Qui veut la peau des logiciels libres de caisse ?

Posté par  . Édité par Benoît Sibaud et Florent Zara. Modéré par Florent Zara. Licence CC By‑SA.
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nov.
2024
Communauté

Dans l’objectif, certes légitime, de lutter contre la fraude à la TVA via des logiciels de caisse, l’Assemblée a voté la fin du dispositif d’« attestation individuelle » qui permettait à un éditeur ou un intégrateur de solution, d’attester de la conformité de son système. L’Assemblée impose ainsi une procédure lourde et onéreuse de certification, qui impacterait tout particulièrement les logiciels libres.

Afin d’alerter sur ce risque important pour les écosystèmes des logiciels libres intégrant des fonctionnalités de caisse, l'April a publié un communiqué, où elle revient plus en détails sur le contexte et les enjeux, et où elle appelle à se mobiliser en vue des travaux à venir au Sénat : « Qui veut la peau des logiciels libres de caisse ? »

Supprimer la possibilité de « l’attestation individuelle » revient à soumettre toute activité économique autour des logiciels de caisse, libres ou non, à une très importante pression financière et réglementaire, et à imposer une responsabilité contractuelle auprès de l’organisme certifiant.

L’amendement adopté à l’Assemblée témoigne malheureusement à nouveau d’un manque de compréhension de comment fonctionnent les différents modèles de développement logiciel, notamment libre.

L’April ne manquera pas de contacter les sénateurs et sénatrices pour les informer de la situation et les inviter à rétablir l'article 286 3° bis du Code général des impôts dans sa rédaction initiale. L’April appelle également toutes les personnes concernées — développeurs et développeuses, utilisatrices et utilisateurs, entreprises, associations ou fondations en charge d’un projet de logiciel libre de caisse — à faire de même.

Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas aussi à rejoindre notre liste publique dédiée à ce sujet pour partager vos interrogations, vos réflexions et arguments, et participer à cette mobilisation.

Aller plus loin

  • # Est-ce vraiment un problème de liberté du logiciel

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 6 (+5/-1).

    Est-ce tellement différent, par exemple, d'un OS libre qui devrait payer pour avoir une certification POSIX ? Ou n'importe quel autre logiciel qui aurait besoin d'une certification (médical, aérospatiale…).

    Le fait qu'il faille payer pour avoir la certification n'enlève rien à la licence appliquée au code. On peut toujours étudier le code, le modifier, partager les modifs, et utiliser le logiciel comme bon nous semble. Certes il faudra repasser la certification pour utiliser le logiciel modifié mais ça ne me semble pas déconnant ; si le code a changé alors ce n'est plus vraiment le même logiciel.

    Ça n'empêche pas non plus de remonter les patchs et les besoins au sein d'un organisme qui se chargerait de faire valider des releases du logiciel, permettant ainsi de réduire les coûts pour les individus et de favoriser le partage des développements auparavant spécifiques.

    J'ai l'impression qu'il s'agit plus d'une plainte liée au fait d'être encore plus policé et contraint de payer, plutôt qu'un problème de logiciel libre.

    • [^] # Re: Est-ce vraiment un problème de liberté du logiciel

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2 (+1/-0).

      Les logiciels libres de caisse permettent à de petites entreprises de s'équiper sans que ça leur coûte trop cher, en auto-hébergeant leur solution, ou en payant le service auprès d'une entreprise spécialisée pour des coûts raisonnables, et ça n'implique pas de faciliter la triche.

      Ils permettent à des entreprises du libre de proposer des services à des tarifs variables, et même de contribuer à l'écosystème.

      Pour comprendre où est le danger sur les capacités financières et sur la responsabilité des éditeurs qui vient avec ces nouveaux amendements il faut lire l'article sur le site de l'April en entier, en particulier cette partie:

      Nous voilà rendus au projet de loi de finances pour 2025. Avec toujours le souci – légitime – de lutter contre la fraude à la TVA via des logiciels de caisse, l'Assemblée nationale a adopté des amendements modifiant ce dispositif. Non pas pour revenir sur la liberté de modification, mais, plus généralement, pour imposer une procédure de certification aux « éditeurs » de logiciel de caisse. Ainsi, ces derniers devraient, à chaque mise à jour « majeure »4, faire certifier à nouveau leur logiciel par un organisme agréé. Un processus très lourd et onéreux, difficilement accessible aux TPE/PME. Les logiciels libres, par la nature même de leurs modèles de développement, seraient particulièrement impactés.
      La certification pourra même s'avérer impossible à réaliser lorsque l’organisme qui demande la certification doit s’assurer et faire respecter la bonne conduite des distributeurs concernant l’installation et le paramétrage des logiciels. L’organisme certifiant étant garant de la conformité de la solution dans son ensemble.

      L'article permet aussi de comprendre que les fraudes constatées et jugées dans le passé impliquent des stratégies délibérées dans le cadre desquelles aucun logiciel sous licence libre, et aucune attestation ou certification n'était impliquée,

      Ce texte de loi : Plouf ! À côté de l'objectif, mais Paf ! Prenez ça les libristes, payez des sommes astronomiques ou crevez, le tout sous le prétexte de prévenir la fraude à la TVA.

    • [^] # Re: Est-ce vraiment un problème de liberté du logiciel

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4 (+2/-0).

      Le fond du problème est que sous couvert de la lutte contre la fraude, on ajoute une certification obligatoire et couteuse (on parle d'un budget de plus de 10k€ par version).

      Un logiciel libre pour lequel il faut débourser 10 000€ pour toute modification de la partie caisse n'est plus un logiciel sous licence libre. On pourra juste le qualifier d'open-source.

      Dans les faits, quand on regarde de près les arguments (fraude TVA, millions d'euros détournés, rapport INSEE), on se rend compte que :
      - la majorité de la fraude concerne la TVA (non-reversement de la TVA perçue, facturation fictive ou de complaisance, fraude à la TVA carrousel)
      - la fraude concerne principalement le milieu de l'immobilier selon l'INSEE (donc en rien les logiciels de caisse)
      - la fraude "de caisse" qui consiste à supprimer des enregistrements de recettes est une "fonctionnalité" qui n'a été découverte que dans les logiciels propriétaires. Ce qui parait un peu normal vu que le code des logiciels libre est consultables facilement.
      - la manière la plus simple de faire disparaitre une vente en espèce est de ne pas la saisir dans un logiciel, certifié…ou non.

      Bref, la certification n'apporte rien, complexifie tous les systèmes inutilement, a un coût élevé (estimé à 50 000 € annuel pour OpenConcerto) et n'aura qu'un effet : la disparition de nombreux acteurs du logiciel libre.

      Le sujet est souvent détourné par des idéologues ou des vendeurs de blockchain, merci de ne pas retomber dans ces travers, constamment relayés par des politiques peu au fait des réalités.

      • [^] # Re: Est-ce vraiment un problème de liberté du logiciel

        Posté par  (Mastodon) . Évalué à 3 (+0/-0).

        Faudrait rentrer dans le détail, mais le coup de devoir certifier chaque nouvelle version aura un effet pervers : sortir le moins de versions possible. C'est déjà un soucis.

        Ensuite vu les tarifs annoncés oui, on dirait que ça en est fini des petits éditeurs de logiciel de caisse (libre ou non). Alors peut-être qu'une grande entreprise de la caisse enregistreuse va se trouver une mission humaniste de sortir un logiciel de caisse libre et certifié mais… comment dire… j'y crois très moyennement.

        Pour essayer de contourner le truc, serait-il possible d'architecturer différemment les choses pour isoler la partie à certifier au maximum et ainsi la faire bouger au minimum ?

        En théorie, la théorie et la pratique c'est pareil. En pratique c'est pas vrai.

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