Journal Article dans "Manière de voir" n°112 : "La preuve par les logiciels libres" (P. Rivière)

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14
21
juil.
2010
Cher numérique,

En ces temps de trop forte chaleur, je souhaitais te faire partager mon enthousiasme pour un de tes confrères papiers, rafraîchissant. En effet, vient de paraître le bimestriel de Manière de voir [1] dans son numéro 112 (août-septembre 2010), intitulé "Le temps des utopies" [2]. Et ce qui pourrait t'intéresser plus particulièrement : y figure un article traitant des logiciels libres, signé par Philippe Rivière [3].
NB : Ce qui suit est un point de vue subjectif et personnel [4].

Composition de l'ouvrage :
Le magazine est construit autour d'articles [5], dont certains auteurs sont célèbres [6], en trois parties : Espoirs d'en bas, Rêves de savants et Horizons philosophiques. L'article de P. Rivière appartient à la première partie. Mais ce cadre a priori rigoureux est mis à mal par toute une série d'éléments "perturbateurs", offrant en contrepoint un semblant d'anarchie.
Tout d'abord, ces articles sont agrémentés de nombreuses citations d'auteurs, allant de Platon à "Che" Guevara, en passant par G. Orwell et A. Huxley, auteurs dont les "portraits [sont] croqués par Alexis Lemoine". Une trentaine d'anciens s'invitent ainsi tout du long de nos interrogations présentes [7] – pour une vingtaine d'articles contemporains.
Ensuite, les illustrations de Boris Séméniako [8] viennent faire résonances aux textes présentés. A coups de collages improbables, provocateurs et beaux à la fois, elles viennent renforcer le sentiment de non-linéarité, de profondeur du papier [9].
Enfin, les références bibliographiques et webesques elles-mêmes sont morcelées en trois parties chacune, et semées au gré des pages, participant de l'atmosphère d'un joyeux bazar organisé.

A propos de l'article de P. Rivière : [10]
La preuve par les logiciels libres est un texte court [11], et s'adresse visiblement à un public ne connaissant pas ou peu le monde des logiciels libres. Partant d'Internet tel qu'il est couramment utilisé aujourd'hui, il emmène le lecteur à travers l'industrie de la propriété intellectuelle, ce qui caractérise un logiciel libre (à travers la métaphore d'une chanson populaire), et la question de la "brevetabilité" des logiciels.
Ce tour d'horizon de haut niveau, esquivant les questions techniques et de "détails", rend à la fois vivant et concret l'objet "logiciel libre", et met en lumière l'engagement de ses acteurs. L'auteur conclut en insérant cet engagement et les valeurs défendues dans un cadre plus global, comme un élément d'une mouvance "englobant aussi bien la recherche médicale que la musique, la biodiversité que l'information".
Et en chemin, P. Rivière parvient à glisser au lecteur les plus incontournables références bibliographiques francophones en la matière [12].

De quelques limites de l'article :
Arriver à dire autant en si peu de temps, à captiver le lecteur pour un domaine qui lui est a priori rédhibitoire, laisse forcément les plus avertis sur leur faim. On aurait ainsi pu aimer avoir les références concernant quelques affirmations [13] pouvant sembler hasardeuses (sans). Par ailleurs, dans la présentation de ce qui caractérise un logiciel libre, est zappée [14] la plus élémentaire des libertés : celle d'une libre utilisation. De plus, l'article ne parle exclusivement [15] que des logiciels libres, alors qu'au contraire un aspect pouvant intéresser le public se situe dans l'irréductibilité du libre à la seule dimension logicielle. Egalement, il n'est pas fait mention des tentatives actuelles visant à casser la neutralité d'Internet, alors que l'auteur est par ailleurs compétent dans le domaine [3]. Enfin, on pourra regretter l'absence, pour le lecteur, de points d'entrée balisés – hors livres ou articles mentionnés –, à cet univers [16].

Ne vous [17] laissez pas tromper par la précédente partie, l'article est bien construit, et possède de nombreux points forts [18]. Tel quel, il constitue une très bonne accroche pour un néophyte, même s'il serait AMHA encore meilleur une fois les bugs sus-mentionnés résolus. On pourra rapprocher sa lecture, dans le même numéro, aux articles de Pierre Musso "De la socio-utopie à la techno-utopie" (p. 6), Eric Dupin "Enquête sur la décroissance, une idée qui chemine" (p. 16), Marc Laimé "Remunicipaliser l'eau" (p. 29), Albert Jacquard "Patrimoine de l'humanité" (p. 81) et Cornelius Castoriadis "A société autonome, individus autonomes" (p. 86) [19].

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Notes de bas de page : [20]
[1] http://www.monde-diplomatique.fr/mav/
[2] http://www.monde-diplomatique.fr/mav/112/
[3] [4] Je n'ai pas d'action chez l'éditeur, ai trouvé que le travail méritait mention, et était susceptible d'intéresser les lecteurs de DLFP.
[5] Articles en très grande majorité parus précédemment dans Le Monde diplomatique, et remis au goût du jour (comme signalé au bas de la table des matières).
[6] Citons par exemple, dans l'ordre de présentation de leurs articles, et parce qu'ils ont leurs pages sur Wikipédia (fr), Pierre Musso, Pierre Bourdieu, Roland Lehoucq, Jacques Testart, Lucien Sève, Albert Jacquard, Cornelius Castoriadis et Serge Halimi.
[7] Le texte choisi en regard de l'article de P. Rivière est un extrait de "Voyage au pays des Houyhnhnms" de Jonathan Swift (Les Voyages de Gulliver, 1726).
[8] http://www.borissemeniako.fr/
[9] Celle illustrant l'article est une de mes préférées, et mériterait d'être, à l'image de ce qu'elle représente, "libérée"!
[10] Je ne vais pas vous [17] resservir l'argumentaire, au risque de dé-servir son texte ; par contre, vous citer le chapô :
"Utopie d'hier, Internet s'est imposé sans s'enfermer dans la marchandisation. Au contraire, la mise en réseau des citoyens a permis l'émergence de pratiques nouvelles de partage, au détriment des modèles classiques du droit d'auteur, mais aussi au bénéfice des biens communs informationnels que sont, entre autres, les logiciels libres."
[11] Un des, si ce n'est le, plus court(s).
[12]
  • Lawrence Lessig : L'Avenir des idées. Le sort des biens communs à l'heure des réseaux numériques (Presses universitaires de Lyon, 2005) ;
  • Florent Latrive : Du bon usage de la piraterie (Exils, coll. "Essais", Paris, 2004), et Le forcing du lobbying (Libération, Paris, 6 juillet 2005) [http://www.freescape.eu.org/piraterie/complet.html] ;
  • Philippe Aigrain : Cause commune. L'information entre bien commun et propriété (Fayard, coll. "Transversales", Paris, 2005) [http://www.causecommune.org/download] ;
  • Perline et Thierry Noisette : La Bataille du logiciel libre (La Découverte, coll. "Sur le vif", 2004) [http://www.labatailledulogiciellibre.info].
D'autres auteurs sont également mentionnés ; Michel Rocard est cité comme "fer de lance de la coalition anti-brevets logiciels au Parlement européen" ; Richard M. Stallman apparaît dans la bibliographie générale : Free Software, Free Society (GNU Press, Boston, 2002).
[13]
  • "BitTorrent (...) génère [en 2005] la moitié du trafic Internet" (p. 27, § 5) ;
  • "[les logiciels libres] équipent une part de plus en plus importante de l'informatique (...)" (p. 28, § 1) ;
  • "Soutenue par une coalition de firmes (dont Nokia, Siemens, Philips ou Alcatel pour les sociétés européennes), la Comission européenne défendait depuis trois ans un projet de directive visant à autoriser le brevetage des logiciels (...)" (p. 28, § 5) ;
  • "des coalitions de plus en plus larges défendent et développent les "biens communs informationnels"" (p. 29, § dernier).
[14] p. 28, §§ 2-3
[15] Sauf dans le dernier paragraphe d'ouverture.
[16] Par exemple, difficilement contournables, le réseau Framasoft et l'April (association).
[17] Zut, voilà que je te vouvoie maintenant... excusez-moi ; l'émotion toussa.
[18] Passés sous silence pour que ce journal ne se contente pas de le résumer ;-p – voir [10]
[19] Par exemple, le premier de la liste, de Pierre Musso, permet de remettre dans un cadre plus général (historique et social) les divergences observables entre mouvements du logiciel libre et de l'open source.
[20] En espérant n'en avoir oublié aucune, et pour voir ceux qui tiennent jusqu'au bout... "bravo, et merci!"
  • # Mais qui est donc Philippe Riviere?

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

    (à propos de ta note 3)
    C'est normal de ne pas trouver les statuts de Serge Halimi et Philippe Riviere dans la liste des auteurs, c'est normal qu'ils soient habitués du Monde Diplomatique, c'est normal que Riviere soit compétent dans le domaine.
    Il te faut regarder dans l'Ours du journal:
    Serge Halimi est directeur de la rédaction du Monde Diplomatique, Philippe Riviere est rédacteur en chef adjoint du même journal et en partie à l'origine de Spip.

    PS: ton avalanche de notes est franchement casse-pied à lire - c'est même tellement illisible que j'ai cru à un pastiche.

    "La liberté est à l'homme ce que les ailes sont à l'oiseau" Jean-Pierre Rosnay

    • [^] # Trop de notes tuent les notes

      Posté par  . Évalué à 3.

      PS: ton avalanche de notes est franchement casse-pied à lire

      Je partage cet avis. Dès que j’ai vu la quantité monstrueuse de notes, j’ai pris le parti de ne pas les lire : en les suivant, ce serait tout le journal qui serait quasiment illisible. C’est dommage pour un journal qui est bien par ailleurs.

      Tu lis trop le Monde Diplo, et ce n’est pas parce qu’ils mettent des notes dans leurs articles que c’est bien d’en mettre cinq fois plus !

      « Le fascisme c’est la gangrène, à Santiago comme à Paris. » — Renaud, Hexagone

      • [^] # Re: Trop de notes tuent les notes

        Posté par  . Évalué à 5.

        C'est un article dont vous êtes le héros, c'est pour ça.

        Ça à l'air intéressant, mais impossible de me concentrer suffisamment pour arriver à le lire et le comprendre. Et comme je suis au boulot je ne veux pas prendre le temps de le faire.

        Il y a quand même un paquet de notes inutiles, exemples :
        La [4] : Tu l'as en partie déjà dit : Et ce qui pourrait t'intéresser plus particulièrement
        La [5] : Tu l'as déjà dit en [3]
        Il y en a d'autres qui auraient pu être évitées.
        • [^] # Re: Trop de notes tuent les notes

          Posté par  . Évalué à 2.

          Bonjour à tous,

          Laissez moi vous dire que vous n'êtes pas très sympa avec l'auteur du journal. Sachez que quelqu'un qui lit le Monde Diplomatique et/ou Manière de voir est forcément quelqu'un de bien :-D

          Non c'est clair que les notes ça fait penser au Diplo mais en beaucoup plus lourd... Par contre merci pour le journal, n'étant pas abonné à Manière de voir, je sais maintenant que ce numéro m'intéresse, donc rien que pour cela merci à l'auteur du journal (quelle qu'en soit la forme).
          • [^] # Abonnement

            Posté par  . Évalué à 1.

            Laissez moi vous dire que vous n'êtes pas très sympa avec l'auteur du journal.

            Bah, j’ai « pertinenté » son journal (j’ai failli ne pas le faire : le lien est après les notes…).

            Par contre merci pour le journal, n'étant pas abonné à Manière de voir, je sais maintenant que ce numéro m'intéresse,

            Même si je ne lis que certains Manière de voir, j’ai profité de l’offre d’abonnement conjoint avec le Monde diplo, ça ne revient pas plus cher que d’acheter quelques Manière de voir à part et au moins je ne rate pas ceux qui m’intéressent.

            « Le fascisme c’est la gangrène, à Santiago comme à Paris. » — Renaud, Hexagone

            • [^] # Re: Abonnement

              Posté par  . Évalué à 1.

              Arthur Accroc a écrit:
              Bah, j’ai « pertinenté » son journal (j’ai failli ne pas le faire : le lien est après les notes…).

              Arf, merci pour le rire occasionné :-)
          • [^] # Re: Trop de notes tuent les notes

            Posté par  . Évalué à 1.

            Oui, pardon, je n'ai pas su je ne sais pas faire sans...
            Conjonction de plusieurs phénomènes: (i) les contraintes du médium à disposition et son utilisation ¹, et (ii) mon incapacité à savoir quoi dire ou taire.

            (ii) Pour le dernier point, j'adopte, faute de mieux, une stratégie du "mieux vaut trop que pas assez" couplée à un bon "je leur donne des pistes (toutes les pistes), à eux de choisir le cas échéant lesquelles emprunter". Bref : pas de choix éditorial de ma part :-( et à vous d'être responsables de ce que vous en faîtes. (Ce n'est pas l'affirmation d'une stratégie délibérée, mais le constat d'une manière de mal fonctionner.)
            (i) Et pour le premier point, comment différencier "syntaxiquement" les types de notes?

            A l'avenir ², j'essaierai de les limiter à seulement la catégorie "compléments d'informations sur le sujet", et pas "considérations personnelles", ou vaines tentatives d'"humour" ³. Merci de m'avoir gentiment (re)pointé cette limite.

            ------
            ¹ Les marques de notes de ce style sont-elles plus lisibles? Et comment faire des renvois sous forme d'hyperliens?
            ² Oubliez ceci [http://linuxfr.org/comments/1145693.html#1145693]...
            ³ Preuves de la conscience que deux pages de notes pour une de corps est juste... inhabituel illisible démesuré?
    • [^] # Re: Mais qui est donc Philippe Riviere?

      Posté par  . Évalué à 1.

      Chouette, merci de (me/nous) l'avoir trouvé et apporté!

      Par contre, sur la question de la "normalité" de l'absence explicite de leurs statuts, en tant qu'auteurs d'articles, je m'interroge... C'est peut-être "normal" du point de vue des habitués du Diplo., pour les spipeurs, et consorts. Mais pour les nouveaux? Ou, pire, les occasionnels? Seuls ceux qui savent déjà n'ont pas besoin de savoir, et on reste alors entre nous – tant pis pour les autres? Le naïf (e.g. moi) s'étonnera du traitement particulier accordé à ces deux là (Serge Halimi et Philippe Riviere); le curieux ira chercher des infos ailleurs¹, mais c'est presque un comble pour un papier de nécessiter Internet...

      C'est AMHA aussi une forme de respect de tous les lecteurs de ne pas faire l'économie d'informations que "tout le monde doit savoir", un tel jugement étant par essence relatif. Bref, une à trois lignes d'infos supplémentaires pour chacun n'auraient pas fait de mal à mes yeux².

      ------
      ¹ Mea culpa, j'avais demandé à Madame Wikipédia [http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Sp%C3%A9cial%3ARec(...)], mais pas Monsieur Google [http://www.google.com/search?q=philippe+rivi%C3%A8re] :-/ .
      ² Qui n'ont pas besoin de ça...

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