Journal Le domaine public et le droit d'auteur

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0
8
nov.
2007
Cher journal,

Comme je suis gentil et que je veux laisser aux autres le choix des conditions appliquées à leurs travaux, je me suis dit que le domaine public était un bon choix. La CC-by est incompatible avec certaines licences, la WTFPL est une bonne blague et le copyleft souffre d'un grave problème de nombrilisme.

D'abord, c'est quoi le domaine public ? C'est quand l'½uvre est librement exploitable sans demander d'autorisation, sous les conditions qu'on veut. Concrètement, il n'y a plus de droits patrimoniaux d'auteur dessus (j'en parlerai un peu plus loin).

Sauf que voilà, c'est-y pas que "on" dit qu'en France c'est pas possible de déposer une ½uvre dans le domaine public... Mouais... Après avoir fait mes petites recherches et demandé à un prof de droit, je peux presque affirmer que croire ça équivaut à citer Steve Ballmer au premier degré (version courte : "foutaises !").

Pourquoi donc ? C'est tout con en fait : le droit d'auteur est divisé en 3 parties, les droits moraux, les droits patrimoniaux et les droits voisins (mais ceux là on s'en fout pour le moment).

Les droits moraux n'appartiennent qu'à l'auteur (et ses ayants-droits après sa mort), sont perpétuels et ne peuvent pas être cédés. Ils concernent la paternité (personne d'autre ne peut se l'attribuer), le respect (on peut toujours s'opposer à une utilisation qui ne nous plaît pas), le repentir (on peut toujours revenir sur ses décisions) et la divulgation (on choisit quand on rend l'½uvre publique). Ceux-là, aucune licence ne pourra jamais les atténuer.

Les droits patrimoniaux, par contre, peuvent être cédés, c'est à dire qu'on peut y renoncer. Et ce sont eux qui définissent les conditions d'exploitation de l'½uvre.

Pour ceux qui aiment la migraine, vous pouvez consulter le Code de la Propriété Intellectuelle pour avoir toutes les précisions (notamment sur le régime spécial des logiciels).

Mais bref, il est tout à fait possible d'abandonner ses droits patrimoniaux d'auteur, donc de faire passer une ½uvre dans le domaine public. Le seul point d'ombre qui reste est que pour abandonner ces droits je crois bien qu'il faut le formaliser dans un contrat (une licence est un contrat), sauf que je ne connais pas de licence-type "solide".

Là où c'est bien c'est que si méchanteentreprise profite de mes travaux pour se faire de l'argent en les vendant, j'ai toujours les droits moraux d'auteur pour aller râler, de même si mon travail se retrouve chez les fameux pédonazis qui ne mangent pas 5 fruits et légumes par jour (et qui fument au volant).

Pour les logiciels par contre je sais pas trop : faut-il une clause de non-responsabilité ou pas ? Une telle clause est valide en droit français (avec des limitations cependant, mais je n'en vois aucune qui concernerait un développeur qui fait du développement sur son temps libre), mais est-elle nécessaire ?

Références :
Explication du Domaine Public par EsteBaN HACHE : http://ecrits.net/ecrit/critiques/0/15/Du_Domaine_Public_de_(...)
Garanties et responsabilités dans les logiciels libres par Valérie Sédaillian : http://www.journaldunet.com/solutions/0211/021128_juridique.(...)
Le Code de la propriété intellectuelle : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnCode?code=CPROINTL.rc(...)
Le Code de la Consommation : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/RechercheSimplePartieCo(...)
  • # pédonazis

    Posté par  . Évalué à 10.

    les fameux pédonazis qui ne mangent pas 5 fruits et légumes par jour (et qui fument au volant)

    Il paraît que les pires d'entre eux utilisent OOXML et refusent de dire "GNU/Linux".
    • [^] # Re: pédonazis

      Posté par  . Évalué à 1.

      oui monsieur, je tape mes rapports en LaTeX depuis Word 2007 parce que c'est un bon éditeur.
  • # vs droit international.

    Posté par  . Évalué à 2.


    Mais bref, il est tout à fait possible d'abandonner ses droits patrimoniaux d'auteur, donc de faire passer une ½uvre dans le domaine public. Le seul point d'ombre qui reste est que pour abandonner ces droits je crois bien qu'il faut le formaliser dans un contrat (une licence est un contrat), sauf que je ne connais pas de licence-type "solide".


    Bin, la CC-by (la version française, traduite par des juristes spécialisé du domaine justement), si elle est incompatible avec d'autre, c'est que la notion de droit moral inaliénable dans le livre sur le droit d'auteur de la propriété intellectuel n'existe pas de la même façon dans le droit américain. (et c'est un peu pourquoi, par rapport au droit international, on considère qu'il n'y a pas de domaine public en France, même si, dans la logique du droit français, l'ensemble des droits de propriété peut être cédé, une forme de domaine public, mais qui n'a pas ce sens au niveau international).

    Après, il y a une différence entre la lecture d'un texte, et son application. Il ne faut pas oublier que l'intention est importante, et que la GPL par exemple ne colle pas trop au droit français, mais son intention est clair, donc elle est considéré comme pratique.
  • # Donc ?

    Posté par  . Évalué à 2.

    Très interessant ton journal, mais alors, au final, pour mettre quelque chose dans le domaine publique en france, il faut forcement passer par une license type WTFPL¹ ?
    Et quel est le problème réel a utiliser WTFPL ? (a part le ton comique sur lequel elle a été rédigé)

    ¹ Cette license, crée par Sam Hocevar, le Debian Project Leader actuel, comme une sorte de couche d'abstraction sur le domaine publique afin d'en gommer les diférences suivant les pays, donc pas que pour la france, même si son auteur est français.
    http://sam.zoy.org/wtfpl/
    • [^] # Re: Donc ?

      Posté par  . Évalué à 1.

      Le problème réel que je vois avec la WTFPL c'est qu'elle est rédigée en anglais... Si je veux proposer des contenus (en majorité du non-logiciel) qui toucheront en majorité des francophones, c'est ennuyeux...

      La LAL est en français, les CC ont des versions françaises, il y a aussi les CeCILL (seulement logiciel), mais aucune ne permet de réutiliser facilement telle ou telle création dans un autre projet quelle que soit la licence (même Lawrence Lessig s'était inquiété de ça : http://creativecommons.org/weblog/entry/5709 - en anglais). La LAL travaille dans ce sens (compatible avec toutes les licences qui reconnaissent LAL comme compatible) et les CC sont supposées le faire, sauf que le résultat n'est pas encore là.

      Tiens d'ailleurs... Où y a-t-il une explication claire de pourquoi les CC-BY, CC-BY-SA et Art Libre sont incompatibles avec la GPL ? Le site de la FSF ne donne pas de précisions.

      Par contre oui, je peux toujours proposer une traduction non-officielle de la WTFPL à destination des utilisateurs (en précisant que c'est l'originale qui fait foi). Peut-être bien que la WTFPL est là solution (on fait ce qu'on veut, dans les limitations de la loi du pays où on se trouve).

      Je suis tombé sur un article de libroscope.org ( http://www.libroscope.org/BSD-CC-BY-domaine-public-promenade ) qui explique bien la situation des licences permissives, et j'ai appris que les droits moraux d'auteurs ne sont valables que dans peu de pays.
  • # droit de retrait

    Posté par  . Évalué à 2.

    Je ne sais pas comment cela s'applique exactement aux logiciels, mais l'article L121-4 indique clairement que si tu choisis de retirer une de tes oeuvres, tu dois indemniser la personne à qui tu as cédé tes droits d'exploitation.

    Et au vu de la manière dont est tourné l'article, je dirais que ce retrait doit être global: c'est tout le monde ou personne.
    • [^] # Re: droit de retrait

      Posté par  . Évalué à 1.

      Je n'ai pas la même interprétation. La cessionnaire c'est n'importe quelle personne qui réutilise ton ½uvre en accord avec le contrat, pas toutes les personnes qui l'utilisent, et c'est au cas par cas que tu exerces ton droit de repentir. En tout cas je vois ça comme ça.

      Il me semble que tu dois l'indemniser à la hauteur de ses préjudices. Si ça l'empêche simplement d'inclure ton boulot dans une ½uvre dérivée le préjudice est minime. Si c'est une entreprise qui a investi pour commercialiser ton boulot ou un dérivé, là ça peut poser problème. Sauf que si tu ne veux pas que ça soit commercialisé, tu ne choisis pas une licence permissive.
  • # Attention !

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

    Les droits moraux n'appartiennent qu'à l'auteur (et ses ayants-droits après sa mort), sont perpétuels et ne peuvent pas être cédés. Ils concernent la paternité (personne d'autre ne peut se l'attribuer), le respect (on peut toujours s'opposer à une utilisation qui ne nous plaît pas), le repentir (on peut toujours revenir sur ses décisions) et la divulgation (on choisit quand on rend l'½uvre publique). Ceux-là, aucune licence ne pourra jamais les atténuer.

    Tu oublis un point fondamental dans se droits. Si un auteur a le droit de revenir barbouiller une peinture chez un acheteur, il doit aussi le dédommager.

    En gros, tu as le droit de faire exercer tout ses droits à condition de rémunérer les éventuels préjudices. Dans les faits, ces droits là ne servent quasiement à rien.

    Tu peux t'opposer à ce que ta major vende ta musique pour une pub de tampax... Mais tu dois la payer pour cela...

    "La première sécurité est la liberté"

    • [^] # Re: Attention !

      Posté par  . Évalué à 1.

      Ça dépend de la situation. S'il s'agit pour la major de simplement changer ta musique par une autre (avant la commercialisation effective), il n'y a pas vraiment de préjudice. Si elle doit engager des frais pour retirer le spot de la diffusion parce que ça fait déjà deux semaines qu'il tourne sur toutes les chaînes, c'est toi qui les paie. En ajoutant à ça que tu peux sans doute demander des dommages et intérêts si tu considères qu'on a trahi ton ½uvre, il doit y avoir moyen de régler ça à l'amiable.
      • [^] # Re: Attention !

        Posté par  . Évalué à 3.

        Merci d’utiliser les termes techniques : en droit, on ne dit pas « règlement à l’amiable », on dit « règlement à la vaseline ».
    • [^] # Re: Attention !

      Posté par  . Évalué à 1.


      Tu peux t'opposer à ce que ta major vende ta musique pour une pub de tampax... Mais tu dois la payer pour cela...


      Pas forcément, et un cas dans ce genre a déjà tourné à l'avantage de l'auteur. MC Solaar avait réussit à faire condamner un fabriquant de sonneries de téléphone portable (à l'époque où les portables avaient pas un son 5.1) :

      http://www.brmavocats.com/fr/act/actualite_model.asp?id=243
  • # Les droits moraux

    Posté par  . Évalué à 2.

    la paternité (personne d'autre ne peut se l'attribuer), le respect (on peut toujours s'opposer à une utilisation qui ne nous plaît pas), le repentir (on peut toujours revenir sur ses décisions) et la divulgation (on choisit quand on rend l'½uvre publique). Ceux-là, aucune licence ne pourra jamais les atténuer.


    Sauf que concrètement, le choix des conditions de la mise à disposition au public (autrement dit, dans le cas qui t'intéresse, la licence) peut déterminer la ... consistance de ces droits. Autrement dit, la conséquence du choix d'une licence peut faire disparaître la possibilité de faire jouer concrètement ces droits.

    Ainsi, dès lors qu'on publie quelque chose sous une licence permettant explicitement la reprise et/ou la modification (CC-By-SA, LAL, GPL), on perd nécessairement une partie certaine de son autorité (au sens premier) sur l'usage et les modifications qui est fait de l'oeuvre.

    De même, dès lors que l'on publie qqc sur le réseau, difficile de faire jouer le droit de repentir comme le droit de retrait. Tout au plus peut-on le faire pour sa propre version originale de l'oeuvre ; mais ça parait difficile, voire impossible pour les subséquentes.

    Un article intéressant, en anglais, plus ou moins en rapport : http://www.linux.com/feature/120635 (When open source projects close the process, something's wrong) ; c'est surtout le cas du projet Oxygen qui est intéressant, en l'occurrence).
    • [^] # Re: Les droits moraux

      Posté par  . Évalué à 1.

      Le droit de retrait reste cependant possible, au cas par cas, dans les pays qui le reconnaissent. C'est sûr que si tu décides de changer de licence une ½uvre déjà bien diffusée sur le net, la marge de man½uvre est réduite.

      C'est bien ce que montre l'article de Linux.com : en faisant le choix d'une licence libre, ça suppose qu'on a compris les spécificités du numérique et qu'on tente de nager avec le courant. Si on n'a pas choisi en connaissance de cause et qu'on veut faire un revirement, c'est à nous de nous en mordre les doigts tout en ramant ;-)
  • # question de termes

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

    Tout est une question de termes.

    Déjà difficile de parler de domaine public vu que justement, les droits moraux continuent à courrir. Ce n'est pas le cas dans tous les pays, c'est pour ça que la France est à part, entre autres.

    De plus, comme tu le dis, il faut que l'auteur donne une licence où il renonce explicitement à ses droits. Bref, tu as une licence et tu en as besoin, comme pour n'importe quelle oeuvre non publique.
    Difficile de relier ça au domaine public où tu n'as besoin de rien et où par principe l'oeuvre est "publique".


    Après si tu considères qu'une oeuvre où l'auteur a encore de droits exclusifs dessus, où tu as besoin d'une licence explicite pour l'utiliser, peut être qualifiée de "domaine public" simplement parce que la licence permet "tout", alors oui, tu as raison. Mais à ce niveau là tu as aussi vite fait de prendre un gros raccourci pour dire que BSD = Domaine public.

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