Journal Les états d'âme d'OpenAcadémie, épisode 2

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23
2
août
2021

Sommaire

Après vous avoir présenté les prémisses, voici maintenant la description des années où notre démarche a explosé au grand jour.

2013 : le premier concours Impulsions proposé par le ministère de l'Éducation

Le ministère a invité, vers le début de cette année, tous ses personnels à présenter dans un dossier leurs idées innovantes pour, au choix, améliorer le service rendu à l'usager, ou pour améliorer les conditions de travail des personnels.

Ndoyi a souhaité que nous participions, pour présenter le concept même que nous défendons : l'exploitation par l'établissement public, de manière autonome, de données déjà disponibles, permettant une gestion plus efficace, plus précise, moins chronophage et, partant, assurant un service de grande qualité aux élèves.

L'angle d'attaque était donc de célébrer la puissance du concept d'application de gestion de bases de données, de dire que c'était à porté de main des personnels des collèges et lycées, et d'en offrir une démonstration par l'appli la plus avancée à ce moment-là, GemaSCO (gestion des manuels scolaires).

Ca a marché, et notre équipe a été récompensée au niveau académique, avec de vifs remerciements de la rectrice et du secrétariat général. Lors de la petite fête de remise des prix, nous avons été un peu abasourdis par un membre de la DSI du rectorat qui, n'ayant visiblement rien compris à notre souci d'empowerment, nous disait que bientôt tout serait centralisé à merveille dans les serveurs du rectorat (on attend toujours…). Mais à ce stade, c'était tout à fait cordial. Bon, naturellement, au lendemain de la réception, tout le monde avait oublié les concepts d'amélioration du service rendu ou des conditions de travail.

2014 : sérendipité dans la lecture et le grand saut interministériel

Drôle d'habitude qu'a prise cet intendant zonard de lire plein de trucs pas écrits pour lui, et qu'il ne comprend pas toujours au-delà de 10 % de ce qu'ils racontent… Était-ce dans une revue de presse de l'April publiée dans linuxfr.org, sinon où ? En tout cas en novembre 2014, la lecture de cette entrevue avec M. Thierry Mandon, alors secrétaire d'État en charge de la Réforme de l'État a entraîné bien des choses.

Le zonard l'a signalé à Ndoyi en pensant que ça l'intéresserait, oh que oui ! Le compère s'est mis à faire des bonds partout, en disant qu'il fallait absolument prendre contact avec le secrétaire d'État. Ca ne semblait pas d'une grande évidence d'aller embêter un ministre, mais il a tenté sa chance, et obtenu une touche : nous avons été repérés et pris sous son aile réconfortante par M. Pierre Pezziardi, alors "entrepreneur en résidence" au SGMAP dirigé par M. Henri Verdier.

Pour Ndoyi, ça a été une épiphanie, enfin des gens cherchant comme lui à véritablement changer les choses par en bas, par l'outil numérique, pour échapper à la médiocrité. Pour l'intendant zonard, enfin il n'était plus seul à casser les pieds à tout le monde avec le concept de logiciel libre. Bref, on a fini par s'intituler OpenAcadémie, start-up d'État.

2015 : premier prix national au deuxième concours Impulsions

Parallèlement le développement continuait, et en particulier sur un projet qui allait tout changer : MobiliSCO, logiciel de pilotage des voyages scolaires. Il faut savoir que, lorsque des gestionnaires de collège et lycée se rencontrent, environ 60 % de leurs échanges sont accaparés par ce seul sujet pourri…

Armés d'une application déjà dans sa quatrième version, et qui commençait à fournir du bon travail, nous avons recruté une équipe académique renforcée, avec trois collègues reconnues à Créteil pour leur maîtrise juridique du sujet. Et tout ensemble, on a troussé un dossier de présentation vidéo bien enlevé, qui a passé tous les filtres : on s'est vu remettre le premier prix national de l'innovation des mains de notre propre ministre.

Instruits par l'expérience, nous savions que si nous ne couinions pas fortement, on nous oublierait avant que le soleil se soit couché ce soir-là. On a fait notre maximum pour exploiter notre avantage, mais ça n'a pas donné grand chose. Un exemple : pour MobiliSCO, nous voulions connecter l'application au logiciel comptable que nous utilisons. Nous avons demandé au ministère les spécifications du fichier que nous devions produire pour y intégrer des informations, et après trois demandes par trois canaux différents, ce fut un refus ! Des informations qui sont communiquées libéralement à tout entrepreneur annonçant qu'il veut vendre cher un logiciel à nos établissements… Bref, devoir faire de l'ingénierie inverse nous a fait perdre un an mais on l'a fait quand même, et paf.

2016 : un soutien concret du SGMAP pour un nouveau départ, l'application Bourse

Constatant le blocage complet auquel nous devions faire face dans notre propre administration, le SGMAP a consenti un effort inhabituel, et nous a affecté un peu de temps de travail d'un stagiaire en ses murs, Eytan. Il a assuré une réécriture complète de GemaSCO (gestion des manuels scolaires), avec toutes les bonnes pratiques des vrais informaticiens, un code propre et commenté, une interface raisonnablement épurée, et des trucs qu'on était parfaitement incapables de faire, comme un premier tracker permettant de compter les utilisateurs de nos solutions.

Une première version du site d'OpenAcadémie a été publiée, pour présenter la démarche, les outils et ceux qui les faisaient vivre.

Puis au SGMAP, nous avons rencontré Héla Ghariani, qui entant que parent d'élève, s'était effondrée devant l'arriération du dispositif de demande de bourse en collège. Ayant travaillé sur l'open data des services fiscaux, elle a proposé puis réalisé, entre trois autres missions, un système de demande de bourse en ligne.

2016-2017 : franche hostilité de notre tutelle

Un logiciel efficace et plébiscité par les parents d'élèves testeurs pour des bourses dématérialisées ? Qu'avions-nous fait là ? Une catastrophique erreur ! C'est que nous ne pouvions pas le savoir, mais un projet de logiciel en ligne pour les bourses était en cours de développement au ministère. Oh, ça ne faisait pas beaucoup plus de cinq ans, et ça n'avait coûté que quelques centaines de milliers d'euros…

En tout cas, "à cause" du bidule fabriqué en quelques jours par Héla et qui marchait parfaitement, nous avons été identifiés comme une tumeur à exterminer. Nous avons reçu l'ordre comminatoire de cesser toute expérimentation, les rectorats ont menacé les chefs d'établissement qui persisteraient à exploiter notre outil des pires sévices. Le téléservice bourses du MEN a été déployé et imposé dans la précipitation, et on a vu le résultat… avec souvent 25 % de demandes de bourse en moins. Améliorer le service rendu à l'usager…

Nous avons tenté une réplique de la dernière chance par le "grand public", foutu pour foutu, en tentant d'intéresser la presse généraliste avec la pétition "manifeste agile pour l'Éducation", qui fut l'occasion de la première dépêche de votre serviteur dans les colonnes de linuxfr. Malgré l'aimable accueil qui nous a été fait ici, pour le reste ça n'a rien donné, nous avons plafonné à un misérable 300 signatures et on en est restés là.

  • # On SAIT qu'il y a une suite !

    Posté par  . Évalué à 7.

    Histoire haute en rebondissement, très bien racontée, merci.

    Vu le site actuel, j'ai l'impression que l'histoire n'est pas terminée ;)

    Par contre, je me suis permis de voir que l'image de fond de la page d'accueil n'est pas optimisée : elle fait 434ko, et après un passage à l'optimisateur (sans perte), j'obtiens 394ko. YOGA peut être un bon client ? En tout cas, pour une connexion comme la mienne actuellement, ça fait une différence.

    Mais le mot de la fin, ce sera mes félicitations pour ce courage et cette ténacité dont vous avez fait preuves pendant cette navigation en haute mer sans instrument. Bravo !

    • [^] # Re: On SAIT qu'il y a une suite !

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

      Bien vu, l'optimisation avec YOGA. J'avais relayé la récente dépêche linuxfr sur mon site, et surtout cherché ce que je pouvais en faire pour mon établissement… sans me l'appliquer à mes petites activités périphériques !

      Bon, je viens de lancer le calcul, ça sera en ligne un peu plus tard, hein… ;)

      Intendant, donc méchant, mais libre !

    • [^] # Re: On SAIT qu'il y a une suite !

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.

      Je n'avais pas vu arriver la suite, merci pour ce commentaire sans lequel je n'aurais pas vu de si tôt.
      Eh beh, c'est une claque de voir tous les rebondissements qu'il y a eu même si je ne suis pas vraiment surpris connaissant les volontés politiques et leur grandiose hypocrisie.

      “It is seldom that liberty of any kind is lost all at once.” ― David Hume

  • # Application bourse?

    Posté par  . Évalué à 7.

    Bonjour,

    Quel était cette application bourse "efficace et plébiscitée"? Je n'en ai pas entendu parler. Comment était-elle développée? Que gérait-elle? Comment s'interfaçait-elle avec les portails d'authentification (Aten)?

    • [^] # Re: Application bourse?

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

      C'était un prototype pour lequel le SGMAP avait obtenu de haute lutte un instant de tolérance de la part du MEN. On l'a proposé dans quelques collèges, et les retours étaient dithyrambiques. Ca a été fait, semble-t-il, en très peu de temps, à partir de briques logicielles déjà existantes alors pour OpenFisca.

      Le fait principal, c'était de demander au parent d'élève son numéro fiscal, et puis plus rien d'autre ! Il n'en faut pas plus en effet pour accorder une bourse de collège : nombre de parts fiscales et revenu fiscal de référence.

      Ensuite tu poses la question qui tue : mais pourquoi donc bon sang de bois de scrogneugneu faudrait-il une authentification pour cela !? Notre système de bourse consistait seulement à dire "je suis le numéro fiscal 123456789 et mon enfant Kévin Dugenou est dans votre collège, donnez-moi la bourse à laquelle j'ai droit". On pouvait à la rigueur imaginer un tiers ayant réussi à mettre la main sur le numéro fiscal d'une personne, et… ne pouvant rien en faire d'autre que de faire la demande à la place de cette personne, mais rien d'autre. Ensuite il y avait le sujet des coordonnées bancaires où se faire virer la bourse, mais ça dans tous les cas à l'intendance on doit en faire une vérification.

      Le machin du MEN, généralisé depuis, au contraire, repose sur une identification préalable du parent d'élève. La procédure est compliquée, peu ergonomique, et elle repose sur le courriel : sans même évoquer les blaguounettes amusantes comme le traitement en spam de ce que l'application nationale envoie par tout un tas de serveurs de courriel, ce média est éloigné des pratiques des familles en difficulté sociales. Les parents ne s'en sortent pas avec, et immanquablement, depuis que ce bouzin est imposé partout, il y a deux situations : soit l'établissement fait tout le boulot et notamment conserve une campagne massive sur papier ; soit le taux de boursiers prend une grosse claque.

      Intendant, donc méchant, mais libre !

      • [^] # Re: Application bourse?

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

        Il y aurait peut-être encore moyen d’améliorer la chose : considérant les nécessités de sécurisation, imposer le chiffrement des courriels avec gpg, ou mieux encore avec une solution privatrice sécurisée grâce à des mécanismes obscurs. Ça pourrait vraisemblablement économiser encore quelques bourses. Non ?

        « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

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