Journal RMLL, The Wall et Facebook (partie 2)

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22
juil.
2011

Un peu avant le salon, j'ai pu assister au concert de Roger Waters (ex Pink Floyd) avec le célèbrissime « The Wall » dont il est le principal auteur. Le concert, très sombre, raconte l'histoire de « Pink », un personnage que l'on voit perdre peu à peu le contact avec le monde en se créant un mur (d'où le titre). De la même façon, le mur est créé pendant tout le concert, et finit par séparer le groupe du public. L'œuvre est artistiquement très réussie, parfois avec des effets simples : ainsi pendant « Mother » qui montre sa mère qui l'étouffe, on voit une caméra projetée dans l'écran central qui se dirige vers le public, et met extrêmement mal à l'aise, la chanson de finir sur un « Big Brother is watching you » ou le « Br » de « Brother » est barré pour donner « Mother ».

Là où les choses ont été d'autant plus intéressantes, c'est que le concert a été modernisé : on peut notamment y voir des avions déverser des flots de symboles politiques, religieux, ou de marques qui remplissent le mur. Et Apple est particulièrement visé à un moment : on voit sur une présentation stylisée comme la pub iPod, des tas de personnes avec des écouteurs, on y voit notamment Staline, Bush et Mao, et des mots comme « iBelieve », « iPay ». À travers Apple, on peut sans doute y trouver une attaque contre l'uniformisation, le consumérisme, et l'utilisation actuelle de la technologie qui nous créent nos propres murs individuels.

Et c'est là que j'en viens à Facebook : suite à la dépêche publiée ici, je suis allé au siège de la CNT Vignoles pour assister au débat sur les techniques de management. Le débat était animé par les 2 auteurs du livre « l'Openspace m'a tuer » que je vous recommande chaudement, et un journaliste indépendant (Nicolas Séné) qui a notamment écrit un article que j'avais lu peu avant dans le monde diplo : informaticiens en batterie. Les discussions ont été passionnantes et passionnées, et on se rend compte que les métiers de l'informatique ne sont pas aussi privilégiés qu'on veut bien le croire, et qu'on y trouve de nombreuses atteintes au droit du travail. Ce genre de débat devrait être organisé un peu partout, les travailleurs ne connaissant pas toujours leurs droits, ni les conséquences qu'ont les méthodes de « management » actuelles.

Après le débat, j'ai pu discuter avec un peu tout le monde, et j'ai notamment acheté le nouveau livre de Alexandre des Isnards et Thomas Zuber: « Facebook m'a tuer ». Ce livre est fait sur le même modèle que précédemment : des petites histoires de quelques pages, qui décrivent une situation de tous les jours. Ce qui est intéressant, c'est que ce n'est pas Facebook lui-même qui est attaqué - avec son côté centralisé, aux mains d'intérêts privés, vente d'informations etc - mais plutôt l'usage qu'en font les gens. Je dis Facebook, mais ce n'est qu'un prétexte pour parler des transformations dans nos vies avec les nouvelles technologies : iPhone, Google, Meetic, Géolocalisation, etc.
Chaque histoire nous semble familière : on connaît soit des gens dans ce cas, soit on l'est nous même ; on y retrouve ainsi les 2 amis d'enfances qui n'arrivent plus à se voir malgré tous les moyens de communications mis à leur disposition, les parties de notre vie qui autrefois étaient intimes comme une échographie qu'on met publiquement sur FB, ou la « dictature du bonheur » du couple qui part en vacances, et doit absolument réussir ses vacances photos et bronzage à l'appui, à la limite du reportage.

Ce livre n'apprend rien, mais cet enchaînement d'histoires que l'on sait arriver tous les jours donne à réfléchir. D'autant plus quand on travaille sur un projet qui offre entre autres une alternative à Facebook. La question est maintenant de voir comment se sortir de ce schéma. Facebook a pour but de garder les utilisateurs captifs le plus longtemps possible sur son site, or les outils de communications modernes devraient faciliter le contact humain et réel, pas l'empêcher.

PS : j'ai séparé ce journal en 2 pour en faciliter la lecture, et séparer les réponses éventuelles entre RMLL et The Wall/FB

  • # moef

    Posté par  . Évalué à 7.

    les outils de communications modernes devraient faciliter le contact humain et réel, pas l'empêcher.

    Ca fait un peu cliché quand même, car je vois pas en quoi l'informatique interdirait les rencontres physiques. Par contre elle facilite la mise en relation de personne qui n'ont rien à se dire, et qui se dirait à peine bonjour en IRL, voir les 500 "amis" qu'ont certains...
    L'informatique et même FB permettent de faciliter les communications, mais de quel droit celles en IRL seraient meilleures ? Qui ne sait jamais fait chié dans une boite de nuit bondée où personne ne s'entend et qui n'ont rien à se dire de toute manière ?

    En cela G+ est plus intéressant car il permet de cloisonner facilement ses relations et sa communication, voir d'organiser sa vie IRL lorsqu'il sera connecté avec Google Agenda :)

    Quant aux gens qui se sentent obligé de faire un "publireportage" de leurs vacances forcément réussies, moi je dirais juste, change tout simplement d'"amis" :)

    • [^] # Re: moef

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 7.

      Oui enfin à ce moment tout fait cliché. Je pense qu'il y a une vraie réflexion à avoir sur la création de l'outil. Oui d'accord, c'est d'abord un problème des utilisateurs, mais si tu prends FB, tout est fait pour inciter à dévoiler des infos, rester sur le site, etc. L'exemple qui me vient en tête, c'est les jeux « si tu veux savoir le super truc que jean jacques à dit sur toi, il faut que tu répondes à des trucs sur Gertrude et Marie-Antoinette ». La responsabilité première vient de l'utilisateur, mais l'outil a son importance. L'informatique n'interdit pas les rencontrer IRL, mais ça devient de plus en plus compliqué. J'ai de moins en moins d'amis qui consultent régulièrement leurs courriel, et du coup ça devient compliqué de les joindre (surtout sans téléphone). Et je ne parle même pas des gens qui passent leur soirées sur leur tél dans les bars.

      La boîte de nuit, c'est pas franchement un bon exemple, le but c'est plus de danser et/ou dragouiller que de taper la discut.

      Maintenant le coup des 500 amis qu'on connaît à peine, c'est sûrement vrai dans pas mal de cas, mais il ne faut pas généraliser non plus: si tu voyages un minimum, ou si tu as des amis qui voyagent, tu vas vite avoir des contact difficile à garder, même si tu connais bien les gens. C'est plus facile avec le net.

      L'histoire de G+ j'en ai parlé avec plusieurs personnes aux RMLL: tout le monde s'extasie sur les cercles qui existent depuis longtemps par ailleurs (et qui sont notamment présents dans SàT).

      Le coup des vacances ce n'est pas un exemple perso, mais pris dans le bouquin. Ceci-dit je suis persuadé que beaucoup de mes contacts font pareils; c'est loin d'être un cas isolé, et c'est une évolution des mœurs (on est passé de la photo « exceptionnelle » parfois réservées au passionnés, à la photo témoin de notre vie).

      • [^] # Re: moef

        Posté par  . Évalué à 1.

        J'ai du mal à voir ou tu veux en venir, mais je ne vois pas en quoi une alternative genre "Salut à toi" dont tu es l'auteur si j'ai bien compris, donnerait envie aux gens de communiquer IRL, si tant est que IRL est "mieux"..
        Tu parles des jeux qui poussent les users à rester sur Facebook, ça fait pas un peu cliché genre les jeux vidéos (sur console, PC ou FB peu importe) dé-sociabilise ?
        Moi j'ai pas l'impression que les restaurants et les bars se sont vidés à cause de FB mais bon :) Après ceux qui passent leurs soirées dehors collés à leur smartphone il suffit de les zapper... mais bon j'ai l'impression que beaucoup de gens préfèrent fréquenter des blaireaux que d'avoir un cercle d'amis très restreint :)

        • [^] # Re: moef

          Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.

          Je pense que la façon dont l'outil est présenté, pensé, organisé, influe énormément sur son utilisation. Les groupes (que dans un an tout le monde ne comprendra plus que sous le terme « cercle ») sont un exemple de fonctionnalité qui permet d'éviter naturellement de dévoiler sa vie à tout le monde, quant à l'inverse la gestion des droits est complexe et met le maximum public chez FB.

          Les jeux je ne parle pas des jeux comme tu l'entends, en fait le terme est mal choisi, ce sont des questions qui sont posées sur un ami. La réponse est envoyé à l'ami, mais bloquée, pour la débloquer il faut répondre à des questions sur 2 autres amis, et ainsi de suite... De fil en aiguille tu dévoiles de plus en plus d'infos privées. Je ne sais pas si je suis clair.

          Mais dans les jeux plus classiques, tu peux prendre un farmville (auquel je n'ai jamais joué mais qui est cité dans le bouquin): tu dois - si j'ai bien compris - arroser les champs de tes amis, rester à telle heure pour récupérer des récoltes, etc. Bref, on te pousses à rester devant l'écran.

          Je ne pense pas que les bars se sont vidé uniquement à cause de FB, mais je suis persuadé que ce genre d'outil y contribue. Et encore une fois, FB n'est qu'un exemple pour parler des choses au sens plus large: combien de fois j'ai été interrompu dans une discussion avec un ami parce qu'il a eu un coup de fil. Alors oui on peut réagir comme toi et dire « change d'ami », mais bon je pense quand même que mes amis en valent la peine, et je me contente de leur faire la remarque.

          • [^] # Re: moef

            Posté par  . Évalué à 3.

            Mais dans les jeux plus classiques, tu peux prendre un farmville (auquel je n'ai jamais joué mais qui est cité dans le bouquin): tu dois - si j'ai bien compris - arroser les champs de tes amis, rester à telle heure pour récupérer des récoltes, etc. Bref, on te pousses à rester devant l'écran.

            Il y avait un article très intéressant dans CanardPC n°217 sur ces "jeux sociaux" de Facebook qui n'ont de "sociaux" que le nom. Il ne s'agit pas de jouer ensemble avec ses amis mais de pousser ses amis à jouer pour que le jeu aie plus de clients potent... enfin de joueurs. Les entreprises (comme Zynga) derrière ces jeux ont en plus des pratiques très douteuses. (L'article était disponible pendant un moment, je l'ai en PDF si cela intéresse quelqu'un)

          • [^] # Re: moef

            Posté par  . Évalué à 4.

            Les jeux je ne parle pas des jeux comme tu l'entends, en fait le terme est mal choisi, ce sont des questions qui sont posées sur un ami. La réponse est envoyé à l'ami, mais bloquée, pour la débloquer il faut répondre à des questions sur 2 autres amis, et ainsi de suite... De fil en aiguille tu dévoiles de plus en plus d'infos privées. Je ne sais pas si je suis clair.

            Je vois très bien, et c'est pire que ce tu dis car pour débloquer la réponse faite sur soit, il faut soit répondre à son tour à 1 question sur plusieurs amis (viral) soit payer des crédits pour lire la réponse ... Et la réponse est sur une question générée par le jeu aussi débile que "Ferais tu pipi sur machin s'il était en feu ?" ....

            Cependant si tu proposes un réseau social alternatif et même libre, en quoi tu pourrais empêcher la même chose surtout s'il est décentralisé ?

            Je vois bien que tu essayes de faire reposer la faute sur l'outil, mais c'est pour moi la même chose que les émissions débiles type secret story, personne n'est obligé à les regarder et l'on peut zapper sur Arte. Après c'est sur il faut vraiment une alternative libre à Facebook pour pouvoir zapper :)

            • [^] # Re: moef

              Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 1.

              Cependant si tu proposes un réseau social alternatif et même libre, en quoi tu pourrais empêcher la même chose surtout s'il est décentralisé ?

              En fait c'est surtout une réflexion, je ne veux pas « empêcher », parce que ce serait pire (et contraire aux principes du Libre), mais je pense qu'en tant que concepteurs, on a une responsabilité.

              Je ne veux pas mettre toute la faute sur l'outil, mais je pense qu'il joue un rôle important. La télé-réalité c'est souvent par fainéantise intellectuelle (ou voyeurisme), mais il y a aussi une histoire de proportion, de pression sociale. Tu as 20 émissions débiles pour un truc intéressant à la télé, il faut faire un effort pour trouver des choses intéressantes.

              • [^] # Re: moef

                Posté par  . Évalué à 1.

                il faut faire un effort pour trouver des choses intéressantes.

                Bin oui mais si les gens ne veulent pas faire d'effort, ils ont ce qu'ils cherchent.

      • [^] # Re: moef

        Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.

        on est passé de la photo « exceptionnelle » parfois réservées au passionnés, à la photo témoin de notre vie

        Tu n'as sans doute pas lu Un art moyen pour dire ça, ça fait bien longtemps que c'est déjà le cas...
        Pour rappel, l'APN n'a pas plus inventé la photographie populaire que l'iPod le walkman baladeur (et, partant, les pratiques associées).

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