Derrière ce titre trompeur laissant penser à de super nouvelles fraîches spectaculaires et en 140 caractères ou moins, il s'agit en fait du troisième épisode d'une série de dépêches commencée en 2012 (et plutôt pas mal mise en pause en 2012 aussi). Bref l'idée est de refaire un petit point sur le sujet/la problématique du vote électronique.
Dans la seconde partie de la dépêche, il sera notamment question de diverses actualités sur des scrutins électroniques, institutionnels ou non, par ordinateurs de vote ou par Internet, en France ou à l'étranger.
Sommaire
- Papiers scientifiques
- Vote électronique hors scrutins institutionnels en France
- Les scrutins institutionnels français avec vote électronique
- Plus ou moins hors sujet
Papiers scientifiques
- Revue Pour la science n°458 de décembre 2015 avec un article de Gilles Dowek « Homo sapiens informaticus - L'isoloir, plus démocratique que le vote électronique » et un chapo « Les critères indispensables pour un vote démocratique sont le secret du vote et la vérifiabilité du comptage des votes. Le vote électronique ne remplit pas ces deux conditions. »
- Revue Helios, un logiciel libre de vote électronique évoquant dans le numéro d'octobre 2015 de La Recherche (n° 504) un article de Véronique Cortier de 5 pages sur la sécurité du vote électronique
- Livre collectif Le Vote électronique, aux éditions Lextenso co-dirigé par Gilles J. Guglielmi et Olivier Ihl, l’IEP de Grenoble et le CDPC de Paris-2 (ISBN : 978-2-275-04466-8 ; EAN13 : 9782275044668 ; Date de parution : 03/2015 ; 334 pages ; 44 €) [NdA : je ne l'ai pas lu et je n'ai pas d'action chez l'éditeur]
- Journal Mathématiques du vote évoquant une conférence de novembre 2013 intitulée "Démocratie, dictature… et mathématiques" au Musée des Arts et Métiers, sur les différents systèmes de vote (voir aussi le théorème d'impossibilité d'Arrow)
- Ancien papier scientifique Vote électronique et preuve papier par Chantal Enguehard en 2007
Vote électronique hors scrutins institutionnels en France
Scrutins institutionnels hors France
Une liste non exhaustive concernant les scrutins institutionnels hors France (ordre ante chronologique) :
- Journal LinuxFr.org : L'ordinateur qui a effacé cinq voix sur un bug de vote électronique au parlement valaisan (Suisse) ayant inversé le résultat du scrutin suite à 5 voix effacées (novembre 2015) ;
- Colloque de la fondation CAESAR « Les perspectives du vote électronique et par correspondance pour la diaspora roumaine » à l'ambassade de Roumanie à Paris : ma présentation Vote électronique : révolution participative ou illusion démocratique ? (31 octobre 2015) ;
- Articles Numerama : Il démontre des failles du vote électronique : sa maison perquisitionnée et Un activiste poursuivi pour avoir dénoncé un vote électronique mal sécurisé (système Magic Software Argentina utilisé par la mairie de Buenos Aires, Argentine) (juillet et août 2015) ;
- Journal LinuxFr.org : "La machine à voter que tout le monde peut tripatouiller" traitant d'une étude de la "Virginia Information Technology Agency" aux États-Unis, sur la sécurité exécrable des ordinateurs de vote AVS WINVote, qui ont donc perdu leur certification (avril 2015) ;
- Article Numerama : La Suisse pourrait imposer l’open-source pour le vote électronique (septembre 2015) ;
- Article Numerama : La Norvège dit non au vote électronique, trop risqué (juin 2014) ;
- Article Le Soir : Des résultats incomplets dus à un bug: «C’est la mort du vote électronique», dit Maingain en Belgique : « Un bug informatique ne permet pas de comptabiliser les voix de préférence notamment à Bruxelles. » (article Numerama) (mai 2014) ;
- L'Estonie publie le code source de son système de vote électronique sur Github sous licence CC By Nc ND (articles Next INpact et ERR.ee) (juillet 2013) ;
- Article Le Matin : Le système de e-voting genevois piraté, et le «Fuck» en guise de message d’erreur en Suisse (juillet 2013) ;
- Article ConnectionIvoirienne : réaction de l'opposition à la proposition du président de Côte d'Ivoire d'instaurer du vote électronique, «Le vote électronique coûte plus cher et n’est pas transparent» (mai 2013) ;
- Article Atelier des médias RFI : Kenya : l'échec du système du vote électronique découle d'une élection mal préparée (mars 2013)
- Article Numerama : En Floride, une tentative de fraude au vote électronique a été neutralisée (mars 2013) ;
- Articles Ars Technica (octobre et novembre 2012) :
- The Michigan fight song and four other reasons to avoid Internet voting
- Internet-based and open source: How e-voting works around the globe (Brésil, Australie, Estonie et Espagne)
- Article Numerama : Le vote électronique sévèrement critiqué dans une étude menée aux États-Unis (juillet 2012).
Scrutins non institutionnels
Une liste non exhaustive concernant les scrutins non institutionnels en France (ordre ante chronologique) :
- émission 14:42 Next INpact/Arrêt Sur Images « Le vote électronique et ses enjeux », retranscrite par l'April, principalement sur le scrutin interne de l'UMP et les scrutins des Français à l'étranger (novembre 2014) ;
- Au sein du parti politique feu-UMP/Les Républicains : dépêche Les primaires parisiennes de l'UMP par internet, journal primaire UMP à Paris : le vote électronique est "ultra-sécurisé" (mai 2013) et plus récemment pour sa présidence Le début de la fin du vote électronique (novembre 2014), et quel bilan ! ;
- Une délibération CNIL a adressé un avertissement public à Total Raffinage Marketing concernant un vote électronique pour les élections professionnelles, pour des défauts de sécurité (article Next INpact et droit de réponse d'Election-Europe) (avril 2013) ;
- Journal sur l'élection par internet des représentants des salariés des TPE (Très Petites Entreprises) (décembre 2012).
Les scrutins institutionnels français avec vote électronique
Vote par machines à voter / ordinateurs de vote concernant une soixante de communes de la métropole
Moribondes, les machines à voter / ordinateurs de vote disparaissent peu à peu (voir par exemple les chiffres « Utilisation des machines à voter en France entre 2004 et 2012 » de l'Observatoire du Vote dans un silence relatif.
Quoi de neuf sur la sécurité des ordinateurs de vote utilisés en France ? Hum rien. Le choix est à faire entre une machine interdite dans plusieurs pays (dont son pays d'origine), un Windows XP non patché, et celle que je suis contraint d'utiliser et dont je ne connais que trop les défauts. Cette informatique s'est arrêtée en septembre 2003, date du décret (qui interdit toute mise à jour), qui présentait déjà quelques lacunes car se focalisant plus sur des problèmes physiques (du style alimentation ou chute) que sur la fiabilité ou la sécurité du logiciel. L'État français a laissé les vendeurs définir les normes (comme par exemple introduire le vote blanc n'existant pas en tant que tel1) et a pris ce qui existait déjà (à l'étranger) ; les vendeurs sont sur un marché qui consiste à produire quelque chose d'apparemment simple alors que c'est plutôt compliqué ; il s'agit d'un produit rarement utilisé (donc on ne voit les bugs que rarement et on se fiche de mettre à jour), à visibilité médiatique très épisodique, et donc pas trop rentable à long terme donc on met peu de gens dessus. Bref en traitant superficiellement le sujet à l'époque, on a eu un résultat relativement prévisible. Des échos en off indiquent que les services techniques du ministère de l'intérieur français étaient conscients des problèmes, mais la technique a des raisons que le politique (ministre et futur président) ignore.
Quelques propositions (par ordre ante chronologique) pour accélérer leur disparition :
- N°2510 - Proposition de loi de M. François ROCHEBLOINE visant à interdire l'utilisation des machines à voter pour tous les scrutins régis par le code électoral (déposé en janvier 2015) (article Next INpact) ;
- Question écrite de Mme Isabelle ATTARD, n° 59165-JO AN du 8 juillet 2014 demandant d'« interdire le vote électronique lors de tous les scrutins électoraux », refus du gouvernement (articles Next INpact 1 et 2)
- Proposition de loi visant à supprimer le recours aux machines à voter pour les élections générales (juillet 2014) (article Next INpact) ;
- Rapport Vote électronique - Élections cantonales 2011, 20 mars 2012 de l'Observatoire du Vote : « la proportion de bureaux de vote dont le nombre d'émargements diffère du nombre de votes est six à sept fois plus importante pour le vote électronique par rapport au vote à l'urne et ces différences sont d'ampleur plus grande » et « l'usage de dispositifs automatiques dans les bureaux de vote est accompagné d'une augmentation significative des taux des votes blancs et nuls [et] n'a aucune influence significative en ce qui concerne le taux de participation. ». Ces « observations corroborent celles déjà menées sur les élections antérieures depuis 2007 ». Le rapport 2015 de l'Observatoire du Vote (disponible sur demande auprès d'eux) porte sur les élections municipales et européennes 2014 et constate de nouveau une baisse de la précision des bureaux de vote lorsque ceux-ci sont équipés d'un ordinateur de vote.
Vote par Internet concernant les Français à l'étranger
Les Français à l'étranger peuvent voter notamment par internet (solution technique par Atos/Scytl), pour certains scrutins ; cela concerne 1,1 millions d'électeurs inscrits (pour ~1,6 millions de Français à l'étranger).
Pour des raisons de longueur déjà conséquente de cette dépêche, cette partie sera traitée dans l'épisode 4. D'autant qu'il n'y a pas d'urgence, ça ne concerne pas les élections régionales de décembre 2015.
Rapports parlementaires en France
Quelques rapports parlementaires récents en France, par ordre ante chronologique:
- Rapport d'information n° 553 (2014-2015) de Mme Marie-Annick DUCHÊNE, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé au Sénat le 24 juin 2015 : « Il conviendrait également de simplifier l'organisation des élections des délégués de parents d'élèves afin d'encourager la participation de ces derniers, par exemple en faisant à celles-ci une large publicité, dès la rentrée et en expérimentant le vote électronique. »
- Rapport n° 271 (2014-2015) de M. Bruno SIDO, sénateur et Mme Anne-Yvonne LE DAIN, député, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 2 février 2015 au Sénat : « Quant au vote électronique - interdit pour les élections politiques en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Irlande -, il est difficile de garantir la fiabilité des machines à voter comme le secret du vote - ce qui ouvre la voie à l'achat de celui-ci ; en outre, la vérification par les citoyens est impossible. » (paragraphe Labo. de haute sécu. du labo. lorrain de recherche en informatique et ses applications, LORIA)
- Rapport d'information de MM. Alain ANZIANI et Antoine LEFÈVRE, fait au nom de la commission des lois du Sénat « Vote électronique : préserver la confiance des électeurs » (n° 445 du 9 avril 2014) et son examen, ainsi que le journal LinuxFr.org Plaidoyer du Sénat contre le vote par Internet (et le vote électronique)
Plus ou moins hors sujet
Quelques actus qui ne sont pas liées directement au vote électronique :
- une suspicion de fraude sur un scrutin papier par « bulletin à clé », un bulletin marqué pour savoir qui a voté quoi (brève France 3 Corse, article du Canard Enchaîné du 28 octobre 2015, brève Corse Matin) (octobre 2015)
- un Eurodéputé votant avec la carte d'un autre (articles Le Monde, Huffington Post, L'Express) (octobre 2015)
- N°3117 tome II - Avis de M. Sergio Coronado sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096) : article Next INpact « Un député propose une dématérialisation des plis électoraux sur la base du volontariat » (octobre 2015)
- Rapport d'information n°123 au nom de la commission des finances du Sénat du 28 octobre 2015 sur le coût de l’organisation des élections, par Hervé Marseille, proposant d'expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale durant les présidentielles de 2017 et d'arrêter d'envoyer des bulletins de vote au domicile de chaque électeur (article Next Inpact Vers une dématérialisation de la propagande électorale pour 2017 ?) ; une proposition du même type avait été rejetée pour les scrutins de 2015 (article La dématérialisation des plis électoraux rejetée à l’Assemblée nationale)
-
voir notamment la Loi « visant à reconnaître le vote blanc aux élections » n° 2014-172 du 21 mai 2014 parue au JO n° 45 du 22 février 2014. ↩
# Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Dfg . Évalué à -1.
C'est dommage que cette dépêche ne parle que des mauvaises solutions au vote electronique et ne parle absolument pas d'avancées sur des solutions qui marcheraient (ou alors j'ai raté un bout).
Le vote electronique par internet, s'il était bien fait, pourrait permettre un truc que ne permet pas le vote actuel (papier) : le recomptage avec vérification individuelle, à savoir que chaque votant pourrait vérifier quel vote a bien été pris en compte (et donc que le vote n'a pas été manipulé). Evidemment, cela implique la génération de tokens uniques reliés à un "droit de vote" individuel et le découplage du serveur de token du serveur de vote afin d'empêcher de relier vote et individu, et donc garantir l'anonymat tout en permettant la vérification.
Et bien sur, tout cela étant géré par du code open-source (la seule partie cachée étant le contenu des données user-token et token-vote c'est à dire aucun code, seulement des data).
Bref, tout ça. Quoi de neuf sur le sujet ?
[^] # Re: Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Ytterbium . Évalué à 9.
Oui, mais non. Un tel système serait sensible aux achats de vote, puisque tu peux alors montrer ton vote, ce qui est impossible avec un bulletin physique.
En fait, le vote électronique comporte de manière inhérente une contradiction, qui le rend impropre aux élections à grands enjeux : soit on peut vérifier son vote, mais dans ce cas l'élection est sensible aux achats de votes, soit on ne peut pas et on a aucune possibilité d'être sûr de la bonne prise en compte de son vote.
(sans compter divers problèmes plus informatiques comme le problème de s'assurer du code qui tourne sur le serveur)
[^] # Re: Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Kerro . Évalué à 0.
Pas impossible. Ni même difficile.
Il « suffit » d'imposer à la personne de faire une marque dans le coin de son bulletin. Une coup de stylo passe sans aucun problème (j'ai vu des bulletins qui m'attiraient clairement l'œil sans que qui que ce soit y trouve à redire). Ou un pliage un peu particulier. Ensuite il faut plusieurs observateurs lors du dépouillement, car il faut chopper visuellement le bulletin au moment où il est dépouillé.
On peut marquer l'enveloppe à la place du bulletin, mais c'est encore plus éphémère.
Ou même mettre un léger point de colle pour que celui qui dépouille ce bulletin peine (légèrement) à le retirer, ce qui facilite la détection par ceux qui vérifient l'achat de vote.
Par contre c'est difficile de vérifier un nombre important de votes : il faut une marque différente par personne. Il faut noter sans se tromper quelles marques on a vu. Et s'il manque des marques, c'est peut-être parce qu'on a raté visuellement certains bulletins.
Solution moins artisanale : filmer le dépouillement sous plusieurs angles. Et ensuite passer du temps à visionner le tout, cocher les cases chaque fois qu'on repère un bulletin marqué. Et il faut décoder la marque pour savoir à qui elle correspond.
Le marquage peut se faire avec une encre non visible à l'œil nu, mais que je ne sais quelle caméra avec le filtre adéquat filtre puisse voir. Aucune idée du procédé à utiliser, mais je pense qu'il faut en plus une source de lumière non visible pendant qu'on filme. Ça devient compliqué de rester discret.
[^] # Re: Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Sytoka Modon (site web personnel) . Évalué à 3.
Quel est l’intérêt du vote électronique ? Tel qu'il est pratiqué avec des machines à voter aujourd'hui, aucun. Son seul intérêt serait de pouvoir voter à distance mais est-ce une bonne chose que de généraliser cela ?
On met souvent en avant le temps de dépouillement. A mon sens, c'est un faux débat. Il est assez facile de faire des machines à compter les bulletins de vote. Cela se faisait déjà aux USA il y a 30 ans, c'est aussi ainsi que j'avais passé le code : on trouvé des petits carrés sur une carte.
Donc le comptage automatique est extrêmement rapide, fiable (une machine à compter les billets ne se trompe pas) ET il est possible de refaire la chose en manuel SI on a des doutes (ou sur un échantillon). Avec ce genre de bulletin de vote, il est même possible de voter par valeur ou autre…
Personnellement, je milite pour voter sur ce genre de bulletin. Je pense que toutes les astuces que tu as donné pour acheter un vote ne sont plus valable
[^] # Re: Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Yves Agostini (site web personnel) . Évalué à 0.
Clairement le vote électronique ne peut pas envisager d'être meilleur que le vote par correspondance. Ce vote par correspondance ne permet pas non plus de savoir qui met réellement le bulletin dans l'enveloppe.
Concernant un vote par "correspondance électronique" il y a également une marge de progrès envisageable en permettant le recomptage et la vérification par le plus grand nombre. Il faut alors utiliser de la crypto. Ces techniques de crypto ne sont pas si compliquées que l'on croit.
On trouve ici : quelques techniques de crypto utilisables pour du vote électronique avec du code et aucune lettre grecque ;-)
[^] # Re: Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Yves Agostini (site web personnel) . Évalué à 0. Dernière modification le 02 janvier 2016 à 10:25.
Vous avez ici un exemple de vote électronique vérifiable à tester vous même. Tout le code est dans le source de la page.
À défaut de savoir qui est vraiment derrière le clavier (comme pour le vote par correspondance), il permet de simplifier la complexité du serveur et que n'importe qui peut s'assurer qu'il n'y a pas de bug lors de la manipulation des bulletins.
[^] # Re: Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Benoît Sibaud (site web personnel) . Évalué à 10.
Déjà en vote électronique, la définition de « solution qui marche » est compliquée. C'est une solution qui a l'air de marcher (par exemple sans nombre de votes négatifs, avec un nombre de votants inférieur au nombre d'électeurs, sans bulletins nuls, avec autant de votes que d'émargements, etc.) ? Une solution qui n'a pas donné lieu à des recours ? Une solution qui donne un résultat plausible ? Etc.
Pour du scrutin institutionnel, on ne sait pas résoudre actuellement la problématique "bulletin secret + vérifiable par tout un chacun + compréhensible par tout un chacun" que l'on avait jusque là en scrutin papier. On en revient à « qu'est-ce que le corps électoral accepte de perdre pour bénéficier d'avantages liés à la dématérialisation ? » Cf les dépêches précédentes et mes présentations précédentes.
Si on enlève le bulletin secret, ça devient trivial. Mais c'est considéré comme un critère essentiel en démocratie pour éviter les pressions.
Si on accepte de perdre le « compréhensible par tout un chacun », on déverse de la crypto (voire de la physique quantique) un peu partout, on considère qu'il suffit de faire confiance à des experts et que les électeurs n'ont qu'à accepter le résultat et puis voilà. Ça deviendrait un banal problème de techniciens, faut juste que ça marche (avec toutes les limites que cela comporte, ce n'est pas comme si l'informatique marchait merveilleusement bien sans attaques, fuites de données et pannes majeures). Je ne suis pas sûr que cela soit acceptable, parce qu'un scrutin dont le résultat ne serait finalement pas accepté par le corps électoral pose un vrai souci.
Par contre, il faut que les gens arrêtent de penser que c'est un problème simple et que 3 min de réflexion suffisent à le résoudre. Il y a déjà eu des années de réflexion, des dizaines de papiers scientifiques, des centaines d'expériences et de failles connues, des dizaines de solutions proposées et parfois abandonnées, etc., etc.
[^] # Re: Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Kerro . Évalué à 4.
Pas mal de gens ont l'air d'imaginer que les pressions sont rares.
Ce n'est que rarement un vilain mafieu qui oblige à voter tel truc.
C'est plutôt madame qui n'a pas envie de voter comme lui impose son mari.
Des salariés qui n'ont pas envie que leur patron/collègue/etc sache pour qui il vote.
Que les voisins se mèlent de leurs affaires.
Etc.
[^] # Re: Et sinon, l'aspect positif ?
Posté par Chantal . Évalué à 0.
Il y a un problème rédhibitoire avec le vote vérifiable concernant l'étape de vérification individuelle.
J'ai écrit un article à ce sujet "Les dispositifs de vote électronique dits vérifiables" qui a été publié dans le livre de Ihl cité plus haut.
On doit pouvoir le trouver en bibliothèque
# Mon impression
Posté par lucio . Évalué à 3.
J'habite dans un commune de Seine Saint Denis qui a choisi de s'équiper en 'machines à voter' qui sont utilisées pour tous les scrutins. Il y a une machine par bureau de vote.
Ce vote 'dématérialisé' (plus d'enveloppe, plus de bulletin) me laisse cette impression étrange d'être dépossédé de mon acte de voter.
Je vais 'à la machine', après vérification de ma carte d'identité, carte d'électeur, une personne du bureau dit 'l'urne est ouverte', je choisis un numéro, je confirme, ça fait 'bip' et quelqu'un dit 'a voté'.
Alors oui j'ai voté mais je reste sur cette impression de ne pas 'vraiment' avoir voté, juste donné un instruction à une machine…
[^] # Re: Mon impression
Posté par Sytoka Modon (site web personnel) . Évalué à 2.
Cela me semble clairement un problème de vieillissement ;-)
[^] # Re: Mon impression
Posté par RyDroid . Évalué à 2.
Pas forcément, c'est techniquement la machine qui a voté, en espérant qu'elle l'ait fait et uniquement selon le désir de celui qui a appuyé sur le bouton.
[^] # Re: Mon impression
Posté par Sytoka Modon (site web personnel) . Évalué à 2.
La machine ne vote pas, elle n'a aucune autonomie. La machine fait ce qu'on lui dis. Si elle ne suit pas ton instruction, c'est qu'elle suit celle du programmeur et d'un pirate mais certainement pas sa propre voie (ou alors, cela devient aléatoire suite à une panne physique).
Bref, la machine n'a pas d'autonomie, elle est dans l'absolue tout aussi bête qu'une urne en plexiglas ;-) Il ne faut pas se tromper de cible.
# Proposition de loi visant à supprimer le recours aux machines à voter pour les élections générales
Posté par Benoît Sibaud (site web personnel) . Évalué à 3.
Next INpact vient de publier un entretien avec le sénateur Philippe Kaltenbach à l'origine de cette proposition de loi.
Extrait :
« Pourquoi n'avez-vous pas réussi à trouver de créneau pour inscrire votre proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat ?
Il y a à la fois le lobbying des soixante communes, mais aussi celui des fabricants de machines, car c'est un gros business. Disons que c'est à la fois technique et politique. »
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par kantien . Évalué à 3.
Du lobbying des fabricants réalisé auprès des soixante communes qui relayent cette voix au Sénat, non ?
Le courage politique de nos représentants, dont c'est pourtant le rôle (ils ont obtenu mandat pour cela), ou plutôt leur absence de courage quand c'est absolument nécessaire, me déprimera toujours autant.
C'est quoi le problème de ces communes : trouver des moyens humains, et donc des citoyens-électeurs, pour organiser le déroulement de l'élection dans un bureau de vote ? Il est tellement mieux de déléguer sa responsabilité, donc les idéaux et principes républicains, à des entreprises privées… :-/
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par Benoît Sibaud (site web personnel) . Évalué à 5.
Principalement se déjuger. Pour le reste, elles savaient faire des scrutins papier avant, donc elles pourraient y revenir. Elles pourraient même chercher à trouve des scrutateurs et des assesseurs, et ça serait sûrement plus facile avec un scrutin papier qu'avec un scrutin électronique… Qui a envie de cliquer sur un bouton « Voulez-vous recompter ? », de voir une barre de progression se remplir, un résultat s'afficher et de nouveau le bouton « Voulez-vous recompter ? »
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par kantien . Évalué à 1.
C'est bien ce que je disais : se défausser et ne pas assumer sa responsabilité. Pour une collectivité locale ça la fout mal : de tels élus mériteraient surtout qu'on leur retire leur mandat !
Je n'en doute pas une seconde.
Certainement pas moi ! Je ne sais pas si je participerai au dépouillement dimanche, ça dépend de l'heure à laquelle j'irai voter et s'ils ont encore besoin de monde : quoi que ça se bouscule rarement au portillon parmi les électeurs de mon bureau.
Le jour où ma mairie propose de passer au vote électronique, je fonce direct faire une esclandre à l'Hôtel de Ville.
Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par Sytoka Modon (site web personnel) . Évalué à 0.
Je ne pense pas. Elles ont investi chères dans des machines donc plus ces machines servent, moins on pourra dire que l'investissement a été inutile. Or vu le nombre de vote annuel en France, il faut qu'elles servent un paquet d'année !
Pour avoir vu ces machines lors d'une visite chez un copain, les personnes tenant le bureau de vote ne sont pas mécontente de ne pas avoir besoin de faire du racolage pour dépouillé et ne sont pas mécontente de se coucher tôt !
Personnellement, je pense que compter les bulletins à la main est d'un autre âge et bien trop tentant pour la triche. Je ne comprends pas qu'on ne généralise les machines à compter qui sont vérifiables humainement à 100% et font le boulot en quelques minutes !
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par claudex . Évalué à 5.
Elles ont un coût sans beaucoup d'avantages (il faut potentiellement recompter manuellement).
« Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par Sytoka Modon (site web personnel) . Évalué à 3.
Pour avoir déjà vu une machine à compter les billets, cela va très vite et elle ne se plante pas ! Si tu n'as pas confiance en elle, tu peux reprendre un échantillon, par exemple une urne, mais il n'y a pas besoin de potentiellement recompter toutes les urnes ! Une machine à compter n'a rien à voir avec une machine à voter et à ma connaissance, elle ne pose aucun problème démocratique.
Avec une machine à compter, tu peux faire un vote par valeur ou un vote de type Condorcet / Schulze (utilisé par exemple par Debian).
C'est impossible d'utiliser ces méthodes avec un dépouillement uniquement manuel (mais c'est vérifiable manuellement sur quelques urnes tirées au hasard). Il faut quand même savoir que le système majoritaire à deux tours est très loin des critères démocratiques d'Arrow. Il ne faut pas s'étonner de ce qui nous arrive aujourd'hui…
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par claudex . Évalué à 5.
Sauf qu'un billet, ça a plein de marqueurs différents, ça me semble beaucoup plus facile à compter qu'un bulletin de vote.
Alors justement, si tu complexifie le vote, tu complexifie aussi la machine. Et quand tu vois qu'en Belgique, on n'est pas capable d'avoir un système qui compte les voix de préférence correctement. J'ai un doute que si tu sors de la simple addition, tu auras un truc sûr.
« Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par Sytoka Modon (site web personnel) . Évalué à 2.
On programmait dans les années 60 et 70 sur des cartes perforées… Les orgues de barbarie fonctionnent sur ce principe. J'ai passé le code de conduite avec ce même système et j'ai vu des bulletins de vote californien des années 1980 sur ce même principe. Compter des petits trous, on sais faire depuis des années.
Avec la révolution des caméras (rapide), il y a certainement d'autres moyens possible. La poste trie le courrier automatiquement…
On sais faire des machines fiables qui font un peu plus que l'addition ;-) Je parle ici de machine à compter et non de machine à voter. Il est donc toujours possible de refaire un contrôle sur une urne avec une autre machine à compter voire de faire un contrôle citoyen à la main. On a toujours des bulletins papiers qui permettent autant de contrôle que l'on souhaite avant destruction. Normalement, sur un vote de type Condorcet à la Debian, tu ne remontes par bureau que l'ordre donc la machine ne fait que compter. L'algo qui déclare le vainqueur est global or les résultats par bureau étant public, tout le monde peut relancer le calcul global sur sa machine. Il n'y a donc aucun risque de ce coté là. Idem par un vote par valeur ou la machine à compter ne fait que des additions de l'urne qu'on lui soumet.
Bref, il ne faut pas mélanger la machine à compter de la collation globale des résultats. Les résultats du comptage de chaque bureau étant public, la collation globale ne peut pas subir de tricherie algorithmique, qu'elle que soit sa complexité (et je ne suis pas forcément pour la complexité).
[^] # Re: Proposition de loi ...
Posté par Wawet76 . Évalué à 2.
Si on ne fait pas confiance aux machines à compter, on ne peut pas faire confiance non plus aux machines à voter :)
# Commentaire supprimé
Posté par Ema05 . Évalué à 0. Dernière modification le 07 décembre 2015 à 16:12.
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