Interview de la copyleft attitude

Posté par  (site web personnel) . Modéré par Benoît Sibaud.
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2
juil.
2003
Communauté
Après trois mois et beaucoup de discussions, la copyleft attitude a répondu aux questions que vous - lecteurs et contributeurs de linuxfr.org - leur avez posées.

Cela s'est fait par wiki interposé, et ce n'est représentatif que de ceux qui ont voulu répondre.
(NdM : cela représente déjà une longue interview, disponible en cliquant sur Lire l'article)

Pour rappel, la copyleft attitude est une liste de personnes (artistes, informaticiens, et autres) liées par l'utilisation de la Licence Art Libre.

Pour info, la copyleft attitude travaille actuellement sur une révision de la LAL, ainsi que la FAQ, mais aussi sur une refonte du site web. Conventions : Q pour question, R pour réponse, bonne lecture ! ;-)

Q par Nÿÿyco

* Euh... hum... Déjà, commencez par vous présenter en tant que collectif et individus...
* Ensuite pouvez-vous nous brosser un historique rapide du mouvement ?
* Et qu'est-ce que c'est que cette «License Art Libre» ?
* Que de mots et d'expressions : "droit d'auteur", "copyright", "copyleft", "propriété intellectuelle", "libre de droit", "domaine public"... pouvez-vous nous détailler tout ça ?
* Et terminons cette intro par une question fréquemment posée : y a-t-il une FAQ ?

R par Antoine Moreau

http://artlibre.org/events.php/copyrendu1.html

R par Romain d'Alverny

La foire aux questions répond déjà à plusieurs de ces questions ; bonne lecture : http://artlibre.org/faq/

R par L.L.d.M.

http://www.atol.fr/lldemars2/lestextes/lldm/lldmcopyleft.htm

R par Tangui

La copyleft_attitude est née de rencontres entre artistes, informaticiens et juristes à Accès Local et Public à Paris début 2000. Conscients que les lois de plus en plus rigides du droit d'auteur dénaturait l'art et limitait la création artistique, ils décidèrent de créer une licence copyleft pour l'art en s'insipirant de la GPL. Ces rencontres donnèrent naissance à la Licence Art Libre en avril 2000.

Depuis, la copyleft_attitude essaye de faire connaître cette licence copyleft applicable à tous types d'oeuvres d'art à travers des conférences, expositions, ...

Le mouvement est essentiellement organisé autour du net : ses mailing listes fédèrent plus de 200 artistes francophones.

R par BlueScreen

De: BlueScreen
Répondre-À :: copyleft_attitude@april.org
À: copyleft_attitude@april.org
Sujet: copyleft_attitude groupe/mouvement/collectif et Copyleft Attitude
Date: Thu, 12 Jun 2003 16:25:05 +0200
Bonjour,

A propos d'un "groupe", "mouvement" ou "collectif" autour de la LAL:

"Un intérêt primordial de la LAL est de mon point de vue sa nature de licence juridique. Il ne s'agit pas d'un collectif, encore moins d'un mouvement (dans le sens des mouvements artistiques), prêchant ou cherchant la copie de l'oeuvre, mais bien d'un cadre juridique dans lequel chacun peut inscrire, individuellement et librement, ses oeuvres. Je ne cherche d'ailleurs pas outre mesure la réutilisation de mes productions, je l'autorise." (Extrait d'une intervention que j'ai faite il y'a qq semaines à Bruxelles)

Pourquoi est il nécessaire pour un artiste comme moi, qui met l'ensemble de son travail sous LAL, de faire ce genre de précision lors d'une présentation publique?

Parce qu'il arrive de plus en plus couramment d'être présenté, par le simple fait d'utiliser la LAL, soit une licence juridique, comme un "membre" de Copyleft Attitude ou comme quelqu'un qui travaillerai avec Copyleft Attitude (sous entendu en tant que collectif artistique).

Comme vous le comprenez c'est cela qui me pose problème.

En quoi existerait il un collectif des utilisateur d'une licence?

En quoi utiliser cette licence constituerait une adhésion tacite à ce collectif, et par là une adhésion avec les approches et décisions des autres membres?

Oui pour moi la LAL est un très bon outil.

Oui je suis totalement en accord avec la quasi totalité des points de cette licence est avec la pensée globale du copyleft.

Mais je refuse totalement d'être assimilé avec un pseudo collectif d'artistes créant sous copyleft.

Pourquoi? Parce que un collectif ou un regroupement de créateurs, qui ne serait liés que par l'usage d'une licence me parait totalement plat, inintéressant, voir même dangereux.

Dangereux, parce que en mélangeant licence juridique et collectif, outre l'incompréhention du public, on créé un amalgame qui me semble néfaste pour le développement et la diffusion de la LAL.

Qu'il y ai besoin d'un regroupement restreint de personnes au sein de Copyleft Attitude pour permettre sa diffusion et son évolution, et une chose (et me semble évident). Mais il me semble tout aussi évident qu'il faut alors qu'il y ai une nette distinction entre les acteurs impliqués dans la diffusion et l'évolution de la LAL et les artistes utilisant de cette dernière.

Auquel cas la LAL sera (et c'est déjà souvent le cas) perçue comme une licence utilisée exclusivement par un collectif qui en est à l'origine et qui prône son utilisation. L'usage de la licence étant alors une marque d'appartenance à ce groupe.

Il pourrait par exemple y avoir une association, restreintes, dont les membres s'impliquerait dans l'information autour du copyleft et la diffusion de la LAL, mais qui devrait alors être clairement reconnue comme telle. (Soit par exemple une assos ayant pour but la diffusion de la lal) Et a coté de cela des artistes qui utilisent la LAL, en tant que licence, et au même titre qu'ils placerait un Copyright sur leurs oeuvres.

Pourquoi de nombreux artistes, prêt à rendre leur oeuvres libres refusent d'uttiliser la LAL? (Et préfère dès lors rendre leur production "copyleft" sans avoir recours à aucune licence, perdant de ce fait tout droit sur leur oeuvre, ce qui est stupide puisque la LAL existe et est très pertinente).

Personnellement je refuse totalement l'appartenance à un groupe d'artiste, auquel je ne connais même pas l'ensemble des membres, avec lesquelles je suis certainement en désaccord sur de nombreux points, et avec lesquels je n'aurais comme seul point commun l'usage d'une licence juridique.

Si vous ne percevez pas cette appartenance tacite à un collectif qui, si il n'existe pas à vos yeux, existe pour les autres, ouvrez les yeux! Parlez en en dehors du cercle restreint du Copyleft, observez les réactions d'autrui!

Et d'où provient l'image à laquelle est liée la LAL et Copyleft Attitude, si ce n'est ce ses acteurs?

Je n'essaye absolument pas de dire que je ne cherche qu'a utiliser cette licence sans vouloir m'impliquer dans sa diffusion, mais je ne peut cautionner la tournure que prend Copyleft Attitude.

Pour moi la condition primordiale a l'utilisation de la LAL est qu'elle ne dise que ce qu'elle dise!

L'utilisation de cette licence me gène dès lors lorsqu'elle devient connotée et marque l'appartenance à un collectif artistique.

Si cela est un choix délibéré des acteurs du Copyleft Attitude, et que l'usage de cette licence doit porter caution à ce choix, je serais dans le regret de vous quitter et de me tourner vers d'autres alternatives juridiques.

Sincèrement

BlueScreen http://b-l-u-e-s-c-r-e-e-n.net http://b-l-u-e-s-c-r-e-e-n.com

Q par imr

Dans les définitions, vous définissez l'oeuvre comme étant une oeuvre commune. Plus loin, dans l'étendue de la jouissance, vous dites "Cette oeuvre est soumise au droit d'auteur". et enfin vos dites "Cette licence est soumise au droit français." à la fin Donc ma question est: "qui est l'auteur de l'oeuvre commune qui va jouir des fameux droits d'auteurs que respecte la licence?" n'importe qui qui va apporter n'importe quelle modification à une des copies?

R par Isabelle Vodjdani

1- La jouissance de l'oeuvre commune, au sens hédoniste et spirituel du terme, revient en premier lieu à ceux qui vont l'apprécier et la recevoir, ainsi qu'à ceux qui vont l'activer en la diffusant ou en la modifiant.
2- Si par jouissance on entend le profit, alors elle revient à n'importe quel distributeur qui s'attachera à commercialiser l'oeuvre; et il n'a pas besoin de la modifier pour bénéficier de ce droit. Le distributeur peut être un ou plusieurs auteurs en l'occurrence.
3- L'autre forme de jouissance qui revient aux auteurs, est la reconnaissance de leur travail et de leur talent. En effet, la LAL fait obligation à tout utilisateur (modificateur ou simple diffuseur) de mentionner les auteurs de l'oeuvre. Les artistes sont très sensibles au fait que l'on jouisse de leur travail, c'est essentiellement pour cela qu'ils le publient. Par ailleurs, cette reconnaissance constitue souvent une source indirecte de revenus. Par exemple des postes d'enseignement, des participations à des évènements, etc... sont des activités rémunérées qui leur sont proposées en raison de leur expérience ou notoriété.

Voilà une première série de réponses. Mais en relisant la question, je m'aperçois que je n'y ai pas tout à fait répondu. "Qui est l'auteur de l'oeuvre commune"? Ce sont bien évidemment tous les auteurs qui contribuent aux différentes modifications ou états de l'oeuvre. Cette question présuppose peut être un malentendu : l'oeuvre commune serait une et indivisible et une nuée d'auteurs la revendiqueraient ou auraient à se la partager? Il me semble que la réalité est bien autrement. Non, la notion d'oeuvre commune n'est pas assimilable à une oeuvre collective. Ce que l'on appelle oeuvre commune est une nébuleuse, un ensemble d'oeuvres qui composent une famille, une tribu, un réseau. Chaque élément de cette nébuleuse peut être appréhendé individuellement comme une oeuvre parfaitement signifiante, complète et cohérente qui a su reproduire, digérer et transformer en son sein, des apports venant d'autres oeuvres.

Q par Yusei, qui précise : "Oula que c'est mal écrit, j'aurais du me re-relire... deux fois de suite je répond à mes propres questions en donnant mon avis perso, faudra élaguer ça si jamais les questions sont posées :-)" NdM : non, non, pas de censure qui tienne ! ;-)

Le mouvement GNU et la GPL ont été créés en réaction au modèle propriétaire, lorsque Richard Stallman s'est retrouvé confronté à des programmes qu'il ne pouvait modifier. Est-ce que le mouvement Art-libre a été créé en réaction à une tendance similaire dans le domaine de l'Art (C'est à dire, par exemple, en réaction à une tendance à criminaliser l'échange ou le prêt de morceaux de musique), ou bien simplement parce que des gens se sont dit que "ça serait bien" ?

R par Antoine Moreau

http://wiki.artlibre.org/index.php/ArtautourduLibre

R par Isabelle Vodjdani

Il serait trop long de décrire les faisceaux de causes qui dans l'histoire et la vie plus ou moins récente de l'art convergent vers l'invention d'une issue qui serait le libre. Chaque domaine d'activité, comme chaque individu invente et construit les moyens de son affranchissement avec ses propres ressources, mais dans un contexte qui, à pas mal de nuances près, est commun à tous. Il s'agit toujours de parcours singuliers. Pour faire court, on peut dire que l'histoire de l'art, tout autant que l'histoire des savoirs et des techniques, procède de l'Histoire. Désolée pour cette réponse sommaire, mais il faudrait un très gros bouquin pour développer.

R par Tangui

L'affaire Mouchette http://artlibre.org/events.php/miroirs/mouchette.html est un exemple montrant qu'un abus du droit d'auteur nuit à la création artistique.

R par Daltex

La réaction est le propre du vivant, et comme l'écrit si bien Isabelle : il s'agit avant tout de parcours personnels. Amha il ne faut pas nier un certain "air du temps" qui découle sur une même envie, un même but. En l'occurrence : d'une part, 30 ans d'informatique ont fini forcément par toucher un cercle plus élargi que les quelques nerds utopistes du début, dont les artistes, qui s'approprient cet outil performant et perfectible. Ce nouvel outil induit une nouvelle façon de penser et fait évoluer les usages, souvent avec excès mais cela finit toujours par se réguler. D'autre part, il est entendu que les artistes ont une nette tendance à ne pas supporter les entraves (d'une sorte ou d'une autre). La "réaction" face à la marchandisation constante est un point d'opinion beaucoup plus large qu'une simple envie/lubie : je veux dire par là que notre regroupement plus qu'improbable d'artistes aux styles si différents et de gens qui viennent du monde des logiciels libres se situe a un point nodal entre s'adapter et s'insérer dans un système (notre société et ses lois) et chercher un sens et porter un regard sensible sur un monde/média si matériel. Pour ma part, le choix d'utiliser la LAL est juste un cadre juridique à une pratique que je fais depuis plus jeune. L'idée de partage n'est pas neuve, le travail en commun etc. Nous avions juste besoin d'une forme légale qui réponde à nos critères actuels d'artistes, faire face en effet à ces criminalisations archaïques.

Q par Yusei

De plus, le mouvement GNU a pour objectif de produire un système libre complet, afin de permettre aux gens d'utiliser uniquement des logiciels performants non propriétaires. Y a-t-il quelque chose de similaire pour l'Art ? Ce qui entraine la question suivante: on peut facilement remplacer un logiciel propriétaire par un logiciel libre ayant les mêmes fonctionnalités, mais est-il possible de remplacer une oeuvre d'Art, unique, par un "équivalent" qui serait libre ?

R par jz - tofz.org

une oeuvre ne comprend pas nécessairement d'éléments fonctionnels, à l'inverse d'un logiciel (pour leur grande majorité!). Or c'est sur ceux-ci que l'on pourrait se baser pour établir une quelconque équivalence...

tout ce que l'on peut espérer, c'est qu'il y ait un jour assez de musiques, d'images, de videos, etc... sous Copyleft pour que quiconque souhaitant par exemple sonoriser son logiciel (Libre évidemment ;), texturer son alien en 3D ou projeter des images en soirée sans enfreindre aucune loi, puisse trouver son bonheur parmi les Oeuvres Libres!

c'est d'ailleurs là quelque part l'objectif de CreativeCommons qui a du côté des USA beaucoup de points communs avec les idéaux de Copyleft Attitude!

R par Romain d'Alverny

Il ne s'agit pas vraiment de "remplacer", mais de faire "autre chose", différemment. Pour paraphraser jz et d'autres, on peut espérer qu'il y ait un jour assez de logiciels libres, d'oeuvres artistiques libres pour démontrer qu'il existe des modèles de création de richesses et de développement crédibles, différents de (et pas exclusifs de !) ceux actuellement encensés qui reposent sur le "tout exclusif".

R par Antoine Moreau

jz parle d'idéalisme... Copyleft Attitude n'est pas idéaliste, mais réaliste. On sait ce qu'il en a été des idéaux révolutionnaires dans le siècle passé... L'art n'est pas un idéal, c'est la poursuite de la qualité dans le réel. Notamment la poursuite de la liberté et de sa qualité. Ainsi sa rencontre avec le mouvement du Libre. Mais nous n'allons pas refaire le coup de la révolution d'Octobre qui se mue en bureaucratie d'État. Les artistes, Dieu merci, sont irrécupérables. Ils sont les premiers à distinguer les formes que prennent les idées quand celles-ci deviennent épaisses et lourdes. L'expression de leur travail montre ça précisément. Comme le disait justement Adorno : l'art est ce qui résiste à l'assimilation culturelle. La culture du Libre a autant à apprendre des artistes que les artistes ont à apprendre des informaticiens du libre. C'est là une mécanique combinatoire qui peut-être intéressante, fructueuse et efficiente.

R par Isabelle Vodjdani

Oui, l'oeuvre d'art même lorsqu'elle est infiniment reproductible est unique, dans la mesure où nous l'apprécions dans sa dimension phénoménologique et performative. Elle brille dans son occurrence, ici et maintenant pour moi, ailleurs et autrement pour d'autres. Elle n'est jamais la même, et c'est tant mieux!

R par Tangui

Le but n'est pas de remplacer les oeuvres d'art existantes mais d'essayer d'introduire un peu de liberté dans le monde de l'art. Pourquoi la SACEM (Société de Gestion qui récoltent les droits d'auteur sur la musique) interdit à ses membres d'offrir leurs oeuvres à leurs fans ?

La copyleft_attitude n'a pas vocation à produire de meilleures (ou moins bonnes) créations que celles qui sont simplement sous copyright, elle tente juste de retourner aux racines de l'art, celle du don et du plaisir créatif tout en s'assurant qu'il n'y ait pas de récupérations.

R par Daltex

Tout est dit !

Q par Yusei

Plus généralement, un oeuvre d'art est elle unique (auquel cas on ne peut remplacer une oeuvre propriétaire par une oeuvre libre) ? Si oui, comment doit-on considérer les dérivations d'une oeuvre libre ? On peut considérer une oeuvre libre comme une arborescence de dérivations, l'oeuvre libre est-elle alors d'une nature différente d'une oeuvre propriétaire ?

R par Romain d'Alverny

Tout est unique. Peu de choses sont irremplaçables, et quand elles le sont, ça n'est pas forcément facile.

R par Daltex

Oui chaque oeuvre est unique et si des copies existent, il ne s'agit pas là encore de remplacer, mais d'ouvrir son "champ d'action" donc de la liberer d'une entrave (du copyright restrictif en l'occurrence). En ouvrant mon oeuvre et permettant les copies, je ne change pas le regard que j'ai dessus mais permet à d'autres d'en profiter : s'ils ne la modifient pas, c'est donc la même ; s'ils la modifient cela en est donc une autre (cf la réponse d'Isabelle plus haut sur l'oeuvre commune). Je considère les oeuvres conséquentes comme faisant partie du processus de vie "libre" de l'oeuvre originelle.

Q par Yusei

Enfin, y a-t-il une dimension politique au projet, comme c'est le cas pour le projet GNU ? Si oui, doit-on considérer les oeuvres non libres comme "mauvaises" au sens moral (la notion de Mal est à prendre avec les réserves habituelles) ?

R par Romain d'Alverny

Ca n'est pas mon opinion ; ce qui fait la "beauté" du concept de copyleft, à mes yeux, c'est que les libertés qu'il propose reposent sur l'application du droit d'auteur, ce qui permet des usages franchement différents (de ceux que permet la seule application du droit d'auteur) qui peuvent cohabiter les uns avec les autres. Ce n'est pas comme si le régime exclusivement protectionniste du droit d'auteur était obligatoire, ni comme si la non-existence de certains droits de propriété intellectuelle était imposée (abolition qui poserait d'autres problèmes). L'existence d'une règle (le droit d'auteur) détermine la liberté de tous.

R par Antoine Moreau

Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ? Le moralisme du Libre, s'il existe, serait la pire des choses. Et il faudra y résister, les artistes seront les premiers; déjà certains pointent là-dessus, à le dénoncer et le combattre. Parlons plutôt d'ethique, mais il faut aussi savoir ce que ce mot recouvre, ce que ça veut dire exactement. Sa réelle dimension politique. Je renvoie à ces auteurs ("l'éthique, un essai sur la conscience du mal" de Badiou et "totalité et infini" de Lévinas)(2 pôles contradictoires mais qui ont rapport). Très bonnes lectures.

R par Isabelle Vodjdani

Le copyleft engage une esthétique. c'est à dire des critères qui définissent les conditions d'appréhension du beau. En ce sens, l'esthétique est solidaire de l'éthique. La beauté d'une oeuvre "libre" se laisse mieux appréhender que celle d'une oeuvre non libre, quelle que soit la cause ou la personne à laquelle elle est asservie. Par exemple, j'apprécie mieux un tableau lorsqu'il est dans un musée que lorsqu'il est accroché dans un salon bourgeois ou un cabinet d'avocat comme faire valoir du bon goût ou de la fortune de son propriétaire. Le fait que le tableau appartienne à la communauté me permet de mieux "communier" avec lui.
Voici un autre exemple, plus complexe, qui fait intervenir le critère du libre jusque dans le style (c'est à dire les caractéristiques formelles) de l'oeuvre : la fameuse chaise en bois que Gerrit Rietveld a conçue en 1915 puis modifiée en 1918 par des ajouts de couleurs primaires est "belle", notamment parce que dans sa simplicité elle a été conçue pour être facilement reproductible et distribuable en kit, de façon à ce qu'une grande majorité de gens modestes puissent se la procurer. Lorque je vois cette chaise au musée, je la trouve très belle. Lorsque je la vois chez un ami qui l'a refabriquée de ses propres mains, je la trouve encore très belle. Par contre, lorsque je la vois dans la vitrine d'une boutique de la rue de Rennes vendue aux alentours de 1000 euros sous prétexte qu'elle est authentifiée comme une édition limitée, je la trouve très moche. Oui, c'est vraiment très moche de faire une série limitée de quelque chose qui a été conçu jusque dans ses moindres détails stylistiques pour être indéfiniment reproductible. C'est en totale contradiction avec son esthétique.

R par Tangui

Une dimension politique au sens noble du terme, oui! Nous essayons d'introduire un peu plus de démocratie et de liberté dans le monde l'art. N'est-ce pas un projet de société pour l'Art ?

En ce qui concerne la moralité, art et morale ne font en général pas bon ménage. Je pense qu'aucun membre du collectif n'affirmera qu'une oeuvre est mauvaise parce qu'elle n'est pas libre. Le système auquel elle participe indirectement l'est sans doute pour une majorité d'entre nous mais l'oeuvre en elle même non. Si nous avions cette vision, une oeuvre non copyleft serait mauvaise jusque 70 ans après la mort de son auteur et, tombant dans le domaine public, deviendrait meilleure; un peu étrange non ?

R par Daltex

Je suis d'accord avec Antoine : le techno-intégrisme est le pire qui puisse arriver. Je suis pour avoir le choix avant tout et ce qui m'importe c'est cette liberté, après, les moyens pour y parvenir se limitent souvent à une technicité. je répond a mon insatiable désir de création qui ne se limitera jamais à un seul outil : il n'est pas rare qu'un outil ne réponde pas entièrement à ce que je recherche et bride mon acte créatif ; dans ce cas je m'adapte et suis plus souple car les critères techniques peuvent eux aussi nous empêcher d'être libres, de créer.

Q par Philippe NdM : ceci n'est pas dit sous forme de question mais mérite réponse

Je vais peut-être paraître cru, mais vu que beaucoup d'artistes voient leurs droits (de bouffer ! ) souvent bafoués, le problème n'est pas là. Renoncer au copyright POUR UN ARTISTE (peut-être pas pour l'informatique, vu la possibilité de travailler sous forme de services), c'est du suicide sauf pour les amateurs qui ont d'autres sources de revenu ou les gens qui tournent déjà très bien (ex Steve Coleman qui remplit les salle). Tout ça me paraît très "noble", mais ça ne reflète pas la réalité de beaucoup d'artistes qui ne sont pas prêts de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Le droit d'auteur des photographes est de plus en plus attaqué. Il faut le défendre. Parlez en aux gens qui bossent ou ont bossé pour (ou ont été virés de) Corbis-Sygma, la boîte de l'illustre B Gate. Ou allez voir les problèmes rencontrés pour le respect du droit d'auteur sur le site de l'UPC. Mais il n'est pas interdit de délirer !

R par jz - tofz.org

Rien n'interdit de vendre une oeuvre sous Copyleft, du moment qu'elle reste Copyleft! C'est son incarnation physique que l'on vend, le travail fourni pour transformer la source numérique ou non en un objet matériel (CD audio avec artworks originaux, impressions, toile, sculpture, etc...) c'est l'équivalent pour les Logiciels Libres de vendre le CD d'une distrib...

La représentation peut elle aussi se faire rémunérer (c'est l'équivalent dans les logiciels des services d'installation, configuration, maintenance, etc... ;) et la diffusion massive d'oeuvres copyleft peut apporter à son auteur des occasions inespérées de les produire publiquement, de faire des concerts, etc... en plus une diffusion plus large apporte à l'auteur plus de feedback enrichissant qui peut faire avancer sa création.

Le réel respect des Droits de l'Auteur, au sens français du terme est de ne jamais dissocier le nom de l'auteur de son oeuvre, ce que Copyleft s'attache à faire... quant au "droit de bouffer" c'est là la Loi du Marché, avec tout ce que ça implique de compromission, de course au profit etc... autant de démarches assez peu compatibles avec la démarche artistique à mon humble avis... ?

(si quelqu'un d'autre pouvait répondre... ?)

R par Romain d'Alverny

En utilisant le copyleft dans la pratique/production artistique, il ne s'agit pas de formuler un nouveau modèle économique qui va satisfaire les appétits pécuniers des uns et des autres (il n'y a rien de péjoratif là-dedans) ; il s'agit d'une proposition (libre à chacun d'y adhérer), d'un certain cadre de diffusion et création, que chacun prend comme il peut, et comme il veut. Personne n'entend nier qu'il faut gagner de l'argent pour pouvoir vivre. Mais avec l'art libre, il ne s'agit pas de cela. Comme le dit jz, on peut vendre une oeuvre sous LAL, à condition de savoir s'y prendre. En outre, on peut imaginer des combinaisons : produire une partie sous LAL, l'autre pas ; produire, avec un engagement de mettre sous LAL après un certain temps. Les démarches possibles sont nombreuses.

R par j1v3

Effectivement on peut vendre des oeuvres librement et même créer/alimenter un système de production/distribution (et donc de rémunération des différents acteurs).

Exemple : les musiques électroniques alternatives depuis plus de 10 ans.

Ici la LAL est d'ailleurs plus une façon de monter sur l'arbre que de scier la branche ;). En effet, jusqu'à maintenant la seule solution technico/juridique pour éditer une oeuvre musicale librement en France était de renoncer purement et simplement au droit d'auteur ou d'aller à l'étranger !

Donc c'est peut-être moins "simple" et c'est certainement en rupture avec une conception "narcissique" de l'oeuvre (certaines réponses déja postées y font référence) mais c'est REALISABLE.

hors-sujet : je suis (aussi) développeur informatique indépendant, dans mon cas c'est moins le "service" que les softs (bien que sous GPL) qui sont au coeur de mon activité. Existe t-il des études sur ce sujet ?

R par Daltex

Pas besoin de scier la branche, l'arbre est en train de se casser la gueule de toutes façons : 1/ penser de manière unilatérale amène souvent à une impasse (il est vain de nier qu'il n'existe rien d'autre que le marché pur et dur) ; 2/ le mouvement libre est encore un peu crypté pour les profanes, mais de plus en plus de monde d'horizons différents sont ouverts à ses concepts (c'est là dessus que nous devons travailler : sortir de la caricature techno-intégriste et amener à penser dans ce sens de manière fluide et naturelle) Nous ne sommes pas obligés de travailler sous LAL, c'est un choix. Il y a une part de ma production qui reste sous copyright avec des outils propriétaires (car je m'insère dans un système qui fonctionne comme ça), et d'autres que je produis spécifiquement avec des outils libres si je le peux. C'est un énorme travail qui est générateur d'idées et d'actions : je presse constamment mes amis DJ et/ou musiciens à cesser de "sampler" du copyright et dire ainsi non au marché et ses avocats; devenez créateur et libre de vos mouvements. Si l'on veut etre respecté il faut aussi respecter : "non je n'utiliserai pas ton truc super-protégé, j'ai bien mieux a faire : créer et recréer en enrichissant notre patrimoine libre". Et rien n'empêche de le vendre non plus de toute façons (c'est exactement pareil il me semble pour les distributions linux : téléchargeables de maniere brute, et vendues avec un service. C'est applicable à l'art)

Q par Julien Portalier

Question : peut-on vraiment faire une analogie entre un Programme informatique et l'Art ? Un programme est un outil, il offre un service aux utilisateurs. Une oeuvre est normallement quelque chose de fini, ayant un but final déterminé. Pour moi le jeu vidéo est une création Artistique par exemple (graphismes, musique, scénario, ambiance, etc.) et il a un but fini : le jeu tel qu'il est. Une telle analogie est-elle vraiment possible, et peut-elle vraiment avoir autant d'impact que ne l'a eu la GPL dans le monde des programmes informatiques ?

R par jz - tofz.org

Il ne s'agit pas de faire l'analogie. dans le droit français le logiciel est une oeuvre, mais une oeuvre particulière car dictée par des impératifs fonctionnels.

Le but d'Artlibre est d'appliquer à d'autres oeuvres que celles strictements logicielles les idéaux de Liberté, de partage, et d'entraide communautaire qui sont à la base des Logiciels Libres et de la philosophie du GNU (pour ne pas nommer RMS!)

quant à l'impact... on verra bien... RMS (zut! je l'ai nommé!) dit que la volonté de partager quelque chose qui est disponible de la même façon avant et après le partage (comme donner une part du gateau qui serait toujours entier après en avoir donné des parts!) est un instinct naturel; si c'est vraiment le cas, et que le réel but d'un artiste est bien de propager son oeuvre avant tout, plutôt que de devenir riche à millions, il y a peut-être des chances que Copyleft intéresse des gens hors du (petit?) monde des artisans du Logiciel, oui!

Cette question est pour moi cruciale, car on arrive ici à un domaine qui sort de l'informatique; la communauté peut-elle s'étendre en dehors des programmes, des documentations, etc. ?

R par jz - tofz.org

L'esprit communautaire espèrons-le, maintenant que l'homme peut communiquer pour un coût très proche de 0 (enfin l'homme Libre et bien portant de l'hémisphère nord qui représente un individu sur 10, certes....) peut-être que les mentalités vont s'adapter à cette réalité technologique?

Et une autre question, je ne vois pas l'intéret de pouvoir « modifier » une oeuvre, qu'on la « reprenne » en la redessinant, la repeignant, ou la rejouant dans le cas d'une musique ou d'une chanson je comprends parfaitement, mais modifier l'oeuvre telle qu'elle est... Quoique je me contredit dans mes pensées : je vois parfaitement l'utilité à partir d'une photo, qui est quelque chose de non « facilement » reproductible (retrouver le modèle, le lieu, l'éclairage, les filtres, etc.)

R par jz - tofz.org

Toute démarche de création est forcément à un moment ou un autre "inspirée" que ça soit par des gourous, des idoles, des maîtres, des besoins, des produits, etc... il y a forcément quelque chose à un moment qui impulse la création. C'est reconnaître ce phénomène que d'accepter que d'autres réutilisent ses propres créations, exprimer sa volonté de pouvoir être utile à d'autres tout en se faisant plaisir, en somme. La démarche de création vient souvent d'une volonté interne à l'auteur qui est parfois plus forte que toutes les autres contraintes qui peuvent peser sur lui! ;)

prfff... chuis fatigué....

R par Antoine Moreau

L'art n'en a pas l'air. La liberté n'est pas infinie. L'art forme les contours de la liberté. Ce qui permet l'échange, le transport (amoureux et celui matériel des messages). Le rapport qu'il y a entre le Libre et l'art s'articule autour de la question de la liberté et de sa pratique partagée. Rien n'est acquis en ce domaine. Ni en art ni en LL. C'est toute la question et les réponses, dans les formes et les productions, s'élaborent avec plus ou moins de qualité et de joie.

Q par Benoît Sibaud

Apparemment une grande variété de licences existe déjà. Cf http://www.opencursus.be/modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=100

* FML The Free Media License
* FAL The Free Art License
* EFF Open Audio License
* OSML The Open Source Music License
* OML The Open Music License
* FMPL The Free Music Public License
* CPDLL The Choral Public Domain Library License

Quelles sont les différences/avantages/inconvénients des différentes licences, en particulier par rapport à la LAL ?

Quelle est l'ampleur du mouvement Art Libre ? Depuis quand existe-t-il ? Quels en sont les aspects les plus visibles ?

R par jz - tofz.org

Ces licences ont toutes sans doutes été crées initialement pour protéger le type de "documents" que voulait partager librement leur auteur. Elles sont donc toutes hyper-spécifiques à un type d'oeuvres de l'esprit. La LAL est à ma connaissance la seule licence (avec les Creative Commons !) à envisager la protection d'Oeuvres, au sens où elles sont définies dans le Droit d'Auteur français, c'est à dire une "création réalisée par un travail intellectuel libre et s'incarnant dans une forme originale"... elle a donc un champ d'action beaucoup plus large et adapté à tout ce que l'on pourra envisager de créatif et original....

ça fait 4 questions ça, non?

grandej'espère/paslongtemps/unweb

R par Antoine Moreau

http://artlibre.org/events.php/
L'ampleur, la visibilité ne fait pas preuve de qualité non plus. Comme il est écrit dans la LAL : ce qui compte, c'est ce qui ne se compte pas. Ce qui ne veut pas dire que la visibilité et l'ampleur ne soient pas à prendre en compte. Mais simplement que ce n'est pas le critère absolu. Copyleft Attitude existe depuis janvier 2000 et ne cesse, de façon plus ou moins visible et quantitative, de s'étendre et d'être pris et entrepris par de plus en plus de monde. Artistes ou non.

R par Tangui

La principale différence entre les licences que tu cites et la LAL est que cette dernière est multi-famille d'Art. Si on veut créer une autre manière de concevoir l'Art, il faut que ça touche toute la palette de types d'Art. Imaginons que j'écrive un livre que je publie sous l'imaginaire licence "openLiterature". Si une personne fait un film à partir de mon oeuvre, elle n'est pas obligée de le mettre sous copyleft. Le libre ne reste donc pas libre.

Q par danakil

Suite aux discussions de la news sur Michael Simms, voici quelques questions entre autres sur le thème des « jeux libres ». J'emploie cette expression pour désigner un jeu dont le code source est libre, et dont les « données » (parties artistiques utilisées en tant que données : musique, son, graphismes, etc) sont sous une licence de type Art Libre. Tout le monde ne partage pas cette définition (le point de vue opposé consiste à ne tenir compte que du code source, et de considérer le jeu comme libre même si les données ne le sont pas), je précise donc que je l'emploie dans ce sens.

Un jeu utilisant des oeuvres sous licence Art Libre (musique, graphismes, etc.) est-il une oeuvre dérivée, devant être placé sous la licence Art Libre ? Ou bien, est-il suffisant de considérer que seules ces parties artistiques sont dérivées et qu'elles seules ont à se conformer au copyleft. Exemple: un jeu commercial au code source propriétaire peut-il utiliser une musique (modifiée), pourvu que la musique en question reste sous licence Art Libre, par exemple accessible en fichiers usuels sur le CD vendu ?

R par jz - tofz.org

Il s'agit là d'une incorporation d'oeuvre tel quel... peut-être assimilable à une copie pure et simple? auquel cas elle serait autorisée pour peu que l'oeuvre reste Copyleft et accessible (ie. la musique du jeu se trouve sous forme de pistes audio, ou de fichiers .mp3, pareil pour les images disponibles facilement depuis la racine du CD, près de la Licence Art Libre?)

À vérifier....

Q par dakanil

Si la réponse à cette première question est que le jeu complet est un travail dérivé, alors le code de ce jeu ne pourra pas être placé sous GPL, ni réutiliser de code GPL, bien que « l'esprit » de ces licences le voudrait. Y a-t-il une solution ?

Q par dakanil

Si la réponse à la première question est que le jeu complet n'est pas un travail dérivé, avez-vous une solution à proposer pour ceux qui souhaitent un copyleft plus fort : par exemple, que peut faire un artiste qui souhaite copylefter ses graphismes, au point que seuls des logiciels copyleftés soient autorisés à utiliser ces graphismes (j'ai vu le cas pour des icônes, diffusées en tant qu'images, placées sous GPL). Ou bien considérez-vous qu'une telle chose serait similaire au problème de « contamination » évoqué dans la clause 9 de la définition de l'OpenSource1 (qui se généralise à l'art assez facilement) ?

R par jz - tofz.org

C'est toute la question qui me taraude d'incorporation commerciale ... quelqu'un devrait pouvoir avoir envie de faire partager son travail à ses pairs, mais PAS à des entités commerciales dont le seul but est le profit! c'est un bien cruel dilemne, et pour avoir déjà vu mes photos sans mention ni rien dans des magazines (appartenant à des salauds en plus!) tirés à 500.000ex, je suis bien placé pour parler de cette volonté d'exclusion d'utilisation commerciale sans accord préalable... (dans mon cas de magazine, je suis sûr qu'ils n'auraient de toute façon pas pris connaissance d'une telle clause exclusive, comme ils n'ont sans doute pas pris connaissance du Copyleft... grmbll....)... Il y a Creative Commons pour ça, mais c'est plus Free...

R par Romain d'Alverny

Tout le monde peut partager son travail de la façon dont il le souhaite ; cependant, le partager, et autoriser un tiers à en faire un usage onéreux et dans le même temps l'interdire à des "entités commerciales" est on ne peut plus incohérent. La LAL est très claire à ce sujet, voir la FAQ : http://artlibre.org/faq.php/#26

Q par danakil

Questions/remarques plus générales:

Certains artistes emploient la GPL bien que leur oeuvre ne soit pas un programme. En effet la GPL dans son ensemble n'est pas vraiment spécifique au logiciel. Elle est parfois employée pour de la documentation (même si ce n'est pas de l'art, ça montre qu'elle s'adapte à autre chose que du logiciel), des textures, des modèles (Quake), etc. Parfois même l'auteur précise ce que sont les sources quand une étape de « compilation » a lieu (le fichier source Gimp avec les calques pour une image, on peut aussi imaginer le source SGML d'un bouquin, le fichier .mod dont l'exécution codée en ogg sera diffusée, etc.), parfois aussi l'oeuvre elle-même est considérée comme son source (sons, enregistrements de musique). En dehors de la langue anglaise sensée la rendre inutilisable dans le droit français, est-ce que la GPL n'aurait pas pu convenir dans bien des cas ? En particulier si quelques formalités de vocabulaire auraient pu suffire (la GPL interdit d'ajouter des restrictions, mais a priori n'interdit pas d'ajouter des précisions de cet ordre). Les licences copyleft étant mutuellement exclusives, unifier, minimiser le nombre de licences est en général positif...

Vous répondez à la FAQ « Le copyleft est-il la négation, l\x{2019}antithèse du copyright/droit d\x{2019}auteur ? »2 par une explication claire et cohérente, mais qui est un point de vue d'ordre politique. En effet, on peut vouloir combattre le copyright/droit d'auteur dans sa forme actuelle, et arriver au principe de copyleft, pour des raisons qui sont donc différentes. Il me semble que ça a été la logique de Richard Stallman, qui a trouvé le copyright fondamentalement mauvais (le point de vue de la FSF est après tout qu'idéalement tout logiciel devrait être libre). Le copyright tel qu'il est lui a permis d'élaborer des licences copyleft, mais il faut bien voir que le copyright a été un outil au sens où il aurait été extrêmement difficile de faire passer une loi (avec les accords internationaux nécessaires) pour faire exister le copyleft légalement : utiliser le copyright est beaucoup plus pratique, et en donne une bonne approximation. Mais ce n'est pas pour autant le légitimer. Je pense que cette approche est tout aussi valable que celle que vous présentez. Heureusement, les deux approches, mêmes si elles sont différentes politiquement, arrivent au même résultat (un peu comme la FSF et l'OpenSource : différence politique, mais même licences en pratique). Ma question (enfin!) est donc : vous placez-vous définitivement dans l'optique de la réponse que vous faites dans cette FAQ, ou bien cette FAQ là est-elle juste là pour rassurer ceux qui seraient effrayés par ces idées (tout le monde a vu des détracteurs du logiciel libre faire référence au communisme pour le critiquer, l'art libre a toutes les raisons de subir le même genre d'« attaques »).

Cette question concerne le droit français : si je réutilise/modifie/diffuse une oeuvre Art Libre (ma modification étant donc bien sûr Art Libre), est-ce que je suis assuré de toujours avoir ce droit ? Ou est-ce que la licence est révocable, d'une manière ou d'une autre, même partiellement, à cause du droit français et de l'« exception culturelle ». J'ai l'impression qu'à cause du droit français, ça ne peut être garanti que lorsqu'on réutilise des oeuvres dérivées (où l'auteur a donc accepté la licence Art Libre) mais pas des oeuvres originales (où l'auteur n'est en fait pas concerné par les clauses Art Libre).

NB. Quand je parle de travail dérivé, c'est bien sûr synonyme de « oeuvre conséquente », pour reprendre le terme de la licence Art Libre.

1 http://www.opensource.org/docs/definition_plain
2 http://artlibre.org/faq.php/index.html#12

R par Romain d'Alverny

Premier point. La GPL aurait certes pu être prise en lieu et place, mais il y a au moins deux raisons qui font que la LAL est plus intéressante : elle est en français (et traduite dans d'autres langues), ce qui la rend directement accessible, dans un langage relativement simple, à la plupart des francophones ; elle est rédigée, publiée, et promue par un groupe de personnes qui ont un peu moins les mains dans le logiciel que les auteurs/utilisateurs de la GPL : cela plaide dans la possible universalité du concept de copyleft, en le dépouillant d'une icône techniciste exclusive. Je suis également d'accord que minimiser le nombre de licences est un gain pour la lisibilité du "libre" en général. Mais mais mais... il faut aussi donner une certaine visibilité et praticabilité au copyleft ; en ce sens, pour l'art, pour les non-initiés à l'informatique, au libre, tout ça, la LAL est particulièrement plus adaptée que la GPL. C'est mon point de vue.

Second point. L'explication, dans la FAQ, de la non-négation du droit d'auteur par le copyleft n'est pas politique (ou pas seulement, en tout cas), mais factuelle. Le copyright, comme le droit d'auteur n'est pas "une" règle, mais un ensemble de textes de loi. Je répète un peu ce que dit la FAQ, mais sans le support de ces textes, le copyleft ne pourrait pas prendre forme comme contrat privé. On peut penser que l'on pourrait en définir le concept dans la loi, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée ; l'intérêt est que ce concept (le copyleft) repose sur des principes simples qui doivent être explicités dans un contrat privé, dans lequel l'intervention d'amendements, de modifications de la loi n'a que peu de prises.

Je pense également que considérer le copyright ou le droit d'auteur (pourtant bien différent) comme de mauvais concepts est un cul-de-sac : ce sont certaines dispositions qui peuvent être considérées comme mauvaises (genre, la durée de protection ou l'interdiction de certaines formes de citation), et pas l'ensemble ; ce sont surtout certains usages, et certaines revendications excessives qui en font mauvaise presse. En outre, sans loi de ce type instituant un peu les rôles de chacun (auteur, producteur, public), la situation serait encore pire (il n'y aurait plus vraiment de domaine public, puisque n'importe qui pourrait dès lors déclarer arbitrairement ce qui lui appartient, et il n'y aurait plus non plus vraiment de propriété, puisque tout un chacun, à condition d'être assez fort, pourrait dérober l'autre).

Bref. Le copyleft est, à mes yeux, un moyen, à long terme, de dévaloriser certaines pratiques particulièrement abusives des législations sur le droit d'auteur en montrant que l'on peut aussi faire la même chose, voir même autre chose, avec un (ou des) autre(s) système(s) coexistant(s) (j'insiste sur ce point). Je me situe donc clairement dans le point de vue exprimé dans la FAQ. ;)

Mais bon, effectivement, deux visions un peu différentes du phénomène ne l'empêche pas d'avoir lieu.

Troisième point. La licence est révocable, comme tout type de contrat, mais si l'auteur fait ce choix, il doit dédommager toute personne ayant eu jouissance de cette oeuvre selon ce contrat ; vu qu'il lui sera difficile de savoir qui/ou/comment a eu accès à son oeuvre, il lui sera difficile de retirer effectivement ce contrat. C'est tout le problème du droit de retrait qui disparait peu à peu. Donc, vous pouvez être pratiquement sûr qu'une oeuvre sous LAL le restera ; sinon, vous pourrez toujours aller demander un dédommagement à l'auteur.

Q par Robert Viseur

Tout le monde connaît les logiciels copyleftés (voir la GPL & la LGPL) ainsi que les écrits copyleftés (voir FDL). Les cas des processeurs copyleftés (projets F-CPU, LEON, etc) et de l'art copylefté (Copyleft Attitude, etc) sont depuis quelques temps évoqués sur DLFP. Connaissez-vous encore d'autres applications du copyleft ?

R par cornofulgur

La reproduction sexuée ? ;)

R par imr

on dit la copu-left.

R par cornofulgur

Plus sérieusement, il y a aussi le projet Open Law de Lessig: http://eon.law.harvard.edu/openlaw/

Ce n'est pas trop "copyleft", c'est plutot tendance "open". Pas d'application en Europe pour l'instant...

pas de réponse du collectif ?

R par Isabelle Vodjdani

Partout où s'applique le copyright

R par Tangui

Le journalisme avec les expériences de Indy Medias ou de 20 minutos en espagne (un journal gratuit qui diffuse sur son site internet ses news sous copyleft http://www.20minutos.es/madrid/?noti=2946). En ce qui concerne la traduction, il existe également la LPT (Licence Publique de Traduction) http://www.in3activa.org/

Q par Jiba

La license Art Libre permet à d'autres artistes de ré-utiliser les oeuvres (tant qu'elles restent libres). Est-ce que cette ré-utilisation a lieu fréquemment en pratique ? J'ai du mal à voir comment elle peut avoir lieu dans certains cas :

* un roman ou une nouvelle qui forme un tout : est-il vraiment intéressant d'avoir tout plein de version de la même histoire ? Plutôt que des histoires différentes ?
* le cas d'oeuvre materiel non duplicable : une sculpture ;-)

Quels sont les formes d'Art qui utilisent le plus le CopyLeft (littérature, photo,...) ?

R par Isabelle Vodjdani

Je commence par la fin :
Évidemment, ce sont les formes numériques ou numérisables qui sont le plus souvent mises sous copyleft (musique, photo, sites internet, littérature..) Mais il est bien sûr tout à fait possible de mettre une oeuvre matérielle, même un protocole d'installation complexe, sous licence art libre. Il y en a, y compris de la sculpture. Il suffit de consulter la liste. Dans ce cas l'auteur a sans doute intérêt à fournir une définition précise du travail (quelque chose comme une partition, un programme, une routine, une recette...) qui puisse servir de référence pour d'éventuelles réactualisations de son travail. Ces précisions seront surtout utiles pour la reproduction ou la diffusion "à l'identique" du travail par un tiers. Avant l'apparition du libre, dès les années 60, les artistes minimal et conceptuels ont pris l'habitude de formaliser leur travail par des descriptifs précis qui ont valeur de contrat d'authentification pour des objets ou installations réactualisables par des tiers. A cette époque, un modèle de contrat avait été élaboré par Bob Pojansky et Seth Siegelaub, en concertation avec les artistes et autres professionnels du monde de l'art. Encore aujourd'hui, beaucoup d'artistes s'en inspirent, dans le souci de bien circonscrire l'oeuvre dont ils s'estiment responsables en tant qu'auteur. Une fois signés pas l'artiste, ces descriptifs ont valeur d'authentification pour les marchands et les collectionneurs. Par exemple les installations de Daniel Buren sont régis par des contrats de ce type. Or Buren tient beaucoup à l'aspect matériel de son travail. Ses contrats font obligation au propriétaire de matérialiser le travail. Bien avant cela, en 1921, Laszlo Moholy-Nagy a fait un tableau "téléphoné". C'est à dire qu'il a indiqué les dimensions, couleurs, cotes, formes, matériaux à un sous traitant qui a réalisé le tableau pour lui. Nous avons donc bien affaire à des oeuvres matérielles qui admettent d'être modélisées par un protocole de fabrication.

Mais pour revenir au libre, et à la possibilité de créer des versions conséquentes (ou dérivées), celui qui veut modifier une copie ou réactualisation d'un travail a toute liberté de retenir ou rejeter ce qu'il veut de l'oeuvre initiale. Il peut ne retenir d'une sculpture que la forme générale et la réaliser dans un autre matériau, il peut ne retenir d'une musique que la composition orchestrale (timbres, espace acoustique, colorations sonores...) pour l'appliquer à une autre mélodie, et ainsi de suite. Sa façon de modifier l'oeuvre sera fonction de son interprétation et de son appréciation de l'oeuvre. On peut imaginer que l'emprunt à l'oeuvre initiale puisse parfois devenir assez insignifiant pour qu'il n'y ait pas lieu de la mentionner. C'est sans doute l'usage le plus courant en art...

Dire qu'il n'y a pas d'intérêt à raconter la "même histoire" différemment, c'est faire bien peu de cas du sens et des saveurs que la mise en forme littéraire peut apporter à une "histoire". En outre, le droit de modifier une oeuvre littéraire peut aussi bien affecter le déroulement narratif que d'autres aspects de l'oeuvre. L'art n'est pas l'enrobage d'un contenu narratif. L'"histoire" (d'autres diraient "le message") n'est qu'une écume portée par les remous d'un océan autrement plus opaque et consistant que les petits moutons qui courent sur l'eau. Dans certaines cultures orales, les formes musicales, les contes populaires et les épopées sont transmis sous forme de cannevas extrêmement lapidaires. Lire ou écouter ces cannevas dans leur forme sèche est très décevante. Le talent des musiciens et des conteurs consiste à les interpréter et étoffer pour en faire ressortir toute la saveur, pour en diffracter le sens. La variété et la richesse potentielle de ces re-créations ou interprétations est absolument étonnante. Une oreille ordinaire peut entendre 20 morceaux différents là où le musicien averti reconnaîtra 20 versions du même morceau.

J'en viens enfin à la première question : oui, l'emprunt, la citation, le pillage, le plagiat, la réinterprétation, la modification d'oeuvres est monnaie courante en art, c'est même le ressort de la création, mais cela se pratique rarement par le recours à une licence copyleft. Par ailleurs, le fait qu'une oeuvre soit sous copyleft n'implique pas nécessairement le désir ou l'obligation d'en faire quelque chose. Mais si l'oeuvre a la chance d'induire un tel désir, alors le fait dêtre sous LAL va certainement faciliter sa réappropriation par d'autres. Le fait de mettre une oeuvre sous LAL est une invitation à activer le travail de façon plus imaginative que la simple possession-consommation. En soi, cela fait sens.

Q par Nÿco

Eu... oui, l'Art Libre ne se limite-t-il pas seulement à l'immatériel ?

R par Isabelle Vodjdani

Certainement pas. Le pari et l'originalité de la LAL consiste justement à offrir un cadre juridique qui permet de désigner des oeuvres matérielles comme des objets réactualisables, et donc modifiables. Elle tient compte de l'hétérogénéité des médiums utilisés par les artistes, qu'il s'agisse de médiums matériels ou immatériels, numériques ou analogiques. Sa spécifité tient à ce qu'elle distingue l'orginal de la copie. Elle permet la diffusion et la modification des copies en préservant l'intégrité de l'original qui peut ainsi rester une référence pour d'autres modifications.

Q par Nÿco

Depuis que l'art est art, l'homme n'a cessé de copier sur, s'inspirer par, réinventer les oeuvres des autres... Le mouvement Art Libre n'est-il pas qu'une formalisation/régularisation de ce qui s'est fait de tout temps ?

R par Isabelle Vodjdani

Que le mouvement Art Libre soit une formalisation/régularisation d'une pratique fort courante en art, c'est indéniable. Que ce mouvement apparaisse à une époque où les véritables enjeux de l'art sont inhibés, parce que surdéterminés par des intérêts financiers disproportionnés, n'est pas de la moindre importance non plus. Mais n'est-ce "QUE" cela? Est-ce si futile pour autant?

J'ai souvent entendu des artistes dire : A quoi bon le copyleft artistique puisque les artistes ne se sont jamais gênés pour piller les autres artistes? Pourquoi passer par une autorisation lorsqu'on prétend être auteur? L'auteur est figure d'autorité, il n'a pas à recevoir d'autorisation... Et de quoi serait-il auteur si ce n'est de la transgression de l'autorité de l'autre?

Nous touchons ici un point névralgique. En autorisant l'appropriation, le détournement, la modification de l'oeuvre, la LAL priverait les artistes du bénéfice narcissique que procure un acte de transgression accompli à bon compte, c'est à dire au compte d'autres auteurs. La LAL banalise cette forme de transgression, régression adolescente, répétition du fantasme que l'accès à la sexualité doit se faire au prix du rapt et de la négation de celle des parents. Délesté de l'illusion des transgressions de pacotille, l'auteur doit affronter la terreur d'une transgression plus fondamentale : l'affirmation arbitraire de son existence dans un monde peut-être sans public mais indéniablement surpeuplé d'auteurs.

La LAL ne se contente pas d'entériner les pratiques courantes de l'emprunt dans la légalité. Elle en ébauche aussi la régulation au profit de tous les artistes, petits ou grands, reconnus ou méconnus. En faisant obligation à chacun de désigner ses sources, la LAL encourage le respect, la reconnaissance et le partage. Inutile de se méprendre sur l'angélisme apparent d'une telle attitude; elle signe le deuil d'une conception romantique, survalorisée et obsolète de l'auteur. Elle force l'aveu du dénuement de l'artiste, qui d'émetteur doit s'afficher comme hyper-récepteur. Une éponge qui a absorbé toutes sortes de semences.

Ainsi, dans un monde libre, on pourra dire d'un bon artiste "il n'est qu'une éponge, mais quelle éponge!" comme Cézanne disait de Monet "Il n'est qu'un oeil, mais quel oeil!".

Q par Gregueuh

Bonjour,

Je me pose une question simple sur la relation entre la licence artlibre et les mouvements artistiques actuels : la tendance en vogue, héritée de l'art conceptuel, n'est plus de se concentrer tant sur l'aspect visuel de l'œuvre que sur le processus à la base de sa conception. Ainsi, d'un point de vue artistique, on va assister à une exploitation de travaux sortis de leurs contextes, et qui risquent donc de perdre leur force. Ce sera à rapprocher de ce qui s'est passé pour les artistes qui ont suivis Duchamp et ont posé des ready-made à tout bout de champ sans forcément s'intéresser à la motivation originale (ici, se foutre un peu de la gueule du monde, mais c'est un troll qui m'a valu pas mal de remontrances de mes profs d'arts plastiques). Donc, la licence artlibre peut-elle s'appliquer à des travaux artistiques, ou du moins reconnus comme tels par ceux qui font l'art, qui impliquent un processus cognitif non reproductible.

Toujours dans la suite de ceci, et comme c'est le cas avec les LL, on risque de voir apparaître pas mal de choses, aux qualités variables (pfiou, l'euphémisme). Mais il faudra un processus de sélection, qui est applicable en informatique car basé sur des jugements objectifs, mais inapplicable en art. Celui-ci est trop subjectif (et consensuel, mais c'est un autre débat) et on risque de voir des gens inéressés par la chose s'en détourner trop vite car c'est trop fouillis et inégal. Ce n'est pas vraiment une question toussa, mais juste un point de vue sur une limite de la licence artlibre, merci de donner vos avis :)

R par Antoine Moreau

Oui, tu as raison de voir le lien entre la recherche en art et la Licence Art Libre. Maintenant, il faudrait beaucoup d'espace ici pour commenter ça. D'autant plus qu'aujourdhui, la visibilité de l'art n'est pas ce qui fait preuve de son existence (c'est le moins qu'on puisse dire...). Pas toujours en tout cas et la pratique critique de la création contemporaine se fait en résistance à ces lieux communs culturels que sont la demande de preuves artistiques. En résistance à l'inquisition culturelle. L'art, dans le meilleur des cas, c'est ce qui échappe au jugement à priori (un urinoir renversé ! un carré noir sur fond blanc ! Des demoiselles d'Avignon !) (y résiste, mais finit fatalement par être repéré à cause du processus de vérité qu'un artiste peut poursuivre et que la communauté culturelle accepte finalement)(le juste et le vrai, quand bien même seraient-ils refoulés pour des raisons factuelles et "politiques", refont toujours surface de façon plus ou moins violente). Idem pour ce que poursuivent les LL (voir la question de la copie privée par ex http://eucd.info/ , Victor Hugo en référence.)

R par Isabelle Vodjdani

Le copyleft n'est pas plus une garantie de qualité, que le copyright. On peut voir autant de médiocrités dans les deux régimes. Le processus de concaténation/sélection que tu évoques à propos des oeuvres logicielles, se fait dans l'art, avec le temps et l'histoire. Le risque de mésinterpréter une oeuvre en la recontextualisant existe aussi bien pour les oeuvres copyright, et bien souvent, ce sont les auteurs eux-même qui gâchent leur travail en l'inscrivant dans un contexte qu'ils n'ont pas su bien évaluer. Mais ces malentendus peuvent aussi être féconds et offrir de bonnes surprises. Pourquoi pas? Laisser aux autres la possibilité de réinterpréter ou de réactiver le travail différemment, peut être une source d'enrichissement. Contrairement à l'auteur, l'autre n'a pas le nez dans le guidon, il a l'avantage de découvrir l'oeuvre de l'extérieur, il est en meilleure position pour entamer un dialogue constructif avec le travail.

R par Tangui

La LAL propose une sélection beaucoup plus juste que celle qui existe avec le copyright. La popularité des oeuvres ne vient pas par l'argent mais par leur diffusion. Bref, ce n'est plus une petite minorité de producteurs-programmateurs qui choisit ce que tu vas voir ou écouter mais tout un chacun en diffusant les oeuvres libres. De plus, le copyleft a également la force de permettre la diffusion d'oeuvres qui n'interessent qu'une très petite communauté. Le monde de l'art marchand ne peut pas se permettre ce type de choses, vu que les gens interessés ne représentent pas un "marché viable".

Q Patrick Godeau

Que pensez vous du pouvoir économique absolu que la Licence Art Libre octroie aux éditeurs, alors qu'ils disposent déjà d'un pouvoir considérable sur les artistes et leur public, à une époque où les réseaux numériques devraient au contraire abolir tout intermédiaire? Ce genre de liberté n'est-il pas plutôt du libéralisme?

R par Romain d'Alverny

La LAL ne confère aucun pouvoir exclusif à personne, et certainement pas aux éditeurs ; ceux-ci ne devraient même pas particulièrement être intéressés par la LAL, a priori : pourquoi éditer une oeuvre (cela coûte) alors qu'un concurrent peut aussi librement le faire lui-même (et donc couper mon retour sur investissement d'autant) ? Surtout lorsque mon produit peut lui-même être dupliqué et modifié sans que je puisse dire mot. Au contraire, la LAL opère un transfert de libertés d'usage tant vers l'auteur que vers le public (potentiellement auteur).

Q par Philippe NdM : ce post ayant donnée naissance à un long fil de discussion dans la news questions : http://linuxfr.org/comments/183719.html

Quelques réflexions à propos du nouveau concept de l'art "libre de droits": Le "Copyright" véritable n'existe qu'aux USA , ou tout du moins pas en France. Il permet à n'importe qui de racheter les droits d'un film, photo, livre, etc...Ce qui aboutit, en droit français, à la dépossession de l'auteur véritable. L'art libre de droit, pour ce qui concerne la photographie, ne produit quasiment que de la médiocrité (pour rester poli). Certains sites sont spécialisés dans ce genre, c'est édifiant. Qui en effet, est prêt à perdre des années de travail en laissant n'importe qui exploiter ses images? D'autant plus que dans la photo comme dans la peinture, celui qui s'en sort le mieux, c'est le meilleur "vendeur" et non pas le "meilleur" (?) créateur. Triste réalité facilement exploitable par de petits malins si l'on appliquait le copyleft pour l'Art. Question: quel intérêt peuvent tirer des artistes du "copyleft"? J'avoue avoir du mal à comprendre. Pas clair. De toutes manières, en France,le droit d'exploitation des oeuvres de l'esprit par des tiers n'est pas libre, par contre, les idées ayant conduit à ces oeuvres le sont. Il me semble qu'il existe une confusion de ce coté là dans les gens qui prônent le copyleft.

R par Romain d'Alverny

Premier point. En droit français, le copyright n'aboutit pas à la dépossession de l'auteur ; jusqu'à aujourd'hui, c'est encore l'auteur qui est au centre du droit d'auteur français ; dans le copyright, c'est l'oeuvre, ou encore l'investisseur. Deuxième point. L'art "libre de droit" ne signifie rien, car il n'est pas précisé ce que signifie ce "libre de droit" ; ça n'a en tout cas pas grand chose à voir avec l'art libre tel que l'entend la LAL dans ses effets. Certes, ça ne garantit pas la qualité, mais la qualité n'est garantie nulle part ; la qualité, ça se cherche, ça se déniche, ça se communique. Le meilleur des filtres, ce sont le travail et le temps, comme pour tout. Je ne vois pas en outre quelles sortes de petits malins pourraient tirer un parti exclusif du copyleft appliqué à l'art, qui empêche justement toute appropriation exclusive. Troisième point. La confusion me semble plutôt être de votre côté ; le droit d'exploitation des oeuvres (de l'esprit ou non) par des tiers est libre, si l'auteur a donné son accord à ce sujet ; c'est précisément ce qui se passe avec une oeuvre sous LAL : c'est l'auteur qui décide de mettre sa production sous copyleft, et donc d'autoriser la représentation, la reproduction et la modification de son oeuvre.

R par Antoine Moreau

"libres de droits" n'est pas une notion juridique, ça n'existe pas.

La question inévitable :

Quelle est la question qui ne vous a pas été posée ? Répondez-y !

R par jz

Quelle est la différence entre un corbeau?

R par jz par jz

bleu.

R par Romain d'Alverny

Environ une poule.

R par Antoine Moreau

Aucune

R par Isabelle Vodjani

Le même corbeau -1-

R par Daltex

Il a les deux pattes de la même longueur, enfin surtout la gauche je crois.

End of the interview, merci à tous !

Aller plus loin

  • # Re: Interview de la copyleft attitude

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

    Dans la même serie, mais aux USA : http://www.illegal-art.org/
    • [^] # Re: Interview de la copyleft attitude

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

      C'est tout de même d'un autre ordre, des orgies-disney, mao-dollar (voir 60x1.com),... Copyleft, c'est le l'inverse du copyright, illegal-art, c'est contre la censure américaine (qui est très virulante). J'aime tout de même assez bien. La liberté, est au centre des discussions et c'est très bien. Je me souviens d'une phrase de Noam Chomsky : "Plus un pays est libre plus il utilise la terreur" (c'est à peu près ceci).
  • # Re: Interview de la copyleft attitude

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

    Un commentaire à 2 cents d'euros pour dire que j'ai trouvé l'interview intéressante, et certains questions très pertinentes. J'avoue avoir parfois eu un peu de mal à suivre le cheminement de certaines réponses, mais dans l'ensemble, ce fût très intéressant. Une expérience à recommencer sur d'autres sujets peut être ?
    • [^] # Re: Interview de la copyleft attitude

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

      Dans les archives de la section Interview, on retrouve notamment celles faites précédemment par l'équipe de LinuxFr, notamment les deux précédentes (Guido Van Rossum sur Python, et l'équipe de F-CPU sur le matos libre). La prochain pourrait porter sur les traducteurs francophones (en cours de préparation chez les modéros).
  • # Re: Interview de la copyleft attitude

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

    Juste une remarque destinée à amméliorer les prochaines interview. Plutôt que de pondre un pavé immense et bien lourd, il aurait sans doute été plus pratique de mettre ça sur une page dédiée (éventuellement sur un autre site ou dans un coin à part) avec une mise en page plus claire et aérée (sommaire, titres, structures, sémantique du web et tout le tralala). En plus mettre tout in extenso comme ça semble avoir refroidi bien des commentateurs (le bouton était trop loin du début ?)
    • [^] # Re: Interview de la copyleft attitude

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

      C'est noté, merci.
    • [^] # Re: Interview de la copyleft attitude

      Posté par  . Évalué à 2.

      « Juste une remarque destinée à amméliorer les prochaines interview. Plutôt que de pondre un pavé immense et bien lourd, il aurait sans doute été plus pratique de mettre ça sur une page dédiée (éventuellement sur un autre site ou dans un coin à part) avec une mise en page plus claire et aérée (sommaire, titres, structures, sémantique du web et tout le tralala). » Je suis d'accord avec le problème de présentation / mise en page. Par contre, je trouve que ça a tout à fait sa place ici, c'est même bien pour ça qu'il est possible d'avoir une partie « Article »... Alors peut-être que le problème est plutot que ce genre de news est un peu noyée au milieu des autres qui sont plus ponctuelles, ou dont le contenu est juste un résumé et des liens. Dans ce cas là je pense que la meilleure solution serait un index, ou quelque chose comme les archives mais en ne sélectionnant que ces news là (quand le contenu est vraiment sur LinuxFr et pas ailleurs)

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