martinepineau a écrit 2 commentaires

  • [^] # Re: abcdef,,, ghij...

    Posté par  . En réponse à la dépêche Rencontre Logiciels Libres, présentation sur la dactylographie à Toulouse. Évalué à 4.

    Bonjour,

    Vous apportez trois éléments intéressants pour lesquels je souhaite préciser l’analyse, soit en confirmant, soit en modulant votre propos.

    Clavier alphabétique : votre intuition vous guide spontanément à écarter un agencement alphabétique des lettres sur les touches du clavier, c’est heureux car l’ordre alphabétique n’est qu’une convention pour trier le chaos ; il ne sert ordinairement qu’à s’écrire lui-même. Je ne connais aucune langue dont le lexique soit constitué exclusivement de séquences dudit ordre alphabétique (pqrst abcdef hijklmnop...). Donc à écarter, car cela pose de trop gros problèmes en terme de gestes, mais aussi en terme de surcharge mentale.

    Vous écrivez « les habitudes ont fini par prendre le pas sur la raison ». Cela s’appelle l’inertie, c’est-à-dire l’incapacité à remettre en cause un mode opératoire, un mode de pensée qui semblent aller de soi. L’inertie qui touche la disposition des caractères sur le clavier est en grande partie due à l’organisation du travail qui s’est mise en place un peu avant et surtout après la Première guerre mondiale : taylorisation, spécialisation, déqualification des tâches (assorties d’une féminisation quasi exclusive), et salaire calculé à la tâche : tel a été le métier de dactylo pendant une soixantaine d’années. La recherche de productivité s’est faite par le morcellement du travail, et non pas par l’optimisation de l’outil de travail en fonction de son usage réel (écrire) et du potentiel humain, ordinairement plus élevé que ce qui était demandé aux dactylos. Le clavier et l’apprentissage de son utilisation efficace souffrent encore de ces marques d’infamies.

    Vous écrivez « c’est certainement perfectible ». Et comment donc ! Le paramétrage dvorak-fr-e de Francis Leboutte apporte une réponse technique excellente, tout à fait adapté aux besoins d’écriture du français. Le paramétrage du clavier ne dépend plus de contraintes mécaniques dépassées, mais de la fréquence des lettres dans la langue et de la fréquence des séquences de lettres dans ladite langue :
    - ough : fréquent en anglais, rarissime ailleurs,
    – schw : fréquent en allemand,...
    - qu, ées, : fréquents en français,...
    - on pourrait multiplier les exemples et dans toutes les langues.

    Ce qui exclut l’idée d’avoir un clavier international ; tout au plus pourrait-on avoir une distribution des caractères sur les touches par groupe linguistique (langues romanes -langues anglo-germaniques – langues slaves). La version franco-européenne créée par Francis Leboutte répond tout à fait à nos besoins multilingues les plus fréquents. Cela donne un résultat totalement indolore pour les doigts avec l’anglais, correct avec l’espagnol, l’allemand, très agréable avec l’italien,... À noter qu’il est plus facile de produire de l’anglais avec le dvorak-fr-e de Lefoutte, que du français avec le dvorak anglophone d’origine, car il faut alors écrire la plupart des accents en ascii...
    En effet, outre la distribution des lettres au sein de chaque langue, il faut compter avec les besoins spécifiques d’accentuation, très variables d’une langue à l’autre, y compris au sein d’un même groupe linguistique, accentuation qui implique à chaque fois un geste optimal à prendre en compte.

    Enfin, contrairement à ce que vous avancez, la distribution des signes non-alphabétiques du clavier ne pose pas plus de problèmes que celle des signes alphabétiques, qu’ils soient informatiques ( { - } – [ - ] - / - \ - # - ; - - l -...), mathématiques ou scientifiques ( * - + - = - / - % - ‰ - <- > - ± - ÷ - ♀ - ♂ - µ - √- ∫ - ≤ - ≥ - ∑ ,...), monétaires ou autres (£ - ¥ - ¤ - ™ - © - ® - §...), car leur emploi est le plus souvent fortement normalisé dans leur discipline respective, et non pas par champ linguistique. La recherche sur ce point, menée par Leboutte, a consisté à optimiser le rapport main droite / main gauche, et aussi mouvements d’extension / mouvements de flexion des différents doigts, en gardant toujours à l’esprit que même les informaticiens (pour ne citer que cette sorte de sapiens-sapiens) ont dix doigts, deux épaules, sept cervicales, deux yeux... et que c’est là le fond du problème.

    Pour récapituler, l’adoption du paramétrage dvorak-fr-e de Leboutte vous permettra de raccourcir les trajectoires effectuées par les doigts et de rééquilibrer un peu la charge de travail entre votre main droite et votre main gauche. Si vous rechercher l’amélioration de votre confort de travail (et de votre efficacité sur le moyen et long terme), un apprentissage global du geste (principalement des doigts) et de la posture (y compris du dos, des jambes) est souhaitable. C’est dans le manque de maitrise gestuelle que viennent se nicher tous les troubles musculo-squelettiques, notamment ceux du poignet, des cervicales, la fatigue oculaire. Cet apprentissage aura en plus pour effet immédiat d’éliminer tous les bricolages hasardeux, tels qu’autocollants sur les touches...

    Désolée, la prochaine fois, je ferai plus court...
  • [^] # Re: Le bon ordre sur le clavier.

    Posté par  . En réponse à la dépêche Rencontre Logiciels Libres, présentation sur la dactylographie à Toulouse. Évalué à 3.

    L'outil d'écriture utilisé pour collecter la parole dans des lieux comme les tribunaux et autres assemblées dépend de la fonction de la parole, et de destination des écrits qui en résulteront.

    a) collecte intégrale de la parole dite,
    mais aussi des silences, des toussotements... et des productions verbales diverses, ce qui suppose une prise à une vitesse moyenne comprise entre 100 à 140 mots par minute, selon l'orateur, avec des pointes vers les 190 mots par minute, pour suivre et même anticiper la vitesse de la parole (c'est sportif !) : dans ce cas on utilise soit la sténo classique avec papier-crayon, avec des sténographes se relayant de quart d'heure et quart d'heure car pour chaque quart d'heure de prise, il faut compter une heure et demi de transcription. Les signes utilisés dans ce cas ne sont plus de signes alphabétiques mais des signes géométriques, chaque signe représentant non plus une lettre, mais un son, voire un groupe de sons.
    On utilise aussi de plus en plus la sténotypie, donc un système de sténographie sur clavier - le système le plus utilisé en France est le Grandjean : il comprend beaucoup moins de touches qu'un clavier classique, le principe de collecte du son est un peu le même que pour la sténo. La machine retranscrit en clair la parole collectée, mais la mise au net définitive nécessite une relecture attentive pour corriger les erreurs d'interprétation de la machine (encore assez fréquente en cas d'homophonie). Le sténotypiste a toutefois la possibilité de paramétrer la reconnaissance du vocabulaire selon le contexte de la prise.
    Ces deux systèmes nécessitent un apprentissage très long, de plusieurs centaines d'heures, et sont des métiers à part entière.

    b) pour une prise complète du propos, mais non pas des termes du propos, un dactylographe bien entrainé (gestuelle à dix doigts impérative), maitrisant bien son domaine d'intervention (juridique, spécialité industrielle ou autre,...) y arrive, à condition d'écrire autour de la vitesse de croisière de 60 mots par minute (vitesse pour le français). Il est de plus nécessaire de bien maitriser les différentes techniques de prise de note et de rédaction de compte-rendu. Les greffiers de tribunaux sont, il est vrai, assez spectaculaires, et très efficaces, bien qu'ils utilisent encore azerty.

    Voilà un bref tableau qui je l'espère répondra en partie à votre question.