Les recrutements de The Document Foundation, mode d’emploi

Posté par  (site web personnel, Mastodon) . Édité par Benoît Sibaud. Modéré par Benoît Sibaud. Licence CC By‑SA.
4
16
nov.
2025
Bureautique

Depuis le mois de juillet 2025, Florian Effenberger, directeur administratif de The Document Foundation (TDF), la fondation qui porte le projet LibreOffice, écrit des articles sur le site community.documentfoundation.org (EN) sur le fonctionnement de TDF.

LinuxFr.org s’était fait le relai de son article sur le fonctionnement administratif. Ce nouvel article a été traduit par Sophie Gautier (EN) aidée de DeepL, il porte sur les politiques de recrutement au sein de la fondation. Il m’a semblé intéressant pour le lectorat de LinuxFr.org et il permet de mieux comprendre cette partie du fonctionnement de TDF. J’ai ajouté des notes pour éclaircir ou préciser certaines notions.

Sommaire

Bonjour,

dans l’article d’aujourd’hui, j’aimerais apporter quelques éclaircissements sur la question suivante : « Pourquoi le recrutement prend-il autant de temps ? » ou « Pourquoi le poste n’a-t-il pas encore été pourvu ? »

Définir le poste et le budget

La première tâche consiste à définir le poste à pourvoir. Il y a beaucoup à faire pour LibreOffice, mais dans le même temps, seuls certains postes peuvent être créés directement chez TDF, car le budget n’est pas illimité. En général, nous essayons de recruter pour des postes qui sont soit essentiels au fonctionnement de la fondation, soit qui permettent à la communauté d’agir, soit pour des tâches qui nécessitent un engagement rapide et fiable. Une connaissance de la fondation, qui doit être partagée de manière ouverte et transparente avec la communauté, est un autre aspect qui nous aide à identifier les postes à pourvoir.

Les postes à pourvoir doivent également être budgétés, ce qui nécessite une bonne compréhension de la rémunération. Vous verrez plus loin pourquoi cela n’est pas anodin. En général, nous budgétisons une rémunération moyenne basée sur notre expérience, rémunération qui est parfois supérieure, parfois inférieure.

Il n’est pas toujours facile de s’entendre sur les postes à pourvoir. À titre d’exemple, lors des premières embauches développeurs et de développeuses, une discussion a eu lieu sur « Comment s’assurer qu’iels ne font pas concurrence à d’autres projets open source ou aux entreprises de l’écosystème ? » (EN) et si « les développeurs internes de TDF ne concurrenceront pas les contributeurs commerciaux et ne développeront pas d’implémentations alternatives aux projets open source activement maintenus par les contributeurs bénévoles ou les entreprises de LibreOffice » (EN).

Les opinions divergent évidemment sur ce point, mais ces discussions peuvent prendre beaucoup de temps et s’étaler sur plusieurs mois.

Rédiger la description du poste

La deuxième tâche consiste à rédiger une description de poste appropriée (EN), qui permettra de comprendre le rôle, tout en laissant suffisamment de flexibilité pour évoluer et se développer dans le poste. Nous avons un modèle contenant les éléments administratifs les plus importants, mais la description du poste est essentielle pour savoir quelles compétences rechercher chez le ou la candidate, et elle fera également partie du contrat ultérieurement.

Interviewer les personnes

L’une des tâches les plus difficiles consiste à mener les entretiens d’embauche. Le nombre de candidatures à nos offres d’emploi a augmenté au cours des dernières années, et il n’est pas rare aujourd’hui de recevoir 30, 40 voire plus de candidatures pour un seul poste. Il est impossible de les interviewer tous, car un entretien bien préparé, mené et évalué prend facilement deux à trois heures de temps pour deux à trois personnes, plus le ou la candidate.

Ces entretiens sont généralement menés par des personnes qui ont les connaissances techniques nécessaires pour le poste, souvent des membres de l’équipe, et à un stade ultérieur, également par des représentant·e·s du conseil d’administration et/ou moi-même en tant que directeur exécutif.

La présélection des personnes à interviewer est une tâche exigeante : il faut évaluer leurs compétences, examiner leurs prétentions salariales et, enfin et surtout, s’assurer qu’iels s’intégreront bien dans l’équipe. Bien que je ne dispose pas de statistiques précises, mon intuition me dit que le nombre final de personnes à interviewer représente généralement entre 10 et 20 % du nombre total de candidats et des candidates.

Recrutements internationaux et paramètres contractuels

Une fois les candidates et candidats finaux sélectionnés, une autre tâche très exigeante consiste à convenir des paramètres contractuels. Deux éléments entrent ici en jeu, ce qui fait des différences profondes entre TDF et de nombreuses autres organisations.

Nous recrutons dans le monde entier

Ceci est assez inhabituel pour une organisation de notre taille. En général, les autres organisations recrutent dans les pays où elles ont une représentation légale et un bureau. Cela signifie que toutes les personnes qui souhaitent postuler à un emploi chez TDF devraient vivre en Allemagne ou être prêtes à s’y installer avant de commencer à travailler.

L’une de nos grandes forces est que nous travaillons avec des talents du monde entier. Nous visons la diversité, des points de vue différents, des cultures différentes et, enfin et surtout, des fuseaux horaires différents, afin de pouvoir servir la communauté 24 heures sur 24. 😉

Nous voulons offrir des emplois

Contrairement à d’autres organisations ou entreprises, nous proposons des vrais emplois lorsque cela est possible. Si des personnes s’engagent à travailler pour nous, à mettre leur dévouement, leurs compétences et leur passion au service du projet, nous considérons qu’il est juste de leur offrir la sécurité d’un emploi. Seul·e·s les salarié·e·s bénéficient de véritables congés, de congés maladie, de jours fériés et d’autres avantages.

Ainsi, si vous comparez le processus de recrutement chez TDF avec votre propre emploi, demandez-vous d’abord si vous êtes sous contrat ou si on vous a réellement proposé un emploi dans votre pays de résidence, sans avoir à déménager.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Dans plusieurs pays, TDF pourrait en théorie employer du personnel même sans bureau physique, mais dans d’autres, cela n’est pas possible. Cependant, gérer nous-mêmes toutes les règles et réglementations locales et nous enregistrer auprès des autorités représente un défi de taille, d’autant plus que nous n’avons généralement qu’un ou deux employés par pays, ce qui multiplie les difficultés. D’autres pays ont également des audits de sécurité sociale (EN) et des obligations déclaratives auxquelles nous devons nous conformer en plus de nos obligations en Allemagne.

Un exemple moins connu en Allemagne est l’examen ophtalmologique G37 (DE)1, que l’employeur doit proposer à ses employés (et non aux sous-traitants). D’autres pays peuvent avoir des réglementations similaires.

TDF travaille donc avec des prestataires de services qui s’occupent de l’emploi, de la paie et de la conformité locale.

Quels sont les défis à relever ?

Tout cela a un coût : TDF paie les frais de l’employeur, des frais de gestion d’environ 600 USD (environ 520 €) par mois, plus 19 % de TVA en plus. Cela semble cher, mais c’est beaucoup moins coûteux que de créer notre propre bureau à l’étranger.

De plus, les paramètres par pays sont souvent très différents et difficiles à comparer. En Autriche, par exemple, il existe des conventions collectives pour beaucoup plus de postes, et il semble courant d’avoir quatorze salaires mensuels. Aux États-Unis, le nombre moyen de jours de congé annuel est beaucoup plus faible que dans plusieurs pays européens, et le délai de préavis est plus court. Certains pays n’accordent qu’un nombre limité de jours de congé maladie, ce qui est rare en Allemagne.

L’évaluation équitable des salaires est un autre défi. C’est déjà difficile pour l’Allemagne, où nous connaissons le mieux le marché, mais pour d’autres pays, c’est encore plus compliqué. Afin de comparer les candidats et les candidates, nous devons comprendre chaque candidature. Nous devons évaluer comment les paramètres contractuels demandés se comparent aux normes du pays concerné, afin de traiter tout le monde de manière équitable, quel que soit leur lieu de résidence. Cela signifie qu’il faut convertir les rémunérations, les congés et d’autres paramètres pour les rendre comparables. Nous devons également évaluer si une demande de salaire potentiellement inférieure est réellement moins coûteuse, en raison des coûts administratifs plus élevés liés à l’emploi hors d’Allemagne.

Au cours des négociations contractuelles, certaines surprises peuvent survenir. Récemment, dans un pays, j’ai été confronté à des horaires de travail très rigides. D’autres pays ont des réglementations spécifiques en matière d’assurance maladie. Dans certains pays, il faudrait désigner une personne responsable pour s’assurer de la conformité à toutes les réglementations locales, souvent dans des pays où nous n’avons personne qui connaisse le système juridique ou la langue.

Même une fois le contrat signé, des surprises peuvent survenir. Par exemple, nous devons également nous occuper d’obtenir le certificat A1 (EN)2 pour les employés du prestataire de services, car sinon cela leur serait préjudiciable. Cette année, il nous a fallu plusieurs semaines et de nombreuses demandes pour obtenir les documents.

J’espère que cela vous aide à comprendre pourquoi les choses prennent parfois plus de temps que prévu ici.

TDF fait tout son possible pour être très flexible en matière d’emploi, s’efforce de traiter tout le monde de manière équitable et de fournir des contrats de travail appropriés, mais cela prend plus de temps que de recruter dans un seul pays.

Florian


  1. Cet examen doit être au proposé aux personnes travaillant sur écran. Il a pour objectif de dépister des problèmes médicaux tels que les troubles de la vision, les maladies du système musculo-squelettique et les troubles neurologiques. C’est plus ou moins l’équivalent de la visite d’information et de prévention française (ou « visite médicale d’embauche). 

  2. Le certificat A1 est un document de l’Union européenne. Il atteste que la personne salariée ou indépendante qui travaille temporairement dans un autre pays reste affiliée au régime de sécurité sociale et continue à bénéficier des droits sociaux de son pays d’origine. 

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