Journal Monitoring du bassin versant Adour-Garonne

Posté par  (site web personnel) . Licence CC By‑SA.
Étiquettes : aucune
25
22
sept.
2022

Suite à la lecture d'un article sur le cycle de l'eau (https://www.mediaterre.org/actu,20200503184212,1.html), j'ai voulu objectiver la proportion des précipitations qu'on rejette effectivement à la mer.

De prime abord, ça m'a paru assez simple. Je ne me serais jamais douté que la quantité d'eau qu'un fleuve rejette dans la mer ou qui tombe sur un territoire ne soit pas une donnée archi connue, archi consolidée et archi disponible.

J'ai bien envisagé que certaines choses comme les bassins versant transfrontaliers pourraient poser problèmes, mais en me limitant au bassin Adour-Garonne, je pensais être relativement à l'abri.

Les fleuves

L'API pour les fleuves et rivières en France ça s'appelle hubeau. C'est relativement complet. On a directement accès à des dizaines de stations de mesures qui sont localisables sur une carte. C'est bien fait et très bien documenté

https://hubeau.eaufrance.fr/page/apis
https://hydro.eaufrance.fr/rechercher/entites-hydrometriques

Ce qui est particulièrement surveillé et on comprend bien pourquoi c'est la hauteur des fleuves. Mais pas leur débit. Il est impossible de connaître le débit des fleuves à l'embouchure. Enfin l'API ne connaît pas la capacité des stations. Il faut donc toutes les parcourir pour en trouver qui indiquent le débit.

J'ai donc décidé de collecter les hauteurs à l'embouchure ainsi que le débit de la première station ou cette donnée et disponible (ce qui pour la Dordogne est très loin de l'embouchure). L'idée et de pouvoir faire dans le temps des corrélations avec la variation de la hauteur et la quantité de pluie.

Les marées

Pour parvenir à mes fins il faudra que je prenne en compte les marées. Celles-ci sont prévues par un établissement public, le shom basé à Brest. Il existe une API permettant de consulter ces prévisions mais son accès est payant.

J'ai donc du me rabattre sur un peu d’ingénierie inverse sur un site de météo grand public qui dispose d'un ensemble de web services.

Au cas ou ça vous intéresse, l'API officielle est là : https://services.data.shom.fr/support/fr/services/spm

La pluie

Maintenant il me manque la pluie. Malheureusement Météo France ne met ses données à disposition que sur abonnement payant. Heureusement il existe un système communautaire de stations qui est accessible via l'API du site infoclimat. Mais, même si j'ai trouvé une littérature abondant sur la façon interpoler les précipitations relevées sur une série de points pour en déduire la quantité d'eau tombée sur un territoire entier, l'implémentation d'un tel algorithme ne cadre pas avec le temps que j'ai à y consacrer.

Je me suis donc contenté d'une pauvre moyenne. Ce qui pour autant que j'ai pu vérifier, donne un résultat tout à fait différent de la pluviométrie consolidée.

https://www.infoclimat.fr/opendata/

Collecte

Pour la collecte, je suis parti sur ce que je connais. Donc quelques scripts perl et une base postgres. C'est môche, c'est itératif, ça a l'air de marcher.

https://github.com/rmdir/climato

Conclusion

Complètement ignorant de ce domaine, j'ai été très étonné par l'absence de données consolidées. Mais l'accès aux données brutes est facile et bien fait. Même si je le savais déjà, ça fait toujours mal à la partie arrière de l'être, de constater que les données issues du service publique sont payantes.

Pour ceux qui s’intéressent au sujet y a pas encore trop de données mais c'est là.

https://ladybug2.rmdir.fr/public-dashboards/5afc5b3e6b644bd8bbdcec12f65d5a86?orgId=1

La partie 2, une fois qu'il y aura des choses à voir c'est de faire des corrélation entre la pluie et la variation de la hauteur pour déterminer la rapidité de l'écoulement …

  • # Données météo

    Posté par  . Évalué à 6.

    Pour les données météo historiques, dans mon métier (simulation thermique bâtiment), on a deux types de sources :

    • stations météo, souvent dans des aéroports, pas toujours près du point recherché
    • données issues de modèles physiques recalés sur données réelles (notamment stations), disponibles avec une maille assez fines (dans les 30 kilomètres)

    ERA5 est un jeu de données du deuxième type. Il y a une API pour les télécharger mais c'est ni simple, ni rapide.

    Dans ma boîte, on passe par le service Oïkolab qui propose une API bien plus commode. Ça nous permet de récupérer des données complètes, interpolées, etc. C'est payant à partir d'un certain nombre de données téléchargées. Pour notre usage, ça vaut le coup : c'est pas cher par rapport au développement requis pour utiliser l'API ERA5 directement.

  • # Connaître les débits dans une rivière

    Posté par  . Évalué à 10.

    Bon, je ne sais pas trop par où commencer tellement il y a à dire.

    Disclaimer : j'ai fait toute ma carrière de chercheur à Lyon dans une unité de recherche qui travaille sur l'hydrologie (en gros chercher à connaître les débits dans un cours d'eau et comment la pluie se transforme en débit) et l'hydraulique (mesurer, modéliser et calculer les grandeurs caractéristiques des écoulements dans un cours d'eau). Mon job c'était le développement de codes de calcul pour l'hydraulique. Et le dernier modèle numérique sur lequel je suis intervenu était un modèle de l'Adour aval.

    Pour faire direct, je dirais qu'on ne sait pas mesurer directement le débit dans une rivière. Il y a plusieurs raisons à cela. Le débit est une variable qui intègre le champ de vitesse dans une section verticale de la rivière. Ce champ de vitesse n'est pas uniforme et donc il faut avoir beaucoup de mesures locales dans un même plan vertical et au même moment. Ça c'est très difficile à faire, surtout dans les situations où les mesures de débit sont les plus intéressantes, c'est-à-dire en crue. C'est particulièrement vrai pour les grands cours d'eau. Une technique de plus en plus utilisée utilise un ADCP. C'est la technique utilisée par la Compagnie Nationale du Rhône pour mesurer les débits du Rhône. L'inconvénient c'est que ça n'est utilisable que pour la part de débit du lit mineur. En crue il est dangereux d'envoyer un bateau faire des traversées bien orthogonales à l'écoulement et en plus on ne peut pas atteindre les zones où la rivière déborde (lit majeur). Dans ces cas là, et pour des rivières par trop larges, on peut utiliser des techniques de LSPIV (Large Scale Particle Image Velocimetry) qui, à partir de vidéos qui ont enregistré le déplacement des structures de surface ou des objets flottants, reconstitue un champ de vitesse horizontal qu'on peut relier, avec pas mal d'approximation, au débit.

    Quand on trouve des données de stations de mesure qui fournissent des débits en plus des hauteurs d'eau, c'est parce les métrologues ont établi une relation entre le niveau et le débit. On appelle ça une courbe de tarage (rating curve en anglais). On se base sur des mesures de débits pour les débits habituels (jusqu'aux petites crues non débordantes) et ensuite des extrapolations des pluies pour les gros débits (grandes crues). Ces courbes de tarage sont fortement non linéaires. La construction des courbes de tarage, leur validation et l'estimation de leur incertitude est un champ de recherche actif à lui tout seul.

    La connaissance des écoulements repose, outre des mesures hydrométriques, bathymétriques et topographiques, sur des modélisations mathématiques plus ou moins complexes. C'est un domaine très actif depuis près de 2 siècles tant en recherche qu'en ingénierie et des milliers de chercheurs, ingénieurs et techniciens travaillent sur ces sujets partout dans le monde.
    Les modèles mathématiques sont basés sur les équations d'Adhémar Barré de Saint-Venant présentées dans un Compte-rendu de l'Académie des Sciences en 1871. Les anglo-saxons les appellent Shallow Water Equations. Ce sont des équations aux dérivées partielles instationnaires hyperboliques non linéaires à 1 ou 2 dimensions d'espace (plus le temps), donc qui ont tout ce qu'il faut pour être difficiles à résoudre. En particulier ce sont des modèles qui peuvent faire apparaître des discontinuités à partir de données continues : ressaut hydraulique, onde de rupture de barrage, mascaret, tsunami.

    En ce qui concerne la production du débit à partir de la pluie c'est un des champs de recherche des hydrologues. Là aussi c'est très compliqué, à cause d'une part de la multiplicité et de la complexités des phénomènes physiques qui interviennent (évapotranspiration, infiltration, ruissellement), et d'autre part à cause de la difficulté d'accéder, sur l'ensemble de la zone considérée, aux caractéristiques des sols (teneur en eau, perméabilité, mais c'est encore pire en zone karstique) et de l'air (vent à différentes altitudes, humidité, température, etc.). Il y a essentiellement 2 approches. Une approche basée sur des modèles statistiques et une approche basée sur la modélisation des phénomènes physiques entrant en jeu (modèles distribués).

    Concernant les marées, il faut tenir compte des particularités locales (géométrie, courants) qui perturbent la marée théorique.
    À l'embouchure d'un fleuve le lien entre niveau et débit devient encore plus compliqué. Le niveau oscille, grossièrement comme une sinusoïde avec une période de 12h30, et le débit aussi mais décalé. Selon l'amplitude de la marée, le débit peut devenir négatif (la partie aval de la rivière coule à l'envers…), et généralement la marée se fait sentir sur les niveaux loin, voire très loin, à l'amont de l'embouchure. En particulier, il n'y a pas de lien simple entre niveau et vitesse de l'écoulement dans la zone influencée par la marée. Il faut un modèle numérique résolvant les équations de Saint-Venant, calé avec des mesures de niveau, pour évaluer les vitesses. Bien entendu un tel modèle a besoin de connaître le débit à tout instant à chaque frontière entrante du domaine modélisé (pour savoir ce qui va sortir d'une baignoire, il faut connaître ce qui entre par le robinet). En général il faut plusieurs mois d'ingénieur pour mettre au point ce genre de modèle.

    Dans tous ces domaines il y a des formations (initiales et continues) à l'Université et dans des écoles d'ingénieurs. Elles sont de niveau L3 et master.

    • [^] # Re: Connaître les débits dans une rivière

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

      Merci pour ces explications. J'ai bien compris que c'était un problème qui n'avait pas de réponse simple. Et je n'ai pas l'ambition d'y répondre.

      Je pense toutefois qu'il reste intéressant d'observer le système à partir données qu'on a afin de déterminer les indicateurs pertinents pour mesurer l'impact des politiques puisque c'est de ça qu'il s'agit au fond.

      Si tu connais le sujet, que penses-tu de SWOT ?

      • [^] # Re: Connaître les débits dans une rivière

        Posté par  . Évalué à 5.

        La méthode d'analyse SWOT ou le satellite Swot ? ;-)

        • [^] # Re: Connaître les débits dans une rivière

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

          Je ne connaissais pas la méthode :) mais le satellite est sensé aider à calculer les débits…

          • [^] # Re: Connaître les débits dans une rivière

            Posté par  . Évalué à 5.

            Oui et je suis sceptique pour un réel apport en France continentale parce qu'il n'y a pas beaucoup de cours d'eau d'une largeur supérieure à 100 mètres.
            Dans mon souvenir Swot c'est un satellite principalement océanographique pour mesurer les niveaux des océans, voire les grandes étendues d'eau continentales. Quant aux rivières, il ne suffit pas d'avoir une estimation de la pente de l'écoulement pour déduire le débit. Sans une bonne connaissance de la forme de la rivière (on ne voit pas à travers l'eau) ni une bonne estimation de la résistance à l'écoulement (la rugosité mais pas que), on ne peut rien faire de mieux que ce qu'on fait déjà.
            Par contre si Swot est capable de fournir de bonnes mesures de niveaux sur un linéaire de rivière, ce serait très utile pour caler un modèle numérique. Mais il faut d'abord orienter la rivière le long de la trace du satellite… ;-)

  • # Vive les maths

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

    En fait, avec la hauteur d'eau, tu peux calculer le débit plus ou moins facilement. C'est, par exemple, le principe d'un débitmètre. Pour les principes, tu peux regarder https://engees.unistra.fr/fileadmin/user_upload/pdf/shu/cours_HSL_FI_2006.pdf, page 31, mais ça nécessite pas mal de paramètres sur chaque rivière (pente, coefficient de rugosité). Si tu veux approfondir, regarde des cours d'écoulements à surface libre (open channel flow)

    • [^] # Re: Vive les maths

      Posté par  (Mastodon) . Évalué à 9.

      En fait, avec la hauteur d'eau

      … et la forme du lit de la rivière.

      En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.

  • # Article mediaterre

    Posté par  . Évalué à 10.

    Je suis plus que sceptique. L'auteur ne cite aucune référence à l'appui de ses affirmations, en particulier la proportion 70 % / 30%. De plus il faut lire la présentation de l'auteur. Je cite : « Les émissions de Co2 posent effectivement de graves problèmes de pollution en ville (trop de CO2 = pas assez d'oxygène) mais en AUCUN CAS de climat ! ». En fait son dada (et sans doute son business) c'est la construction de barrages. Et sa propagande crypto-climatosceptique consiste à affirmer qu'on va sauver le monde avec des retenues collinaires.

    Donc pour moi, aucune confiance dans ce qu'il écrit. Et par conséquent aucune non plus dans les autres dépêches de mediaterre. En effet mediaterre prétend que les dépêches sont relues par des modérateurs avant d'être publiés. Pour cet auteur sur les 10 dépêches qu'il a publiées, aucune n'a été modérée.

    • [^] # Re: Article mediaterre

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

      Je suis d'accord sur le fait qu'il y a à boire et à manger dans ce que dis Laurent Denise. Mais sur la question de l'eau, je trouve qu'il soulève des questions plutôt intéressantes.

      Par exemple cette intervention :
      https://www.youtube.com/watch?v=CZFqOMy3dwo&t=5884s (à 1h38)

      Pour la proportion 70% / 30% c'est ce qu'avance l'INRAE. Je te donnerai la références si tu veux, mais je ne l'ai pas sous la main là.

      • [^] # Re: Article mediaterre

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

        Pour être plus précis, quand j'ai commencé à m'interesser à la question, en me basant sur :

        https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/leau-en-france-ressource-et-utilisation-synthese-des-connaissances-en-2021
        https://www.eaufrance.fr/les-volumes-de-precipitations
        https://www.francetvinfo.fr/meteo/secheresse/infographies-agriculture-eau-potable-centrales-nucleaires-comprendre-comment-l-eau-est-consommee-en-france-en-quatre-graphiques_5302522.html

        j'ai vite compris que les piscines, le maïs, les fuites d'eau, les Golfes et les toilettes ne suffisaient pas à expliquer la situation.

        Il pleut en France 500 Gm3 d'eau. Ils considèrent que seulement 200 Gm3 est utile. Soit. L'eau des sols ne sert à rien. On l'apprend. La dessus on prélève 30 Gm3. Sur ces 30 Gm3, 15 sont utilisés pour refroidir les centrales et 5 pour remplir les canaux. Ces 20 Gm3 sont considérés comme non utilisés. A bon ? forcer les fleuves pour avoir de l'eau pour les centrales, ce n'est pas l'utiliser ? Remplir le canal du midi et mettre l'eau à la mer, ce n'est pas l'utiliser ? La aussi on pourra en reparler. Il en reste 10 réellement "utilisés". Là encore l'eau d'irrigation est remise dans le système. En quoi est-elle plus utilisée que celle des canaux ? … Bref si tu te penches sur la question tu vois que ça ne va pas du tout et qu'il te manques un bout du problème.

        Selon la comptabilité officielle, on utilise 2% des précipitations et encore la majorité de cette flotte est utilisée pour arroser des plantes donc retourne dans le système de l'évapotranspiration. Que deviennent les 98% qui reste ? puisque visiblement ils ne sont plus là ?

        C'est pour cela que je me suis intéressé à Laurent Denise et je n'ai pas trouvé son analyse délirante. Même si côté solutions, je suis plus castors et sols vivant que retenue collinaire.

        • [^] # Re: Article mediaterre

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

          Sur le cycle de l'eau le plus synthétique est
          https://www.inrae.fr/actualites/nouvelle-representation-du-cycle-leau-integrant-activites-humaines

          Je cité : « Hormis les activités humaines, d’autres importantes inexactitudes existent sur ces représentations, poursuit Gilles Pinay. Notamment, la plupart des pluies que l’on reçoit sur Terre ne vient pas directement de la mer, comme le laissent croire les représentations actuelles. Les deux-tiers sont en fait dues à de l’évapotranspiration par les plantes et les sols, ce qui génère de la vapeur qui est poussée par le vent vers d’autres bassins versants où l’eau retombe. Il est important de comprendre que l’eau pompée par les arbres n’est pas « perdue » mais en partie redistribuée. Cela peut avoir une influence sur la manière dont sont appréhendés les enjeux d’utilisation des terres. »

          L'article de nature cité en référence est payant.

  • # mécaflotte

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 0.

    et flûte, mes pires heures de prépa (paye tes dérivées partielles, pas merci Maxwell, Mach non plus…) et d'école d'ingé (on venait avec un pull en TP tellement il faisait froid dans ce labo de mécaflotte /o\)

    /me repars pêcher la truite en rivière / étang / lough ou sinon le bar / maquereau en mer :-)

    pfff l'Irlande me manque par moment :-)

Suivre le flux des commentaires

Note : les commentaires appartiennent à celles et ceux qui les ont postés. Nous n’en sommes pas responsables.