Pourquoi les logiciels et le matériel pédagogique ne sont-ils pas libres en France ?

Posté par  . Édité par Nÿco et Nils Ratusznik. Modéré par tuiu pol. Licence CC By‑SA.
48
13
mai
2013
Éducation

Cela fait 30 ans environ que les logiciels libres sont arrivés en France. Ils sont présents dans les infrastructures réseau, les téléphones portables, les modems xDSL, les sites internet, les jeux et tout doucement dans la gestion des entreprises et l'éducation. Mais le libre est quasiment absent dans les logiciels et le matériel didactique qui servent à faire des travaux pratiques, dans les cours et les livres et tout ce qui sert à l'apprentissage. Alors que les universités américaines commencent à libérer massivement leurs cours sous des licences libres et qu'on y voit exploser les supports expérimentaux libres dans les Fab Lab (idem en Allemagne qui a une culture plus expérimentale dès le primaire, il n'y a qu'à voir le nombre de Fab Lab), pourquoi tant de retard dans les écoles en France?

Pendant 6 ans, j'ai été commercial chez plusieurs fournisseurs de l'Éducation Nationale. J'ai vendu à peu près tout ce qu'on peut trouver dans un établissement scolaire, en enseignement primaire, secondaire et supérieur : du mobilier classique, d'atelier et de laboratoire, de la verrerie, des produits chimiques, des machines-outils, des bancs de test et du matériel didactique de toutes les marques.

Le matériel didactique est utilisé dans toutes les matières : sciences de la vie et de la terre, technologie, physique-chimie, maintenance, électronique, électrotechnique etc.
Il est acheté sous la forme de maquettes ou sous la forme de produits grand public ou industriels modifiés pour faciliter l'apprentissage : mise aux normes spécifiques à l'éducation nationale, ajout de notices, de travaux pratiques et de logiciels.

Ce matériel très coûteux est acheté par les établissements, parfois sur fond propre, généralement avec une dotation du Conseil Général pour les collèges ou du Conseil Régional pour les lycées.
Le matériel didactique est conçu soit par des fabricants, avec l'aide d'enseignants et d'inspecteurs de l'éducation nationale, soit directement par des enseignants, des élèves et des inspecteurs. Dans ce dernier cas, les auteurs du matériel didactique signent un « contrat d'auteur » avec le fabricant qui industrialise et vend le matériel didactique. Dans ce contrat, les auteurs cèdent les droits de fabrication et de vente (en général avec une clause d'exclusivité) et touchent en contrepartie un pourcentage sur les ventes.
Les fabricants vendent le matériel didactique aux établissements d'enseignement ou à des revendeurs et des centrales d'achat.

Ce système est intéressant car il motive les enseignants, les enseignants, les élèves, les chefs de travaux, les inspecteurs et tout le personnel qui s'implique dans ce travail pédagogique. Il fait vivre quelques entreprises dans ce secteur et met en relation le monde de l'entreprise et le monde de l'enseignement. Par contre, comme dans tout système, il y a des choses à améliorer :

1) Les élèves qui participent à l'élaboration du matériel didactique sont souvent ignorés lors de la signature d'un contrat d'auteur.

2) Les inspecteurs vont être à la fois auteurs, bénéficiaires des pourcentage sur les ventes et prescripteurs auprès des enseignants, des Chefs de Travaux et des collectivités. Cela devient parfois gênant lorsqu'ils préconisent l'achat de leur matériel, j'ai eu à ce sujet quelques témoignages d'enseignants inspectés.

3) Ce système favorise la conception et la vente de produits propriétaires et empêche les standards et les licences libres d'émerger. En effet, les utilisateurs (les enseignants et surtout les élèves) n'ont pas souvent leur mot à dire dans le choix du matériel. J'ai ainsi le souvenir de « journées » et de « salons » où les enseignants et les fournisseurs de la filière étaient invités à montrer, tester et choisir le matériel didactique mais le choix était en réalité déjà été fait. Les enseignants ne peuvent donc pas choisir un matériel qui leur facilite le travail en étant inter-opérable, ouvert et respectueux des standards reconnus et non de pseudos-normes imposées par les fabricants de matériel didactique pour gêner l'achat de matériel concurrent.

Cette situation résulte d'un manque de reconnaissance du travail du personnel de l'Éducation Nationale. Un enseignant ou un inspecteur qui développe des produits pédagogiques intéressants n'est pas récompensé financièrement par l'institution. Il le devrait surtout s'il accepte de diffuser son travail sous des licences libres (GNU GPL, GNU AGPL, GNU FDL, CC, Art Libre…) et des licences OpenHardware (CERN, TAPR). Ce qui permettrait d'ailleurs aux entreprises du secteur de développer leur activité à partir de ces produits et aux différents produits d'être compatibles entre eux. Mais connaissant le montant des pourcentages versés par les entreprises dans le cadre des contrats d'auteurs, le budget de l'Éducation Nationale devra être conséquent pour intéresser les auteurs.

L'Éducation Nationale doit mettre en œuvre des mécanismes permettant aux utilisateurs (élèves et enseignants) de faire connaître leurs besoins. Elle doit aussi mettre en œuvre des moyens de diffusion, de communication et de gestion des projets libres, les plate-formes pédagogiques académiques sont inadaptées et il n'y a pas de personnel ni de budget pour les gérer de façon pérenne.

Il faut aussi que tout cela se fasse en concertation avec les fabricants pour que tout le monde y trouve son compte. Surtout depuis plusieurs années où les petits fabricants souffrent de la pression des gros distributeurs, sont absorbés par les gros fabricants ou remplacés par des grands groupes industriels qui s'implantent sur ce marché. De ce fait, on constate une augmentation constante du coût des produits, pas forcément bonne pour le budget des établissements scolaires. Il faut convaincre ces entreprise des vertus du Libre pour le commerce mais on ne les fera pas changer de modèle économique du jour au lendemain, les enjeux financiers sont bien trop importants et la concurrence bien trop féroce.

L'équation à résoudre est compliquée. Le travail de l'association Framasoft, de Jean-Pierre ARCHAMBAULT au SCEREN et de tous les enseignants est indispensable et remarquable au vu de leur manque de moyens. Mais leur travail ne sera pas suffisant si le ministère de l'Éducation Nationale ne se remet pas en cause et ne s'implique pas plus, si un dialogue n'est pas noué entre les utilisateurs (enseignants et élèves), les inspecteurs et les entreprises du secteur, fabricants et distributeurs.

Le salut viendra-t-il du modèle des Fab Lab?

Aller plus loin

  • # Des logiciels libres existants

    Posté par  . Évalué à 4.

    Il existe pourtant quelques logiciels sous une licence libre, tels que Dr. Geo pour l'enseignement de la géométrie, Pymecavideo pour du pointage vidéo en physique ou même on pourrait penser à GCompris, pour l'initiation à l'outil informatique en primaire. Je ne cite là que les quelques que je connais (sûrement parce qu'ils ont déjà été évoqués ici), mais il doit en exister d'autres je suppose.

    Du coup, quelqu'un pourrait-il expliciter pourquoi de tels outils sont peu/pas utilisés ? S'agit-il d'un problème avec les programmes qui "imposent" l'utilisation de tel logiciel, plutôt que l'apprentissage de la méthode ou du savoir-faire, indépendamment de l'outil ? Ou plus simplement, comme tu le dis, de problèmes financiers (ancien investissement important sur du matériel qui doit encore être rentabilisé) ?

    • [^] # Re: Des logiciels libres existants

      Posté par  . Évalué à 9.

      Les logiciels libres sont employés lorsqu'il y a des ordinateurs à disposition. Cependant, la difficulté pour un enseignant c'est qu'il doit penser l'utilisation de ces logiciels.
      Il n'est pas question de laisser les enfants devant un logiciel sans un objectif pédagogique, sans une évaluation consécutive et tout cela n'est pas si évident.Tout cela demande du temps et du travail.

  • # Le libre et les Fab Lab en France

    Posté par  . Évalué à 1.

    Et oui, il existe déjà des Fab Lab ainsi que des cours et des enseignemens libre.

    Je ne siterais encore que l’IUT de Béziers avec les DUT R&T et les licences ASUR / ISVD d’où je viens.

    La majorité des cours sont sous CC-BY-SA et les logiciels sont majoritairement des logiciels libres.

    Après, c’est vrai que ce n’est pas des plus répendu en France, ou alors, c’est que nous n’en parlons vraiment pas assez.

    Mais j’ose dire haut et fort, les Américains et les Allemands ne sont pas les seuls !!!

    • [^] # Re: Le libre et les Fab Lab en France

      Posté par  . Évalué à 3.

      Tu cites un cas particulier, comme la licence ASRALL à Nancy, où les cours concernent en partie des technologies libres et se basent sur des outils libres. Mais dans toutes les autres matières (physique, chimie, électricité, école primaire, techno collège, EXAO…), le matériel n'est pas libre et les supports de cours et les logiciels non plus. Et il n'y a aucune réelle volonté du ministère de changer cela.

      • [^] # Re: Le libre et les Fab Lab en France

        Posté par  . Évalué à 1.

        Je suis tout à fait d’accord avec le fait qu’il n’y ai pas une volonté de changement du côté du ministère, et je ne met absolument pas celà en cause.

        Je dis simplement qu’il existe des exemples dans ce domaine en France, mais on les oublis en disant « Ça existe ailleurs ».

  • # Abuledu

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 8.

    Dommage d'oublier AbulEdu et tous ses logiciels du Terrier.

    Ce qui est certain, c'est que ça bosse dur en coulisses et que le projet mérite (aussi) amplement d'être soutenu :-)

  • # EduLibre

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6.

    Par ailleurs (tant que j'y suis), EduLibre est un portail tout tout récent qui propose du matériel didactique libre à usage scolaire : documents, fiches de leçons,… et mérite, lui aussi soutien et aide.
    Voilà, un petit appel est lancé ! ;-)

  • # Le livre scolaire (http://lelivrescolaire.fr)

    Posté par  . Évalué à 6.

  • # Excellent diagnostic

    Posté par  . Évalué à 3. Dernière modification le 14 mai 2013 à 09:24.

    Cet article est un excellent diagnostic de la situation, on sent bien qu'il est basé sur une expérience réelle (l'attitude de certains inspecteurs est significative, je témoigne, heureusement, c'est une minorité… j'espère).

    Il faut aussi ajouter que spécifiquement en France, la mentalité perverse des brevets et l'incompréhension de l'utilisation du droit d'auteur et de son esprit, font qu'on entend des enseignants dire :

    Je ne veux pas que mes cours soient copiés. Je l'interdis aux élèves en mettant un énorme filigrane en travers de la page. Manquerait plus que ça que je retrouve le fruit de ma sueur dans les mains d'un collègue fainéant.

    La cupidité existe aussi : "on sait jamais, je pourrais récupérer quelques sous de ce que j'ai fait". À leur décharge, la rémunération moyenne de l'enseignement en France est plus faible (disent les statistiques), donc toutes les sources de profits sont bonnes à prendre.

    Le vrai travail d'équipe, coopératif et fructueux pour tous est rare. Dans l'éducation nationale, l'individualisme prime. Une minorité résiste à cet état général que ce soit dans le libre ou dans la diffusion de la connaissance la plus large et la plus facile, donc gratuite pour l'utilisateur final.

    • [^] # Re: Excellent diagnostic

      Posté par  . Évalué à 4.

      Bizarrement, je n'ai pas du tout la même impression. Est-ce lié à la personnalité des collègues que je(tu) fréquente(s) ? À la matière enseignée ? Au type d'établissement ? À l'énergie dépensée pour promouvoir l'idée du libre ? Aussi je me garderai de généraliser, tant les biais statistiques possibles sont nombreux…

      Quelques commentaires (plus sur la dépêche que sur ton commentaire en fait - chacun y reconnaitra les siens) : les travers que tu décris existent, je ne le nie pas. Tu les présente comme majoritaire. Je ne le pense pas. Ce qui est sûr, c'est qu'il est très minoritaire parmi les collègues que je fréquente. C'est évidement non représentatif, j'ai fait le tri dans mes collègues  ;-)

      Cupidité est un terme que je n'aime pas. Une relation marchande ne me choque pas plus que ça. J'ai eu l'occasion de travailler et d'être rémunéré par un de ces éditeurs de matériel pédagogique. Ils gagnent de l'agent avec l'éducation, oui. Ils apportent une plus-value à l'enseignement aussi. Ils font appels à des enseignants parce que ce sont eux qui sont les plus à même de les conseiller. Des gens que j'ai pu rencontrer chez eux, très peu avait enseigné. Que l'enseignant en retire un (petit) revenu n'est pas scandaleux. Pour ma part, il m'est arrivé, certaines années de faire ainsi un treizième mois, pas plus.

      Les élèves qui participent à l'élaboration du matériel didactique sont souvent ignorés lors de la signature d'un contrat d'auteur.

      Effectivement, avec deux bémols :
      - une comparaison : lors d'un essai clinique le patient qui peu tirer un bénéfice direct du traitement expérimental n'est pas rémunéré au contraire des cobayes sains. Les élèves, eux aussi, en tirent un bénéfice direct. Bon, on ne leur demande pas leur avis et comparaison n'est pas raison…
      - sur mes contrats d'auteur, j'ai systématiquement fait rajouter une clause pour étendre le droit d'utilisation gracieux à l'ensemble des enseignants de mon établissement. Clause jamais refusée mais jamais présente par défaut.

      Les inspecteurs (…) préconisent l'achat de leur matériel

      Je n'ai jamais rencontré ce cas. Peut-être que ça arrive, peut-être plus en lycée qu'en collège. Les enseignants sont les prescripteurs et font en général un choix éclairé (d'autant que les crédits pédagogiques fondent à vue d'œil) Il y a eu quelques couacs dans ce système relativement équilibrés, j'ai le souvenir d'UNE dotation en matériel particulièrement inapproprié qui traine dans un placard depuis plus de 10 ans, à peine déballée. Je me suis par contre beaucoup plus souvent planté en faisant de mauvais choix. Les problèmes ont plus été des problèmes de compétences ou de commandes trop précipitée, de choix de matériel bas de gamme que de la malveillance ou de intéressement.

      Ce système favorise la conception et la vente de produits propriétaires et empêche les standards et les licences libres d'émerger.

      Est-ce vraiment un effet pernicieux du système ou une ignorance du monde du libre ?

      Sur le modèle des fab-lab, si je suis d'accord sur l'idée et le principe, j'y vois quand même un frein. Le matériel utilisé répond normalement à un certain nombre de normes de sécurité (que je connais très mal) et c'est le constructeur qui garantie le respect de ces normes. Que se passera-t-il en cas d'accident suite à un matériel défectueux ? Une chose est sûre : ma chef actuelle ne me couvrira pas pour du matériel DIY, c'est le lampiste qui prendra.

      Je ne vois dons pas les choses de façon aussi noire mais au contraire je me réjouis de voir ces problèmes soulevé et débattus…

    • [^] # Re: Excellent diagnostic

      Posté par  . Évalué à -1.

      la rémunération moyenne de l'enseignement en France est plus faible

      Et la marmotte…
      Mon père était maître auxiliaire presque toute sa vie. En gros le (quasi) moins payé des profs.
      Il a payé sa maison sans faire de crédit, avec sa femme prof également.
      Il m'a fait un virement de 12000 € lorsque j'en ai eu besoin.
      Pauvre à ce point, ça me tente bien.

      • [^] # Re: Excellent diagnostic

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

        Cf par exemple cet article du Monde. Il vaut mieux enseigner au Luxembourg (bon, la vie y est peut-être beaucoup plus chère, et côté sécu & Co je ne sais pas ce que ça donne).

        Python 3 - Apprendre à programmer dans l'écosystème Python → https://www.dunod.com/EAN/9782100809141

      • [^] # Re: Excellent diagnostic

        Posté par  . Évalué à 5.

        Oui,…Il y a combien de temps ?
        Dans les années 70 ? A l'époque où un prof débutait à 2,5 SMIC ou bien maintenant où il débute à 1,25 SMIC ??
        Source

        • [^] # Re: Excellent diagnostic

          Posté par  . Évalué à 2.

          Non mais, ce sont des grilles publiées… Pas de surprise
          Par ex, un instit ou prof avec capes :
          http://www.snuipp45.net/IMG/pdf/Grille_des_salaires_en_fonction_des_echelons-1.pdf
          Moi, je suis échelon 6 donc 1790€, 8 ans d'ancienneté, 33 ans
          On monte d'un échelon tout les 2-3 suivant les inspections, pas de revalorisation suivant l'inflation sauf un 0,5% + 0,5% = 1% bidouillé sous l'ancien gouvernement
          Rien que suivant l'âge du prof et son nombre d'heures (18 certifié, 15 agregé, 1 heure sup forcée par le chef) , tu peux estimer une fourchette de son salaire

          Bonus divers par mois environ:
          Conseils de classe : 100€
          Prof principal : 100€
          1 heure sup par semaine, donc 4 par mois : 4*30 à 4*45€ suivant l'echelon, l'agregation…

          Moi, ca me fait 1790 + 100, je ne lache pas 12k€ comme ca :D

          Bonus divers par an :
          Tickets cesu pour les enfants (250-650€)
          Chèques vacances à 10% (youhou!)
          Déduire la surface de son bureau perso pour les impôts, mais pas de bidouille possible comme les artisants car le salaire est déjà connu :(

  • # Commentaire sur la conclusion

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

    Merci pour ce panorama édifiant. L'information apportée est de qualité. Toutefois nombre d'affirmations dans la fin de votre message me laissent circonspect. Question de point de vue ? divergences d'opinions ? manque d'information de ma part ? J'aimerais en relever quelques-unes.

    « Mais connaissant le montant des pourcentages versés par les entreprises dans le cadre des contrats d'auteurs, le budget de l'Éducation Nationale devra être conséquent pour intéresser les auteurs. »

    Il me semble que nombre d'auteurs potentiels sont déjà parfaitement motivés. Et ce même sans carottes pécuniaires. Il me semble — me tromperais-je ? — que nombre d'enseignants n'inscrivent pas prioritairement leurs activités professionnel dans l'optique de prévarication que vous évoquez sous de multiples atours dans cette conclusion que je commente.
    Au contraire ils seraient nombreux à s'être orienté dans ce ministère par vocation et esprit de service de la collectivité. Et cette masse ne demande qu'à se voir conduite dans la production de contributions utiles. Certains y sont même déjà parvenus par eux-même (cf. les diverses associations que vous et d'autres citez), et de manière apparemment indépendante d'institutions supérieures officielles, peut-être trop préoccupées de leur propre train de vie.

    « Il faut aussi que tout cela se fasse en concertation avec les fabricants pour que tout le monde y trouve son compte. Surtout depuis plusieurs années où les petits fabricants souffrent de la pression des gros distributeurs, sont absorbés par les gros fabricants ou remplacés par des grands groupes industriels qui s'implantent sur ce marché. De ce fait, on constate une augmentation constante du coût des produits, pas forcément bonne pour le budget des établissements scolaires. Il faut convaincre ces entreprise des vertus du Libre pour le commerce mais on ne les fera pas changer de modèle économique du jour au lendemain, les enjeux financiers sont bien trop importants et la concurrence bien trop féroce. »

    Que nenni ; ou alors je vous comprends mal. Évoqueriez-vous une concurrence de lobbies et non économico-industrielle ? Précédemment vous décrivez si justement les processus anticoncurrentiels à l'œuvre. Et préalablement vous avez défini si clairement les conditions d'une transition efficace de la première à la seconde : standards, ouverture, coordination et soutient des initiatives individuelles des fonctionnaires par les tutelles !

    Jamais une entreprise ne sera « convaincu des vertus du libre » quand celui-ci empiète sur son pré-carré et ses méthodes monopolistiques. C'est uniquement la préoccupation du bien commun (portée par les institutions) qui peut potentiellement faire émerger les conditions d'une saine concurrence en imposant les standards et les normes.

    « L'équation à résoudre est compliquée. Le travail de l'association Framasoft, de Jean-Pierre ARCHAMBAULT au SCEREN et de tous les enseignants est indispensable et remarquable au vu de leur manque de moyens. Mais leur travail ne sera pas suffisant si le ministère de l'Éducation Nationale ne se remet pas en cause et ne s'implique pas plus, si un dialogue n'est pas noué entre les utilisateurs (enseignants et élèves), les inspecteurs et les entreprises du secteur, fabricants et distributeurs. »

    Il me semble que bon-gré mal-gré les entreprises se plient systématiquement aux normes établies par les instances régulatrices de leurs activités. Existe-t-il la moindre justification morale à leur participation au dialogue que vous évoquez ? Ce sont uniquement des entités morales (pas au sens juridique, mais bien au sens de la morale) qui doivent avoir voix aux décisions. Les entreprises et autres entités à but lucratif ne devraient-elles pas être cantonnées dans un rôle de pures exécutants, œuvrant à se remplir les poches (chose parfaitement honorable) dans le cadre d'une législation/institution enfin réorientée vers le bien commun, plutôt que vers les petits arrangements et la conduite de la course de l'avidité d'individus amoraux ?

    « IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace

  • # Trop généraliste ?

    Posté par  . Évalué à 3. Dernière modification le 19 mai 2013 à 15:18.

    Bonjour,
    Disons que je connais très bien un professeur des écoles, maître formateur et conseiller TICE, ayant exercé dans de nombreuses écoles et aussi au collège (en SEGPA et en AR), ainsi que dans des établissements spécialisés (élèves en situation de handicap). Et je vais essayer de résumer ce que j'ai pu comprendre.
    La problématique soulevée est un peu trop généraliste et confond allègrement les différents types d'établissements. Or le fonctionnement d'une école maternelle, élémentaire, d'un IME, d'un collège n'ont strictement rien à voir. Ceci tant du point de vue pédagogique que du point de vue des mécanisme de décision et des aspects budgétaires.

    Pour le domaine que je connais proche de moi, le premier degré : les écoles élémentaires et maternelles, il y a plusieurs points différents :
    - le matériel pédagogique qu'on résumera en "livres". La liberté de choix pédagogique est (quasi) totale. Jamais vu ni entendu parler d'un Inspecteur qui imposerait quelque chose (mais il y a toujours des exceptions). La plupart du temps, il faut des support physiques (papier) et parfois numérique (très rarement). La plupart des livres de bonne facture sont le fruit d'un travail produit par des enseignants, parfois maîtres formateurs (souvent), rarement d'Inspecteurs (très rarement), expérimentés en classe et produit hors du temps de travail. S'il n'y a pas rémunération, il n'y a pas production de ces ouvrages. Ce système fonctionne comme cela depuis des années peine à changer (pour quoi d'ailleurs ?). Ce matériel pédagogique est "commandé" par chaque enseignant en fonction d'un budget qui lui est alloué chaque année scolaire par délégation successive Maire -> Directeur -> Enseignant. En général l'enveloppe budgétaire est (dans le secteur que je connais) d'environ 30€/élève/an soit pour une classe de 30 élèves 900 €. Cette enveloppe doit couvrir l'intégralité du matériel pédagogique feuille, gomme, cahier d'appel, stylo (de l'enseignant), craies, livres pour les élèves, etc. Bref si un livre de lecture coute 25€, il reste 5€/élève pour tout le reste… Les changements de matériels pédagogiques sont donc limités à la portion congrue et le marché de l'occasion s'est fortement développé
    - les investissements : le matériel informatique en fait partie. Là très concrêtement,le budget est généralement proche de 0, les mairies ayant déjà fort à faire avec batiment, personnel (surtout avec la semaine de 4,5j) , chauffage, etc sans compter la toute puissante imprimante/photocopieuse.
    Les 3/4 du temps (sur un parc déployé sur une 40 aine d'écoles) le matériel a plus de 10 ans, est hétérogène, inadapté aux enfants (surtout en maternelle), tant en taille qu'en installation (bureaux pour adultes etc). Bref le recueil de tout ce qu'il ne faut surtout pas faire. La maintenance (charge des mairies) est très rarement assurée, donc matériel en panne ou pas loin, l'entretien n'en parlons pas. Les préparations ? Les enseignants testent sur du matériel (budget perso !) récent, et arrivé à l'école ca ne marche pas !

    Alors le libre au milieu de tout cela ? C'est le cadet des soucis de l'ensemble des interlocuteurs. Non pas qu'ils s'en moquent, mais que lorsqu'ils font des semaines de 50 heures* dont 27 devant élèves (le reste étant réparti entre préparation, correction, RDV avec les familles, réunions diverses, formation continue,…) le temps alloué pour penser à des problématiques aussi éloignées du coeur de métier est réduit à la portion congrue.

    [*] Cf les enquêtes de la DEPP (ministère de l'EN) et le rapport dit "de la commission Rocard" qui a longuement analysé la situation sur 270 pages ( http://www.education.gouv.fr/cid20894/remise-du-rapport-sur-la-redefinition-du-metier-d-enseignant.html ). Au passage, de nombreuses choses écrites ci-dessus à propos de la rémunération des enseignants est soit inexacte soit fausse. Il ne faut pas confondre rémunération d'un PE (preofesseur des écoles) et d'un PLC (professeur de lycée et collèges), ni leur temps de travail. La vitesse de progression des échelles n'est absolument pas la même quand bien même c'est la même échelle au départ (!) voir p49 et p 259.

  • # Pourquoi juste la France?

    Posté par  . Évalué à 1.

    Et la Belgique alors!

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