Hello,
Après quelques recherches infructueuses, je me tourne vers vous.
Je me demandais quelles étaient les distributions non-commerciales les plus démocratiques, et les plus ouvertes à recevoir l'aide de leurs utilisateurs ?
Je me pose cette question suivant certains critères :
1) Le critère non-commercial de la distribution (ce qui exclut des distrib' comme Ubuntu ou RH)
2) L'horizontalité de l'organisation de la distribution (par ex. avec de larges assemblées qui prennent les décisions; ou avec une absence de verticalité dans l'organisation de la distribution, par ex. avec des dirigeants élus, et qui peuvent être révoqués à tout moment selon une procédure fixée)
3) La part démocratique de la prise de décision (ça ressemble au point 2, mais il s'agit ici davantage d'un aspect fonctionnel, alors que le 2 est plutôt structurel). Et peut-être même avec une implication des membres dans la vie démocratique de la distribution (on peut penser par ex. à une manière d'intégrer les "non-développeurs" aux décisions).
4) L'ouverture de la communauté aux nouveaux venus (on peut penser à des étapes en fonction de l'implication, pour faire partie des assemblées)
5) Une politique cohérente par rapport aux principes du logiciels libres (aucune intransigeance ici, juste une cohérence éthique peut-être, comme peut l'avoir Debian en séparant les répertoires)
A première vue, je ne vois que Debian et Gentoo, qui ont pour structure une fondation qui a une politique claire et dont les décisions sont démocratiques (méthode de Schulze), mais je n'en suis pas certain (dans le sens démocratique large que j'entends). On pourrait parler aussi de Arch, mais il me semble que les prises de décision sont beaucoup moins démocratiques, et plus limitées quant aux "décideurs" impliqués.
Enfin voilà, peut-être pourriez-vous m'éclairer sur cette question "politique" quant à la vie de nos distributions ? Je rêve sans doute une distribution démocratique idéale (peut-être existe-t-elle…).
# Problème mal posé…
Posté par Jiehong (site web personnel) . Évalué à 7.
Déjà, en politique, la démocratie, ça n'existe pas vraiment, car ce n'est pas le peuple qui dirige, mais ses représentants.
Ensuite, il y a le problème des faiseurs : souvent, tu participes volontairement, et tu vas donc faire en priorité ce qui te plaît.
Du point de vue du contributeur, c'est un peu bizarre de se faire imposer une décision par des utilisateurs qui ne participent pas forcément, et qui n'y connaissent pas forcément non plus.
En fait, c'est tellement un problème, que les distributions ont plus tendance à pencher vers une méritocratie, même si c'est fondamentalement une approche inégale…
Debian est souvent maintenue par ceux qui participent le plus (c'est presque une lapalissade…), même si ont est élu, c'est souvent en rapport à nos contributions : celles-ci sont une sorte d'entrevue de la qualité des promesses faites.
Je ne pense pas qu'une distribution comme celle que tu cherches existe, et elle a peu de chance d'exister en fait.
Pour ce qui est d'Archlinux, elle s'est définie un leitmotiv, et ceux qui la gère sont ceux qui adhère à celui-ci : KISS, rolling-release, versions des logiciels la plus proche possible des versions originelles.
Je te conseille donc Debian, même si les règles de progression sont assez informelles.
Bonne chance !
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par Nairwolf . Évalué à 2.
Comment peut-il en être autrement ? On rappelle que l'on parle de logiciels libres. Les gens ne sont pas payer, et font cela uniquement parce qu'ils en ont envie, parce que cela leur plaît. J'imagine que dès lors la direction que prend une distribution ne plaît plus à un développeur, celui-ci est libre d'arrêter ce qu'il faisait, et de le faire ailleurs. Il est donc clair que les développeurs vont travailler pour les choses qui leur plaisent !
Après, pour l'aspect démocratique et le rapport avec les "faiseurs", je dirais qu'il n'y a pas que les développeurs qui ont leur mot à dire dans une distribution. Les utilisateurs finaux peuvent bien donner leur avis, mais seul la perte d'utilisateurs pourra sans doute faire changer d'avis les développeurs. Mais en réalité, je pense qu'il y a bien des moyens de s'impliquer dans la vie d'une distribution, en participant à la documentation, à la conception, au management en organisant des réunions et en élaborant des roadmap, ou encore en faisant soit du support actif, ou de la communication et du marketing. Ah, et j'oubliais aussi les testeurs, et les designeurs. Je pense que si tu es un contributeur actif (mais pas forcément du code), alors, tu obtiendras une certaine renommée et considération. Si tu connais bien la distribution, tu pourras sans doute propager des idées, et si celles-ci sont intéressantes, tu pourras intéresser des développeurs prêt à développer ce projet.
Mais de toute manière, les développeurs n'étant pas sous contrat, tu ne pourras pas leur obliger à faire quelque chose qu'ils n'aiment pas, ou qu'ils ne souhaitent pas.
Dans la vraie vie, on est censé accepter tous les lois puisque nous avons voté les députés qui ont voté les lois. Ce sont nos représentants. Pourtant, certains outrepassent les lois, et ne les acceptent donc pas. Dans ce cas-là, pour faire respecter les lois, l'Etat a un formidable moyen de pression, qui est la
ForceJustice. (Si tu ne l'as pas encore fait, je te conseille de lire Pascal sur le sujet de la Justice et de la Force).Le libre est sans doute plus proche d'un système anarchique que d'un système démocratique.
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par rdhlnn . Évalué à 1.
Je suis d'accord avec vous sur l'analyse des faiseurs, et l'aspect de méritocratie qui régit actuellement le logiciel libre. Mais on pourrait imaginer organiser davantage le pouvoir décisionnel en donnant plus de pouvoir à tous les faiseurs (à toutes les échelles de l'action, du développeur à celui qui contribue au wiki par ex.) de façon encadrée et en suivant des principes démocratiques, afin de pousser à l'implication et à la vie sociale du projet.
Une distribution n'est pas un Etat (même si ce serait amusant…). Quand je parle de démocratie (il s'agit davantage d'un système fonctionnel de prise de décision) que de l'idéal politique (au sens noble) qui pourrait régir notre société (en effet, aucun Etat actuellement n'est réellement démocratique dans ce sens idéal).
Il y a néanmoins divers degrés d'organisation de cette méritocratie avec des fonctionnements "démocratiques". Par ex., dans une distribution comme Slackware, il n'y a pas le même fonctionnement décisionnel que dans Debian ou Gentoo, malgré une contribution qui pourrait être identique. La verticalité du pouvoir est moindre dans ces deux projets, et l'organisation beaucoup plus démocratique avec des assemblées qui décident. D'un point de vue technique, on a pu le voir avec l'implantation de systemd (pas de polémique ici quant au fond), même si le débat a été extrêmement véhément, il a été très organisé et "démocratique" chez Debian.
Ce n'est peut-être pas étonnant de retrouver cela dans ces deux distributions qui sont structurées en des fondations à but non lucratif avec des chartes bien rédigées et à fortes valeurs sociales (ici dans un sens large, et je pense particulièrement aux documents organisant Debian).
Mais cette "méritocratie" ne me semble pas extrêmement bien organisée malgré tout ; c'est certes en fonction de l'implication, mais il y a un côté aléatoire qui demeure. On pourrait imaginer des degrés (d'implication) qui donnent des pouvoirs décisionnels supplémentaires et élargis (quant au nombre de décideurs). Tout cela n'est pas vraiment réfléchi, c'est juste une idée qui me vient.
Tu parles de "système anarchique", je ne sais pas si tu l'entends dans un sens d'anomie, de chaos ou dans le sens politique de l'anarchisme (horizontalité, etc.). Si c'est le second cas, je suis assez d'accord avec toi, mais une des caractéristiques du système anarchiste est la prise de décision démocratique justement.
Et dans cette réflexion, je me demandais s'il existait des distrib' qui mettent encore plus l'accent que Debian ou Gentoo, sur l'organisation sociale du projet (comme il en existe certaines qui insistent sur le libre, comme Trisquel). Il n'y a pas de critique ici, je trouve déjà formidable l'organisation de ces deux projets, en particulier l'application de la méthode de Schulze.
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par 🚲 Tanguy Ortolo (site web personnel) . Évalué à 3.
Je doute que ça existe, parce que ce serait à mon avis excessif. Je connais mal Gentoo, mais concernant Debian, l'organisation est précisée dans une constitution, et est appliquée d'une façon qui peut déjà apparaître formelle, froide, bureaucratique si tu veux. Ça marche, mais aller formaliser ça encore plus, mauvaise idée à mon avis.
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par Jiehong (site web personnel) . Évalué à 3.
Puisque tu sembles insister sur la méthode des votes, j'en profite pour donner trois liens vers un article d'Images des mathématiques (CNRS) qui explique pleins de choses sur le vote et le gagnant de condrocet :
Partie I :
http://images.math.cnrs.fr/La-democratie-objet-d-etude.html
Partie II :
http://images.math.cnrs.fr/Et-le-vainqueur-du-second-tour-est.html
Partie III :
http://images.math.cnrs.fr/La-quete-du-Graal-electoral.html
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par rdhlnn . Évalué à 1.
Génial ! Merci des liens ! C'est un domaine d'étude qui m'intéresse beaucoup en effet. Et ce serait formidable si les maths pouvaient donner la cadence à la politique, ce serait rafraîchissant. Un peu inespéré aussi… Sauf si :) … on en fait une transcription politique à travers des systèmes informatiques, comme le parti pirate allemand avec son utilisation de la démocratie liquide. Espoir, espoir…
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par 🚲 Tanguy Ortolo (site web personnel) . Évalué à 3.
Il y a une grosse nuance à ajouter, là : ces systèmes sont super pour des scrutins à bulletin public qui peuvent être dépouillés à la machine, avec donc un publication des votes qui permet sa vérification, mais inutilisables pour des votes à bulletin secret, pour lesquels le seul moyen garantissant à la fois le secret et la vérifiabilité est le vote papier avec dépouillement manuel.
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par rdhlnn . Évalué à 1.
Je suis d'accord avec toi. C'est d'ailleurs le principal problème de l'utilisation du vote électronique, même au sein d'organisation privée.
Mais peut-être il serait intéressant de s'interroger non pas sur la manière de voter mais sur le fondement du secret du vote. Peur du régime, de la répression, fondement culturel du secret, etc.
Cela pourrait aller dans la perspective des recherches sur le "big data" (par ex. celle de Alex Pentland), qui prônent une sécurité des utilisateurs par la transparence totale des données, et cela à grande échelle. On peut aussi mettre cette problématique entre transparence du vote et son secret en parallèle avec la forme athénienne de la démocratie ou le Landsgemeinde suisse. La clef est sans doute la confiance…
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par 🚲 Tanguy Ortolo (site web personnel) . Évalué à 3. Dernière modification le 11 août 2015 à 13:30.
Je n'ai pas de réflexion profonde sur le sujet, mais il me semble que, selon le type de vote, c'est le secret ou la transparence qui doit être privilégié :
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par Benoît Sibaud (site web personnel) . Évalué à 3.
Ce n'est que depuis le 8 avril 2014 que les votes des députés français sont explicitement/exhaustivement listés.
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par 🚲 Tanguy Ortolo (site web personnel) . Évalué à 3.
Il me semble qu'avant, cela était possible si des volontaires venaient observer les séances et publier leurs observations.
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par Nairwolf . Évalué à 2.
Tu parles de "système anarchique", je ne sais pas si tu l'entends dans un sens d'anomie, de chaos ou dans le sens politique de l'anarchisme (horizontalité, etc.). Si c'est le second cas, je suis assez d'accord avec toi, mais une des caractéristiques du système anarchiste est la prise de décision démocratique justement.
Je parlais oui, du second cas. Il n'y pas (ou très peu) de verticalité dans le pouvoir. Si tu es capable de faire, alors tu fais, si tu n'es pas capable, bein, t'es pas capable. Tu t'imposes en quelque sorte par tes capacités.
Et oui, il faut bien qu'il y ait un système pour prendre la décision. Tu remarqueras qu'au passage, même dans les grandes compagnies, c'est rarement une seule et unique personne qui prends les décisions. Il y a des actionnaires à prendre en compte, mais aussi les conseillers, les autres membres importants de la société, etc etc. Ce sont les membres les plus importants qui prennent la décision, et les choix stratégique.
Après, est-ce qu'une organisation sociale avec une volonté d'avoir une démocratie participative pourrait fonctionner ? Je n'en sais rien. A vrai dire, je ne suis pas réellement impliqué dans quelque communauté que ce soit, mais je m'y intéresse à ces idées.
Ce que je pense, c'est que c'est théoriquement envisageable. Cela reviendrait à considérer que l'on ne développe pas pour soi, mais pour les utilisateurs, pour tout le monde. Je crois que l'on trouve vraiment les deux types de développeurs dans le libre. Il y a celui qui va vouloir développer pour faire un logiciel qui va satisfaire le plus grand nombre (logique de vendeur qui cherche à satisfaire le client), et celui qui va chercher à développer un logiciel d'abord pour lui-même, car il l'utilise et qu'il va chercher à le façonner pour son utilisation. Si des développeurs du premier cas existent, il est donc possible de construire un modèle comme celui-ci, où tu considères que tu développes pour une communauté et que celle-ci a droit de décision sur l'avenir du logiciel.
Néanmoins, cela ne résout pas le problème initial, pratique, qui est que comment fais-tu si la vision des développeurs s'éloignent trop de la vision des utilisateurs finaux ? Comment fais-tu pour forcer les développeurs à continuer à bosser s'ils ne s'intèressent plus au projet ? Les développeurs libres n'ont aucune obligation, à part les règles qu'ils peuvent se fixer arbitrairement, sur les logiciels qu'ils développent. A moins qu'ils soient payés, sous contrat, tout ça, tout ça…
Tiens, d'ailleurs, ça pourrait être une idée. Pour avoir le droit de vote sur l'évolution d'un logiciel, le critère, ce n'est pas l'implication de ta participation ou tes compétences, mais l'argent. Mettons que tu trouves 10 développeurs que tu serais prêt à employer à temps plein pour 3000€/mois (chiffre arbitraire, mais qui ne semble pas être délirant pour un ingénieur). Mettons, que tu si tu as 1000 utilisateurs, tu peux leur demander de payer 30€/mois. Et ainsi, ils ont le droit de vote (toute voix est égale) sur l'évolution du software/distribution. Il n'y a pas la belle théorie de la démocratie et de la citoyenneté, mais l'idée vaudrait le coup d'être tenté, non ? En fait, ce que je décris, c'est un peu le modèle de la bourse et des actions, mais j'ai l'impression que cela pourrait marcher !
[^] # Re: Problème mal posé…
Posté par rdhlnn . Évalué à 1.
Je suis un peu méfiant face à ce genre de système (un peu comme la démocratie censitaire en politique), parce que cela crée une rupture sociale dans une communauté, une reproduction des mécaniques de classe, etc. La question de l'argent ne devrait pas rentrer en compte dans le développement, sinon tu pourrais avoir des tentatives d'"OPA" sauvages en détournant cette mécanique (une grosse boîte qui paie plein de développeurs pour diriger le projet libre vers ses besoins, et tout ça à moindre frais).
Par contre, il y a peut-être là une idée à creuser avec la question du don mensuel (un peu comme dans bountysource). On pourrait penser ton système mais pour le statut de membre. Par ex., les membres donateurs ont 1 voix. Mais le problème reste le même, même si tu fixes juste un minimum de la donation à 1 euro (le membre qui donne 1 euro et celui qui donne 1000 euro ont le même nombre de voix), pour nous en Europe, ce n'est pas grand chose, mais dans certains pays, c'est une somme qui représente bien davantage. Cela créerait une organisation "pour les occidentaux", alors que le libre se veut internationaliste, en suivant ce qu'est la technique contemporaine des réseaux.
On pourrait penser à joindre la méritocratie et la démocratie. On pourrait imaginer un système où tous les membres partent avec une voix (pas besoin de payer, juste de créer un compte, cela crée en effet un risque de fraude, on pourrait envisager un moyen de l'empêcher sans doute). Et après, ton importance dans la prise de décision correspond à tes contributions. Tout le monde peut participer dans un projet libre, cela va du design, en passant par la traduction ou les corrections orthographiques du wiki, jusqu'aux développeurs qui mettent les mains dans le [C]ambouis (il faudrait savoir si chaque activité a le même poids, ou alors quel ratio créer). En fonction, de ta participation tu engranges des voix. Cela peut ne pas correspondre forcément à une progression linéaire. Et il faudrait un maximum des points (un état de "super" contributeur, par ex. à 1000 voix), et tu pourrais perdre des points avec le temps si tu ne participes plus. Ca pourrait faire un algo sympa tout ça (si j'ai un peu de temps, je m'y risquerai, et vous le soumettrai).
L'ébauche d'un tel système pousserait peut-être à s'impliquer dans la vie du projet, tout en respectant la voix de l'utilisateur passif (qui ne fait rien), ou celui qui fait peu, par ex. le correcteur de coquilles du wiki.
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