reporting Centre pour les zones où sévissent les pirates.

  • # tipiakage

    Posté par  . Évalué à 3.

    c'est bien beau tout ça, mais c'est où qu'on le tipiak ce bouquin ? Qui va payer pour un livre (non libre) sur le piratage, sur un texte libre de droit qui plus est ?

    « Le pouvoir des Tripodes dépendait de la résignation des hommes à l'esclavage. » -- John Christopher

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