Journal Amendement 359 : un mauvais fork.

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juin
2013

Journaleux sachant journaler, bonjour.

Dans le cadre de l'examen de la loi sur la refondation de l'école, le Sénat avait voté cet amendement, parmi d'autres :

Le service public du numérique éducatif
Article 10
Le second alinéa de l'article L. 131-2 du code de l'éducation est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« L'État organise, à sa charge, dans le cadre du service public de l'enseignement et afin de contribuer à ses missions, un service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance, qui a pour mission de :

« 1° Mettre à disposition des écoles et des établissements d'enseignement des services numériques permettant de diversifier les modalités d'enseignement, de prolonger l'offre des enseignements qui y sont dispensés, de contribuer à l'innovation des pratiques et aux expérimentations pédagogiques favorisant la coopération, et de faciliter la mise en oeuvre d'une aide personnalisée à tous les élèves ;

« 2° Proposer aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques pour leur enseignement, des contenus et services contribuant à leur formation initiale et continue ainsi que des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec les familles ;

« 3° Assurer l'instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement scolaire ;

« 4° Apporter son soutien au développement de projets innovants favorisant les usages pédagogiques du numérique à l'école.

« Ce service public utilise en priorité des logiciels libres et des formats ouverts de documents. »

Lire la dépêche de Janchou à ce sujet.

Hier soir, le 3 juin, l’Assemblée nationale a voté (UMP+PS) l'amendement suivant, sur proposition du gouvernement :

ARTICLE 10
Rédiger ainsi l’alinéa 7 :

« Dans le cadre de ce service public, la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle existe. »

L’explication :

« Cet amendement a pour objet d’inciter le recours aux logiciels libres et aux documents au format ouvert dans le cadre de la mise en place du service public du numérique éducatif sans pour autant aller jusqu’à en faire une priorité, ce qui pourrait entrainer des difficultés juridiques.

Il est rappelé que la circulaire n° 5608 du Premier ministre du 19 septembre 2012 relative aux orientations pour l’usage des logiciels libres dans l’administration fixe déjà les cas dans lesquels il est recommandé à celle-ci de de favoriser l’usage des logiciels libres.

Les logiciels libres constituent en effet un modèle de service et à ce titre l’administration peut décider d’y recourir lorsqu’ils se révèlent les mieux adaptés à l’objectif qu’elle poursuit, ce qui n’est pas toujours le cas. La circulaire rappelle que le choix du logiciel libre doit être le fruit d’une démarche raisonnée, déterminée en fonction des contextes d’usage et de l’évaluation du cadre d’utilisation, du nombre d’acteurs concernés, de la complexité du système et de l’implication nécessaire.

C’est en raison de ses besoins que l’administration peut en venir à exiger certaines caractéristiques qui conduisent à privilégier, voire à exiger dans certains cas, un logiciel sous licence libre. Le choix de la licence ne se pose donc pas a priori, mais doit procéder d’une réponse à une nécessité ou à des besoins qui auront été clairement identifiés. »

La session du Sénat
L'amendement de l'Assemblée

On passe d'une priorité à un recours éventuel, pondéré par une gentille présomption d'inexistence.
En bref, au lieu d'avoir un ordre de mission très clair et très politique : « développer et proposer des ressources libres en priorité », l'éducation nationale, par son service public du numérique éducatif continuera à ignorer le monde du libre. Comme il est de plus question de subventions pour développer le numérique éducatif, il est manifeste que la récréation est terminée : les étincelles d'innovation participative n’illumineront pas les écrans des écoliers. Chers gros éditeurs, you won.

J'apprécie aussi tout particulièrement qu'un amendement proposé par des élus issus de cette « majorité plurielle » (écolos + autres) soit retoqué très tard en fin de journée, sur proposition du gouvernement, avec le soutien de l'opposition.

Le libre vous tienne en joie.

  • # possibilité d'inexistence ?

    Posté par  . Évalué à -3.

    " Dans le cadre de ce service public, la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle existe " (…)

    Deux interprétations possibles :
    a) existence ou pas de l'offre
    b) existence ou pas du format ouvert

    On crée l'ambiguïté ici non ?
    Ce qui veut dire concrètement que si on veut porter plainte, ce sera le magistrat seul qui devra trancher.
    Et s'il n'y connaît rien en matière de libre, j'imagine les dégâts surtout que cela fera jurisprudence.

    " On passe d'une priorité à un recours éventuel, pondéré par une gentille présomption d'inexistence. " (…)

    Je dirais plus possibilité d'inexistence.

    Juste une remarque: il est possible qu'il n'y ait pas de format ouvert, mais c'est rare.

    • [^] # Re: possibilité d'inexistence ?

      Posté par  . Évalué à 5.

      Je pense que « elle » fait référence à l'offre et non auX documents (qui est masculin, tout comme format d'ailleurs).

      Enfin bon, aucune ambiguïté de mon point de vue.

      • [^] # Re: possibilité d'inexistence ?

        Posté par  . Évalué à -5.

        Le terme elle :

        1/ existence ou pas d'UNE offre de logiciels libre.
        2/ existence ou pas d'UNE offre avec UN format ouvert.

        La phrase demande si UNE offre existe ou pas.
        Mais on ne sait pas si c'est une offre de logiciel libre et/ou de format ouvert.

        Donc, il y a bien ambiguïté.

        La phrase :
        " l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle [cette offre] existe " (…)

        Je suis quasi certain qu'il faut comprendre :
        " l’offre de logiciels libres et/ou de documents au format ouvert, si elle existe " (…)

        Parce que le format peut être ouvert mais le logiciel non-libre…

        Exemple :
        Vous pouvez avoir des logiciels libre qui traitent avec des formats fermés.
        (NTFS (et FAT32) à un moment donné)
        Vous pouvez avoir des logiciels propriétaires qui traitent des formats ouvert (OpenDocument, HTML 4).

        • [^] # Re: possibilité d'inexistence ?

          Posté par  . Évalué à 1.

          Ah ouais mais c'est pas de ma faute si tu sais pas t'exprimer :)
          C'est toi qui as mis offre et document en opposition !

          Donc ouais, c'est à mon avis plutôt : le cas échéant.

          Parce que le besoin peut concerner un logiciel, un format de document, ou les deux, mais ce sera indiqué dans le besoin, pas dans la loi, donc le besoin lèvera l’ambiguïté par construction !

          Ça se tient à peu près ^

    • [^] # Re: possibilité d'inexistence ?

      Posté par  . Évalué à 1.

      Je dirais plus possibilité d'inexistence.

      Non. Le logiciel libre est coupable a priori (entre autres), de ne pas exister.

      C'est tout de même aberrant de signaler que la détermination du choix est conditionnée par l'existence de son objet, non ???

      • Étape 1 : priorité au logiciel libre (et aux formats ouverts) ;
      • Étape 2 : ah, le logiciel libre et les formats ouverts, les trucs qui existent peut-être… Ah oué…

      J'aimerais bien connaitre le processus de rédaction qui a permis ce « si elle existe ».

      Bref. Circulez.

      Pour un sextumvirat ! Zenitram, Tanguy Ortolo, Maclag, xaccrocheur, arnaudus et alenvers présidents !

      • [^] # Re: possibilité d'inexistence ?

        Posté par  . Évalué à -1.

        Non. Le logiciel libre est coupable a priori (entre autres), de ne pas exister.

        Coupable? Non.
        Vous achetez quelque chose, on vous informe de la possibilité de l'inexistence du produit.
        Par exemple " dans la limite du stock disponible ".
        Le stock n'est pas coupable d'être indisponible.
        Il est toujours possible que si les commandes sont plus fortes que prévues, le stock soit épuisé…

        C'est pour cela que je préfère le terme possible au terme présumé…
        Le stock est présumé exister mais il est possible qu'il soit vide…

        " C'est tout de même aberrant de signaler que la détermination du choix est conditionnée par l'existence de son objet, non ??? " (…)

        L'objet existe : je le choisi. Si il n'existe pas pourquoi je le choisirais ?

        Par exemple vous aimez le chocolat mais vous ne savez pas si il y a du pain au chocolat ou pas dans la pâtisserie.
        Vous me dites je veux du pain au chocolat.
        Je vous précise: si le pain au chocolat fait défaut, je prends autre chose ?
        Et si en sortant du "magasin", je vous dis: il n'y a que du pain au raisin.
        Si vous avez faim vous prenez le pain au raisin même si vous détestez, non ?

        " J'aimerais bien connaitre le processus de rédaction qui a permis ce « si elle existe ». " (…)

        Là nous sommes d'accord.

        Bref, l'ambiguïté permet de dire,
        soit:
        non, nous ne connaissons pas de logiciels libre mais nous avons un logiciel non libre qui exploite un format OUVERT

        soit:
        non, nous ne connaissons pas de format ouvert mais nous avons un logiciel libre qui peut traiter CE format (propriétaire)

        NB: Si toutefois je n'ai pas compris alors expliquez moi par un meilleur exemple.

      • [^] # Re: possibilité d'inexistence ?

        Posté par  . Évalué à -2.

        Alinéa 7 tel qu'il existe.

        Dans le cadre de ce service public, la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle existe

        Dans l'hypothèse où l'Alinéa 8 n'existe pas, je propose les textes suivants :
        Alinéa 7

        Dans le cadre de ce service public, la détermination du choix des ressources utilisées est basée sur l’offre de logiciels libres ainsi que de documents au format ouvert, sauf dans le cas où l'une au moins des conditions ne peuvent être satisfaites, l'alinéa 8 s'applique.

        Alinéa 8

        Dans le cas où il est impossible de trouver un logiciel libre, on pourra choisir un logiciel non-libre exceptionnellement, de même que l'inexistence du format ouvert permettra l'usage d'un format fermé, toujours de manière exceptionnelle.

  • # Mini rapport Chemla / loi Laffitte

    Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3.

    Laurent Chemla vient de ressortir sur seenthis l'extrait d'un mini-rapport qu'il avait écrit en 99 (ça ne nous rajeunit pas !) à propos d'une proposition de loi du même genre.

  • # Format ouvert

    Posté par  . Évalué à 10.

    Bien plus que le logiciel libre, ce qui me choque est que cette amendement permet d'utiliser des logiciels qui utilisent des formats non ouverts. La pérennité me parait devoir passer avant le reste. L'administration devrait être en droit d'exiger la standardisation de ses données.

  • # Appel d'offre ouvert ?

    Posté par  . Évalué à 5.

    De toute façon, tout dépend de la façon dont est rédigé l'appel d'offre : s'il est écris « le logiciel doit être capable de insérer ici une fonctionnalité uniquement présente dans un logiciel non libre» et bien, ce sera comme au bon vieux temps.

  • # on pourrait reecrire certaines parties

    Posté par  . Évalué à 5.

    Les logiciels non -libres constituent en effet un modèle de service et à ce titre l’administration peut décider d’y recourir lorsqu’ils se révèlent les mieux adaptés à l’objectif qu’elle poursuit, ce qui n’est pas toujours le cas. La circulaire rappelle que le choix du logiciel non- libre doit être le fruit d’une démarche raisonnée, déterminée en fonction des contextes d’usage et de l’évaluation du cadre d’utilisation, du nombre d’acteurs concernés, de la complexité du système et de l’implication nécessaire.

    C’est en raison de ses besoins que l’administration peut en venir à exiger certaines caractéristiques qui conduisent à privilégier, voire à exiger dans certains cas, un logiciel sous licence non -libre. Le choix de la licence ne se pose donc pas a priori, mais doit procéder d’une réponse à une nécessité ou à des besoins qui auront été clairement identifiés. »

  • # Rien ne me choque

    Posté par  . Évalué à 6.

    Imaginez une situation dans laquelle une administration se retrouve obligée de faire un choix entre :
    - un logiciel libre qui ne répond pas vraiment au besoin.
    - un logiciel non-libre qui répond parfaitement au besoin.

    Avant, elle était obligée de prendre le premier, maintenant elle a le choix de pouvoir prendre le deuxième. Ce qui me parait normal.

    • [^] # Re: Rien ne me choque

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

      Dans cette situation, l'administration peut le faire développer ou "forcer la main" (=> pas de libre, pas de marché) aux éditeurs.

      Le post ci-dessus est une grosse connerie, ne le lisez pas sérieusement.

    • [^] # Re: Rien ne me choque

      Posté par  . Évalué à 3.

      Il n'y avait pas d'obligation mais une priorité (une obligation de moyen si tu préfères, mais c'est déjà plus fort qu'une priorité) dans l'exercice de la mission.

      Les paragraphes d'explication ne font pas partie de la loi. Ils expliquent la motivation de cet amendement. Les missions d'une administration, telles qu'envisagées dans ces paragraphes, n'ont a priori pas grand chose à voir avec les missions du "service public du numérique éducatif" : conseil, accompagnement, achats de logiciels éducatifs, de remédiations, de manuels, petits serveurs d'établissements, tableaux numériques, serveurs de contenus etc. L'idée étant d'investir dans de la matière grise réutilisable et ne pas tout refaire chaque année ou presque. C'était aussi un bon moyen d'impliquer officiellement les profs dans la création de leurs outils. Là, c'est le statu quo, augmenté d'un service bouzinesque qui ne servira sans doute à rien.

      Pour un sextumvirat ! Zenitram, Tanguy Ortolo, Maclag, xaccrocheur, arnaudus et alenvers présidents !

      • [^] # Re: Rien ne me choque

        Posté par  . Évalué à 0.

        Les paragraphes d'explication ne font pas partie de la loi. Ils expliquent la motivation de cet amendement.

        Ils ne font pas partie de la loi, mais ils explicitent l'esprit de la loi. Le boulot d'un juge est d'interpreter la loi, et pour cela, il devra les prendre en compte.

  • # Tant qu'ils n'auront pas peur de perdre des voies

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à -10.

    Ils ne feront rien.

    PP

    "La première sécurité est la liberté"

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