Journal Numérique et confinement

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oct.
2020

Il y a une semaine, Ouest-France publiait en éditorial (édition du mardi 13 octobre, non disponible en ligne) un article du directeur des Échos qui chantait les louanges du numérique pour avoir évité de mettre « le monde à l'arrêt » lors du confinement imposé lors du début de l'épidémie de Covid-19 cette année. Mais est-ce que la causalité ne serait pas inverse : le numérique n'aurait-il pas permis le confinement ? Quels sont les impacts du numérique aujourd'hui sur le monde, qu'on limite en général aux effets soit-disant bénéfiques de l'accélération des communications et de l'amélioration des capacités d'analyse du monde ? Pour cela, nous allons imaginer un monde sans le numérique.

Tout d'abord, je ne pense pas que la population aurait accepté un confinement généralisé comme celui subit au printemps dernier sans un accès à Internet presque généralisé, ni même qu'un président de la République aurait osé proposé une telle mesure : isoler des gens à la maison et au travail sans moyen de communication c'était la révolte garantie. En effet, qui supporterait de rester enfermé ainsi, entre quatre murs ? Dans l'imaginaire occidental, substituer les interactions physiques par des discussions numériques semble admis et évident afin de supporter une telle isolation, mais l'occident ignore tous ces pays qui n'ont pas un tel accès généralisé et qui n'ont du coup pas autorisé une telle restriction des déplacements, puisque ça leur semblait tellement saugrenu, au vu des impacts d'une telle solution par rapport aux méfaits du Covid-19.

Ensuite, les publications scientifiques basées sur des simulations numériques justifiant l'efficacité du confinement — comme celle de l'EHESP en avril, citée par le premier ministre comme ayant soit-disant permis de sauver beaucoup de vies — n'auraient pas été possibles ou alors de manière très différée et limitée, ce qui aurait empêché toute fanfaronnade quant au succès prétendu de telles mesures : on aurait été dans l'incertitude, et ça calme tout de suite beaucoup d'ardeurs. Prédire les interactions humaines par des simulations numériques, et baser des décisions politiques restreignant les libertés dessus, c'était auparavant un scénario de science-fiction, puisque méprisant profondément le libre-arbitre de chacun, et c'est aujourd'hui la réalité.

Sans le numérique, nous n'aurions pas de décomptes journaliers des contaminations (dont je rappelle que la possibilité de tel traitement de données est consacrée par un décret exceptionnel, pérennisé par une loi spéciale — qui vient d'être votée tout à l'heure, je crois —, la santé de la population étant normalement un sujet personnel et analysé de manière globale de manière très limitée et selon des modalités très exigeantes), qui empêcheraient la litanie de chiffres lue dans les journaux quotidiennement. Mais bon, quand plus personne ne finance directement le journalisme, il faut bien remplir le papier avec quelque-chose. Et puis ça habitue la population à faire évaluer sa santé continuellement, afin de l'en déposséder.

Par la suite, personne ne se mettrait dans l'idée de pouvoir tracer les interactions humaines dans différents domaines physiques, comme au café, au restaurant ou dans des activités sportives, à l'instar de ce qui est déjà fait en ligne pour les interactions sociales sur les réseaux éponymes. On laisserait les gens se rencontrer comme ils le souhaitent, et vaquer à leurs occupations de manière privée.

La plupart des commerces de proximité se porteraient bien, puisqu'il n'existerait pas de grand magasins en lignes pour faire ses courses « sans contact » (ou alors à l'ancienne, façon VPC — « Vente Par Correspondance », pour les plus jeunes d'entre vous), les emplois seraient nombreux et occupés par une population peu soumise au chômage. Les petits commerces n'essayeraient pas de rentrer dans une course perdue d'avance à la numérisation afin de survivre, car ceux qui n'ont pas compris que les géants du Net profitent de manière éhontée de ce virus pour imposer une domination totale de l'organisation de nos sociétés sont des personnes obnubilées par la « santé à tout prix » — quitte à payer le prix de ne plus pouvoir s'organiser soi-même. Et ça n'est pas l'État qui les sauvera : lui s'obstine à baisser les impôts, afin de réduire encore plus son pouvoir afin de laisser ses amis pantouflards prospérer quand ils auront terminé leur mandat.

Bref, sans le numérique, plein de choses seraient très différentes de notre monde actuel, et c'est une tautologie de le dire, mais les avantages qu'on tire de ces technologies sont-ils si supérieurs face aux inconvénients que nous sommes en train de subir aujourd'hui ?

P.S. : et bien sûr, sans le numérique, je n'aurais jamais pu exprimer ma voix dans ce journal ! ;-)

  • # Ou pas…

    Posté par  . Évalué à 10.

    Résumé à la serpe : sans le numérique, on aurait pu gérer l’épidémie comme la grippe espagnole et ce serait le bonheur.

    C’est un peu ce qu’à fait le Brésil

    Tout d'abord, je ne pense pas que la population aurait accepté un confinement généralisé comme celui subit au printemps dernier sans un accès à Internet presque généralisé

    D’ailleurs, les pays où les gens n’ont pas les moyens de s’équiper en numérique ne se sont pas confinés… quoique… (lancer l’animation « Lockdowns around the world »).

    l'occident ignore tous ces pays qui n'ont pas un tel accès généralisé et qui n'ont du coup pas autorisé une telle restriction des déplacements, puisque ça leur semblait tellement saugrenu, au vu des impacts d'une telle solution par rapport aux méfaits du Covid-19.

    Les pays « en voie de développement » n’ont pas du tout la même pyramide des âges et pas les mêmes comorbidités (diabète…) que les pays « occidentaux ». Donc pas la même vulnérabilité. Qui plus est beaucoup de pays africains subissent d’autres épidémies. Une partie des plus faibles y a certainement déjà succombé.

    En effet, qui supporterait de rester enfermé ainsi, entre quatre murs ?

    Un souci de riches. Pour les populations des pays « en voie de développement », le principal souci, c’est plutôt qu’elles n’ont pas les moyens de se nourrir en situation de confinement. Ça limite sérieusement le bénéfice qu’on peut en attendre pour la santé de la population…

    Après, le résultat médiocre en France, malgré les sacrifices imposés, peut te donner l’impression que ce ne serait pas tellement pire sans rien faire. Dis‐toi quand même que quand les malades seront trop nombreux pour être pris en charge à l’hôpital, le taux de mortalité ne sera plus le même.

    À mon sens, le résultat médiocre en France est lié pour partie à l’organisation (lire ici ou ). Apparemment, le succès de la Corée du Sud serait dû notamment à la rapidité. Quand le résultat du test tombe une fois que le patient n’est plus contagieux et qu’il ne se rappelle plus trop qui il a croisé, c’est moins efficace pour les volets isolement et traçage…

    C’est aussi une question de choix : nos dirigeants préfèrent attendre que ça commence à partir en sucette avant d’agir pour moins pénaliser l’économie. Sauf qu’après, il faut prendre des mesures de plus grande ampleur. Même en passant sur le nombre de victimes de cette stratégie, je doute que le résultat final soit bénéfique à l’économie…

    Ils préfèrent aussi ne pas être coercitifs sur l’isolement des personnes atteintes pour donner l’impression de respecter la liberté… et finir par confiner toute la population ou lui imposer un couvre‐feu.

    C’est curieux, ils ont moins de scrupules pour assigner à domicile des écologistes quand ils organisent justement un sommet sur l’écologie…

    La plupart des commerces de proximité se porteraient bien, puisqu'il n'existerait pas de grand magasins en lignes pour faire ses courses « sans contact » (ou alors à l'ancienne, façon VPC — « Vente Par Correspondance », pour les plus jeunes d'entre vous)

    Je ne te contredirai pas sur ce point. Et l’épidémie accélère cette évolution, surtout quand elle est mal gérée.

    les emplois seraient nombreux et occupés par une population peu soumise au chômage.

    Ce serait sûrement mieux, mais de là à dire qu’il n’y aurait quasiment plus de chômage, ça reste à voir, ce n’est pas le seul facteur.

    « Le fascisme c’est la gangrène, à Santiago comme à Paris. » — Renaud, Hexagone

    • [^] # Re: Ou pas…

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

      À mon sens, le résultat médiocre en France est lié pour partie à l’organisation (lire ici ou là).

      Chaque pays compte les décès (ou pas) attribués au covid à sa façon et même au sein d'un même pays la façon a parfois changé au cours de l'année. C'est mieux de regarder les décès toutes causes : ce site est pas mal pour l'Europe. En ce moment, le seul pays avec un excès de décès clair est l'Espagne. Certains pays comme l'Autriche, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, la Grèce ou la Hongrie n'ont pas eu de pic cette année (par exemple en Autriche l'effet du covid a été négligeable par rapport à la grippe 2016-2017). En fait, c'est assez intéressant de voir que plus de la moitié des pays européens n'ont pas souffert plus que d'autres années (voire moins car la grippe a été assez clémente cette année).

      Si j'osais aventurer une hypothèse, je dirais que ça a affecté les pays touristiques avec de grosses métropoles où la moyenne d'âge est plus élevée que la moyenne.

      • [^] # Re: Ou pas…

        Posté par  (Mastodon) . Évalué à 4.

        C'est mieux de regarder les décès toutes causes : ce site est pas mal pour l'Europe.

        Le pic Européen correspondant à la première vague est impressionnant.

        En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.

      • [^] # Re: Ou pas…

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

        pas forcément, actuellement aux US il y a plus de contaminations dans les campagnes que dans les villes

        https://www.nytimes.com/interactive/2020/10/22/us/covid-rural-us.html

        on peut trouver plein d'explications, à la campagne, je connais les personnes que je vais voir, donc je ne porte pas de masque

        Il paraît que l'expérience ne se partage pas, de manière générale, les pays d'Asie, grandement sensibilisés au Sras en 2002 -2004 et au Mers ont pris l'habitude de porter des masques en temps "normal".

        Un exemple est ce pays de 90 millions d'habitants, dont le bilan Covid pour l'année 2020 est de 0 mort et moins de 1200 contaminations
        https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Pand%C3%A9mie_de_Covid-19_au_Vi%C3%AAt_Nam

        ウィズコロナ

        • [^] # Re: Ou pas…

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3. Dernière modification le 25 octobre 2020 à 18:10.

          Quand je critique certains styles d'urbanisation, j'oppose pas forcément ça à la campagne : l'Allemagne a beaucoup de villes relativement peuplées, mais le style d'urbanisation est très différent de celui de Madrid ou même Paris, et ils n'ont pas eu de pic préoccupant. De même, des régions essentiellement rurales peuvent avoir une grosse capitale mal conçue qui ensuite échange beaucoup avec les petites villes proches : par exemple les deux régions de Castille ont beaucoup d'échanges avec Madrid, et c'est possiblement pourquoi elles n'ont pas été épargnées.

          actuellement aux US il y a plus de contaminations dans les campagnes que dans les villes

          Mais on voit par contre que dans ces zones « rurales » (ça inclut des villes pas si petites), il n'y a pas eu de gros pic incontrôlable, la progression est plus douce, malgré probablement un gros manque de respect des bonnes pratiques. Après, c'est basé sur des données autres que décès toutes causes confondues, donc difficile d'assurer avec confiance plus que ça.

          Un exemple est ce pays de 90 millions d'habitants, dont le bilan Covid pour l'année 2020 est de 0 mort et moins de 1200 contaminations

          C'est possible : si c'est le cas, ça correspond à un cas où il n'y a pas eu propagation généralisée du virus, donc le style d'urbanisation, quel qu'il soit, importe peu. Ceci dit, je ne me fierais pas à leur bilan covid. Par exemple pour la Chine, je ne crois pas une seule seconde aux chiffres qu'ils fournissent, j'aimerais bien avoir un graphique de décès toutes causes confondues et par régions.

          Après, même en cas de propagation généralisée du virus, certains pays asiatiques ont l'avantage que leurs grandes villes sont formées par une plus petite part de personnes âgées et n'ont pas de culture de l'EPHAD, ce qui revient à un style d'urbanisation très différent dans sa façon de répartir la population, a priori moins fragile face au covid. Si on ajoute à ça leur culture du masque dès le départ, on obtient un situation assez difficile à comparer à la notre.

  • # Simulations

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 9.

    Ensuite, les publications scientifiques basées sur des simulations numériques justifiant l'efficacité du confinement

    Sans numérique, au lieu de faire des simulations, des applications et chercher des chiffres mêmes sous les pierres, ils auraient pu se contenter de regarder à la main quelques stats d'épidémies passées : ils se seraient rendus compte que les grosses villes avec métro, transports publics bondés et autres lieux mal aérés, avec concentration sur-élevée de personnes âgées, c'est problématique (oui, pas besoin de stats en fait pour conclure tout ça). Plutôt qu'attendre les résultats de ces simulations pour investir en retard dans la destruction de l'économie et des libertés de circulation et de réunion, ils auraient investi plutôt dans l'aération des lieux fermés clés (métro, écoles, etc.), la production de masques pour utiliser dans ces lieux-là aux périodes clés ; ils auraient recommandé aux personnes âgées d'éviter ces lieux comme la peste, tout en investissant dans le système de santé qui manque de moyens. Cerise sur le gâteau, ils auraient ainsi regagné un peu la confiance de la population qui aurait donc mieux suivi les recommandations.

    En vrai, je doute qu'ils auraient fait tout ça non plus. Mais oui, le numérique permet de faire accepter plus facilement de vivre isolé. Et même si le numérique permet de mieux se documenter de façon a priori moins biaisée, en pratique il permet aussi de mieux se faire peur de façon très biaisée, car la médiatisation est biaisée vers le négatif (vers lequel on est déjà naturellement biaisés) et, même sans ça, le cerveau humain gère très mal les statistiques : je parie que la plupart ne ressortent pas de cette médiatisation avec l'idée que dans une bonne moitié des pays d'europe il ne s'est rien passé d'exceptionnel cette année.

    Après, on aurait quand même peut-être eu au moins un couvre-feu pour éviter que les enfants se contaminent à l'école et les travailleurs dans le métro… ah non, zut c'est pas ça.

    • [^] # Re: Simulations

      Posté par  . Évalué à 3.

      je parie que la plupart ne ressortent pas de cette médiatisation avec l'idée que dans une bonne moitié des pays d'europe il ne s'est rien passé d'exceptionnel cette année.

      En effet. Mais soit tu psychotes à cause de cette perception biaisée, soit tu psychotes parce que seuls un pelé et deux tondus arrivent à balancer ça et à en parler, alors que le gouvernement et toutes les institutions publiques et privées te disent le contraire. Quel est ton camp, camarade ?

  • # Un peu trop simpliste comme raisonnement mais tant qu'à commenter...

    Posté par  . Évalué à 10. Dernière modification le 25 octobre 2020 à 12:12.

    Pour info: j'ai pertinenté, non pas parce que je suis d'accord avec le raisonnement ou avec les conclusions qui sont faites mais parce que le débat a des raisons d'être lancé. En d'autres termes: parce que le contenu de ce journal me pose un profond questionnement.

    Je vois plusieurs idées que je qualifierais "à l'emporte-pièce" sans développement:

    • je ne pense pas que la population aurait accepté un confinement généralisé […] sans un accès à Internet presque généralisé […]

    Sur base de quoi, concrètement? C'est une opinion, bien sûr, annoncée comme telle (je pense que).

    • isoler des gens à la maison et au travail sans moyen de communication c'était la révolte garantie.

    Le numérique a justement permis le déploiement massif de ces moyens de communication addictifs. Un raisonnement «sans numérique» aurait dû en tenir compte. Alors, quant à la révolte… Qu'est-ce qui permet d'affirmer ça?

    • En effet, qui supporterait de rester enfermé ainsi, entre quatre murs ?

    Admettons, et…? Et si on posait la question inverse? Cette question est lourde de pré-suppositions, de préjugés et de généralisations.

    • Dans l'imaginaire occidental, substituer les interactions physiques par des discussions numériques semble admis et évident […]

    Ceux qui semblent admettre que c'est évident se sont-ils jamais demandé quelles sont les conséquences psychologiques, mentales, sociales, morales, cognitives (et j'en passe) du remplacement des contacts humains par le virtuel? Ce point aussi est aussi un chemin de débat important. Peut-être même plus que celui du confinement.

    • Prédire les interactions humaines […] et baser des décisions politiques […] c'était auparavant un scénario de science-fiction […] et c'est aujourd'hui la réalité.

    Que d'affirmations… Chacun a sa propre vision de la réalité. Les confronter, au mieux ça donne un débat. Et ici, j'en vois plusieurs.

    Mais surtout ceci me fait… tiquer:

    • [Sans le numérique] pas de décomptes journaliers des contaminations […]
    • [Sans les publications scientifiques] on aurait été dans l'incertitude

    Ah? Quelles sont les certitudes aujourd'hui? Quel est l'impact sur le moral des citoyens de mesures qui changent régulièrement et bouleversent leur quotidien? Se pourrait-il que le citoyen soit justement en pleine perte de ses repères et que devant cette perte de repères, il est complètement largué? Ces non-incertitudes dont il serait question ici, à qui sont-elles, par qui sont-elles observées?

    Et que dire de cet égrènement quotidien des chiffres, bruts de décoffrage, balancé à une audience qui n'a pas été formée pour apprendre à les traiter, avec tout le recul qui s'impose? Je ne prétends pas que l'ignorance est une bénédiction mais il faut rester prudent sur ce genre de déclarations. L'impact sur le moral des troupes a une influence nette sur sa capacité d'encaisser (ça s'appelle les effets contextuels). Et l'état moral d'une personne a une influence démontrée sur sa guérison.

    Je passe aussi sur la déferlante d'informations, à laquelle chacun est livré sans plus pouvoir débattre calmement, livré à soi-même et à se faire ses propres conclusions, sans retour éventuel d'autres ou devant une interminable confrontation d'experts de tous bords… Grâce au numérique on en est venu à une situation où il nous est pratiquement impossible de faire le tri sans compétence. On a des montagnes d'infos, oui, sans discernement. Mais au citoyen, ça lui sert à quoi? Il n'a qu'à se démerder avec? C'est ce qu'il fait, bien malgré lui…

    • personne ne se mettrait dans l'idée de pouvoir tracer les interactions humaines […] On laisserait les gens se rencontrer comme ils le souhaitent […]

    Admettons. Et?

    • [tracer les interactions humaines] est déjà fait en ligne pour les interactions sociales sur les réseaux éponymes.

    Les buts des uns ne sont pas ceux des autres!

    Tiens, parlons-en de la surveillance de masse par les réseaux… sociaux (l'association de ces deux mots m’écœure mais soit). Balancer une telle affirmation est déjà une raison d'en chier une pendule tellement il y a à débattre là-dessus, entre surveillance massive pour le profit des investisseurs, le traçage confié à des sociétés privées, le stockage des données sanitaires sur les serveurs de sociétés commerciales, sans légitimité nationale ni devoir envers la nation d'origine… Ces "réseaux" en ont eu l'idée, oui. Mais il convient de ne pas mélanger tous ces aspects sans faire preuve d'un peu de retenue critique. Il y a une série de différences entre surveiller ses clients (qu'on appelle "utilisateurs") pour leur refiler de la pub¹ et tracer le citoyen pour venir à bout d'une maladie contagieuse.

    Sans moyens informatiques, qu'est-ce qui permettrait d'affirmer qu'il n'y aurait pas eu de traçage? Cela semble facile d'en parler a posteriori mais c'est un biais classique, à éviter.

    • La plupart des commerces de proximité se porteraient bien, puisqu'il n'existerait pas de grand magasins en lignes pour faire ses courses « sans contact » […]

    Puisque ? En voilà une preuve irréfutable! Non, monsieur, pardonnez-moi mais c'est un peu léger. Il reste à démontrer si le modèle économique, dans lequel les sociétés commerciales ont tout intérêt, pour faire croître leurs profits, à en absorber d'autres ou à écraser la concurrence, aurait permis à ces petits commerces de survivre en harmonie avec la concurrence effrénée qui existait de toute façons avant même qu'on parle d'informatique… L'effet des grandes surfaces sur les petits commerces a déjà été analysé, bien avant l'avènement des réseaux informatiques tentaculaires (je n'ai pas les références, désolé).

    • [sans le numérique] les emplois seraient nombreux et occupés par une population peu soumise au chômage.

    Celle-ci justifierait à elle seule une étude sociologique, comportementale et économique (pour ne citer que cela) complète.

    • Les petits commerces n'essayeraient pas de rentrer dans une course perdue d'avance à la numérisation afin de survivre […]

    L'instinct de compétition est bien implanté chez l'humain, le numérique n'est qu'une opportunité de plus. Qu'est-ce qui ferait que le lien entre "numérique et survie" est plus pertinent qu'entre "compétition et survie"? Les commerces font ce qu'ils peuvent, avec les moyens dont ils disposent pour garder la tête hors de l'eau.

    • […] les avantages qu'on tire de ces technologies sont-ils si supérieurs face aux inconvénients que nous sommes en train de subir aujourd'hui ?

    C'est bien plus complexe que cela. La manière dont cette question est formulée (comme ce journal, AMHA) donne une fausse impression, manichéenne, des nombreuses problématiques en jeu. Et ça n'est pas en quelques commentaires que la réponse jaillira.


    ¹ Extrêmement simpliste, oui. Ça résume, en gros. Très gros.

    • [^] # Re: Un peu trop simpliste comme raisonnement mais tant qu'à commenter...

      Posté par  . Évalué à 2.

      Bien sûr c'est un journal très subjectif et « à l'emporte pièce ». Mais une seule remarque pour faire valoir ma manière de voir, car je n'ai pas le temps de répondre à tout :

      Ceux qui semblent admettre que c'est évident se sont-ils jamais demandé quelles sont les conséquences psychologiques, mentales, sociales, morales, cognitives (et j'en passe) du remplacement des contacts humains par le virtuel? Ce point aussi est aussi un chemin de débat important.

      Tout à fait. Mais il est aujourd'hui impossible (de ce que j'ai constaté moi-même) d'évoquer ce genre de mise en balance avec qui que ce soit aujourd'hui, hors exceptions très rares : c'est cette difficulté que je veux soulever avec ce journal. Toute la communication de la puissance publique et des médias privés ignore complètement cela, et impose un nombre de sous-entendus malsains innombrables lors de ses « débats » et propositions. C'est ce genre de situation paradoxale (je ne trouve pas le qualificatif adéquat, ça n'est pas exactement ça), avec des non-dits fondamentaux, qui fait mal à beaucoup de gens aujourd'hui, je pense.

      • [^] # Re: Un peu trop simpliste comme raisonnement mais tant qu'à commenter...

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5. Dernière modification le 27 octobre 2020 à 10:31.

        Mais il est aujourd'hui impossible (de ce que j'ai constaté moi-même) d'évoquer ce genre de mise en balance avec qui que ce soit aujourd'hui, hors exceptions très rares : c'est cette difficulté que je veux soulever avec ce journal.

        Perso, j'ai pas autant l'impression que c'est impossible, mais plutôt qu'une bonne partie de la population est résignée : à quoi bon d'en discuter si on ne peut rien faire ? Déjà stressés par la médiatisation et les mesures d'un côté, écouter des critiques ne fait qu'apporter à la confusion avec des pensées négatives. Pire, ils pourraient passer pour des gens insensibles voire, s'ils sont jeunes, pour de dangereux défenseurs de fêtes et sports clandestins.

        Par exemple, comparer la covid aux accidents de la route, qui provoquent bien plus de tragédies (mort d'enfants, jeunes parents, etc.) et ce tous les ans, peut être perçu comme insensible (du moins, c'est l'impression biaisée que l'on en a). L'une mérite une médiatisation qui préconise la destruction de l'économie et des libertés et néglige toute cause de décès autre que la covid pour l'année 2020, l'autre non. Si on te répond que c'est différent, car il n'y a plus de places en réanimation, ça va être la cata, et que tu répliques qu'en fait il y en a encore et, qu'au pire, peut-être qu'il faudrait se poser un jour la question, comme en Suède, si c'est pertinent d'envoyer autant de gens de plus de 85+ans (voire même 90+ans) en soins intensifs, tu risques de passer pour encore plus insensible (même si c'est surtout dans ta tête en fait).

        Si, malgré tout, on pense que cette focalisation en 2020 sur la covid est raisonnable, on a la surprise de se rendre compte que le gouvernement ne met en place quasiment que des mesures à court-terme très coûteuses (confinements, couvre-feux, fermetures bars etc., tests), plutôt que des mesures long-terme qui créent de l'emploi (aérations, re-planification d'urbanisation, moyens des hôpitaux, amélioration des aides personnalisées aux personnes âgées, etc.). Où est la vision long-terme ? Mieux vaut ne pas trop y réfléchir.

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