Journal [HS] Récits du progrès. Agriculture bio, conventionnelle, récit du progrès et politique

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oct.
2025

Ici on aime bien la technique, dans le cadre de l'informatique évidemment. On est pas toujours d'accord sur ce à quoi ça sert ou sur son futur, ou s'il faut aller sur l'IA, si c'est de toute façon inévitable ou si c'est une catastrophe sur laquelle il faut lutter.

Il y a évidemment une ligne de fracture d'ordre politique. On raconte pas la même histoire suivant si on est promoteur de l'IA (l'IA c'est top l'IAG géniale est inévitable le seul risque c'est qu'elle nous détruise donc faut absolument investir à donf est un récit possible) ou sceptiques, ou "pragmatique" (c'est un outil, défois ça sert faut essayer et juger sur pièce). C'est pas une spécificité de l'informatique évidemment, il y a des récits aussi dans l'agriculture et des visions complètement différentes.

J'introduis ça pour parler d'une guerre de récit qui a lieux sur Youtube autour de l'agriculture et des différents modèle. Il y a un discours sur le conventionnel qu'on connaît bien : l'agriculture traditionnelle, c'était des famines, regardez la famine en Irlande. Le conventionnel nous a sauvé de tout ça grâce au progrès, les pesticides, la lutte de l'homme contre la nature envahissante et sauvage, hostile, par la connaissance et la technique. La civilisation quoi. Et le bio serait donc un truc de passéiste rétrograde obscurantistes antiscience. C'est prouvé. Le bio c'est pour vous arnaquer. Bref, que des qualités quoi, en plus ça utilise du cuivre qui est toxique pour les sols. Refuser le conventionnel ne serait pas rationnel, simplement idéologique. Les études sur la santé qui soutiennent le bio souffriraient de biais ignorés par leurs auteurs et seraient donc pétées et irrationnelles.

C'est un discours bien vivant aujourd'hui, on peut l'entendre sur Youtube par exemple avec un Youtubeur à 150k abonnés, et une vidéo titrée "🥕 Le MENSONGE généralisé du Bio ! Agriculture, prix, pesticides…. ☠️"1 (80k vues). Et a priori qui fait sa vidéo sans être rémunéré par un lobby.

Et puis il y a un discours différent : La plupart des arguments antibio sont mal informés, faux. L'agriculture du passé c'est pas du tout ce qui est présenté dans le récit progressiste. Les arguments pour le bio ne sont pas moins basés sur la science que les autres. La famine en irlande était avant tout idéologique : la monoculture de pomme de terre était déjà imposée à l'époque, et il y aurait eu moyen de nourrir les gens … si les gens de l'île avait daigné le faire. Seulement ils voyaient les irlandais comme des sauvages qui allaient proliférer (et potentiellement grand remplacer), limite la famine est bienvenue … Les problèmes de famines n'en sont pas vraiment aujourd'hui parce qu'on surproduit, etc. Les impacts sur l'environnement sont importants à prendre en compte.

Un discours qui assume à la fois son côté politique et se veut basé sur la connaissance et la science.

C'est aussi un discours vivant, tenu par exemple par cette vidéo en réponse par un autre vidéaste, l'Argumentarium (un peu moins d'abonnés, 26k) dans une vidéo de réponse 2 (21k vues pour la vidéo).

Qui indique que la première vidéo prétend donner des sources mais … ne fait pas spécialement mieux qu'un chatbot qui les détournerait ou citerait des sources qui ne soutiennent en fait pas le propos voire montreraient l'inverse. Que les sources sur l'intérêt du bio, sur la santé par exemple, existent, et sont parfaitement au courant des biais style variable confondantes comme "acheteur de bio => pouvoir d'achat et capital culturel important, accès aux soins et aux conseil nutritionnels" et tentent de les neutraliser. Les chasseurs cueilleurs ne vivaient pas si mal. La technique n'est pas quelque chose de purement rationnel par nature mais son utilisation ou pas peut être un choix politique à soumettre lui même à l'exercice de la rationalité de l'utiliser … Et ce n'est pas parce qu'on prétend que son discours est purement rationnel et dépolitisé pragmatiquement que c'est le cas. Le bio pourrait-il être un progrès

Ça fait un peu échos aux problématiques de la loi Duplomb cet été, qu'on a un peu évoqué ici cet été dans les liens, je rebondis là dessus. Ce qui est peut être intéressant ici, pour éventuellement lancer une discussion, c'est de voir si on a identifié les différents discours autour de l'IA qui transpirent sur le site lors des débats. Parfois on a des commentaires qui sont très laconique et ou on sent qu'il y a un récit derrière, mais les commentateurs semblent ne jamais réellement expliciter les sous-entendus (à croire que ça devrait être évident pour tous). Et la conception du progrès sous-jacente.

  • # .

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5 (+3/-0). Dernière modification le 04 octobre 2025 à 18:38.

    Une difficulté est que le récit semble prendre largement le pas sur les faits. Les politiques ont toujours joué à ce jeu, mais désormais les média s'y consacrent aussi. Par mimétisme, ou par facilité, ou peut être parce que simplement plus de gens se rendent audibles, les foules s’engouffrent dans la tendance.

    Le présent site, fréquenté par tant d'experts multi-domaines aux avis définitifs, n'y échappe pas non plus.

    Adhérer à l'April, ça vous tente ?

    • [^] # Re: .

      Posté par  . Évalué à 3 (+1/-1).

      Difficile de totalement se départir d'un schéma de pensée (induit par un récit) et être totalement "objectif" sur des sujets complexes.

      Insister sur "des faits", paradoxalement, peut tout à fait s'incarner très bien dans le cadre d'un récit particulier, il suffit d'être très assertif et de n'avoir qu'une vue partielle de la situation. On peut par exemple souvent entendre "oui mais factuellement, les chiffres du chômage ??". C'est peut être un fait, mais c'est inscrit dans le cadre d'un récit : le travail c'est fondamental, émancipateur et ultimement ça fait progresser la société par exemple, ça donne du fromage et du jambon aux français. Et tu trouvera certainement des "faits" pour rationaliser ce discours. Il y a d'autres points de vues sur le travail qui pourraient avoir des éclairages et des manières de mesurer différentes.

      • [^] # Re: .

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4 (+2/-0).

        ça fait progresser la société par exemple, ça donne du fromage et du jambon aux français.

        ah bah, c'est pour ça que les végans crèvent la dalle !

      • [^] # Re: .

        Posté par  . Évalué à 2 (+1/-0).

        Parler des chiffres du chômage, ce n'est que parler de chiffres calculé selon une méthodologie particulière.

        Ça ne présuppose rien sur ce que tu mentionne ensuite : travail épanouissant ou non, critiquer le travail, etc ; Ce qui veut aussi dire qu'on peut faire le "récit" qu'on veut, dans le sens qu'on veut.

        Par moment, ce n'est pas qu'une histoire de "récit". il faut recadrer les choses et les remettre un peu à leur place, démontrer les arguments fallacieux, etc.

        Bref, au final, tout ce débat c'est plus à propos de la rhétorique et de l'éloquence que simplement de "récit".

        • [^] # Re: .

          Posté par  . Évalué à 3 (+1/-1).

          C'est pareil pour la rhétorique et l'éloquence. Ça indique une certaine manière de pensée (ou arrière pensée) qui va orienter le discours. Quel est telle ou telle valeur ou objectif plus ou moins non dit qui va orienter la manière dont on présente les choses, dont on choisit les chiffres qu'on va présenter (ou les trucs qu'on va étudier), ou même ce qu'on va mesurer et comment ?

          Après oui bien sûr il peut y avoir du mensonge ou de l'aveuglement là dedans. Le discours sur le réchauffement climatique par exemple de la part des pétroliers ça a été "enterrez la science" depuis de début. Mais encore aujourd'hui il y a des valeurs qui transparaissent là dessus, au delà des intérêts financiers évidemment, la compétition généralisée et le "si c'est pas nous qui cramons ce pétrole, c'est d'autres" qui vont au delà et qui sont vraiment révélateur d'une manière de pensée.

  • # En France on a la FNSEA

    Posté par  . Évalué à 10 (+13/-0).

    L'auteur de la première vidéo dit lui-même que sa vidéo est pourrie : " j'ai clairement chier (sic) dans la colle avec cette vidéo ". Sur YT c'est simple, plus c'est polémique plus ça rapporte à l'éditeur. Pas la peine de s'attarder sur ces contenus :).

    En France, on a un truc sympa, la FNSEA, qui pousse fort sur la zootechnie et l'agriculture pétrochimique (ce qu'on appelle étrangement l'agriculture "conventionnelle"). Parcourir vite fait la page Wikipedia permet déjà de se faire une idée du débat dont tu parles.

    Par ailleurs, c'est un peu curieux d'opposer "biologique" et "technique"… Comme si c'était un truc d'ignare d'avoir une exploitation qui respecte le cahier des charges AB. C'est du taf, de la précision, des savoirs différents, mais certainement pas un truc spécieux comme la biodynamie.

    J'en profite pour poser un lien : Le site de la mission Agrobiosciences de l'INRAE a pas mal de textes et vidéos sur plein de sujets autour du vivant et de l'agriculture biologique.

  • # Ceci est-il un journal sur le cyclisme?

    Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 8 (+5/-0).

    Parfois on a des commentaires qui sont très laconique et ou on sent qu'il y a un récit derrière, mais les commentateurs semblent ne jamais réellement expliciter les sous-entendus (à croire que ça devrait être évident pour tous). Et la conception du progrès sous-jacente.

    OK je peux essayer de mon côté.

    L'informatique est un truc incroyable. Les ordinateurs dépassent déjà les capacités des humains dans plein de domaines. Ils font des calculs super rapidement et de façon fiable. Ils permettent d'automatiser tout un tas de choses et de remplacer des métiers pénibles et sans intérêt.

    L'informatique personnelle, en particulier, est intéressante. Elle met cet outil dans les mains de tout le monde, et à chacun de décider ce qu'il en fait. Cela remonte par exemple au travail de Douglas Engelbart avec une réflexion sur l'humain augmenté par l'informatique. Comment créer un système qui exploite au mieux les capacités de l'humain (analyse de haut niveau, connexion de différents concepts, etc) et de l'ordinateur (manipulation de grande quantité de données, calculs très rapides, …), pour que les deux travaillent en tandem et soient le plus efficaces possible.

    Sur cette base, on a deux façons de voir les choses pour la suite. Soit l'humain a le contrôle et la machine exécute. C'est l'utilisation classique d'un ordinateur. On le programme (de tout un tas de façons) et il fait ce qu'on lui demande. Steve Jobs utilisait l'image de "un vélo pour l'esprit". Un vélo, c'est un truc relativement simple à prendre en main, et qui permet d'aller 10 fois plus vite qu'à pied, à faible coût. Un ordinateur, ça pourrait être l'équivalent de ça.

    Mais il y a une autre façon de voir les choses qui apparaît de plus en plus. Maintenant, c'est l'ordinateur qui a le contrôle. ça a commencé par des contraintes dans les administration comme refuser la lettre Ñ dans les prénoms parce qu'on ne savait pas l'encoder. Ce sont les chauffeurs Uber (et livreurs de repas, etc) qui reçoivent des courses à faire directement sur leur terminal sans pouvoir intervenir. Ce sont les algorithmes des réseaux sociaux qui décident ce que les gens voient ou pas.

    De quel côté se place l'intelligence artificielle? Si la vision est celle d'une AGI qui va prendre le contrôle du monde, régler le problème du changement climatique, soigner le cancer, etc, on est clairement du deuxième côté. Quand on voit les ressources allouées (en consommation électrique, consommation d'eau, émissions de CO2) qui nous font encore perdre du temps dans la tentative de limiter les effets du changement climatique, on arrive carrément dans un "rien à faire des humains, c'est pas grave". Et on a aussi les travailleurs du clic sous-payés qui participent à l'entraînement de ces IA en catégorisant les données ou en vérifiant ce qui est généré, dont on parle très peu. Eux aussi ils sont clairement du mauvais côté: devant un ordinateur qui leur propose toute la journée des textes à vérifier, avec une pression pour donner des réponses toujours plus rapidement et donc de moins en moins fiables.

    D'un autre côté, l'IA pourrait permettre de rendre plus facile l'utilisation d'un ordinateur sans apprentissage. Comme les roulettes sur un vélo. Mais là ça ressemble plutôt à un gros SUV avec un pilote automatique qui marche seulement 90% du temps. Et ce n'est pas du tout la même chose en termes d'infrastructures, au point peut-être de rendre les choses invivables, ou même dangereuses, pour les cyclistes. Et pour les autres aussi, en fait, ils ne sont pas invincibles lors d'un accident, et ils vont avoir moins d'activité (physique dans le cas de la voiture, mentale dans le cas de l'IA) ce qui n'est pas bon pour la santé.

    Il y a sûrement d'autres façons de développer les choses, par exemple, quel serait l'équivalent IA d'un réseau de transports en commun dense et avec une bonne desserte, qui transporterait autant de monde pour moins cher? Est-ce qu'il existe des vélos à assistance électrique?

    • [^] # Re: Ceci est-il un journal sur le cyclisme?

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3 (+1/-0).

      Maintenant, c'est l'ordinateur qui a le contrôle.

      Aidé en cela par du logiciel, écrit par des humains (ou plus largement des organisations), managés par des cadres, et dans le cas des applications relativement capitalistes que tu décris, orientés par des actionnaires. L'autonomie de la machine est relative (même si l'actionnaire ne sait pas toujours ce qui va être exécuté dans les détails).

      Adhérer à l'April, ça vous tente ?

      • [^] # Re: Ceci est-il un journal sur le cyclisme?

        Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 5 (+2/-0).

        Oui bien sûr, quand j'écris "l'ordinateur a le contrôle" c'est d'un point de vue très local, dans le contexte de l'interface humain-machine.

        Ça peut être un truc tout simple comme la différence une ligne de commande (on tape une commande, on reçoit une réponse; l'humain a toujours l'initiative) par un système basé sur des notifications (vous avez des e-mails, une réunion qui démarre dans 10 minutes, un téléchargement qui s'est terminé, 17 personnes qui ont visité votre profil linkedin; c'est le logiciel qui a l'initiative de lancer une action).

        À un niveau plus large, c'est utilisé comme un outil d'asservissement des humains, par d'autres humains. En fait il y a toujours quelqu'un qui a la main sur ce qui se passe dans votre ordinateur, mais ça n'est plus vous, c'est quelqu'un d'autre. On peut alors se dire qu'il y aura des gens qui seront du bon côté de la machine, et tout faire pour en être. Ou alors on peut faire de son mieux pour que personne ne se retrouve du mauvais côté, même si notre vie sera un petit peu moins confortable.

  • # The bright side of life

    Posté par  . Évalué à 1 (+0/-1).

    1. c'est qu'ils n'ont que 80k abonnés. Rien du tout en somme (résumé grossier, garanti sans IA, car fait main. Mais sur 8Mds environ, dont une bonne moitié environ sur Internet)
    2. et que sur YT, comme ailleurs, y'a des trucs beaucoup plus funky (ouah, 19 ans ce truc voire même plus) que ces sornettes à la noix.

    Mais je comprends tout à fait ton énervement:

    1. moi, ça m'arrive assez souvent.
    2. et en plus, on est loin d'avoir fait le tour du pb tant il est énorme: PAC, Mosanto, FNSEA, vache folle, DT etc

    Ce qui est peut être intéressant ici, pour éventuellement lancer une discussion, c'est de voir si on a identifié les différents discours autour de l'IA qui transpirent sur le site lors des débats. Parfois on a des commentaires qui sont très laconique et ou on sent qu'il y a un récit derrière, mais les commentateurs semblent ne jamais réellement expliciter les sous-entendus (à croire que ça devrait être évident pour tous). Et la conception du progrès sous-jacente

    Faut faire un autre journal ;)

    "Si tous les cons volaient, il ferait nuit" F. Dard

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