Journal L'esprit du libre selon Yoda

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11
avr.
2008
Très cher Obi-Wan,

Sur l'essence du logiciel libre, des précisions demandé tu m'as. Mon ami, mes réflexions à toi appartiennent. En français correct, continuer je vais.

Commençons par l'évidence. Malgré l'expression « logiciel libre », ce n'est pas le logiciel qui est libre, car la liberté implique la volonté et les logiciels n'ont pas de volonté car pas de conscience. Pas encore. Ainsi les logiciels ne sont pas libres.

Qui est libre alors ? L'utilisateur, libre de ne pas payer ? Le programmeur, libre de s'approprier ? Prenons de la hauteur, Obi-Wan, regardons plus loin.

Au commencement, l'industrie intéressait peu de monde. Les logiciels étaient distribués librement, sans être qualifiés de libres car le non-libre n'existait pas. Puis vinrent les logiciels « propriétaires » qui devinrent la norme, qui produisirent un monopole, et le non-libre engendra le libre.

La motivation des premiers rebelles importe peu. Intéressons-nous à ce qui fit leur succès. Le logiciel des propriétaires généra l'Empire. Nul ne pouvait résister à cet Empire, pas même les anciens géants. Cette situation motiva une rébellion. Elle donna naissance à l'Alliance.

Toute alliance, pour être scellée, nécessite un contrat social. La licence GNU GPL des premiers rebelles joua ce rôle. Les grands industriels l'adoptèrent comme un pacte de non-agression et de bonne entente entre eux. L'union fait la force. L'Empire divise pour mieux régner.

Les quatre libertés de cette licence garantissaient le fonctionnement de l'Alliance. Nul ne pouvait trahir. Nul ne pouvait rejoindre l'Empire aux dépends de l'Alliance. Nul ne pouvait utiliser les travaux de l'Alliance pour former un nouvel Empire.

La licence BSD, était de même valeur pour les premiers rebelles épris de liberté, mais pour l'industrie, elle n'était pas un contrat social sécurisant. Elle ne pouvait soutenir la cohésion de l'Alliance.

Comprends, Obi-Wan, l'Empire et l'Alliance. Ce fut une guerre économique et technologique. Ce fut une guerre politique. Toute civilisation capable de concevoir des ordinateurs passe par cette phase.

Plus encore que politique, ce fut une guerre culturelle. La culture des propriétaires contre la culture des communautaires. Le chacun pour soi contre la mise en commun des ressources. Une mise en commun qui ne fut pas imposée par la force mais acceptée volontairement et librement. Vois, Obi-Wan, au delà du contexte de guerre économique propre au capitalisme, la nature profondément anarchiste de l'Alliance. Le renoncement à la propriété.

Que la force soit avec toi.

Yoda
  • # Précision

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

    >>> Le renoncement à la propriété

    Ou plutôt la reconnaissance du fait que certains biens immatériels peuvent être partagés à l'infini sans que je ne perde le bénéfice de ma propriété.
    C'est pas du tout pareil.
    Par exemple si tu veux une iso de ma distribution Linux je serai heureux de t'en faire une copie et de te rendre service.....en revanche si tu essaye de me piquer mes beaux livres anciens je t'accueille à coup de katana.
    • [^] # Re: Précision

      Posté par  . Évalué à 3.

      ...ou de sabre laser ?

      Blague à part, tout à fait d'accord avec la très importante remarque que tu fais là: on peut dupliquer le logiciel sans rien en perdre.
    • [^] # Re: Précision

      Posté par  . Évalué à 3.

      En plus faut pas essayer de tricher et de dire qu'on "emprunte" les beaux livres anciens en questions, je suis sur que Monsieur est consciencieux au point de garder une trace des livres qu'il prete. Par contre je ne ferai pas de supposition quand a l'outil utilisé pour faire ca... :)
      • [^] # Re: Précision

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

        ;-)

        En fait je prête volontiers mes CD ou mes DVD. J'ai déjà un peu plus de mal avec mes livres normaux.
        Mais je ne prête jamais mes beaux livres ! Si tu savais à quel point je suis psychopathe en ce qui les concerne....J'ai même acheté la cire spéciale reliure pour pouvoir les frotter délicatement pendant des heures. Un malade je te dis !
        • [^] # Re: Précision

          Posté par  . Évalué à 3.

          C'est curieux. Je ne suis pas aussi "à fond" dans l'entretien de mes livres, mais ils ont toujours eu un caractère précieux pour moi. Et je ne sais pas pourquoi en fait !

          On a beau dire qu'un livre contient beaucoup d'informations, un pauvre disque dur peut aujourd'hui contenir des millions (ou plus ?) fois plus de choses.

          Est-ce simplement parce que les livres sont visibles, pas virtuels ?

          Est-ce parce qu'on sait que les livres peuvent survivre des centaines d'années ? Qu'en est-il des bandes magnétiques ? On ne sait pas en fait !

          Est-ce que le jour où les livres avec encre électronique se démocratisent cet amour des livres (aussi relatif soit-il) s'atténuera ?

          Finalement, est-ce que, pour toutes ces raisons, le Livre ne redevient-il pas un média prestigieux ?
          • [^] # Re: Précision

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

            D'abord les livres c'est beau : http://www.flickr.com/photos/11384633@N00/373216261/sizes/o/

            Ensuite le lien avec eux est sensuel. On touche leur reliure, leurs pages, on sent leur odeur.
            On se souvient des circonstances de leur achat. Des recherches longues et difficiles qui aboutissent brusquement à la découverte inopinée chez un bouquiniste.

            Enfin et surtout nos livres sont chargés de tous nos plaisirs de lectures. Tous ces souvenirs de romans, de poèmes, d'essais qu'on a dévoré pendant des années et des années et qui (pour certaines personnes) représentent la meilleure part de la vie.
            Tout ce qui a contribué à former notre personnalité est incarné dans ces volumes et c'est donc bien normal qu'ils nous soient précieux.
            • [^] # Re: Précision

              Posté par  . Évalué à 4.

              Je pense qu'on peut ressentir quelque chose de similaire pour les distributions : tout ce temps passé à configurer la sienne aux petits oignons, à parcourir la doc à la recherche du petit détail qu'on veut absolument réussir à paramétrer, à l'entretenir et à la mettre à jour, le tout lié au plaisir de la découverte, celui de maîtriser quelque chose dont on n'aura jamais besoin juste pour dire "je l'ai fait !"

              Et tout ça pour en arriver à la formatter et la remplacer par une autre, juste pour découvrir autre chose et reprendre à zéro, mais en gardant le CD dans un coin, voire même un dump, en se disant qu'un jour on la réinstallera, ce que l'on ne fera pas...

              'tain des fois, je suis vraiment un geek, faut que j'arrête l'informatique...

              Article Quarante-Deux : Toute personne dépassant un kilomètre de haut doit quitter le Tribunal. -- Le Roi de Cœur

    • [^] # Re: Précision

      Posté par  . Évalué à 1.

      Si, c'est à peu près pareil, parce que dans une optique capitaliste, l'objectif pour Sun ou IBM ou un développeur indépendant, c'est de gagner de l'argent*. Ma propriété immatérielle, à la base, c'est ma force de travail (ou celle de mes employés) et il y a une différence entre investir cette propriété première sur le mode Empire ou sur le mode Alliance. Le deuxième mode suppose une mise en commun, un renoncement à être jalousement propriétaire du code, qui est opposé au mode Empire.

      Après évidemment, ce renoncement à la propriété au profit d'une possession partagée ne s'applique qu'au logiciel et pas au reste. Il ne s'est pas formé d'alliance dans l'industrie du livre (les licences Creative Commons sont une tentative d'alliance pour la version électronique des œuvres). Les biens matériels restent dans un contexte capitaliste donc propriétaire. Le hardware n'est pas libre.

      * Gagner de l'argent sur les services peut se faire avec les logiciels propriétaires. Un webmaster peut travailler avec Windows, ASP, etc. Le libre ne me paraît pas nécessaire au commerce des services.
      • [^] # Re: Précision

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

        Tu n'as pas de propriété immatérielle, tu es détententeur d'un monopole temporaire sur l'exploitation d'une information.

        Il est important de saisir que l'économie de l'immatériel, ce n'est pas tant la vente d'information que la vente de droits sur de l'information.

        C'est capital (haha!) de bien comprendre cela.

        Par exemple tu parles de renoncement, mais au fond il s'agirait plutôt d'acceptation, accepter la nature de l'information, qui au contraire des biens matériels ne posent pas de problème de rareté.

        Or, l'économie n'a d'intérêt que par l'existence de la rareté. Sans ressources limités, il n'y a pas de nécessité d'organiser l'économie, que l'objet de celle-ci soit matériel ou non.

        C'est typiquement le cas de l'oxygène pour ce qui des biens matériels.

        Pour l'information on crée donc artificiellement de la rareté en accordant des monopoles sur l'information, comme on pourrait accorder des monopoles d'utilisation sur l'oxygène. On en vient à créer une économie de gestion des droits sur un objet qui ne souffre pas de rareté.
        • [^] # Re: Précision

          Posté par  . Évalué à 2.

          Mmm, je ne voudrais pas paraître rigide ou agressif en insistant encore une fois, mais vu que ma réponse précédente me semble faiblarde, je voudrais y ajouter quelques précisions:

          (1) La gratuité et la facilité de la diffusion de l'information sont ce qui a rendu le logiciel libre possible. Il n'y aurait pas eu de Linux sans Internet. Pour continuer la métaphore, ce sont les failles exploitées par l'Alliance contre l'Empire. Mais elles sont contraires à la logique du capitalisme.

          (2) Les 3 grands modèles économiques se différencient par leur rapport à la propriété. Dans les systèmes communistes, tout ou presque appartient à l'État. Dans les systèmes capitalistes, tout ou presque appartient aux individus. Et dans les systèmes anarchistes, la notion de propriété n'existe pas (tout appartient à tout le monde, et il n'y a pas de système monétaire parce que l'argent symbolise la propriété).

          (3) La notion de propriété intellectuelle n'est pas un abus mais une extension cohérente du système capitaliste. Un capitaliste dira naturellement: "J'ai écrit ce programme, il est à moi et à moi seulement." D'ailleurs, au départ, le logiciel libre est une démarche de gens qui ne sont pas des commerçants mais des universitaires et des passionnés. Ensuite les vendeurs de matériel comme IBM, ou d'applications comme Oracle ont pu rejoindre le mouvement, mais à la base, pour celui qui écrit le programme, il n'y a pas de commercialisation possible de son travail. Pas directement. Trolltech ne gagne pas d'argent sur la version GPL de Qt, et ils n'en gagneraient pas du tout si Qt était sous BSD.

          (4) Cela s'applique à la musique et à tout ce qui peut passer par cette faille qu'est Internet. Les capitalistes réclament la propriété intellectuelle afin de commercialiser les fruits de leur travail. C'est dans leur logique. Les partisans du logiciel libre sont plus dans une logique humanitaire, cherchant ce qui est bon pour la communauté, que dans une logique commerçante, cherchant ce qui rapporte de l'argent.

          (5) Évidemment, maintenant que des capitalistes comme IBM soutiennent le libre, il leur faut l'intégrer au système capitaliste en levant une exception à la propriété, comme ils l'ont fait avec la recherche scientifique. De toute façon, il s'est développé un écosystème commercial autour des logiciels libres, alors il serait difficile aux capitalistes de prétendre que l'Alliance est anti-capitaliste, même si elle l'est dans ses fondements.

          (6) Si j'ai qualifié cette Alliance d'anarchiste, c'est surtout en référence aux accusations de Microsoft, qualifiant les libristes de communistes. Il y a une erreur dans l'insulte. Le communisme suppose une hiérarchie centralisée et un partage des ressources imposé par la force. Le libre est décentralisé et fondé sur le volontariat. C'est un modèle anarchiste de communauté. Tant qu'à vouloir insulter les gens, autant le faire correctement :)
          • [^] # Re: Précision

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

            "La gratuité et la facilité de la diffusion de l'information sont ce qui a rendu le logiciel libre possible."

            Non, où en tout cas ce ne sont que des aspects second. C'est le fait que l'information ne soit pas un élément rare qui à avant tout permis cela. Si l'information était matériellement rare, le fait qu'elle soit facile à diffuser n'aiderait pas (et il ne serait pas question de gratuité).

            Je trouve ta vision des modèles économiques un peu réduit, l'humanité en a déjà pratiqué quand même plus que trois.

            La notion de propriété intellectuelle EST un abus, car elle porte sur un objet qui ne pause pas de problème de rareté (pas de rareté, pas de problème économique). Ce serait tout aussi abusif de mettre en place des organismes de gestion de droit à respirer l'oxygène présent dans l'air.
            • [^] # Re: Précision

              Posté par  . Évalué à 3.

              Tu néglige le temps (et l'énergie) nécessaire à la production de l'œuvre, qui sont elles limitées ...
              • [^] # Re: Précision

                Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

                Je ne les néglige pas, mais le système actuel aurait plutôt tendance à les sur-évaluer par contre, ou au moins les sur-rémunéré (dans le domaine de la production d'œuvres hein, je parle pas du ptit chinois qui fait des horaires de fous en usine).

                De plus ce temps et cette énergie sont limitées, certes, mais la question n'est pas de savoir si l'objet est limitée, mais rare. La quantité d'oxygène dans l'atmosphère est également limitée.

                La question est donc de savoir si la production d'œuvre est un fait rare. Est bien je pense qu'avec l'évolution de la technique qui fait baisser le coût de la production des œuvres, et le fait que les gens ont du temps libre, et que de nombreuses personnes utilisent ce temps pour concevoir des œuvres, la réponse est non.
          • [^] # Re: Précision

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

            L'anarchisme n'est pas un modèle économique.
            Et d'ailleurs, il existe plusieurs idéologies anarchistes, et dans certaines, la notion de propriété est belle est bien préservée, voir amplifiée

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