• # Question ?

    Posté par  . Évalué à 1.

    Je ne comprends pas bien les enjeux d'une telle décision de justice. Quelqu'un peut-il expliquer ce qu'il se joue ici ?

    • [^] # Re: Question ?

      Posté par  . Évalué à 5.

    • [^] # Re: Question ?

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10.

      C'est juste plus compliqué à suivre si on n'a pas suivi l'affaire depuis le début (peut-être ton cas). Cet article fait suite à d'autres articles parus y a quelques mois, en particulier (parce que du même journal en ligne): https://www.nextinpact.com/news/108173-it-development-vs-free-mobile-violer-licence-logiciel-est-il-contrefacon.htm

      En cherchant sur le web au sujet de cette affaire, on trouve néanmoins des sources plus anciennes car il s'agit en fait d'un jugement d'octobre 2018.

      En gros, dans le logiciel, cela fait des années que l'on considérait comme acquis qu'une rupture de licence impliquait un délit de contrefaçon (comme en général tout ce qui touche au Code de la propriété intellectuelle). C'était le statu-quo et tout le monde considérait cela comme acquis (notamment car il y a eu d'autres affaires qui ont basé leur jugement sur cela). Pour ce qui nous intéresse, dans le Logiciel Libre, cela était donc aussi devenu évident qu'enfreindre une licence de logiciel libre impliquait un délit de contrefaçon.

      Cette décision de la cour d'appel de Paris venait donc tout chambouler, tout en posant une question à la Cour de justice de l’Union européenne (c'était donc un peu une décision intermédiaire). Le jugement de cette dernière fut donc d'invalider la première décision et ainsi de revenir au statu-quo précédent.

      Quand on lit les vieilles news, on voit que les avantages de considérer cela comme une contrefaçon, c'est déjà que c'est un délit, donc un acte illégal en soi, avec des dommages et intérêts assez importants prévus par la loi (en gros, en contrefaçon, on a une amende entre 300.000 et 750.000€ + des dommages et intérêts importants pour la partie lésee).

      Dans l'autre cas, si on considère cela comme une rupture de contrat, ce n'est plus un délit, c'est purement du droit civil (alors que la contrefaçon est à la fois civil et pénal), et j'imagine que ça veut peut-être dire que ça se juge dans un tribunal différent (je sais pas!). Ensuite on peut aussi demander des dommages et intérêts pour la partie lésée. Mais je me dis que si les entreprises préfèrent que ce soit une contrefaçon, c'est sûrement que les dommages et intérêt qu'on arrive à obtenir dans ce cas sont généralement plus élevés. Le fait que ce soit un délit et que ce soit moins courant (des ruptures de contrat, doit y en avoir plein par jours, non?!) doit probablement aider.

      De toutes façons, y a un tel lobbying en France autour de la "propriété intellectuelle" (qu'on aime ou pas ce texte, c'est le nom officiel dans la loi, je le rappelle; je ne fais pas là de débat philosophique sur oui ou non on peut "posséder" des œuvres de l'esprit) que ça ne m'étonne pas que tout ce qui tourne autour soit beaucoup plus puni. Les gens sont vraiment obnubilés par ce concept d'œuvre de l'esprit, de droit d'auteur, de "vol de propriété intellectuel" (techniquement appelé "contrefaçon" donc! On rappelle que ce n'est pas du "vol", même si c'est le terme que les journalistes aiment bien sortir) et tous les majors de tout poil font pression à fond dans ce sens là (ils vont pas faire pression pour les dommages et intérêts dans les cas de rupture de contrat si jamais ils veulent rompre des contrats facilement tout en ayant des sommes minimales à payer). Donc oui probablement que si vous rentrez dans cette case, vous pouvez toucher plus que de simplement subir un contrat rompu.

      En tous les cas, on voit clairement que plus d'effort a été mis dans la description des dommages et intérêts du Code de la Propriété Intellectuel.
      Alors que les dommages et intérêts du Code Civil parlent juste de:

      - refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
      - poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
      - obtenir une réduction du prix ;
      - provoquer la résolution du contrat ;
      - demander réparation des conséquences de l'inexécution.
      

      Le Code de la propriété intellectuel prend en considération:

      1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
      2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
      3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. 
      

      Les points 2 et 3 en particulier sont différents. Déjà y a un préjudice moral (c'est super vague! Comment on met ça en numéraire? C'est vraiment une base super floue donc on peut sûrement demander tout et n'importe quoi).

      Quant au point 3, globalement non seulement on demande le manque à gagner/la perte estimée par la partie lésée (comme pour les dommages du code civil) mais surtout on demande aussi que les bénéfices qui furent réalisés soient pris en compte, et ça j'ai pas vraiment l'impression que ce soit possible avec les dommages en Code civil. C'est donc un peu double peine pour le contrevenant.

      P.S.: NextInpact de son côté aussi dit que le classement en contrefaçon autorise à faire faire des saisies par un huissier, ce qui permet alors de constituer plus facilement un dossier de preuves. C'est certes utile si justement on n'a pas assez de preuves, mais si on a déjà des preuves solides, c'est pas ça qui change la donne. Je pense que le gros du problème, c'est vraiment qu'on peut sûrement espérer plus de dommages et intérêts.

      Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]

      • [^] # Re: Question ?

        Posté par  . Évalué à 1.

        Super merci Jehan! Oui, en effet, je n'avais pas l'historique. Ce que je comprends, c'est que c'est plutôt une bonne nouvelle pour les logiciels libres et le respect de leurs licences.

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