« L’analyse bibliométrique fétichisée par la bureaucratie documente le déclassement de la France dans la production scientifique, qui passe du 6ème au 13ème rang mondial en 15 ans : https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/ost-position-scientifique-france-2024.pdf
Qui aurait pu prévoir que vingt-et-un ans de réformes de bureaucratisation, de différenciation, de dépossession, de précarisation et de paupérisation conduirait au déclin scientifique et technique ? »
Amusant de remarquer comme d’une phrase à l’autre cette brève transite d’une critique virulente à une forme de suivisme : ne devrait-on pas s’enorgueillir que les ruines fumantes de nos institutions nous permettent partiellement de résister aux dictats de l’évaluation par analyse bibliométrique ? Et qu’un peu moins qu’ailleurs les milieux universitaires ont cédé aux sirènes du noircissement de papier.
Le temps disponible pour chercher ? (mais je ne suis pas certain d'avoir compris ce à quoi tu fais allusion)
La bureaucratisation est un mouvement plus ancien que 15 ans. Mon père chercheur s'en plaignait déjà il y a 30 ans. La "paperasse" le privait d'un temps considérable, alors que dans les années 80 ce n'était pas le cas.
Non je fais simplement allusion à la politique de démantèlement de la recherche. Un exemple ici avec les effectifs CNRS mis au concours, mais les autres EPST ne sont pas mieux traités. Et je ne parles pas de la situation de l'enseignement supérieur…
Une chose quand même: il y a quelque chose qui est factuellement faux dans ce lien; les auteurs ne pouvaient pas savoir sans connaître les arcanes du CNRS, mais ça prouve quand même qu'ils racontent n'importe quoi parce qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent : les 13 postes de directeur de recherche affiliés à la section "Gestion de la recherche" en 2021 ne sont absolument pas destinés à des fonctions bureaucratiques, il s'agissait de postes mis en réserve pour des recrutements au niveau DR dans les sections (en fait c'est un bricolage technique pour contourner une rigidité administrative).
Donc oui, c'est un fait, la recherche publique recrute de moins en moins, c'est contesté en interne parce que les chercheurs pensent que la recherche devrait être mieux financée, et c'est un arbitrage budgétaire assumé par les gouvernements. Il n'y a pas de "scandale" à proprement parler, c'est une question politique (donc débat public, élections, etc).
Je ne crois pas que quiconque crie au scandale. La France s'est engagée de longue date à 3% de PIB dans la recherche. Engagement jamais tenu. Depuis 25 ans elle démantèle lentement ses institutions de recherche. Aujourd'hui et depuis plusieurs années elle décroche dans les classements. C'est juste une rapide mise en perspective.
Note que les 3% du PIB c'est pour la recherche totale (publique + privée). Quand tu regardes les statistiques au niveau Européen, la recherche publique en France est à peu près au niveau des autres pays (pas au-dessus, on est bien d'accord, 0.8% à 0.9% du PIB), c'est la recherche privée qui est en retard, malgré le CIR et les cadeaux fiscaux.
Depuis 25 ans elle démantèle lentement ses institutions de recherche.
Pas toutes, et c'est caricatural de parler de démantèlement. La France a plein de problèmes avec ses institutions de recherche publiques, à la fois pratiques et idéologiques. Elle n'arrive pas à financer ses universités, elle n'arrive pas à leur donner le rôle qu'elles devraient avoir par rapport aux écoles d'ingénieur, elle n'arrive pas à décider quoi faire avec les what millions d'universités dans les villes moyennes qui ne pourront jamais mener une recherche efficace, elle n'arrive pas à intégrer les docteurs à la place qui leur revient sur le marché du travail, elle n'arrive pas à donner une ligne claire au CNRS, elle n'arrive pas à gérer la masse salariale (les chercheurs coûtent trop cher mais sont trop mal payés), ni la pyramide des âges (avec les décalages des départs en retraite), ni les carrières complexes (impossible de recruter un fonctionnaire après 40 ans), elle n'arrive pas à gérer l'enfer bureaucratique qu'elle a elle-même crée, elle n'arrive pas à simplifier le mille-feuille administratif, son traitement des fraudes scientifiques est moyen-âgeux, il n'y a aucun traitement des conflits d'intérêt… Il y a plein de problèmes dans la recherche, mais globalement, les indicateurs ne sont pas mauvais. La productivité est correcte, la formation universitaire est de bon niveau, certaines institutions phares sont très visibles, certaines disciplines (maths, pĥysique) sont à la pointe, les conditions de travail pour les chercheurs sont assez attractives pour les étrangers, on sort assez efficacement de la culture du mandarinat (notamment par l'attribution directe des financements aux chercheurs sans passer par les directeurs de labo), il y a en France des équipements de pointe et des projets d'équipements de pointe (surtout pour les physiciens, qui raffolent de ces gros équipements qui coûtent des milliards et que les politiques aiment bien inaugurer)… Bien sûr, quand un secteur comme ça évolue, il y a des perdants, des unités qui disparaissent, des secteurs peu performants qui sont abandonnés ou restructurés, ou redirigés vers des occuppations plus visibles (recherche appliquée, enseignement…), puisqu'une réforme à budget stable (ou en légère décroissance) ne va pas bénéficier à tout le monde. Dans tous les cas, l'idée d'une recherche publique "démantelée" me semble mal refléter la situation générale; si tu fais de la phyisque des particules ou de l'algorithmique en IA dans un grand établissement, tu n'es pas du tout démantelé. Si tu fais des sciences sociales à l'université de Trifouillis les Oies, par contre, oui, là c'est sûr que tu es démantelé.
les auteurs ne pouvaient pas savoir sans connaître les arcanes du CNRS, mais ça prouve quand même qu'ils racontent n'importe quoi parce qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent
Qu'est-ce qui te fait dire qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent (ils ou elles) ? Tu as regardé qui est derrière le site ? Allez, je t'aide :
RogueESR est un collectif créé en 2017 pour promouvoir une université et une recherche libres, exigeantes et placées au service de l’intérêt général et de l’émancipation, a contrario de la politique menée par le gouvernement actuel.
« Rogue » implique la révolte ; ce qualificatif fut notamment adopté aux États-Unis par des personnels des agences fédérales scientifiques (NASA, EPA, NOAA, etc.) en résistance aux politiques de Trump, à l’occasion de la march for science.
Originaires de toutes les régions, nous travaillons dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), dans des disciplines variées et avec des statuts différents. Nous ne représentons pas les institutions de l’ESR, mais nous espérons rassembler celles et ceux qui les font vivre au quotidien.
C'est écrit là. J'ai eu d'ailleurs vent de cet article par des chercheuses et des chercheuses sur Mastodon, sûrement des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent.
Ce qui m'intéresserait bigrement ce serait de savoir quelles sont tes compétences qui te font dire que ces personnes ne savent pas de quoi elles parlent.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Qu'est-ce qui te fait dire qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent (ils ou elles)
J'ai été très explicite : s'ils n'étaient pas au courant de la réservation des postes DR en CID 50 en 2021, c'est qu'ils n'étaient pas au fait de la manière dont les concours avaient été organisés cette année-là. Aller raconter "ahlala c'est un scandale on recrute des bureaucrates", c'est vraiment à côté de la plaque.
Ce qui m'intéresserait bigrement ce serait de savoir quelles sont tes compétences qui te font dire que ces personnes ne savent pas de quoi elles parlent.
À ton avis?
Le problème, ça n'est pas de ne pas comprendre les rouages techniques des recrutements dans les EPST, parce que c'est très compliqué sans être à l'intérieur. Le problème, c'est de l'ouvrir et de se scandaliser sans avoir compris qu'il n'y avait aucune raison à se scandaliser. Ça ne défend pas du tout la recherche publique.
Tu ergotes sur un micro-détail qui a été pris en compte par les gens que tu critiques et qui ont fait leur mea culpa à ce sujet. C'est quoi le but ? Jeter à la poubelle la conclusion parce que parmi les milliers de postes disparus il y en a 13 de mal comptabilisés ?
Mais non, mais c'est juste que je ne vois pas l'intérêt de s'offusquer pour le principe. À qui s'adressent ces documents? Les graphiques illustrent des choses qu'on sait très bien, mais ils les illustrent d'une manière que je ne trouve pas informative, et ça me gonfle. On ne peut pas se prétendre scientifique le jour, et militant le soir, en partant du principe que la rigueur du raisonnement, ça ne vaut pas pour les activités militantes.
Si tu veux parler de l'effort de recherche, alors tu dois regarder l'évolution des équivalents temps plein ou de la masse salariale, pas des seuls recrutements. C'est complètement trivial, tu peux réduire tes recrutements tout en augmentant ta masse salariale, ça dépend de la pyramide des ages, qui reste très déséquilibrée au CNRS. En fonction de la succession des gouvernements, tu as eu une alternance de périodes fastes et moins fastes, et donc la masse salariale fait le yoyo en fonction des départs à la retraite.
Tu peux aussi considérer la totalité de la masse salariale, et pas seulement cette des fonctionnaires. Parce que tu peux très bien augmenter ton personnel sans ouvrir de concours de fonctionnaire. Évidemment, idéologiquement, tu peux trouver ça bien ou mal, mais la question est assez indépendante de l'investissement dans la recherche (à moins d'imaginer par essence qu'un fonctionnaire est un meilleur chercheur, ce qui reste quand même assez douteux). Ce que le graphique montre, ce n'est pas une diminution de l'investissement public dans la recherche, c'est un changement progressif de modèle, avec une baisse du recrutement des cadres (fonctionnaires) de la recherche, qui vont chacun devoir financer leurs équipes par d'autres moyens (appels à projets, partenariats). À comparer par exemple avec le budget de l'ANR https://anr.fr/fileadmin/documents/2024/page-budget-2023-fig1.jpg
Au fond, quelle est la raison du changement de modèle? Bon, c'est évidemment multifactoriel, mais c'est principalement parce que l'État n'a pas confiance dans l'efficacité du modèle "traditionnel" de la recherche française. Pour plein de raisons plus ou moins idéologiques ou plus ou moins objectives, mais en gros, l'idée c'est que l'argent public serait mieux dépensé dans des groupes de recherche temporaires qui se concentreraient sur un projet scientifique pendant 4 ou 5 ans avant d'être refondu avec des contours différents pour un autre projet. Les labos et instituts de recherche seraient les hôtes de ces projets et leurs fourniraient les moyens de travailler, mais sans autre politique de recherche que de favoriser l'épanouissement scientifique des chercheurs pendant le temps de leur projet.
Sans surprise, c'est déja comme ça que fonctionnent les instituts scientifiques qui sont sur le devant de la scène (institut Pasteur, collège de France, etc). De nombreux chercheurs qui ont une activité scientifique soutenue n'ont pas de problèmes majeurs à être financés et à recruter les membres de leurs équipes selon leurs besoins au fil de leurs projets; ils ont par contre besoin d'un environnement scientifique (administration, locaux) et d'un accès à des équipements parfois coûteux; les enseignant-chercheurs cherchent à se débarrasser de leurs charges d'enseignement en les "rachetant" grâce au budget des projets, etc. Ce que ne dit pas par exemple les graphiques de RoguESR, c'est quelle part des chercheurs recrutés au CNRS ont déja tout ou partie de leur salaire de jeune chercheur financé par une source extérieure (typiquement, contrat européen). Ça doit énormément dépendre des sections du CNRS, mais je pense que la norme s'établit autour de 50%. Ce modèle définit un statut du chercheur plus proche d'une profession libérale que d'un statut de fonctionnaire.
Je comprends les critiques du modèle "moderne" de la recherche, mais je ne comprends pas quel modèle on propose à la place. Un monde où on recrute toujours plus, où tout le monde a des crédits pour fonctionner, où la recherche n'est évaluée ni en terme de productivité, ni en terme de retombées pour la société, où la liberté académique est totale… En gros, il faudrait que ça soit les chercheurs qui aient le contrôle du robinet du pognon, et qu'ils n'aient pas de comptes à rendre, parce que leur statut garantirait automagiquement à la société que ce que le chercheur veut, c'est ce qui est bon pour la société. À part donner envie aux dirigeants de restreindre encore plus les marges de manœuvre, je ne vois pas ce que ça peut apporter.
Ça parait tellement caricatural que je trouve ça contre-productif. Si on veut la la liberté académique, alors c'est normal de devoir négocier avec la société. Si on veut plus de PIB vers la recherche, c'est normal qu'il y ait des contreparties, notamment sur les retombées économiques. Si on veut des emplois sécurisés, alors c'est normal d'être évalués. C'est normal que le gouvernement et l'État aient le contrôle du robinet de pognon, c'est normal que la politique de la recherche dépende du résultat des élections. Ça ne fait pas forcément plaisir, mais c'est normal.
L'argument est en effet paradoxal, et traduit aussi des désaccords profonds dans les différentes communautés scientifiques.
Il est de notoriété publique que l'évaluation des projets et des bilans scientifiques sont extrêmement complexes. Bon, pour les projets, c'est même objectivement impossible, puisqu'en recherche fondamentale, il est évident qu'on ne peut pas savoir a priori si une expérience va fonctionner, puisque savoir si ça fonctionne est le but même du projet. On ne peut donc évaluer que l'intérêt d'avoir une réponse à cette question (quelle que soit la question).
Pour les bilans, c'est plus discutable. En fait, il y a une pression très forte des institutions et des citoyens pour une transparence et une évaluation des dépenses publiques, et l'évaluation bureaucratique de la recherche est une réponse à cette question. Le problème c'est que là encore l'évaluation est complexe. Soit elle est objectivée par des indicateurs chiffrés (nombre de publications, de brevets, d'étudiants formés, etc), avec les objections classiques liées à la manipulation des indicateurs, soit elle est confiée à des pairs spécialistes du domaine, en devenant par là-même plus subjective et plus coûteuse pour la communauté (puisque ça mobilise du temps d'expertise qui pourrait être destiné à la recherche). La situation actuelle est mixte; les chercheurs et les unités de recherche sont évalués par des experts sur la base de dossiers qui compilent les fameux indicateurs.
Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que la génération de chercheurs qui occupent actuellement les postes à responsabilité dans la recherche publique est une génération qui a justifié son succès scientifique par ces indicateurs bureaucratiques (et par leur succès aux appels à projets). Il semble donc assez illusoire d'imaginer qu'ils abandonnent facilement les indicateurs chiffrés alors même qu'ils leur doivent leur position sociale!
Pour moi, poser cette question comme une question de principe est un mensonge bienveillant, basé sur la légende du chercheur de génie qui ne saurait pas publier. Comme partout, une telle situation n'est pas logiquement impossible et on pourrait forcément trouver quelques exemples statistiquement rares (par exemple en mathématiques, qui a tendance à favoriser les traits de personnalité inhabituels), mais à mon avis c'est une mauvaise perspective. Ce qui se passe, c'est qu'un bon chercheur bien implanté dans sa discipline, reconnu par ses collaborateurs et à l'international, n'a absolument aucun mal à optimiser ses indicateurs chiffrés. La réelle question c'est plutôt si c'est un bon calcul d'utiliser son expertise ou son énergie à des tâches plutôt formelles au détriment de sa créativité scientifique. A contrario, les mauvais chercheurs sont peu productifs dans tous les domaines. Ce n'est malheureusement pas des vases communicants, les problèmes sont en général assez liés et finissent par créer des cercles vicieux (mauvaise recherche -> peu de résultats intéressants -> peu de publications -> peu de financements). Ces cercles vicieux sont vécus comme des injustices par les intéressés, mais au final rien n'indique que les indicateurs de productivité ne reflètent pas la qualité des résultats scientifiques obtenus (hors fraude scientifique, évidemment).
Tout ça pour dire qu'on peut admettre l'imperfection des indicateurs bibliométriques sans verser dans l'idée qui me semble assez absurde que l'absence de publication pourrait être interprétée comme un signe positif. Le problème de l'évaluation bibliométrique n'est pas qu'elle classe mal (parce qu'en fait elle classe plutôt bien), mais c'est qu'elle détourne les ressources vers l'optimisation du critère, ce qui n'est pas forcément souhaitable.
Le lien pointe vers toute une catégorie. Vu le titre, je suppose que le lien devrait pointer vers le billet qui est pour le moment tout en haut : https://rogueesr.fr/debout-pour-les-sciences/.
# L’imprégnation des esprits ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 3 (+1/-0).
Amusant de remarquer comme d’une phrase à l’autre cette brève transite d’une critique virulente à une forme de suivisme : ne devrait-on pas s’enorgueillir que les ruines fumantes de nos institutions nous permettent partiellement de résister aux dictats de l’évaluation par analyse bibliométrique ? Et qu’un peu moins qu’ailleurs les milieux universitaires ont cédé aux sirènes du noircissement de papier.
« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par Pol' uX (site web personnel) . Évalué à 2 (+1/-1).
Il faudrait voir quelle réalité la politique de la recherche dément tellement.
Adhérer à l'April, ça vous tente ?
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par orfenor . Évalué à 3 (+1/-0).
Le temps disponible pour chercher ? (mais je ne suis pas certain d'avoir compris ce à quoi tu fais allusion)
La bureaucratisation est un mouvement plus ancien que 15 ans. Mon père chercheur s'en plaignait déjà il y a 30 ans. La "paperasse" le privait d'un temps considérable, alors que dans les années 80 ce n'était pas le cas.
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par Pol' uX (site web personnel) . Évalué à 4 (+2/-0).
Non je fais simplement allusion à la politique de démantèlement de la recherche. Un exemple ici avec les effectifs CNRS mis au concours, mais les autres EPST ne sont pas mieux traités. Et je ne parles pas de la situation de l'enseignement supérieur…
Adhérer à l'April, ça vous tente ?
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par arnaudus . Évalué à 0 (+0/-3).
Une chose quand même: il y a quelque chose qui est factuellement faux dans ce lien; les auteurs ne pouvaient pas savoir sans connaître les arcanes du CNRS, mais ça prouve quand même qu'ils racontent n'importe quoi parce qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent : les 13 postes de directeur de recherche affiliés à la section "Gestion de la recherche" en 2021 ne sont absolument pas destinés à des fonctions bureaucratiques, il s'agissait de postes mis en réserve pour des recrutements au niveau DR dans les sections (en fait c'est un bricolage technique pour contourner une rigidité administrative).
Donc oui, c'est un fait, la recherche publique recrute de moins en moins, c'est contesté en interne parce que les chercheurs pensent que la recherche devrait être mieux financée, et c'est un arbitrage budgétaire assumé par les gouvernements. Il n'y a pas de "scandale" à proprement parler, c'est une question politique (donc débat public, élections, etc).
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par Pol' uX (site web personnel) . Évalué à 5 (+3/-0).
Je ne crois pas que quiconque crie au scandale. La France s'est engagée de longue date à 3% de PIB dans la recherche. Engagement jamais tenu. Depuis 25 ans elle démantèle lentement ses institutions de recherche. Aujourd'hui et depuis plusieurs années elle décroche dans les classements. C'est juste une rapide mise en perspective.
Adhérer à l'April, ça vous tente ?
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par arnaudus . Évalué à 0 (+0/-3).
Note que les 3% du PIB c'est pour la recherche totale (publique + privée). Quand tu regardes les statistiques au niveau Européen, la recherche publique en France est à peu près au niveau des autres pays (pas au-dessus, on est bien d'accord, 0.8% à 0.9% du PIB), c'est la recherche privée qui est en retard, malgré le CIR et les cadeaux fiscaux.
Pas toutes, et c'est caricatural de parler de démantèlement. La France a plein de problèmes avec ses institutions de recherche publiques, à la fois pratiques et idéologiques. Elle n'arrive pas à financer ses universités, elle n'arrive pas à leur donner le rôle qu'elles devraient avoir par rapport aux écoles d'ingénieur, elle n'arrive pas à décider quoi faire avec les what millions d'universités dans les villes moyennes qui ne pourront jamais mener une recherche efficace, elle n'arrive pas à intégrer les docteurs à la place qui leur revient sur le marché du travail, elle n'arrive pas à donner une ligne claire au CNRS, elle n'arrive pas à gérer la masse salariale (les chercheurs coûtent trop cher mais sont trop mal payés), ni la pyramide des âges (avec les décalages des départs en retraite), ni les carrières complexes (impossible de recruter un fonctionnaire après 40 ans), elle n'arrive pas à gérer l'enfer bureaucratique qu'elle a elle-même crée, elle n'arrive pas à simplifier le mille-feuille administratif, son traitement des fraudes scientifiques est moyen-âgeux, il n'y a aucun traitement des conflits d'intérêt… Il y a plein de problèmes dans la recherche, mais globalement, les indicateurs ne sont pas mauvais. La productivité est correcte, la formation universitaire est de bon niveau, certaines institutions phares sont très visibles, certaines disciplines (maths, pĥysique) sont à la pointe, les conditions de travail pour les chercheurs sont assez attractives pour les étrangers, on sort assez efficacement de la culture du mandarinat (notamment par l'attribution directe des financements aux chercheurs sans passer par les directeurs de labo), il y a en France des équipements de pointe et des projets d'équipements de pointe (surtout pour les physiciens, qui raffolent de ces gros équipements qui coûtent des milliards et que les politiques aiment bien inaugurer)… Bien sûr, quand un secteur comme ça évolue, il y a des perdants, des unités qui disparaissent, des secteurs peu performants qui sont abandonnés ou restructurés, ou redirigés vers des occuppations plus visibles (recherche appliquée, enseignement…), puisqu'une réforme à budget stable (ou en légère décroissance) ne va pas bénéficier à tout le monde. Dans tous les cas, l'idée d'une recherche publique "démantelée" me semble mal refléter la situation générale; si tu fais de la phyisque des particules ou de l'algorithmique en IA dans un grand établissement, tu n'es pas du tout démantelé. Si tu fais des sciences sociales à l'université de Trifouillis les Oies, par contre, oui, là c'est sûr que tu es démantelé.
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4 (+1/-0).
Qu'est-ce qui te fait dire qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent (ils ou elles) ? Tu as regardé qui est derrière le site ? Allez, je t'aide :
C'est écrit là. J'ai eu d'ailleurs vent de cet article par des chercheuses et des chercheuses sur Mastodon, sûrement des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent.
Ce qui m'intéresserait bigrement ce serait de savoir quelles sont tes compétences qui te font dire que ces personnes ne savent pas de quoi elles parlent.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par arnaudus . Évalué à 4 (+1/-0).
J'ai été très explicite : s'ils n'étaient pas au courant de la réservation des postes DR en CID 50 en 2021, c'est qu'ils n'étaient pas au fait de la manière dont les concours avaient été organisés cette année-là. Aller raconter "ahlala c'est un scandale on recrute des bureaucrates", c'est vraiment à côté de la plaque.
À ton avis?
Le problème, ça n'est pas de ne pas comprendre les rouages techniques des recrutements dans les EPST, parce que c'est très compliqué sans être à l'intérieur. Le problème, c'est de l'ouvrir et de se scandaliser sans avoir compris qu'il n'y avait aucune raison à se scandaliser. Ça ne défend pas du tout la recherche publique.
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par Pol' uX (site web personnel) . Évalué à 4 (+2/-0).
Tu ergotes sur un micro-détail qui a été pris en compte par les gens que tu critiques et qui ont fait leur mea culpa à ce sujet. C'est quoi le but ? Jeter à la poubelle la conclusion parce que parmi les milliers de postes disparus il y en a 13 de mal comptabilisés ?
Adhérer à l'April, ça vous tente ?
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par arnaudus . Évalué à 4 (+2/-1).
Mais non, mais c'est juste que je ne vois pas l'intérêt de s'offusquer pour le principe. À qui s'adressent ces documents? Les graphiques illustrent des choses qu'on sait très bien, mais ils les illustrent d'une manière que je ne trouve pas informative, et ça me gonfle. On ne peut pas se prétendre scientifique le jour, et militant le soir, en partant du principe que la rigueur du raisonnement, ça ne vaut pas pour les activités militantes.
Si tu veux parler de l'effort de recherche, alors tu dois regarder l'évolution des équivalents temps plein ou de la masse salariale, pas des seuls recrutements. C'est complètement trivial, tu peux réduire tes recrutements tout en augmentant ta masse salariale, ça dépend de la pyramide des ages, qui reste très déséquilibrée au CNRS. En fonction de la succession des gouvernements, tu as eu une alternance de périodes fastes et moins fastes, et donc la masse salariale fait le yoyo en fonction des départs à la retraite.
Tu peux aussi considérer la totalité de la masse salariale, et pas seulement cette des fonctionnaires. Parce que tu peux très bien augmenter ton personnel sans ouvrir de concours de fonctionnaire. Évidemment, idéologiquement, tu peux trouver ça bien ou mal, mais la question est assez indépendante de l'investissement dans la recherche (à moins d'imaginer par essence qu'un fonctionnaire est un meilleur chercheur, ce qui reste quand même assez douteux). Ce que le graphique montre, ce n'est pas une diminution de l'investissement public dans la recherche, c'est un changement progressif de modèle, avec une baisse du recrutement des cadres (fonctionnaires) de la recherche, qui vont chacun devoir financer leurs équipes par d'autres moyens (appels à projets, partenariats). À comparer par exemple avec le budget de l'ANR https://anr.fr/fileadmin/documents/2024/page-budget-2023-fig1.jpg
Au fond, quelle est la raison du changement de modèle? Bon, c'est évidemment multifactoriel, mais c'est principalement parce que l'État n'a pas confiance dans l'efficacité du modèle "traditionnel" de la recherche française. Pour plein de raisons plus ou moins idéologiques ou plus ou moins objectives, mais en gros, l'idée c'est que l'argent public serait mieux dépensé dans des groupes de recherche temporaires qui se concentreraient sur un projet scientifique pendant 4 ou 5 ans avant d'être refondu avec des contours différents pour un autre projet. Les labos et instituts de recherche seraient les hôtes de ces projets et leurs fourniraient les moyens de travailler, mais sans autre politique de recherche que de favoriser l'épanouissement scientifique des chercheurs pendant le temps de leur projet.
Sans surprise, c'est déja comme ça que fonctionnent les instituts scientifiques qui sont sur le devant de la scène (institut Pasteur, collège de France, etc). De nombreux chercheurs qui ont une activité scientifique soutenue n'ont pas de problèmes majeurs à être financés et à recruter les membres de leurs équipes selon leurs besoins au fil de leurs projets; ils ont par contre besoin d'un environnement scientifique (administration, locaux) et d'un accès à des équipements parfois coûteux; les enseignant-chercheurs cherchent à se débarrasser de leurs charges d'enseignement en les "rachetant" grâce au budget des projets, etc. Ce que ne dit pas par exemple les graphiques de RoguESR, c'est quelle part des chercheurs recrutés au CNRS ont déja tout ou partie de leur salaire de jeune chercheur financé par une source extérieure (typiquement, contrat européen). Ça doit énormément dépendre des sections du CNRS, mais je pense que la norme s'établit autour de 50%. Ce modèle définit un statut du chercheur plus proche d'une profession libérale que d'un statut de fonctionnaire.
Je comprends les critiques du modèle "moderne" de la recherche, mais je ne comprends pas quel modèle on propose à la place. Un monde où on recrute toujours plus, où tout le monde a des crédits pour fonctionner, où la recherche n'est évaluée ni en terme de productivité, ni en terme de retombées pour la société, où la liberté académique est totale… En gros, il faudrait que ça soit les chercheurs qui aient le contrôle du robinet du pognon, et qu'ils n'aient pas de comptes à rendre, parce que leur statut garantirait automagiquement à la société que ce que le chercheur veut, c'est ce qui est bon pour la société. À part donner envie aux dirigeants de restreindre encore plus les marges de manœuvre, je ne vois pas ce que ça peut apporter.
Ça parait tellement caricatural que je trouve ça contre-productif. Si on veut la la liberté académique, alors c'est normal de devoir négocier avec la société. Si on veut plus de PIB vers la recherche, c'est normal qu'il y ait des contreparties, notamment sur les retombées économiques. Si on veut des emplois sécurisés, alors c'est normal d'être évalués. C'est normal que le gouvernement et l'État aient le contrôle du robinet de pognon, c'est normal que la politique de la recherche dépende du résultat des élections. Ça ne fait pas forcément plaisir, mais c'est normal.
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par Pol' uX (site web personnel) . Évalué à 2 (+0/-0).
https://www.youtube.com/watch?v=hfv2bIpbuTc
Adhérer à l'April, ça vous tente ?
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2 (+1/-2).
Effet Dunning-Kruger
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 2 (+0/-0).
Typique de la communauté de la simulation numérique :

« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: L’imprégnation des esprits ?
Posté par arnaudus . Évalué à 4 (+2/-1).
L'argument est en effet paradoxal, et traduit aussi des désaccords profonds dans les différentes communautés scientifiques.
Il est de notoriété publique que l'évaluation des projets et des bilans scientifiques sont extrêmement complexes. Bon, pour les projets, c'est même objectivement impossible, puisqu'en recherche fondamentale, il est évident qu'on ne peut pas savoir a priori si une expérience va fonctionner, puisque savoir si ça fonctionne est le but même du projet. On ne peut donc évaluer que l'intérêt d'avoir une réponse à cette question (quelle que soit la question).
Pour les bilans, c'est plus discutable. En fait, il y a une pression très forte des institutions et des citoyens pour une transparence et une évaluation des dépenses publiques, et l'évaluation bureaucratique de la recherche est une réponse à cette question. Le problème c'est que là encore l'évaluation est complexe. Soit elle est objectivée par des indicateurs chiffrés (nombre de publications, de brevets, d'étudiants formés, etc), avec les objections classiques liées à la manipulation des indicateurs, soit elle est confiée à des pairs spécialistes du domaine, en devenant par là-même plus subjective et plus coûteuse pour la communauté (puisque ça mobilise du temps d'expertise qui pourrait être destiné à la recherche). La situation actuelle est mixte; les chercheurs et les unités de recherche sont évalués par des experts sur la base de dossiers qui compilent les fameux indicateurs.
Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que la génération de chercheurs qui occupent actuellement les postes à responsabilité dans la recherche publique est une génération qui a justifié son succès scientifique par ces indicateurs bureaucratiques (et par leur succès aux appels à projets). Il semble donc assez illusoire d'imaginer qu'ils abandonnent facilement les indicateurs chiffrés alors même qu'ils leur doivent leur position sociale!
Pour moi, poser cette question comme une question de principe est un mensonge bienveillant, basé sur la légende du chercheur de génie qui ne saurait pas publier. Comme partout, une telle situation n'est pas logiquement impossible et on pourrait forcément trouver quelques exemples statistiquement rares (par exemple en mathématiques, qui a tendance à favoriser les traits de personnalité inhabituels), mais à mon avis c'est une mauvaise perspective. Ce qui se passe, c'est qu'un bon chercheur bien implanté dans sa discipline, reconnu par ses collaborateurs et à l'international, n'a absolument aucun mal à optimiser ses indicateurs chiffrés. La réelle question c'est plutôt si c'est un bon calcul d'utiliser son expertise ou son énergie à des tâches plutôt formelles au détriment de sa créativité scientifique. A contrario, les mauvais chercheurs sont peu productifs dans tous les domaines. Ce n'est malheureusement pas des vases communicants, les problèmes sont en général assez liés et finissent par créer des cercles vicieux (mauvaise recherche -> peu de résultats intéressants -> peu de publications -> peu de financements). Ces cercles vicieux sont vécus comme des injustices par les intéressés, mais au final rien n'indique que les indicateurs de productivité ne reflètent pas la qualité des résultats scientifiques obtenus (hors fraude scientifique, évidemment).
Tout ça pour dire qu'on peut admettre l'imperfection des indicateurs bibliométriques sans verser dans l'idée qui me semble assez absurde que l'absence de publication pourrait être interprétée comme un signe positif. Le problème de l'évaluation bibliométrique n'est pas qu'elle classe mal (parce qu'en fait elle classe plutôt bien), mais c'est qu'elle détourne les ressources vers l'optimisation du critère, ce qui n'est pas forcément souhaitable.
# Lien non durable
Posté par Clément V . Évalué à 4 (+3/-0).
Le lien pointe vers toute une catégorie. Vu le titre, je suppose que le lien devrait pointer vers le billet qui est pour le moment tout en haut : https://rogueesr.fr/debout-pour-les-sciences/.
[^] # Re: Lien non durable
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4 (+1/-0).
Merci, corrigé.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
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