Journal L’Allemagne ne peut ratifier le Brevet Unitaire à cause du Brexit et de l’AETR, dit la FFII

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fév.
2020

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COMMUNIQUE DE PRESSE – [ Europe / Brexit / Brevet / Démocratie / Economie / Logiciel ]

Berlin, 19 février 2020 – L’Allemagne n’a pas le droit de ratifier l’actuel brevet unitaire suite au Brexit et à la jurisprudence de l’AETR, selon FFII. La ratification de l’UPC par l’Allemagne constituerait désormais une violation de la jurisprudence AETR, qui a été utilisée lors des négociations sur l’EPLA en 2006 pour considérer un accord avec des pays tiers, comme la Suisse. La FFII indique que si l’Allemagne procède à la ratification, cela ouvrirait la possibilité d’un deuxième recours constitutionnel. Le brevet unitaire est la troisième tentative de validation des brevets logiciels en Europe.

À la suite du Brexit, l’UPC devient un accord de différente catégorie, qui relève de la compétence externe de l’Union Européenne (articles 216/218 TFUE). Le Royaume-Uni est désormais un “État tiers” au sens de l’AETR, et ce malgré les règles transitoires de l’accord de retrait, l’AETR s’applique dès maintenant.

Si l’Allemagne écoute l’industrie des brevets et ratifie l’UPC, cela constituerait une violation de procédure majeure en vertu du droit de l’UE par le gouvernement allemand, et une nouvelle plainte constitutionnelle pourrait être lancée.

La jurisprudence “AETR” (22/70) de la Cour de justice de l’UE, dit:

"En particulier, chaque fois que La Communauté, en vue de mettre en œuvre une politique commune envisagée par le traité, adopte des dispositions établissant les règles, quelle que soit leur forme, les États membres n’ont plus le droit, agissant individuellement ou même collectivement , de contracter des obligations avec des pays tiers qui affectent ces règles ou en modifient le champ d’application."

L’UE est donc compétente pour signer un accord avec le Royaume-Uni concernant le sujet couvert par l’UPC. Le fait que le Royaume-Uni se soit retiré de l’UE établit clairement la compétence de l’UE.

Cela signifie que la procédure de ratification de l’accord sur la Cour Unifiée des Brevets (UPC) doit maintenant être arrêtée et l’accord adapté pour tenir compte de l’évolution de la situation.

Le règlement intérieur commun des ministères fédéraux allemands (Gemeinsame Geschäftsordnung der Bundesministerien), à son article 43(1) numéro 8, appelle à la présentation de la compatibilité de la législation avec le droit de l’Union Européenne.

Cela signifie que le gouvernement allemand doit d’abord vérifier si l’UPCA est compatible avec le droit de l’UE, et en particulier maintenant que le Royaume-Uni s’est retiré de l’UE. Compte tenu de la jurisprudence “AETR” et du retrait du Royaume-Uni de l’UE, l’UPCA n’est actuellement pas compatible avec le droit de l’UE.

La question de la compatibilité de l’UPCA avec le droit de l’UE se pose devant la plus haute cour d’Allemagne, la Cour Constitutionnelle Allemande devrait envisager de demander un avis préliminaire à la CJUE (article 267 TFUE) avant de prendre sa décision.

Le brevet unitaire est une construction dangereuse, car les tribunaux des brevets spécialisés auront le dernier mot sur le droit des brevets, et les brevets logiciels en particulier, tandis que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) n’aura pas son mot à dire sur le droit des brevets (à l’exception de la directive biotech).

L’expérience américaine a montré que de tels tribunaux spécialisés dans les brevets sont biaisés et dangereux pour la société. Le match actuel opposant la Cour Suprême (SCOTUS) à ces tribunaux spécialisés des brevets (CAFC) affiche un score cinglant de «8-0».

Liens

  • Jurisprudence AETR sur EUR-Lex: Arrêt de la Cour du 31 mars 1971 – Accord européen sur les transports routiers. – Affaire 22-70: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:61970CJ0022
  • Document du Conseil ‘Aspects institutionnels de l’adhésion de la Communauté européenne à la Convention sur le brevet européen ‘: https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13742-2001-INIT/fr/pdf
  • Document du Conseil (en anglais uniquement) ‘Request for an opinion by the European Court of Justice on the compatibility under the EC Treaty of the envisaged Agreement creating a Unified Patent Litigation System (UPLS)’: “IV. COMMUNITY COMPETENCE As regards European patents, the aim and content of the measure consisting in the establishment and organisation of a specialised jurisdiction of an international nature for cases concerning patents, are essentially a matter that falls within Member States’ competence. However, some of the provisions of the envisaged Agreement relate to matters for which the Community has already exercised its internal competence by laying down common rules. In the light of the case law of the Court of Justice, Member States no longer have the right, acting individually or collectively, to enter into obligations with third countries which may affect these rules or alter their scope (ref19 AETR)” https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-10571-2009-INIT/en/pdf
  • Unitary patent protection systems in Europe, Masahiko Matsunaka: “Étant donné que l’EPLA institue la Cour européenne des brevets et confère compétence à la juridiction, elle affecte évidemment le règlement de Bruxelles. De plus, les États participant à la négociation EPLA ne sont pas seulement des États membres de l’UE, mais comprennent également des États non membres de l’UE (par exemple la Suisse). Par conséquent, les États membres de l’UE n’auraient aucun pouvoir d’institutionnaliser l’EPLA sur la base de la doctrine AETR” http://www.iip.or.jp/e/summary/pdf/detail2004/e16_20.pdf
  • Oshaliang: Why Does the U.S. Supreme Court Keep Reversing the Federal Circuit? “le Circuit fédéral a été perçu par certains comme trop favorable aux brevets, craignant que cela ne favorise les brevets faibles et les trolls de brevets. Que cela soit ou non une préoccupation de la Cour, les récentes décisions de la Cour Suprême ont pour la plupart réduit les protections en matière de brevets qui avaient été confirmées par le Circuit fédéral.” https://oshaliang.com/newsletter/why-does-the-u-s-supreme-court-keep-reversing-the-federal-circuit/
  • Lien permanent vers ce communiqué de presse: http://blog.ffii.org/lallemagne-ne-peut-ratifier-le-brevet-unitaire-a-cause-du-brexit-et-de-laetr-dit-la-ffii/

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La FFII a pour but la défense des droits et libertés informationnels, dont les droits des auteurs et des utilisateurs de logiciels selon les textes nationaux et internationaux ; la sécurité juridique des producteurs et des utilisateurs de logiciels, notamment par la lutte contre les brevets logiciels. Active dans vingt pays européens et forte de plus de 1000 membres, 3500 sociétés et 100.000 supporters, la FFII se fait l’écho fidèle de leur voix pour agir sur les questions d’intérêt public concernant les droits exclusifs (propriété intellectuelle) dans le traitement de l’information.

  • # Sigles

    Posté par  . Évalué à 10. Dernière modification le 19 février 2020 à 17:41.

    Au cas où (on sait jamais) il y aurait ici des gens qui ne sont pas experts du droit international (oh les gueux ! ) :

    AETR : Accord Européen sur les Transports Routiers
    UPC : Unified Patent Court
    FFII : Foundation for a Free Information Infrastructure
    UPCA : pas trouvé, google corrige tout seul en UCPA (rien à voir, c'est la seule chose dont je suis sur)
    TFUE : Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne

    • [^] # Re: Sigles

      Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.

      J'ai trouvé des tas de références à UPCA en passant directement par la recherche Wikipedia, à vue de nez, rien qui colle.

      « Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.

    • [^] # Re: Sigles

      Posté par  . Évalué à 1. Dernière modification le 19 février 2020 à 18:05.

      UPCA : pas trouvé, google corrige tout seul en UCPA (rien à voir, c'est la seule chose dont je suis sur)

      Il semble qu'il s'agisse de l'accord mettant en oeuvre la fameuse UPC.

    • [^] # Re: Sigles

      Posté par  . Évalué à 7.

      Merci ! Le journal était incompréhensible sinon.

  • # (encore?) une conséquence heureuse du Brexit

    Posté par  . Évalué à 4. Dernière modification le 19 février 2020 à 23:55.

    …Merci les Anglais (même si n'a pas l'air simple au quotidien, on vous aime tout de même depuis 1000 ans et ça va continuer <3 )

    Gros bises de France

  • # et dans les autres pays ?

    Posté par  . Évalué à 1.

    ce blocage pourrait-il s'appliquer aux autres pays membres ?

    à moins que tous les membres de l'union n'aient déjà ratifié ce Brevet Unitaire ?

    Envoyé depuis mon Archlinux

    • [^] # Re: et dans les autres pays ?

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

      Le traite UPCA a besoin de DE+FR+UK pour tourner. Si UK s'en va, il faudra soit faire un deal avec UK, soit changer le traite, et le ratifier a nouveau. Dans le cas d'un deal avec UK, l'AETR rentre en jeu.

      • [^] # Re: et dans les autres pays ?

        Posté par  . Évalué à 1. Dernière modification le 20 février 2020 à 08:54.

        ok, donc ça va compliquer légèrement la tache des lobbyistes pro-brevets, mais malheureusement rien d'impossible

        les seuls gagnants de ces situations très embrouillées, comme souvent, sont les intermédiaires cabinets d'avocats grassement payés… (payés à embrouiller encore plus la situation ?)

        Envoyé depuis mon Archlinux

        • [^] # Re: et dans les autres pays ?

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

          Le plus dangereux à long terme, c'est l'impossibilité pour la Cour Européenne de Justice de corriger les décisions extrêmes et nuisibles prises car ces cours de brevets.

          • [^] # Re: et dans les autres pays ?

            Posté par  . Évalué à 1.

            je suppose que les anglais n'avaient pas encore ratifié sinon la question ne se poserait pas pour l’Allemagne

            mais où en est la France, ratifié avant le brexit ?

            Envoyé depuis mon Archlinux

            • [^] # Re: et dans les autres pays ?

              Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

              La France a déjà ratifié, le rapporteur à l'Assemblée était un ancien de l'Office Européen des Brevets.

              Sinon en 2017 sur le Brexit et l'UPC:

              http://www.assemblee-nationale.fr/15/rapports/r0241.asp

              "2. L’incertitude liée au Brexit

              La ratification de l’accord par l’Allemagne, autorisée par le Parlement, fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle allemande. Le risque d’un empêchement de la ratification allemande est toutefois considéré comme limité par les personnes rencontrées par votre rapporteur.

              La ratification par le Royaume-Uni, intervenant dans le contexte des négociations sur le départ de ce pays de l’Union européenne, pose un problème plus complexe. La ratification par le Parlement britannique est toujours à l’ordre du jour, mais la participation effective du Royaume-Uni à la juridiction unifiée du brevet une fois qu’il aura quitté l’Union est problématique.

              Le Royaume-Uni souhaite en effet bénéficier des avantages liées au brevet européen unitaire ainsi que de l’établissement prévu par l’accord d’une section de la juridiction à Londres. L’accord prévoit cependant à son article premier que « la juridiction unifiée du brevet est une juridiction commune aux États membres contractants ». À moins de réviser l’accord, le Royaume-Uni ne pourra rester partie à l’accord après avoir quitté l’Union européenne.

              La question du statut du Royaume-Uni au sein de la juridiction du brevet unifié ne fait toutefois pas actuellement partie des sujets traités dans le cadre de la négociation sur la sortie de l’Union du Royaume-Uni parce que ce dernier n’en fait pas encore partie. Cela pourrait toutefois être le cas prochainement, et il faudra alors s’interroger sur l’avenir de la section londonienne de la juridiction, ainsi que sur les problèmes juridiques que poserait la présence d’un État tiers au sein d’une institution ayant vocation à appliquer le droit de l’Union.

              La France plaide donc pour que des dispositions permettant d’assurer la sortie ordonnée du Royaume-Uni de la juridiction unifiée du brevet ou sa participation en tant qu’État tiers soient incluses dans l’accord de retrait. De telles dispositions ne préjugeraient pas d’une éventuelle participation du Royaume-Uni, après son retrait, à l’accord sur la juridiction unifiée du brevet, qui devrait cependant être révisé à cette fin.

              L’irruption imprévue du Brexit dans la mise en place du brevet européen à effet unitaire soulève des questions qui devront être traitées le moment venu, mais qui ne doivent pas conduire à retarder la mise en place de ce dispositif, même si la question de la participation ou non du Royaume-Uni à ce dispositif rendra certainement nécessaires des ajustements."

  • # l'autre coté du miroir

    Posté par  . Évalué à 2.

    Les brevets ne concernent pas uniquement les logiciels loin de là vu que aujourd'hui ils ne sont pas autorisé et aujourd'hui il est extremement couteux pour une petite boite de déposer un brevet en Europe (ne parlons meme pas du monde) et donc le systeme actuel est tres tres tres à l'avantage des grosses boites.
    Avoir un brevet unique en Europe reduirait les couts et la complexité pour une startup!

    • [^] # Re: l'autre coté du miroir

      Posté par  . Évalué à 2.

      peut-être, mais l'avantage restera tout de même à celui qui pourrai se payer les meilleurs avocats (les plus chers)

      AMHA, il serait tout de même préférable (pour le commun des mortels) d'éviter ce genre de lois qui permettent de breveter ce qu'on n'a pas inventé (le biologique par exemple ou bien tout ce qui découle d'idées antérieures)

      Envoyé depuis mon Archlinux

      • [^] # Re: l'autre coté du miroir

        Posté par  . Évalué à 2.

        Je ne parle pas de logiciel ou de biologie qui sont en effet pour moi non brevetable. Je voulais apporter un contre poid et aussi mentionner les bons cotés d'un brevet unique europeen.
        La partie juridique est encore un autre probleme qui peut, justement grace au depart des anglais, etre traiter d'une facon enfin moins cretine (i.e. eviter la debilitude des systèmes juridiques anglo-saxons).

        • [^] # Re: l'autre coté du miroir

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

          "La partie juridique est encore un autre probleme qui peut, justement grace au depart des anglais, etre traiter d'une facon enfin moins cretine (i.e. eviter la debilitude des systèmes juridiques anglo-saxons)."

          Surtout quand on sait que c´est Cameron (tiens tiens l´initiateur du Brexit) qui est venu demander a ce que la Court Europeenne de Justice n´ai pas le dernier mot sur le droit des brevets, notamment les brevets logiciels. Cameron a mis son veto, et finalement, les autres ont fait un compromis, auquel le Parlement Europeen a cede.

          Maintenant qu´ils sont partis, et que les negotiations vont etre probablement reouvertes, il faut redemander a ce que la Court Europeenne de Justice ait le dernier mot!

  • # L'Angleterre quitte le Brevet Unitaire, celui-ci doit être renégocié

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

    L'Angleterre quitte le Brevet Unitaire:

    http://techrights.org/2020/02/28/baylee-turner-on-upc/

    L'UPC est mort, enfin jusqu'à ce que les multinationales demandent sa résurrection, ce qui va prendre sûrement quelques heures.

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