Journal Brevets logiciels : réponse à mon mail écrit au premier ministre

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juin
2004
En réalité, la réponse est rédigée par le Délégué Interministériel aux Normes DiGITIP (il n'y avait que son nom dans le message, mais une rapide recherche googlesque m'a permis de trouver qui c'était).
La DIGITIP, c'est la Direction générale de l'Industrie, des Technologies de l'Information et des Postes (plus d'infos ici : http://www.telecom.gouv.fr/presentation/presentation.htm(...))

Bref, voilà ce que me dit ce monsieur, je vous le livre brute de décoffrage :

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Cher Monsieur,

Le projet de directive européenne portant sur la brevetabilité des
inventions mises en ouvre par ordinateur a pour finalité d'harmoniser au
sein de l'Union européenne et de mieux définir les conditions de la
brevetabilité, en en précisant les limitations, tout en restant respectueux
des accords internationaux auxquels nous adhérons.

En Europe actuellement, une invention est brevetable si, relevant d'un
domaine technologique, elle est nouvelle, implique une activité inventive et
est susceptible d'application industrielle. Pour impliquer une activité
inventive, une invention doit apporter une contribution technique. Ces
critères sont bien plus restrictifs que ceux appliqués aux Etats-Unis, où,
en l'absence d'exigence de contribution technique, la jurisprudence a pu
étendre le champ de la brevetabilité aux logiciels et aux méthodes
d'affaires, ce qui ne semble d'ailleurs pas empêcher le logiciel libre de
s'y développer. En Europe, un logiciel en tant que tel n'est pas considéré
comme une invention brevetable : ne peut l'être qu'une solution technique
innovante apportée à un problème technique, solution qui peut être mise en
ouvre par des moyens matériels ou logiciels. Le gouvernement français
souhaite conforter cette vision européenne du champ de la brevetabilité,
limité au domaine technologique qui est le seul pour lequel les critères de
brevetabilité, que j'ai rappelés ci-dessus, sont pertinents. C'est pourquoi
le gouvernement n'est pas favorable au « brevet logiciel » tel qu'il a pu se
développer aux Etats-Unis.

Si des ambiguïtés étaient présentes dans le projet initial de directive
élaboré par la Commission européenne et avaient motivé des réserves de la
France vis-à-vis de ce texte, les amendements proposés par la commission
juridique du Parlement Européen permettent de les corriger dans le sens
approprié, à l'instar de ce qui avait été proposé par le groupe de travail
des représentants des Etats-membres de l'Union européenne. Cependant
certains des amendements votés par le Parlement européen en septembre 2003
vont au-delà : leur formulation est incompatible avec les accords
internationaux sur les droits de propriété intellectuelle, que tous les pays
membres de l'Organisation Mondiale du Commerce se sont engagés à respecter.

C'est pourquoi, tout en prenant en compte les préoccupations exprimées par
le Parlement européen, la majorité des Etats-membres de l'Union européenne
estiment ne pouvoir retenir les dispositions qui excluraient de fait du
champ de la brevetabilité des domaines technologiques tels que le traitement
des images, le traitement du signal ou le contrôle-commande de procédés,
pour lesquels le développement de l'innovation repose largement sur la
possibilité de la protection par brevets, sans que cela n'exclût, pour les
acteurs économiques qui le souhaitent, le développement et l'utilisation de
logiciels libres. En effet la publication d'une invention, si elle a bien
l'antériorité requise, interdit à un tiers de la revendiquer.

C'est dans cet esprit, qu'un projet révisé de directive a été validé le 18
mai dernier par le Conseil, projet qui sera soumis en deuxième lecture au
Parlement européen.

Le gouvernement français est par ailleurs favorable à une application
rigoureuse des critères de brevetabilité afin d'améliorer globalement la
qualité des brevets délivrés.

Je vous prie d'agréer, cher Monsieur, l'expression de mes sincères
salutations.

Pxxxx Vxxxx
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Qu'en pensez vous ?
  • # ca veut dire quoi ca ?

    Posté par  . Évalué à 5.

    qu'ils sont contre des brevets logiciels avec les dérives comme ya aux USA, mais qui savent rien faire contre, et qu'ils vont donc laisser faire ?
  • # JE ne comprends pas..

    Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4.

    http://www.softwarepatenten.be/politiek?PHPSESSID=d0e6af26311cb3d56(...)
    http://wiki.ael.be/index.php/ReponsesLettreOuverte(...)

    Tout le monde est contre ces p*** de brevets ! Mais pourquoi ça passe alors ?

    Mes livres CC By-SA : https://ploum.net/livres.html

  • # Le gouvernement français c'est n'importe quoi :-)

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 9.

    Ce que je pense, c'est un courrier très poli et très bien détaillé. Voici ce que je comprends: il exprime clairement que les amendements du Parlement vont trop loin, qu'ils sont très embêtants pour l'industrie du logiciel propriétaire (grosso modo: leur formulation est incompatible avec les accords internationaux sur les droits de propriété intellectuelle), et que par conséquent il se moque éperduement du travail du Parlement (pas étonnant puisqu'ils ont votés la directive dernierement). Visiblement les logiciels libres il s'en contrefiche et que entreprises américaines bloquent le développement informatique en Europe c'est pareil. Cependant comme il n'est pas stupide, il va peut etre veiller a ce que des brevets sur le double-clic passent. J'ai bien résumé? :)

    Cela permet de S'interroger une nouvelle fois sur le rôle du Parlement européen. Il sert à décorer? Deja lors de l'affaire dess fichiers client des européens se rendant aux Etats-Unix, le conseil des ministres avait fait passer la loi alors que le Parlement s'était exprimé plusieurs fois de suite avec une bonne majorité contre. Le conseil des ministres de l'UE mene t-il actuellement une dictature? Allons donc voter pour réaffirmer l'importance de ce Parlement (en plus c'est ca qui va permettre de bâtir l'Europe donc votons bien).
  • # Je ne m'attendais pas à autre chose...

    Posté par  . Évalué à 4.

    Tout est dans le titre. Ces gens là ne savent pas de quoi ils parlent et mélangent tout. Même le texte tel qu'il avait été amendé par le PE pouvait encore être détourné alors quand je lis:

    C'est pourquoi, tout en prenant en compte les préoccupations exprimées par le Parlement européen, la majorité des Etats-membres de l'Union européenne estiment ne pouvoir retenir les dispositions qui excluraient de fait du champ de la brevetabilité des domaines technologiques tels que le traitement des images, le traitement du signal ou le contrôle-commande de procédés, pour lesquels le développement de l'innovation repose largement sur la possibilité de la protection par brevets, sans que cela n'exclût, pour les acteurs économiques qui le souhaitent, le développement et l'utilisation de logiciels libres. En effet la publication d'une invention, si elle a bien l'antériorité requise, interdit à un tiers de la revendiquer.

    ça me fait bien marrer, enfin pas tant que ça. En tous cas, ça prouve bien qu'ils n'ont rien compris surtout avec ce qui se passe dernièrement. Ou alors...

    Enfin, je ne résiste pas à :

    des amendements votés par le Parlement européen en septembre 2003
    vont au-delà [du "sens approprié] : leur formulation est incompatible avec les accords internationaux sur les droits de propriété intellectuelle, que tous les pays membres de l'Organisation Mondiale du Commerce se sont engagés à respecter.


    C'est rigolo déjà parce que la propriété intellectuelle si elle est nécessaire est devenue n'importe quoi, on l'applique pour n'importe, ces champs vont n'importe où et perd ainsi de sa substance et donc on la renforce jusqu'à ce qu'elle frôle le liberticide.
    Ce qui est encore plus rigolo, c'est cette putain de manière qu'ont les gouvernants à rejeter la faute sur ce qui est au-dessus. Le plus souvent par exemple, on accuse l'Europe et surtout la Commission, mais ici, comme la connerie a été faire directement par eux au Conseil, et bien maintenant ils accusent l'OMC. Or dans les deux cas (Europe et OMC), ils ont largement le pouvoir de faire changer les choses mais ils ne le font pas et se servent de boucs émissaires dont ils tirent les ficelles pour leur foutu électoralisme.


    VIVENDI PRÉSIDENT !
    • [^] # Re: Je ne m'attendais pas à autre chose...

      Posté par  . Évalué à 2.

      Ce qui est encore plus rigolo, c'est cette putain de manière qu'ont les gouvernants à rejeter la faute sur ce qui est au-dessus. Le plus souvent par exemple, on accuse l'Europe et surtout la Commission, mais ici, comme la connerie a été faire directement par eux au Conseil, et bien maintenant ils accusent l'OMC. Or dans les deux cas (Europe et OMC), ils ont largement le pouvoir de faire changer les choses mais ils ne le font pas et se servent de boucs émissaires dont ils tirent les ficelles pour leur foutu électoralisme.

      Toutaffé, d'autant plus que ceux qui ont fait l'erreur côté français de signer les accords TRIPS et autres,, dont tous les problèmes découlent, sont grosso-modo ceux qui gouvernent aujourd'hui : Balladur, Juppé, Sarkosy.

      [1] Accords TRIPS, un des accords fondateurs de l'OMC en 1994 http://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/t_agm0_f.htm(...)
      • [^] # Re: Je ne m'attendais pas à autre chose...

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 0.

        Balladur et Sarko sont des néolibéraux (j'ai bien dit néolibéraux, pas libéraux, rien à voir) notoire. Juppé beaucoup moins (tradition gaulliste dirigiste, un dinosaure).

        Le problème est que l'OMC possède une instance de règlement des conflits capable (une sorte de tribunal) de sanctions.

        Le pire c'est que l'OMC, courroie de transmission de l'ordre néolibéral, pourrait (et je pense que ça vient tant le "tiers-monde" comprend qu'il a sa carte à jouer) ne plus le devenir, pour cela il faudrait un mécanisme géopolitique externe permettant à de nombreux petits pays pauvre de ne pas voter sous la contrainte états-unienne.

        Là on tombe sur le problème du FMI. Si kerry est élu, ça sera jouable. Sinon...

        « Il n’y a pas de choix démocratiques contre les Traités européens » - Jean-Claude Junker

  • # Néo-féodalité pour bientôt ?

    Posté par  . Évalué à 7.

    leur formulation est incompatible avec les accords
    internationaux sur les droits de propriété intellectuelle, que tous les pays
    membres de l'Organisation Mondiale du Commerce se sont engagés à respecter.


    OMC => Oppression Mondiale par le Commerce. Voilà au moins qui confirme qu' il y à déjà un bout de temps que l' on s' est fait voler la démocratie. OGM personne n' en veut mais l' OMC.... Brevets logiciels personne n' en veut mais l' OMC....
    On discute les vrais problèmes au sein de l' OMC et on les fait avaler à tout le monde par petites doses.
    ( Juste furax )
  • # hum...

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

    Pour impliquer une activité inventive, une invention doit apporter une contribution technique. Ces critères sont bien plus restrictifs que ceux appliqués aux Etats-Unis

    C'est évidement de la branlette intellectuelle ! Qu'il nous définisse un truc qui n'est pas une "contribution téchnique" ! Ce terme s'autojustifie et ne limite rien du tout.

    Ce terme était autorisé auparavant pour définir ce qui agit sur les forces de la nature et rien d'autre. Or ils ont virer cette définition, il s'agit donc bien d'un contournement de l'idée d'origine !

    lesquels le développement de l'innovation repose largement sur la
    possibilité de la protection par brevets


    C'est faux et archi faux dans le cas du logiciel ! Toutes les études économiques démontrent le contraire ! Une banque d'affaire US avait sortie une étude qui avait démontré que les brevets logiciels avait détourné 15% des montants de R&D pour leur gestion.

    En effet la publication d'une invention, si elle a bien l'antériorité requise, interdit à un tiers de la revendiquer.

    Ce qui ne peut être démontré que dans un proces à 1 millions d'euro... Qui connais un particulier capable de gérer ça ?

    "La première sécurité est la liberté"

    • [^] # Re: hum...

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 0.

      > Ce qui ne peut être démontré que dans un proces à 1 millions d'euro... Qui connais un particulier capable de gérer ça ?

      les cherubins de nos gouvernants, ne seraient-ils pas tous avocats ou en ecole de droit pour le devenir ?

      ca expliquerai tout ! ils prevoient l'avenir de leur progeniture
  • # D'un autre coté...

    Posté par  . Évalué à 0.

    Il dit que les brevets ont pas empeche le libre de se developper aux USA.
    Ca me parait un bon point pour lui... en effet les seuls problemes qu'on a vu etait plutot liés au DMCA mais pas a des histoires de brevets... a moins que j'ai raté des choses ?
    Ne serions nous pas un peu trop alarmistes ?
    • [^] # Re: D'un autre coté...

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 0.

      Excellente question que je me pose depuis longtemps. Ya plein de truc bréveté
      utilisé par les entreprises... Les propriétaires des brevets n'ont rien demandé, où... ya pas de problème ?

      Ya til un spécialiste dans la salle ?

      « Il n’y a pas de choix démocratiques contre les Traités européens » - Jean-Claude Junker

  • # Accords à l'OMPI

    Posté par  . Évalué à 1.

    Les traités de l'OMPI (http://wipo.int(...)) de 1996 laissaient présager les évolutions actuelles.

    Contrairement à ce qui a été écrit de manière un peu farfelue dans d'autres commentaires, ce n'est pas une élection (John Kerry) qui va inverser le cours des choses (idem en 2000 avec Al Gore).
    Ces traités ont été signés par des États souverains, la voix des USA comptait pour un, idem pour chaque PED (ils ne sont d'ailleurs rentrés en application qu'en 2002 parce qu'un nombre insuffisant d'États les avaient ratifiés).

    Si ma mémoire est bonne, les ADPIC (TRIPS) contiennent un certain nombre d'exceptions/exemptions à l'égard des PED. Leur application est inégale et difficile à juger dans l'ensemble.

    Intéressant, dans le courrier du service gouvernemental:

    "Le gouvernement français est par ailleurs favorable à une application
    rigoureuse des critères de brevetabilité afin d'améliorer globalement la
    qualité des brevets délivrés."

    Dans ce cas le double-click est non brevetable, pour lier à un débat d'actualité (conditions du non-obvious non remplie).

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