Cette dépêche est issue du journal d'Antoine Catton qui passe en revue le marché des imprimantes 3D à l'occasion verrouillage récent de l'accès à l'impression par le fabricant Bambu Lab.
Plus de détails dans la suite de la dépêche.
Il y a quelques années, je suis tombé dans la marmite de l'impression 3D. Mon employeur nous donne accès à un « makerspace » d'entreprise, en tant qu'avantage en nature. Il y a, entre autres, quelques imprimantes 3D.
Au bout d'un moment, j'en avais marre de ne pouvoir imprimer qu'au boulot, donc j'ai passé le pas. Ch'suis pas dépensier, ch'suis pas fan de bagnoles, ni de foot, j'achète un nouvel ordi tous les 5-6 ans en moyenne, donc j'ai cassé la banque et me suis fait plaisir en m'achetant une imprimante 3D.
Je sais pas si tu sais, mais il y a plusieurs types d'imprimantes 3D. Le type le plus connu, c'est le type « FDM » ou « dépôt de fil fondu » dans la langue de Molière. La meilleure description, c'est « un pistolet à colle chaude sur une table traçante. » Aujourd'hui, c'est ce que la majorité des gens imagine quand on dit « imprimante 3D. » Il y a d'autres types d'imprimantes 3D, comme, par exemple, les imprimantes à résine, qui utilisent un écran LCD ultraviolet pour solidifier de la résine au fond d'un bac de résine liquide. Ces imprimantes 3D sont, en général, utilisées pour imprimer des détails plus fins, surtout pour les otakus qui impriment des figurines de Manga et Animés, entre autres. Dans ce journal, je ne parle que d'imprimantes dites « FDM », c'est-à-dire, « l'imprimante 3D normale, » comme dirait François Hollande.
Je sais pas si tu sais, mais, en gros, y a cinq « marques » principales d'imprimantes 3D pour les « prosumer », comme disent les Américains qui ont la classe. (En françois on pourrait traduire ça par « utilisateur quasi-pro », j'ai aussi vu la traduction « prosommateur », mouais…)
Dans l'ordre de ce que j'estime la plus grosse part de marché à la petite:
- Bambu Lab : un constructeur de Shenzhen, en Chine, j'en parle plus tard dans ce journal.
- Creality : un autre constructeur de Shenzhen, avec les prix parmi les plus bas du marché, pour une qualité médiocre.
- Prusa : un constructeur tchèque, j'en parle plus tard dans ce journal.
- Anycubic : un troisième constructeur de Shenzhen, avec les prix et la qualité qui rivalisent avec Creality.
- Voron : c'est pas vraiment une marque, mais plus une gamme d'imprimantes conçue par des ingénieurs sur leur temps libre. Ils collaborent et publient les plans sur Internet, le tout sous licence libre. Si tu veux une imprimante de cette marque, il faut commander les pièces individuellement sur Amazon, Alibaba & Cie. Ya aussi des entreprises qui vendent des kits à assembler, comme chez Ikea, si tu veux pas trop t'embêter. La qualité des kits est… variable, on va dire.
Si t'es comme moi, et que tu traînais dans les salons Linux et les conférences de logiciels libres ya 10-15 ans, je sais pas si tu te rappelles, y'avait toujours le geek du coin qui voulait se la raconter. Le mec ramenait son imprimante 3D pour la montrer, comme d'autres montrent leur Porsche dans les salons auto. C'était toujours une imprimante avec un châssis en contreplaqué, découpé au laser, et avec « Ultimaker » ou « Makerbot » écrit dessus, brûlé au laser. Tu t'souviens ? Eh bien, ces marques ont fusionné, maintenant, ils ne vendent que des imprimantes 3D professionnelles à plus de 5 000 €.
Bref, pour en revenir à nos marques, je sais pas si t'as remarqué, mais la plupart sont de Shenzhen. C'est pas une coïncidence : Shenzhen, c'est La Mecque du composant électronique. Des servomoteurs ? Des circuits imprimés ? Tu trouves ça sur le marché local du coin pour faire du prototypage. Et, une fois que je veux fabriquer, ya 100 usines qui sont prêtes à mettre en production ton projet. Voilà pourquoi il est bien normal que ce soit plus facile pour un constructeur d'imprimante 3D de faire tourner une entreprise sur place, quand ses fournisseurs sont à 30 min de trajet.
En dehors de Voron, y'a un constructeur qui sort du lot : Prusa. Alors, je suis partial, je suis fan de ce constructeur. Ils étaient parmi les premiers, après Ultimaker et Makerbot, à vendre des imprimantes 3D directement aux bidouilleurs en tout genre. Au début, c'était un mec dans son garage qui achetait des pièces détachées en gros, et les mettait en détail dans des kits qu'il revendait. C'était l'esprit RepRap. Depuis, ils ont grossi et utilisent leurs propres imprimantes pour imprimer les pièces en plastique des imprimantes qu'ils vendent. Beaucoup de leurs composants, surtout électroniques, viennent de Chine, mais ils disent qu'ils essaient de faire marcher au max des fabricants européens.
Au fil des années 2010-2020, Prusa est devenu la référence de l'imprimante quasi-pro de qualité. Pendant cette période, Prusa a fait évoluer son imprimante petit à petit. Certaines pièces peuvent être imprimées avec l'imprimante pour que les utilisateurs puissent profiter des mêmes améliorations que les nouvelles imprimantes vendues. Une fois tous les 2 ou 3 ans, ils sortent une nouvelle version majeure de leur imprimante et vendent des kits à bas coût. Ça permet aux anciens clients de pouvoir moderniser leur imprimante. C'est l'esprit bidouille et réparabilité.
Petit aparté : pour imprimer en 3D, il te faut un modèle 3D, ça va de soi. Mais, il te faut aussi un « slicer », en bon français, un « logiciel de découpage en tranches ». Ce logiciel convertit le modèle 3D en instructions physiques pour l'imprimante 3D : « va 2cm à droite, 5cm vers l'avant, etc. » On appelle ça du découpage en tranche, parce que ces instructions physiques permettent d'imprimer les couches successives de plastique.
J'en parle, parce que ce qui a contribué significativement à l'ascension de Prusa comme référence pour l'impression, c'est son slicer. Ils ont très rapidement forké un logiciel libre sous AGPL : Slic3r. Ils l'ont amélioré grandement pour que les utilisateurs puissent profiter de leur imprimante au mieux.
Très rapidement, Prusa Slicer est devenu la référence du logiciel de découpage en tranche, au côté de Ultimaker Cura.
Mais, soudain, en 2020, un nouveau constructeur apparaît ! Bambu Lab.
C'est le chamboulement ! Le nouveau constructeur vend une imprimante avec une qualité d'impression aussi bonne que Prusa, mais avec une vitesse supérieure incomparable, pour 900 € au lieu de 1 500 € chez Prusa. À ce prix-là, il y a aussi plus d'accessoires que Prusa. La Bambu Lab P1S vient avec un boîtier et un filtre à air d'origine (Le boîtier chez Prusa est dans les 300 € de plus et le filtre à air un peu en dessous de 100 € chez Prusa).
C'est un carnage : le monde des « makers » se retourne contre Prusa et ne fait l'éloge que de Bambu Lab. Prusa est comparé à Blackberry et Nokia qui ont loupé le tournant du smartphone. Prusa est critiqué à chaque tournant.
Pendant ce temps-là, les libristes et les makers originaux se sentent mal. Bambu Lab est l'iPhone de l'imprimante 3D. L'imprimante est fabriquée en grosses séries, avec du plastique moulé par injection.
L'entreprise a forké Prusa Slicer, et a renommé le tout « Bambu Studio ». C'est dans leur droit, le logiciel est libre. Ils ont préservé la licence, et précisent bien dans leur README que c'est une reprise de Prusa Slicer. Jusque-là, tout va bien. Il n'y a pas réellement de fonctionnalité supplémentaire par rapport à Prusa Slicer, mais ils ont implémenté la compensation de la résonance. C'est compréhensible, c'est ça qui leur permet d'imprimer aussi vite, et à l'époque Prusa Slicer n'avait pas cette fonctionnalité.
Le problème, c'est la partie impression… Bambu Lab promeut « le cloud. » Pour imprimer, il faut envoyer le modèle 3D sur des serveurs avec logiciel proprio, en dehors de l'Europe. L'imprimante se connecte aux mêmes serveurs et reçoit les instructions pour l'impression. Les gens s'en foutent, ce qui importe, c'est que ça marche et que l'interface utilisateur soit facile et harmonieuse ! On peut même imprimer depuis son téléphone, dis-donc !
Tu dois te demander, pourquoi je te raconte tout ça ? Bein voilà… Il y a quelques jours, Bambu Lab a fait une mise à jour du logiciel interne de ses imprimantes. Ils prétendent que, pour des raisons de sécurité, ils ont dû verrouiller l'accès à l'impression. Maintenant, si tu veux imprimer avec ta Bambu Lab, de ce que j'ai compris, tu ne peux passer que par l'appli proprio « Bambu Connect » qui utilise des clés de chiffrement privées. Si j'étais dans les théories du complot, je dirais que ça sent la fermeture à distance d'un produit acheté.
C'est le fameux Bait-and-Switch, comme Gandi. Bientôt, je vais être connu sur DLFP comme la moule qui dénonce les tromperies sur marchandises.
Bref, j'ai acheté une Prusa, donc je m'en contrefiche. Mais, y'a deux ans, les gens me prenaient pour un loser qui avait encore un BlackBerry en 2010. Maintenant, je biche.
Si t'es affecté, il y a des guides pour contourner les mesures techniques de « protection ».
Sinon, si t'as pas d'imprimante, mais après cette dépêche tu réfléchis à t'en acheter une, tu dois te demander : j'achète quoi ?
Avertissement : je suis un fanboy de Prusa, donc je suis pas impartial. Fais-toi ta propre idée. Je n'ai aucun lien financier direct ou indirect avec ces constructeurs, à part avoir été acheteur d'une Prusa MK4, qui a été modernisée en MK4S depuis.
- Si tu fais attention à tes dépenses et que tu veux pas trop acheter de la crotte, regarde du côté de la Creality Ender-3. C'est principalement proprio, c'est pas la meilleure qualité, mais une bonne affaire pour le prix. Il y a une grosse communauté qui propose des améliorations avec les moyens du bord.
- Si tu veux pas t'embêter, et que t'es prêt à mettre de l'argent, et que tu veux quelque chose à 80% ouvert et de bonne qualité, je conseillerai la Prusa MK4S pré-assemblée, avec l'option boîtier. Achète l'option filtre plus tard si besoin. Je sais que la Prusa Core One a été annoncée, mais personne ne l'a encore testée. Moi, j'attendrais le résultat des tests de consommateurs avant de juger.
- Si t'es prêt à mettre plus d'argent, un ou deux week-ends d'assemblage, que tu veux quelque chose de presque totalement ouvert et de bonne qualité, il y a la Voron 2.4. Il va falloir que tu trouves un kit de qualité si tu veux pas acheter les pièces individuellement. Si tu veux pas trop te prendre la tête, regarde la Rat Rig V-Core 4 en kit à assembler sois-même. C'est une boite portugaise, c'est pas une Voron 2.4, mais c'est similaire et le kit arrive avec tout (Contrairement à la plupart de kits de Voron qui te demandent d'imprimer les pièces en plastique toi-même).
En tout cas, si t'es libriste, j'espère que je t'ai empêché d'acheter une Bambu Lab.
J'ai mis aucun lien vers les constructeurs pour éviter la pub, mais votre moteur de recherche vous mènera au bon site.
Note: même si je ne suis pas journaliste, et que le droit de réponse ne s'applique pas, Bambu Lab a communiqué sur l'affaire. Je met un lien pour être fair-play.
Aller plus loin
- Journal à l’origine de la dépêche (49 clics)
- Le verrouillage d'accès par Bambu Lab (42 clics)
# C'est pour ton bien !
Posté par Christophe --- . Évalué à 2 (+1/-0).
Bonjour,
A mon avis, ils ont juste embauché quelqu'un qui s'y connaissait un peu plus en sécurité informatique, et qui leur a fait remarquer que l'IoT c'était la porte ouverte à se faire hacker (eux et/ou les clients), avec son lot de ransomware et compagnie, et que non, on peu pas laisser les choses dans l'état, d'où le:
Pour info, il y a de plus en plus de standards pour imposer des règles de sécurité sur les trucs connectés à internet, justement pour éviter que les clients se retrouvent dans la m*rde, il est probable qu'ils aient été contraints de faire ça pour continuer d'avoir le droit de vendre en EU+US.
Mais je pense aussi que tu as eu raison de t'en éloigner. Non mais sérieux, le Cloud pour imprimer?
Sinon merci pour les info, elle à l'air intéressante la Core One.
# Il y a aussi les fablabs
Posté par Sébastien Dinot (site web personnel) . Évalué à 8 (+7/-0). Dernière modification le 26 janvier 2025 à 09:32.
Bonjour à tou⋅te⋅s,
Il y a aussi l'alternative du fablab, si on a la chance d'en avoir un près de chez soi.
J'ai pour ma part une utilisation occasionnelle des imprimantes 3D et des machines de découpe laser. Sans même parler du prix, acheter de tels équipements pour les utiliser quelques fois par an seulement ne serait pas responsable (je parle de mon cas, pas des fans d'impression 3D qui en font une utilisation quotidienne ou même hebdomadaire). En outre, ces machines sont encombrantes, alors que je vis dans un appartement.
Ce faisant, j'ai choisi de ne pas investir et d'adhérer à un fablab. Outre le matériel, j'y trouve des formations et une communauté, donc de l'expérience, du conseil et de l'intelligence collective, dont on profite en se rendant régulièrement sur place, et en concevant ses pièces sur site, au lieu de simplement y aller lorsqu'on a une impression à faire. Cela m'a permis de converger rapidement et d'éviter quelques erreurs lorsque j'ai réalisé mon dernier projet.
J'habite à Toulouse, où j'ai la chance d'avoir plusieurs fablabs « à proximité », dont le plus ancien de France, dont je suis membre depuis de longues années : Artilect.
Le fablab est réellement une alternative à considérer s'il en existe un près de chez vous. Certes, l'adhésion est payante, il faut se déplacer, ce n'est pas notre matériel, il n'est pas toujours disponible, il y a des horaires d'ouverture, c'est parfois bruyant et animé (ce qui n'est pas qu'un défaut), mais la mutualisation des équipements permet d'accéder à plus de matériel et cet environnement est stimulant.
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